legatus, s. m. (Jurisprudence) légat du pape ou du saint siege, est un ecclésiastique qui fait les fonctions de vicaire du pape, et qui exerce sa juridiction dans les lieux où le pape ne peut se trouver.

Le pape donne quelquefois le pouvoir de légat sans en conférer le titre ni la dignité.

Le titre de légat parait emprunté du droit romain, suivant lequel on appelait légats les personnes que l'empereur ou les premiers magistrats envoyaient dans les provinces pour y exercer en leur nom la juridiction. Quand ces légats ou vicaires étaient tirés de la cour de l'empereur, on les nommait missi de latère, d'où il parait que l'on a aussi emprunté le titre de légats à latère.

Les premiers légats du pape dont l'histoire ecclésiastique fasse mention, sont ceux que les papes envoyèrent, dès le iv. siècle, aux conciles généraux. Vitus et Vincent, prêtres, assistèrent au concîle de Nicée comme légats du pape Sylvestre. Le pape Jules ne pouvant assister en personne au concîle de Sardique, y envoya à sa place deux prêtres et un diacre. Au concîle de Milan le pape Tibere envoya trois légats ; Lucifer, évêque de Cagliari ; Pancrace, prêtre ; et Hilaire, diacre.

Au sixième concîle de Carthage, tenu en 419 sous le pape Boniface, assistèrent les légats qui avaient été envoyés dès l'année précédente par le pape Zozime, son prédécesseur, pour instruire l'affaire d'Apiarius, prêtre de la ville de Sicque en Mauritanie, lequel ayant été excommunié par Urbain, son évêque, s'était pourvu devant le pape. Ces légats étaient chargés d'une instruction qui contenait plusieurs chefs qui furent contestés par les évêques d'Afrique, savoir celui qui concernait les appelations des évêques à Rome, et celui qui voulait que les causes des clercs fussent portées devant les évêques voisins, en cas que leur évêque les eut excommuniés mal-à-propos.

S. Cyrille vint au concîle d'Ephese en 431 à la place de Célestin. Il y eut aussi des légats envoyés par le pape S. Léon au faux concîle d'Ephese en 449. Les légats voulurent y faire la lecture de la lettre dont ils étaient chargés pour le concile, mais cette assemblée séditieuse, où tout se passa contre les règles, n'eut point d'égard à la demande des légats. Pascalin et Lucentius, avec deux autres ecclésiastiques, présidèrent pour le pape Léon au concîle de Chalcédoine en 451.

Les papes envoyaient quelquefois des évêques et même de simples prêtres dans les provinces éloignées, pour examiner ce qui s'y passait de contraire à la discipline ecclésiastique, et leur en faire leur rapport. Ce fut ainsi que le pape Zozime envoya l'évêque Faustin en Afrique pour y faire recevoir le decret du concîle de Sardique, touchant la révision du procès des évêques jugés par le concîle provincial. Les Africains se récrièrent, disant qu'ils n'avaient Ve aucun canon qui permit au pape d'envoyer des légats à sanctitatis suae latère ; néanmoins l'évêque Potentius fut encore délégué en Afrique pour examiner la discipline de cette église et la réformer.

Les légats envoyés par le pape Félix à Constantinople en 484 pour travailler à la réunion, ayant communiqué, malgré sa défense, avec Acace et Pierre Monge, tous deux successivement patriarches de Constantinople, le pape à leur retour les déposa dans un concile. Il y eut en 517 une seconde légation à Constantinople aussi malheureuse que la première. La troisième légation, faite en 519, eut enfin un heureux succès, et fit cesser le schisme qui séparait l'église de Constantinople de celle de Rome depuis la condamnation d'Acace.

Au concîle de Constantinople tenu en l'an 680, les légats furent assis à la gauche de l'empereur, qui était la place la plus honorable : ce furent eux qui firent l'ouverture du concile.

On trouve dès l'an 683 des légats ordinaires ; le pape Léon envoya cette année à Constantinople Constantin, soudiacre régionnaire du saint siège, pour y résider en qualité de légat.

Les légats extraordinaires dont la mission se bornait à un seul objet particulier, n'avaient aussi qu'un pouvoir très-limité.

Ceux qui avaient des légations ordinaires ou vicariats apostoliques, avaient un pouvoir beaucoup plus étendu ; l'évêque de Thessalonique, en qualité de légat ou vicaire du saint siege, gouvernait onze provinces, confirmait les métropolitains, assemblait les conciles, et décidait toutes les causes majeures. Le ressort de ce légat fut fort resserré lorsque Justinien obtint du pape Vigîle un vicariat du saint siège pour l'évêque d'Acride ; ce vicariat fut ensuite supprimé lorsque Léon l'Isaurien soumit l'Illyrie au patriarche d'Antioche.

Le pape Symmaque accorda de même à S. Cesaire, archevêque d'Arles, la qualité de vicaire et l'autorité de la légation sur toutes les Gaules. Auxanius et Aurelien, tous deux archevêques de la même ville, obtinrent du pape Vigîle le même pouvoir ; il fut continué par Pélage I. à Sabandus, et par S. Grégoire à Vigile, sur tous les états du roi Childebert.

Les archevêques de Rheims prétendent que saint Remy a été établi vicaire apostolique sur tous les états de Clovis.

Les légations particulières étaient alors très-rares. S. Grégoire voulant réformer quelques abus dans les églises de France, pria la reine Brunehaut de permettre qu'il envoyât un légat pour assembler un concile, ce qui lui fut accordé.

On trouve aussi que S. Boniface étant en France avec la qualité de légat du saint siège, présida de même au concîle qui fut tenu pour la réformation de l'église gallicane.

Ceux que le pape Nicolas I. envoya en France du temps de Charles-le-Chauve, parurent avec une autorité beaucoup plus grande que ceux qui les avaient précédés. Ce pape leur permit de décider toutes les affaires de l'église de France, après néanmoins qu'ils auraient communiqué leur pouvoir à Charles-le-Chauve ; il leur ordonna de renvoyer les questions les plus difficiles au saint siège, avec les actes de tout ce qu'ils auraient réglé de sa part.

A mesure que l'autorité des légats augmenta, on leur rendit aussi par-tout de plus grands honneurs : en effet, on voit que ceux que le pape Adrien II. envoya en 869 à Constantinople pour assister au concîle général, firent leur entrée dans cette ville le dimanche 25 Septembre, accompagnés de toutes les écoles ou compagnies des officiers du palais, qui allèrent au-devant d'eux jusqu'à la porte de la ville en chasubles ; ils étaient suivis de tout le peuple, qui portait des cierges et des flambeaux. L'empereur Basîle leur donna audience deux jours après, et se leva lorsqu'ils entrèrent ; ils étaient au nombre de trois, lesquels au concîle tinrent la première place : après eux étaient les légats des patriarches d'Orient. Trais années auparavant Photius supposant un concile, y avait fait de même assister les légats des patriarches d'Orient, croyant par-là donner à ce prétendu concîle plus d'authenticité.

On remarque aussi que le légat Frédéric, cardinal prêtre de l'Eglise romaine, lequel en 1001 présida au concîle de Polden, arriva en Allemagne revêtu des ornements du pape, avec les chevaux enharnachés d'écarlate, pour montrer qu'il le représentait.

Sous la troisième race de nos rais, l'autorité des légats fit tomber celle des métropolitains et des conciles provinciaux ; ils s'attribuaient le pouvoir de suspendre et de déposer les évêques, d'assembler les conciles dans l'étendue de leur légation, et d'y présider ; cependant les decrets du concîle que Grégoire VII. tint à Rome en 1074, ayant été portés en Allemagne par des légats qui demandèrent la liberté de tenir eux-mêmes un concîle ; les Allemands s'y opposèrent, déclarant qu'ils n'accorderaient jamais la prérogative de se laisser présider en concîle qu'au pape en personne. Les légats présidèrent pourtant depuis à divers conciles.

Les légats portèrent leurs prétentions jusqu'à soutenir, que leur suffrage contrebalançait seul celui de tous les évêques.

Dans la suite ils décidèrent presque tout par eux-mêmes, sans assembler de concîle ; et l'on voit que dès l'an 876, au concîle de Paris auquel assistèrent deux légats du pape avec 50 évêques français, il y eut plusieurs contestations touchant quelques prêtres de divers diocèses qui prétendaient s'adresser aux légats du pape, et reclamer la juridiction du saint siège.

Au concîle de Clermont, tenu en 1095, Adhemar évêque du Pui, fut choisi pour conduire les croisés avec les pouvoirs de légat ; de sorte qu'il fut le chef ecclésiastique de la croisade, comme Raimond comte de Toulouse, en fut le chef séculier. On nomma de même dans la suite d'autres légats, tant pour cette croisade, que pour les suivantes.

Les premiers légats n'exigeaient aucun droit dans les provinces de leur légation ; mais leurs successeurs ne furent pas si modérés. Grégoire VII. fit promettre à tous les métropolitains en leur donnant le pallium, qu'ils recevraient honorablement les légats du saint siège ; ce qui fut étendu à toutes les églises dont les légats tirèrent des sommes immenses. Quelque respect que S. Bernard eut pour tout ce qui avait quelque rapport avec le saint siège, il ne put s'empêcher, non plus que les autres auteurs de son temps, de se récrier contre les exactions et les autres excès des légats. Ces plaintes firent que les papes rendirent les légations moins fréquentes, voyant qu'elles s'avilissaient ; néanmoins ces derniers légats ont eu plus d'autorité par rapport aux bénéfices, que ceux qui les avaient précédés, attendu que les papes qui s'en étaient attribué la disposition par plusieurs voies différentes, au préjudice des collateurs ordinaires, donnèrent aux légats le pouvoir d'en disposer comme ils faisaient eux-mêmes.

On remarque que dès le XIIe siècle, on distinguait deux sortes de légats ; les uns étaient des évêques ou abbés du pays ; d'autres étaient envoyés de Rome ; les légats pris sur les lieux étaient aussi de deux sortes ; les uns établis par commission particulière du pape, les autres par la prérogative de leur siège, et ceux-ci se disaient légats nés, tels que les archevêques de Mayence et de Cantorbéry, etc.

Les légats envoyés de Rome se nommaient légats à latère, pour marquer que le pape les avait envoyés d'auprès de sa personne. Cette expression était tirée du concîle de Sardique en 347 ; nos rois donnaient aussi ce titre à ceux qu'ils détachaient d'auprès de leur personne, pour envoyer en différentes commissions, ainsi qu'on le peut voir dans Grégoire de Tours, liv. IV. ch. XIIIe et dans la vie de Louis-le-Débonnaire, qui a été ajoutée à la continuation d'Aimoin.

Les légats à latère tiennent le premier rang entre ceux qui sont honorés de la légation du saint siège ; suivant l'usage des derniers siècles, ce sont des cardinaux que le pape tire du sacré collège, qui est regardé comme son conseil ordinaire, pour les envoyer dans différents états avec la plénitude du pouvoir apostolique. Comme ils sont supérieurs aux autres en dignité, ils ont aussi un pouvoir beaucoup plus étendu, et singulièrement pour la collation des bénéfices, ainsi qu'il résulte du chapitre officii, de officio legati, in-4°.

Ceux qui sont honorés de la légation sans être cardinaux, sont les nonces et les internonces, lesquels exercent une juridiction dans quelques pays. Leurs pouvoirs sont moins étendus que ceux des légats cardinaux : on ajoute dans leurs facultés qu'ils sont envoyés avec une puissance pareille à celle des légats à latère, lorsqu'avant de partir ils ont touché le bout de la robe du pape, ou qu'ils ont reçu eux-mêmes leur ordre de la propre bouche de sa sainteté.

Les nonces n'exerçant en France aucune juridiction, on n'y reconnait de légats envoyés par les papes, que ceux qui ont la qualité de légats à latère.

Les légats nés sont des archevêques aux sièges desquels est attachée la qualité de légat du saint siège ; nous avons déjà parlé de ceux de Mayence et de Cantorbéry ; en France, les archevêques de Rheims et d'Arles prennent aussi ce titre ; ce qui vient de ce que leurs prédécesseurs ont été vicaires du saint siège. Saint Remy est le seul entre les archevêques de Rheims, qui ait eu cette dignité sur tout le royaume de Clovis. A l'égard des archevêques d'Arles, plusieurs d'entr'eux ont été successivement honorés de la légation. A présent ce n'est plus qu'un titre d'honneur pour ces deux prélats, et qui ne leur donne aucune prééminence, ni aucune fonction.

La légation des cardinaux donnant atteinte au droit des ordinaires, dont le roi est le protecteur, et attribuant une grande autorité à celui qui en est revêtu, le pape est obligé avant que d'envoyer un légat en France, de donner avis au roi de la légation, des motifs qui l'engagent à envoyer un légat, et de savoir du roi si la personne chargée de cet emploi, lui sera agréable.

Cet usage précieux est exprimé dans l'article 2. de nos libertés, qui porte que le pape n'envoye point en France de légats à latère, avec faculté de réformer, juger, conférer, dispenser, et telles autres qui ont accoutumé d'être spécifiées par les bulles de leur pouvoir, sinon à la postulation du roi très-chrétien, ou de son consentement.

Aussi n'a-t-on point reçu en France la constitution de Jean XXII. qui prétendait avoir le droit d'envoyer des légats quand il lui plairait dans tous les états catholiques sans la permission des souverains. On peut voir dans le chap. xxiij. des preuves de nos libertés, les permissions accordées par nos rois pour les légations depuis Philippe-le-Bel : ces papes eux-mêmes avaient observé d'obtenir cette permission sous la première race de nos rais. S. Grégoire qui était des plus attentifs à conserver les droits du saint siège, et même à les augmenter, voulant envoyer un légat en France, le proposa à la reine Brunehaut, et lui dit dans sa lettre ut personam, fi praecipitis, cum vestrae autoritatis assensu transmittamus.

Le légat arrivé en France avec la permission du roi, fait présenter au roi la bulle de sa légation contenant tous ses pouvoirs ; le roi donne des lettres-patentes sur cette bulle : ces deux pièces sont portées au parlement, lequel en enregistrant l'une et l'autre, met les modifications qu'il juge nécessaires pour la conservation des droits du roi, et des libertés de l'église gallicane.

Comme les papes ont toujours souffert impatiemment ces modifications, on ne les met point sur le repli des bulles, on y marque seulement qu'elles ont été vérifiées, et l'on fait savoir au légat par un acte particulier les modifications portées par l'arrêt d'enregistrement.

La bulle des facultés du légat doit être enregistrée dans tous les parlements sur lesquels doit s'étendre sa légation. Si la bulle ne faisait mention que de la France, la légation ne s'étendrait pas sur les archevêchés de Lyon, de Vienne, et de Besançon, parce que ces provinces étaient autrefois du royaume de Bourgogne, suivant le style ordinaire de Rome, qui ne change guère. Le légat n'exerce sa juridiction dans ces provinces, que quand la bulle porte in Franciam et adjacentes provincias.

Aussi-tôt que les légats ont reçu l'enregistrement de leurs bulles, ils promettent et jurent au roi par un écrit sous seing-privé, qu'ils ne prendront la qualité de légats, et n'en feront les fonctions, qu'autant qu'il plaira à Sa Majesté, qu'ils n'useront que des pouvoirs que le roi a autorisés, et qu'ils ne feront rien contre les saints decrets reçus en France, ni contre les libertés de l'église gallicane.

Le légat, en signe de sa juridiction, fait porter devant lui sa croix levée ; en Italie, il la fait porter dès qu'il est sorti de la ville de Rome ; mais lorsqu'il arrive en France, il est obligé de la quitter, et ne la peut reprendre qu'après la vérification de ses bulles, et la promesse faite au roi de se conformer aux usages de France. Louis XI. fit ajouter aux modifications des pouvoirs du cardinal de S. Pierre-aux-liens, qu'il ne pourrait faire porter sa croix haute en présence du roi.

Il est d'usage en France, lorsque le légat entre dans quelque ville de sa légation, de lui faire une entrée solennelle. Lorsque le cardinal d'Ambaise entra à Paris comme légat, le corps de ville et les députés des cours souveraines allèrent au-devant de lui ; on lui donna le dais à la porte, comme on fit depuis en 1664 au cardinal Chigi, neveu d'Alexandre VII.

Les prétentions des légats vont jusqu'à soutenir que le roi doit les visiter avant qu'ils fassent leur entrée dans Paris. Cette prétention ne parait appuyée que sur ce que Henri IV. alla à Chartres au-devant du cardinal de Médicis ; mais tout le monde sait que le roi fit ce voyage sur des chevaux de poste, sans être accompagné, et qu'il s'y trouva incognito ; ce qu'il n'aurait pas fait si c'eut été un devoir de bienséance. Ce prince ne rendit point de pareille visite au cardinal Aldobrandin, neveu de Clément VIII. ni ses successeurs aux autres légats.

Henri IV. envoya le prince de Condé, encore enfant, au devant du cardinal de Médicis ; ce qui pouvait passer pour une action sans conséquence, et pour une simple curiosité d'enfant, que l'on veut faire paraitre dans une action d'éclat : cependant la cour de Rome, qui tire avantage de tout, a pris de-là occasion d'exiger le même honneur pour les autres légats.

En effet, depuis ce temps il n'y a eu aucune entrée de légat qui n'ait été honorée de la présence de quelque prince du sang. Louis XIII. envoya le duc d'Orléans son frère au-devant du cardinal Barberin ; le prince de Condé et le duc d'Enguien son fils furent envoyés au-devant du cardinal Chigi, qui est le dernier légat que l'on ait Ve en France. Cette légation fut faite en exécution du traité conclu à Pise le 12 Janvier 1664 ; la mission du légat était de faire au roi des excuses de l'insulte qui avait été faite par les Corses à M. de Créqui, son ambassadeur à Rome.

Les archevêques, les primats, et même ceux qui ont le titre de légats nés du saint siège, ne portent point la croix haute en présence du légat à latère ; ce qu'ils observent ainsi par respect pour celui qui représente la personne du pape.

Les légats prétendent que les évêques ne doivent point porter devant eux le camail et le rochet ; cependant les évêques qui accompagnaient le cardinal Chigi à son entrée, portaient tous le rochet, le camail et le chapeau verd, que l'on regarde en Italie comme des ornements épiscopaux.

Quoique le pape donne aux légats à latère une plénitude de puissance, ils sont néanmoins toujours regardés comme des vicaires du saint siège, et ne peuvent rien décider sur certaines affaires importantes sans un pouvoir spécial exprimé dans les bulles de leur légation ; telles sont les translations des évêques, les suppressions, les érections, les unions des évêchés, et les bulles des bénéfices consistoriaux dont la collation est expressément réservée à la personne du pape par le concordat.

Lorsqu'une affaire, qui était de la compétence du légat, est portée au pape, soit que le légat l'ait lui-même envoyée, ou que les parties se soient adressées directement au saint siège, le légat ne peut plus en connaître, à peine de nullité.

Le pouvoir général que le pape donne à ses légats dans un pays, n'empêche pas qu'il ne puisse ensuite adresser à quelqu'autre personne une commission particulière pour une certaine affaire.

La puissance du légat ne peut pas être plus étendue que celle du pape ; ainsi il n'a aucun pouvoir direct ni indirect sur le temporel des rais, et ne peut délier leurs sujets du serment de fidélité ; il ne peut décider les contestations d'entre les séculiers pour les affaires qui regardent leur bien ou leur honneur ; juger le possessoire des bénéfices, donner des dispenses aux batards pour les effets civils, connaître du crime de faux et d'usure entre les laïcs, de la séparation de biens d'entre mari et femme, ni de ce qui regarde la dot, le douaire, et autres reprises et conventions matrimoniales, faire payer des amendes pour les crimes et délits, même ecclésiastiques, accorder des lettres de restitution en entier, ni restituer contre l'infamie.

Son pouvoir, par rapport au spirituel, doit aussi être tempéré par les saints decrets qui sont reçus dans le royaume ; d'où il suit qu'il ne peut constituer des pensions sur les bénéfices que pour le bien de la paix, en cas de permutation ou de résignation en faveur ; permettre de réserver tous les fruits des bénéfices au lieu de pension ; déroger à la règle de publicandis resignationibus, et à celle de verisimili notitia.

Il ne peut pareillement, lorsqu'il confère des bénéfices, ordonner que l'on ajoutera foi à ses provisions sans que l'on soit obligé de rapporter les procurations pour résigner ou pour permuter ; conférer les bénéfices électifs, dans l'élection desquels on suit la forme du chapitre quia propter ; créer des chanoines avec attribution des premières prébendes vacantes ; déroger aux fondations des églises, etc.

Le légat a latère peut conférer les bénéfices vacans par une démission pure et simple faite entre ses mains sur une permutation, et ceux qui vaquent par dévolution, par la négligence d'un collateur qui relève immédiatement du saint siège.

Ceux qui demandent au légat des provisions de quelque bénéfice, sont obligés d'énoncer dans leur supplique tous les bénéfices dont ils sont titulaires, à peine de nullité des provisions, de même que dans les signatures obtenues en cour de Rome.

Le légat doit, aussi-bien que le pape, conférer les bénéfices à ceux qui les requièrent du jour qu'ils ont obtenu une date : en cas de refus de la part du légat, le parlement permet de prendre possession civile, même d'obtenir des provisions de l'évêque diocésain, qui ont la même date que la réquisition faite au légat.

Les expéditionnaires en cour de Rome ont aussi seuls droit de solliciter les expéditions des légations. Il faut que les dataires, registrateurs et autres expéditionnaires de la légation, soient nés français, ou naturalisés.

La faculté de conférer les bénéfices par prévention dépouillant les collateurs ordinaires, et n'étant accordée qu'au pape par le concordat, on a rarement consenti en France que les légats usassent de ce droit ; et quand les papes le leur ont accordé, les parlements ont ordinairement modifié cet article, ou même l'ont absolument retranché. Le vicelégat d'Avignon prévient pourtant les collateurs ordinaires ; c'est une tolérance que l'on a pour lui depuis longtemps dans les provinces de sa vice-légation.

Les résignations en faveur n'étant guère moins contraires au droit canonique que la prévention, on ne souffre pas non-plus ordinairement en France que les légats les admettent.

Les réserves générales et particulières des bénéfices ne sont point permises au légat à latère non-plus qu'au pape ; il ne peut non-plus rien faire au préjudice du droit de régale, du patronage laïc, de l'indult du parlement, et des autres expectatives qui sont reçues dans le royaume.

Le légat à latère ne peut députer vicaires ou subdélégués pour l'exercice de sa légation, sans le consentement exprès du roi. Il est tenu d'exercer lui-même son pouvoir tant qu'il dure.

Il ne peut cependant, non plus que le pape, connaître par lui-même des affaires contentieuses ; mais il peut nommer des juges délégués in partibus pour décider les appelations des sentences rendues par les supérieurs ecclésiastiques qui relèvent immédiatement du saint siege. Ces juges délégués ne doivent point connaître en première instance des affaires dont le jugement appartient aux ordinaires, ni des appelations, avant que l'on ait épuisé tous les degrés de la juridiction ecclésiastique qui sont au-dessous de celle du pape.

Les légats ne peuvent pas changer l'ordre de la juridiction ordinaire, ni adresser la commission pour donner le visa à d'autres qu'à l'évêque diocésain ou à son grand-vicaire, ni commettre la fulmination des bulles, et dispenser à d'autres qu'à l'official qui en doit connaître.

Les règlements faits par un légat pendant le temps de sa légation, doivent continuer d'être exécutés, même après sa légation finie, pourvu qu'ils aient été revêtus de lettres-patentes vérifiées par les parlements.

Dès qu'un légat n'est plus dans le royaume, il ne peut plus conférer les bénéfices ni faire aucun autre acte de juridiction, quand même le temps de sa légation ne serait pas encore expiré.

La légation finit par la mort du légat, ou avec le temps fixé pour l'exercice de sa légation par les lettres-patentes et arrêt d'enregistrement, ou quand le roi lui a fait signifier sa révocation, au cas que les lettres-patentes et arrêt d'enregistrement n'eussent pas fixé le temps de la légation. Les bulles du légat portent ordinairement que la légation durera tant qu'il plaira au pape ; mais ces légations indéfinies ne sont point admises en France : c'est pourquoi l'on fait promettre aux légats, avant d'exercer leur légation, qu'ils ne se serviront de leur pouvoir qu'autant qu'il plaira au roi.

C'est une question assez controversée de savoir si la légation finit par la mort du pape : cependant comme l'autorité des légats donne atteinte à celle des ordinaires qui est favorable, dans le doute on doit tenir que la légation est finie.

Quelquefois après la légation finie, le pape accorde une prorogation ; mais ces bulles sont sujettes aux mêmes formalités que les premières, et les mêmes modifications y ont lieu de droit.

Lorsque le légat sort du royaume, il doit y laisser les registres de sa légation, et en remettre les sceaux à une personne nommée par le roi, qui en expédie les actes à ceux qui en ont besoin. Les deniers provenans de ces expéditions sont employés à des œuvres de piété, suivant qu'il est réglé par le roi. Si le légat ne laissait pas son sceau, le parlement commet une personne pour sceller les expéditions d'un sceau destiné à cet usage.

Outre les légats à latère que le pape envoie extraordinairement, selon les différentes occurrences, il y en a toujours un pour Avignon, qui exerce sa juridiction sur cette ville et sur le comté qui en dépend, et sur les provinces ecclésiastiques qui en dépendent. Cette commission est ordinairement donnée à un cardinal, qui a un subdélégué, connu sous le nom de vice-légat, lequel fait toutes les fonctions de cette légation.

Les facultés de quelques légats d'Avignon se sont aussi étendues sur la province de Narbonne ; mais ce n'a point été comme légats d'Avignon qu'ils y ont exercé leur pouvoir ; ç'a été en vertu de lettres-patentes, vérifiées au parlement de Toulouse, qui en contenaient une concession particulière : cette distinction est expliquée dans les lettres-patentes de Charles IX, du 6 Juin 1565, sur les bulles de la légation du cardinal de Bourbon, dont les facultés s'étendaient sur la province de Narbonne : elle se trouve aussi dans les lettres-patentes du 10 Mai 1624 sur les bulles du cardinal Barberin.

Ce légat est une espèce de gouverneur, établi au nom du pape pour la ville d'Avignon et les terres en dépendantes, qui ont été engagées au saint siège par une comtesse de Provence. Ce n'est que par une grâce spéciale que le roi consent que ce légat ou son vice-légat exercent leur juridiction spirituelle sur les archevêchés des provinces voisines que l'on vient de nommer.

Les provinces ecclésiastiques de France qui dépendent du légat d'Avignon, sont les archevêchés de Vienne, d'Arles, d'Embrun et d'Aix.

Il ne parait pas que les papes aient eu en la ville d'Avignon leurs légats ni vice-légats avant que Clément V. eut transféré son siège en cette ville en 1348 ; mais depuis qu'Urbain VI. eut remis à Rome le siège apostolique, les papes établirent à Avignon leurs officiers pour le gouvernement spirituel et temporel de cette ville et de ses dépendances, et du comté venaissin dont ils étaient en possession.

Il est assez difficîle de dire précisément quel était le pouvoir de ces officiers d'Avignon sous les premiers papes qui ont remis le saint siège à Rome, dans le gouvernement ecclésiastique de quelques provinces de France, et en quel temps leur autorité et qualité de légats et vice-légats y a été reconnue.

Quelques auteurs ont avancé qu'avant 1515 il n'y avait point de légats à Avignon ; que le cardinal de Clermont, archevêque d'Ausch, envoyé par le pape Léon X, est le premier qui ait eu cette qualité, et que le cardinal Farneze fut le second. Les lettres-patentes du roi François I, du 23 Février 1515, données sur les bulles de légation du cardinal de Clermont, et l'arrêt d'enregistrement, paraissent favoriser cette opinion : cependant cette époque de 1515 ne s'accorde pas avec les lettres-patentes d'Henri II. du mois de Septembre 1551, ni avec la requête des états de Provence, qui y est énoncée, sur laquelle ces lettres-patentes ont été accordées. Par ces lettres, registrées au parlement d'Aix, sa majesté permet à ses sujets de Provence de recourir pardevers le légat ou vice-légat d'Avignon pour en obtenir, dans les matières bénéficiales, les dispenses et dérogations à la règle des vingt jours.

Les légats et vice-légats d'Avignon sont obligés, avant que d'exercer leurs pouvoirs dans les provinces de France, d'obtenir des lettres-patentes sur les bulles de leur légation, et de les faire enregistrer dans tous les parlements sur lesquels s'étend leur légation.

On leur fait ordinairement promettre par écrit de ne rien faire contre les libertés de l'église gallicane, et de se soumettre aux modifications qui ont été apposées à leurs facultés par l'arrêt de vérification : chaque parlement a ses formes et ses usages pour ces sortes d'enregistrements et de modifications.

Les decrets des papes rapportés dans les decretales au titre de officio legati, n'ont pas prévu toutes les questions qui se présentent sur l'étendue du pouvoir des légats et vice-légats d'Avignon.

L'étendue de leurs facultés, suivant les maximes du royaume, dépend 1°. des clauses des bulles de leur légation ; 2°. de la disposition des lettres-patentes accordées par le roi sur ces bulles ; 3°. des modifications apposées par les arrêts d'enregistrement.

Les bulles de la légation du cardinal Farneze, légat d'Avignon en 1542, lui donnant le pouvoir d'user dans sa légation des facultés du grand-pénitencier de Rome, et cette clause ayant paru insolite au parlement d'Aix, il ne les enregistra qu'à la charge de rapporter dans trois mois les facultés du grand-pénitencier de Rome.

Le parlement de Toulouse, en enregistrant le 20 Aout 1565 les bulles de la légation d'Avignon, accordées au cardinal de Bourbon, mit les modifications suivantes : " Sans que ledit cardinal légat puisse procéder à la réformation ni mutation des statuts ou privilèges des églises de fondation royale, patronats ou autres, sans appeler le procureur général, les patrons, corps des universités, colléges et chapitres dont il traitera la réformation, ni procédant en icelle déroger aux fondations séculières.... ni user des facultés de légitimer bâtards, sinon pour être promus aux ordres sacrés, bénéfices et états d'église.... Ne pourra aussi donner permission d'aliéner biens-immeubles des églises pour quelque nécessité que ce sait, mais seulement donner rescrits et délégations aux sujets du roi pour connaître et délibérer desdites aliénations.... Ne pourra réserver aucunes pensions sur bénéfices, encore que ce soit du consentement des bénéficiers, sinon au profit des résignans.... ni déroger à la règle de verisimili notitiâ, ni à celle de publicandis resignationibus, ni autrement contrevenir aux droits et prérogatives du royaume, saints decrets, droits des universités, etc. "

On ne reconnait point en France que le légat d'Avignon puisse recevoir des résignations en faveur, mais on convient que la faculté de conférer sur une démission ou simple résignation ne lui est pas contestée.

Quoique les habitants d'Avignon soient réputés regnicoles, le vice-légat d'Avignon est réputé étranger : c'est pourquoi il peut fulminer les bulles expédiées en cour de Rome en faveur des Français.

De officio legati, voyez le décret de Gratien, Distinct. 1. c. ix. Dist. 63. c. Xe Dist. 94. et 97. 2. quest. 1. c. VIIe et quest. 5. c. VIIIe 3. quest. 6. c. Xe 11. quest. 1. c. xxxix. 25. quest. 1. c. Xe Extrav. 1. 30. sext. 1, 15. Extr. comm. 1 et 6.

Voyez aussi les libertés de l'église gallicane, les mémoires du clergé, la bibliot. du droit franç. et canoniq. par Donchal ; celle de Jovet ; le recueil de Tournet ; les défin. canoniq. le recueil de M. Charles-Emmanuel Borjon, tom. II. les lois ecclésiastiq. de d'Héricourt, part. I. tit. des légats ; le dictionn. de Jean Thaurnas, au mot légats ; M. de Marca, concordia sacerdotii et imperii. (A)

LEGAT, s. m. du latin legatum, (Jurisprudence) est la même chose que legs ; ce terme n'est usité que dans les pays de Droit écrit. Voyez LEGS. (A)