S. m. (Jurisprudence) est une séparation de corps et de biens des conjoints, qui opère tellement la dissolution de leur mariage, même valablement contracté, qu'il est libre à chacun d'eux de se remarier avec une autre personne.

Le divorce est certainement contraire à la première institution du mariage, qui de sa nature est indissoluble.

Nous lisons dans S. Matthieu, ch. xjx. que quand les Pharisiens demandèrent à J. C. s'il était permis pour quelque cause de renvoyer sa femme, J. C. leur répondit que celui qui avait créé l'homme et la femme, avait dit que l'homme quitterait son père et sa mère pour rester auprès de sa femme, qu'ils seraient deux en une même chair, en sorte qu'ils ne sont plus deux, mais une même chose ; et la décision prononcée par J. C. fut que l'homme ne doit pas séparer ce que Dieu a conjoint.

Le divorce était néanmoins permis chez les Payens et chez les Juifs. La loi de Moyse n'avait ordonné l'écriture que pour l'acte du divorce, lequel suivant S. Augustin, liv. XIX. ch. xxvj. contre Faustus, devait être écrit par un scribe ou écrivain public.

Les Pharisiens interrogeant J. C. lui demandèrent pourquoi Moyse avait permis au mari de donner le libelle de répudiation ou de divorce, et de renvoyer sa femme : à quoi J. C. leur répondit, que Moyse n'avait permis cela qu'à cause de la dureté du caractère de ce peuple : mais qu'il n'en était pas ainsi dans la première institution ; que celui qui renvoye sa femme pour quelque cause que ce sait, excepté pour fornication, et qui en épouse une autre, commet adultère ; et que celui qui épouse la femme ainsi répudiée, commet pareillement adultère.

La fornication même ou l'adultère de la femme n'est pas une cause de divorce proprement dit ; et s'il est dit que le mari dans ce cas peut renvoyer sa femme, cela ne signifie autre chose, sinon qu'il peut se séparer d'elle ou la faire enfermer, et non pas que le mariage soit annullé.

L'acte par lequel le mari déclarait qu'il entendait faire divorce, était appelé chez les Juifs libellus repudii. Ce terme était aussi usité chez les Romains, où le divorce était autorisé. Ils faisaient cependant quelque différence entre divortium et repudium : le divorce était l'acte par lequel les conjoints se séparaient ; au lieu que le repudium proprement dit s'appliquait plus particulièrement à l'acte par lequel le futur époux répudiait sa fiancée. Liv. II. ff. de divortiis.

Le divorce fut ainsi appelé, soit à diversitate mentium, ou plutôt parce que les conjoints in diversas partes ibant ; ce qui ne convenait pas à la fiancée qui ne demeurait pas encore avec son futur époux ; c'est pourquoi l'on se servait à son égard du terme repudium.

Cependant on joignait aussi fort souvent ces deux termes, divortium et repudium, comme on le voit au digeste de divortiis et repudiis : et ces termes ainsi conjoints n'étaient pas pour cela synonymes ; divortium était l'acte par lequel les conjoints se séparaient ; repudium était la renonciation qu'ils faisaient aux biens l'un de l'autre, de même que l'on se servait du terme de répudiation pour exprimer la renonciation à une hérédité.

On appelait aussi femme répudiée, celle que son mari avait renvoyée, pour dire qu'il y avait renoncé de même qu'à ses biens.

L'usage du divorce était fréquent dès le temps de l'ancien Droit romain ; il se faisait pour causes même légères, en envoyant ce que l'on appelait libellum repudii.

La formule ancienne du divorce ou repudium était en ces termes : tuas res tibi habeto, res tuas tibi capito.

Le mari était seul anciennement qui put provoquer le divorce, jusqu'à ce qu'il y eut une loi faite par Julien, qui supposa comme un principe certain que les femmes avaient aussi pouvoir de provoquer le divorce.

Quand cet acte venait de la femme, elle rendait les clés et retournait avec ses parents, comme on le voit dans l'ép. 65 de S. Ambraise : mulier offensa claves remisit, domum revertit.

L'auteur des questions sur l'ancien et le nouveau Testament, qu'on croit être Hilaire diacre contemporain de Julien l'apostat, a cru que les femmes n'avaient point ce pouvoir avant l'édit de Julien ; que depuis cet édit on en voyait tous les jours provoquer le divorce. Cet auteur est incertain si l'on doit attribuer l'édit en question à Julien l'apostat, ou plutôt au jurisconsulte Julien auteur de l'édit perpétuel, et qui vivait sous l'empereur Adrien.

Mais il parait que cette loi est celle du jurisconsulte Julien, qui est la sixième au digeste de divortiis, où il décide que les femmes dont les maris sont prisonniers chez les ennemis ne peuvent pas se marier avec d'autres, tant qu'il est certain que leurs maris sont vivants, nisi mallent ipsae mulieres causam repudii praestare.

Ce qui est certain, c'est que du temps de Marc-Aurele une femme chrétienne répudia hautement son mari, comme nous l'apprend S. Justin ; ce qui prouve que le divorce avait lieu alors entre les Chrétiens aussi-bien que chez les Payens.

Le divorce était donc permis chez les Romains.

Plutarque, dans ses questions romaines, prétend que Domitien fut le premier qui permit le divorce : mais on voit dans Aulugelle, liv. IV. ch. IIIe que le premier exemple du divorce est beaucoup plus ancien ; que ce fut Cartilius ou Canilius Ruga qui fit le premier divorce avec sa femme, parce qu'elle était stérîle ; ce qui arriva l'an 523, sous le consulat de M. Attilius et de P. Valérius. Il protesta devant les censeurs que quelqu'amour qu'il eut pour sa femme, il la quittait sans murmurer à cause de sa stérilité, préférant l'avantage de la république à sa satisfaction particulière.

Ce fut aussi depuis ce temps que l'on fit donner des cautions pour la restitution de la dot.

Le divorce était regardé chez les Romains comme une voie de droit, actus legitimus ; il pouvait se faire tant en présence qu'absence du conjoint que l'on voulait répudier. On pouvait répudier une femme furieuse, au lieu que celle-ci ne pouvait pas provoquer le divorce ; mais son père le pouvait faire pour elle : son curateur n'avait pas ce pouvoir.

Le libelle ou acte de divorce devait être fait en présence de sept témoins, qui fussent tous citoyens Romains.

Les causes pour lesquelles on pouvait provoquer le divorce, suivant le droit du digeste, étaient la captivité du mari, ou lorsqu'il était parti pour l'armée et que l'on était quatre ans sans en savoir de nouvelles, ou lorsqu'il entrait dans le sacerdoce : la vieillesse, la stérilité, les infirmités, étaient aussi des causes réciproques de divorce.

Les empereurs Alexandre, Sévère, Valerien et Galien, Dioclétien et Maximien, Constantin le grand, Théodose, et Valentinien, firent plusieurs lois touchant le divorce, qui sont insérées dans le code, et expriment plusieurs autres causes pour lesquelles le mari et la femme pouvaient respectivement provoquer le divorce.

De ces causes, les unes étaient réciproques entre le mari et la femme, d'autres étaient particulières contre la femme.

Les causes de divorce réciproques entre les deux conjoints, étaient le consentement mutuel du mari et de la femme, ou le consentement des père et mère d'une part, et des enfants de l'autre ; l'adultère du mari ou de la femme ; si l'un des conjoints avait battu l'autre ou attenté à sa vie ; l'homicide du mari ou de la femme ; l'impuissance naturelle, qui suivant l'ancien droit devait être éprouvée pendant deux ans, et suivant le nouveau droit pendant trois ; si l'un des conjoints attentait à la vie de l'autre ; le larcin de bétail, le plagiat, le vol des choses sacrées, et tout crime de larcin en général ; si le mari ou la femme retiraient des voleurs ; le crime de faux et de sacrilège ; la violation d'une sépulture ; le crime de poison ; le crime de lése-majesté ; une conspiration contre l'état.

A ces différentes causes l'empereur Justinien en ajouta encore plusieurs, telles que la profession religieuse et le vœu de chasteté, la longue absence ; si l'un des conjoints découvrait que l'autre fût de condition servile.

Justinien régla aussi que la détention du mari prisonnier chez les ennemis, ne pourrait donner lieu au divorce qu'au bout de cinq ans.

Les causes particulières contre la femme, étaient lorsqu'elle s'était fait avorter de dessein prémédité ; si durant le mariage elle cherchait à se procurer un autre mari ; si elle allait manger avec des hommes étrangers malgré son mari ; si elle avait le front d'aller dans un bain commun avec des hommes ; lorsqu'elle avait l'audace de porter la main sur son mari qui était innocent ; si contre les défenses de son mari elle passait la nuit hors de sa maison, ou si elle allait à des jeux publics.

Il n'était pas permis de répudier une femme sous prétexte qu'elle n'avait point apporté de dot, ou que la dot promise n'avait pas été payée : l'affranchie ne pouvait pas non plus demander le divorce malgré son patron ; les enfants même émancipés ne le pouvaient pas demander sans le consentement de leurs père et mère, ni les père et mère le faire malgré leurs enfants, sans une juste cause ; et en général toutes les fois que le divorce était fait en fraude d'un tiers, il était nul.

Lorsque le divorce était ordonné entre les conjoints, les enfants devaient être nourris aux dépens de celui qui avait donné lieu au divorce ; s'il n'était pas en état de le faire, l'autre conjoint devait y suppléer.

Si le divorce était demandé sans juste cause, on le regardait comme une injure grave faite à l'autre conjoint ; en haine de quoi celui qui avait demandé le divorce était obligé de réserver à ses enfants la propriété de tous les gains nuptiaux.

L'effet du divorce n'était pas de rendre le mariage nul et comme non avenu, mais de le dissoudre absolument pour l'avenir, en sorte qu'il était libre à chacun des conjoints de se remarier.

L'usage du divorce ayant été porté dans les Gaules par les Romains, il fut encore observé pendant quelque temps depuis l'établissement de la monarchie française : on en trouve plusieurs exemples chez nos rois de la première et de la seconde race.

Ce fut ainsi que Bissine ou Basine quitta le roi de Thuringe pour suivre Childéric qui l'épousa.

Cherebert, roi de Paris, répudia sa femme légitime.

Audovère, première femme légitime de Chilpéric roi de Saissons, fut chassée, parce qu'elle avait tenu son propre enfant sur les fonts de baptême.

Le moine Marculphe qui vivait vers l'an 660, et que l'on présume avoir été chapelain de nos rois avant de se retirer dans la solitude, nous a laissé dans son livre de formules celle des lettres que nos rois donnaient pour autoriser le libelle de divorce, où l'on insérait cette clause : atque ideo unus quisque ex ipsis sive ad servitium Dei, in monasterio aut copulae matrimonii sociare se voluerit, licentiam habeat. L. II. cap. xxx.

Le divorce fut encore pratiqué longtemps après, comme il parait par l'exemple de Charlemagne, qui répudia Théodore sa première femme, à cause qu'elle n'était pas chrétienne.

Le terme de divorce est aussi employé en plusieurs textes du droit canon ; mais il n'y est pris que pour la séparation à thoro, c'est-à-dire de corps et de biens, qui n'emporte pas la dissolution de mariage ; car l'Eglise n'a jamais approuvé le divorce proprement dit, qui est contraire au précepte, quod Deus conjunxit, homo non separet. Il est même dit dans le droit canon, que si les conjoints sont seulement séparés à thoro et habitatione, nulli ex conjugibus licet, quandiu alter vivit, de alio cogitare matrimonio ; quia vinculum conjugale manet, licet conjuges à thoro sejuncti sint. Can. fieri, can. placet, 32, quaest. 7.

Ainsi, suivant le droit canon que nous observons en cette partie, le mariage ne peut être dissous que par voie de nullité, ou par appel comme d'abus, auxquels cas on ne dissout point un mariage valablement contracté ; on déclare seulement qu'il n'y a point eu de mariage, ou ce qui est la même chose, que le prétendu mariage n'a point été valablement contracté, et conséquemment que c'est la même chose que s'il n'y avait point eu de mariage.

Lorsqu'on se sert parmi nous du terme de divorce ; on n'entend par-là autre chose que la mesintelligence qui peut survenir entre les conjoints, laquelle était autrefois une cause suffisante pour signifier le divorce ; au lieu que parmi nous, non-seulement il n'y a point de divorce proprement dit, mais la seule mesintelligence ne suffit pas pour donner lieu à la séparation de corps et de biens, il faut qu'il y ait de la part du mari des services et mauvais traitements ; et il y a cette différence entre le divorce proprement dit, et la séparation de corps et de biens, que le premier pouvait, comme on l'a dit, être provoqué par le mari ou la femme, et opérait la dissolution du mariage, tellement que chacun pouvait se marier ailleurs ; au lieu que la séparation de corps et de biens ne peut être demandée que par la femme, et n'opère point la dissolution du mariage.

Il y a encore des pays où le divorce se pratique, comme dans les états d'Allemagne de la confession d'Augsbourg. Voyez la loi 101. ff. de verborum signific. le titre de divortiis et repudiis au digeste ; celui de repudiis au code ; les novelles 22 et 117. le titre de divortiis au decret de Gratien ; Veselius de repudiis ; Pontas, au mot divorce, et aux mots répudiation et séparation. (A)