S. f. (Droit canonique) se prend ordinairement pour un jugement, par lequel on condamne quelque livre, quelque personne ; et plus particulièrement pour une réprimande faite par un supérieur ou une personne en autorité. (H)

CENSURES ECCLESIASTIQUES, sont des menaces publiques que l'Eglise fait, d'infliger les peines qu'on a encourues, pour avoir desobéi à ses ordres, ou plutôt encore ces peines ou ces punitions elles-mêmes. Le Droit canonique en reconnait de trois sortes, qui sont l'excommunication, la suspense, et l'interdit. Voyez chacun de ces mots à leur rang.

Jusqu'au temps de la prétendue réforme, les rois d'Angleterre ont été soumis aux censures de l'église de Rome : mais les François s'en sont toujours maintenus exempts. En effet il n'y a point d'exemple d'excommunication d'aucun roi de la première race, jusqu'à celle de Lothaire, par le pape Nicolas I. pour avoir répudié sa femme Tetberge ; c'est la première breche qui fut faite aux libertés de l'église Gallicane : cependant le pape n'osa hazarder son excommunication de sa propre autorité ; il la fit confirmer par l'assemblée des évêques de France.

Les autres papes ont pris dans la suite les mêmes précautions : mais depuis ce temps-là, les rois ont mieux soutenu leur privilège : car l'anti-pape Benait XIII. ayant prononcé des censures contre le roi Charles VI. et mis le royaume en interdit, le parlement de Paris, par arrêt de 1408, ordonna que la bulle fût lacérée. Jules II. ayant aussi lancé l'excommunication contre Louis XII. l'assemblée générale tenue à Tours censura les censures du pape. Voyez EXCOMMUNICATION.

Les Canonistes distinguent deux sortes de censures : l'une de droit, à jure, l'autre de fait ou par sentence, qu'ils appellent ab homine.

Les premières sont générales et perpétuelles : il n'en est pas de même des secondes ; mais aussi elles sont toujours réservées.

On divise les censures par rapport à l'effet qu'elles produisent, en celles qu'on appelle latae sententiae, et celles qu'on nomme ferendae sententiae ; c'est-à-dire en censures encourues par le seul fait, ipso facto, par vertu du jugement qui les a prononcées, sans qu'il soit besoin d'un nouveau ; et en censures comminatoires, qui ne s'encourent pas sans une nouvelle sentence du juge.

Il n'y a que les supérieurs ecclésiastiques qui jouissent de la juridiction extérieure, qui puissent porter des censures ; ainsi les curés n'ont pas ce droit. (H)

CENSURE de livres ou de propositions, c'est une note ou une qualification, qu'on donne à tout ce qui blesse la vérité, soit dans un livre, soit dans une proposition. La vérité, si on en peut parler ainsi, est une fleur tendre ; on n'y peut toucher qu'on ne l'altère et qu'on n'en ternisse l'éclat. La note dont on marque un livre ou une proposition, est d'autant plus flétrissante, que l'une ou l'autre s'éloigne plus de la vérité ; car il y a différentes nuances dans l'erreur. La note de l'hérésie est la plus infamante de toutes ; parce que l'hérésie est de toutes les erreurs celle qui s'éloigne le plus de la vérité. En effet, elle contredit formellement l'expresse parole de Dieu, et se révolte contre l'autorité de l'Eglise qui l'interprete ; la flétrissure de l'erreur est moins forte que celle qui lance l'anathème contre l'hérésie. Comme la vérité que l'erreur attaque est en partie fondée sur l'Ecriture, et en partie sur la raison, son crime est moindre, parce qu'elle se révolte moins directement contre l'autorité de Dieu. On note comme sentant l'hérésie, tout livre ou toute proposition qui présente d'abord à l'esprit un sens hérétique, quoique l'un ou l'autre ait un sens plus caché qui renferme la vérité. Il y a beaucoup d'analogie entre ce qui sent l'hérésie, et ce qui est captieux ; elle est la même que celle qui se trouve entre l'hérésie et l'erreur. Ainsi toute proposition chargée de termes compliqués, obscurs et embarrassés, est ou captieuse ou sentant l'hérésie ; captieuse, si c'est seulement une erreur qu'elle insinue ; sentant l'hérésie, si c'est une hérésie qu'elle présente d'une manière indirecte. Il n'est pas aisé d'assigner les limites qui séparent une proposition mal sonnante dans la foi d'avec celle qui sent l'hérésie : peut-être que toute la malignité de l'une consiste dans les termes durs qui énoncent une vérité, et qui la rendent odieuse à ceux qui l'écoutent ; tandis que la malignité de l'autre en veut à la vérité, quoique sous des termes plus doux et plus mitigés. Ainsi la note d'une proposition mal sonnante dans la foi, n'est pas si forte que la note d'une proposition sentant l'hérésie. On qualifie d'opinion dangereuse celle qui embarrasse si fort le dogme catholique dans les incertitudes des systèmes théologiques, que cette opinion entraînerait la ruine du dogme avec celle des systèmes. Rien n'est sans-doute plus dangereux, pour la foi, que de la faire dépendre d'une opinion humaine, sujette par sa nature à l'examen critique de tout homme qui voudra l'attaquer. La note de témérité tombe sur une proposition qui serait balancée par une grande autorité ; ce n'est pas tant le nombre des scolastiques que leurs raisons, qui doivent faire autorité sur l'esprit d'un théologien. Il y a eu un temps où toutes les écoles, et même toutes les universités de Théologie, soutenaient avec chaleur le probabilisme ; cette nuée de théologiens, qui formaient pour lui un puissant parti, lui donnait-elle plus de poids et d'autorité ? non sans-doute. Il y a eu aussi un temps où c'eut été un crime en Théologie, de soutenir l'intention extérieure ; c'est aujourd'hui une opinion soutenue publiquement sur les bancs : tel est le sort des opinions théologiques. Ce que de graves docteurs ont proscrit comme téméraire dans leur jeunesse, ils le voient quelquefois soutenir sur leurs vieux ans, comme une opinion très-vraisemblable : témoin la fameuse question des ordinations anglicanes, sur laquelle on a fait autrefois tant de bruit. L'exemple du concîle de Trente, qui a laissé tant de questions indécises, ne voulant point interposer son autorité où il voyait différentes opinions, nous apprend combien on doit être circonspect, quand il est question de flétrir un livre ou quelques propositions extraites. Ce qui a été une fois censuré par l'Eglise, soit dispersée, soit assemblée dans un concile, l'est irrévocablement ; aussi la censure ne tombe pas sur toute expression ou toute proposition qui se reproduit dans l'Eglise, après y avoir été défendue quelque temps, à cause de l'abus qui pouvait en naître. Tels sont, par exemple, le terme d'omousios ; et cette proposition, unus è trinitate passus est. Il y a donc cette différence entre les propositions que l'Eglise censure, et celles qu'elle défend seulement, que les premières contenant en elles-mêmes quelque fausseté, blesseront toujours par quelque endroit la vérité, qui est la même dans tous les temps ; au lieu que les secondes n'étant mauvaises que par l'abus qu'en fait l'erreur, reprendront leur premier sens avoué par la vérité, quand l'erreur qui lui en donnait un forcé et mauvais, le précipitera dans l'oubli. Voyez NOTE et QUALIFICATION. (X)