S. f. (Economie animale) , hygieia, sanitas, valetudo. C'est l'état le plus partait de la vie ; l'on peut par conséquent le définir, l'accord naturel, la disposition convenable des parties du corps vivant, d'où s'ensuit que l'exercice de toutes ses fonctions se fait, ou peut se faire d'une manière durable, avec la facilité, la liberté, et dans toute l'étendue dont est susceptible chacun de ses organes, selon sa destination, et relativement à la situation actuelle, aux différents besoins, à l'âge, au sexe, au tempérament de l'individu qui est dans cette disposition, et au climat dans lequel il vit. Voyez VIE, FONCTION, AGE, SEXE, TEMPERAMENT, CLIMAT.

Il résulte de cette idée circonstanciée de la santé, que quiconque est dans cet état, jouit par conséquent de la vie ; mais que l'on peut vivre sans être en santé ; ainsi l'idée de ce dernier état en particulier, est plus étendue, renferme plus de conditions que celui de la vie en général.

En effet, 1°. il suffit, pour l'existence de la vie, que le corps animé soit susceptible d'un petit nombre de fonctions, mais surtout que le mouvement du cœur et de la respiration se fasse sans une interruption considérable ; au lieu que l'état de santé suppose absolument l'exercice ou l'intégrité des facultés pour toutes les fonctions. 2°. Il ne faut, pour que la vie se soutienne par l'exercice des fonctions indispensables pour cet état, que la continuation de cet exercice, quelqu'imparfaitement qu'il puisse se faire, et même seulement par rapport au mouvement du cœur, quelque peu que ce puisse être, sans celui de la respiration : au-lieu que pour une santé bien établie, non-seulement il faut que toutes les fonctions vitales s'exercent, et que l'exercice des autres se fasse, ou puisse se faire constamment, respectivement à l'utilité dont elles sont dans l'économie animale ; mais encore, que l'exercice s'en fasse de la manière la plus parfaite dont l'individu soit susceptible de sa nature.

Il s'ensuit donc que quoique la santé exige l'exercice de toutes les fonctions, il suffit que celles d'où dépend la vie, se soutiennent incessamment et dans toute la perfection possible ; il n'est pas nécessaire que les autres se fassent continuellement ni toutes à la fais, il suffit qu'elles puissent se faire convenablement à chaque organe, lorsque la disposition, les besoins de la machine animale, ou la volonté l'exigent, et que cette faculté soit commune à tous les organes sans exception, parce que la perfection est le complément de toutes les conditions.

Ainsi, parmi les actions du corps humain, il en est qui ont lieu nécessairement dans tous les temps de la vie, pour qu'elle se conserve ; tel est l'exercice des principaux organes de la circulation du sang, même dans le foetus ; de ceux de la respiration après la naissance : l'action des premiers doit se répéter chaque seconde d'heure environ ; celle des autres doit avoir lieu plusieurs fois dans une minute s'il est des organes qui ne sont en action que pendant un certain temps, dans l'espace d'un jour naturel, comme ceux de la digestion, des mouvements des membres, de l'exercice de l'esprit ; en sorte que le sommeil succede à la veille, comme le repos au travail, la nuit au jour ; d'autres organes ont des fonctions réglées pour tous les mois, comme ceux qui servent à l'évacuation périodique des femmes : il est des fonctions qui sont particulières à chacun des sexes, comme aux hommes d'engendrer, aux femmes de concevoir, et ces fonctions ne peuvent avoir lieu qu'à un certain âge, et n'ont qu'un exercice limité ; elles regardent les adultes, non pas les enfants, ni communément les vieillards, surtout par rapport aux femmes.

Ainsi on ne peut pas regarder comme en santé, quiconque ne peut pas exercer les fonctions convenables à son sexe, à son âge, et à la circonstance ; tels sont les eunuques, les mutilés en tout genre ; de même que c'est aussi contraire à l'idée de la santé d'exercer des fonctions qui ne conviennent pas, qui sont déplacées, comme si une femme décrépite est encore sujette à l'évacuation menstruale, ou le redevient, ou si quelqu'un est porté au sommeil extraordinairement hors le temps qui lui est destiné ; par conséquent, la même fonction, qui étant exercée convenablement, est un effet de la bonne santé, devient un signe, un symptôme de maladie, lorsqu'elle se fait à contretemps.

La perfection de la santé ne suppose donc pas une même manière d'être, dans les différents individus qui en jouissent ; l'exercice des fonctions dans chaque sujet, a quelque chose de commun, à la vérité, pour chaque action en particulier, mais il est susceptible aussi de bien des différences, non-seulement par rapport à l'âge, au sexe, au tempérament, comme on vient de le dire ; mais encore par rapport aux sujets de même âge, de même sexe, de même tempérament, selon les différentes situations, les différentes circonstances où ils se trouvent ; ainsi chacun a sa manière de manger, de digérer, quoique chacun ait les mêmes organes pour ces fonctions.

La santé ne consiste donc pas dans un point précis de perfection commune à tous les sujets, dans l'exercice de toutes leurs fonctions ; mais elle admet une sorte de latitude d'extension, qui renferme un nombre très-considérable et indéterminé de combinaisons, qui établissent bien des variétés dans la manière d'être en bonne santé, comprises entre l'état robuste de l'athlete le plus éloigné de celui de maladie, et l'état qui approche le plus de la disposition où la santé cesse par la lésion de quelque fonction.

Il suit de-là qu'il n'existe point d'état de santé qui puisse convenir à tout le monde ; chacun a sa manière de se bien porter, parce que cet état dépend d'une certaine proportion dans les solides et les fluides, dans leurs actions et leurs mouvements, qui est propre à chaque individu. Comme l'on ne peut pas trouver deux visages parfaitement semblables, dit à ce sujet Boerhaave, instit. med. semeiot. comment. § 889. de même il y a toujours des différences entre le cœur, le poumon d'un homme, et le cœur, le poumon d'un autre homme.

Que l'on se représente deux personnes en parfaite santé, si l'on essaie de faire passer les humeurs, c'est-à-dire la masse du sang de l'un de ces sujets, dans le corps de l'autre, et réciproquement, même sans leur faire éprouver aucune altération, comme par le moyen de la transfusion, si fameuse dans le siècle dernier, ils seront sur le champ tous les deux malades, dès que chacun d'eux sera dans le cas d'avoir dans ses vaisseaux, du fluide qui lui est étranger ; mais si l'on pouvait tout de suite rendre à chacun ce qui lui appartient, sans aucun changement, ils recouvreraient chacun la santé dont ils jouissaient avant l'échange.

C'est le concours des qualités dans les organes et les humeurs propres à chaque individu, qui rend cet échange impraticable (Voyez TRANSFUSION) ; c'est cette proportion particulière entre les parties dans chaque sujet, qui constitue ce que les anciens entendaient par idiosyncrasie, et ce que nous appelons tempérament (Voyez IDIOSYNCRASIE, TEMPERAMENT), qui fait que l'exercice des fonctions d'un homme diffère sensiblement de ce qui se passe au même égard dans un autre homme, quoiqu'ils soient tous les deux dans un état de santé bien décidée.

Les mêmes organes opèrent cependant dans l'un et dans l'autre le changement des matières destinées à la nourriture, en humeurs d'une nature propre à cet effet. Cependant des mêmes aliments il ne résulte pas des humeurs absolument semblables, lorsqu'ils sont travaillés et digérés dans deux corps différents.

Tel homme vit de plantes et de fruits avec de l'eau, et se porte bien ; tel autre se nourrit de viande et de toutes sortes d'autres aliments, avec des liqueurs spiritueuses, et se porte bien aussi : donnez à celui-ci qui est habitué à son genre de vie des végétaux pour toute nourriture, il deviendra bientôt malade ; comme celui qui est accoutumé à vivre frugalement, s'il passe à l'usage de tous les genres d'aliments qui constituent ce qu'on appelle la bonne chère.

Ainsi on ne peut dire en général d'aucune espèce de nourriture, qu'elle convient pour la santé préférablement à toute autre, parce que chacun a une façon de vivre, de se nourrir qui lui est propre, et qui diffère plus ou moins de celle d'un autre. Voyez REGIME.

La différence des constitutions des tempéraments, n'empêche pas cependant qu'il n'y ait des signes généraux auxquels on peut connaître une bonne santé, parce que dans l'économie animale la variété des moyens ne laisse pas de produire des effets qui paraissent semblables, dont la différence réelle n'est pas assez caractérisée pour se rendre sensible : c'est le résultat de plusieurs effets dont les modifications ne sont pas susceptibles d'être aperçues, d'être saisies, qui forment ces signes visibles, par le moyen desquels on ne peut et on ne fait que juger en gros de l'état des choses.

Ainsi c'est par la facilité avec laquelle l'on sent que se fait l'exercice des fonctions du corps et de l'âme ; par la satisfaction que l'on a de son existence physique et morale ; par la convenance et la constance de cet exercice ; par le témoignage que l'on rend de ce sentiment, et le rapport de ces effets, que l'on peut faire connaître que l'on jouit d'une vie aussi saine, aussi parfaite qu'il est possible. Les trois premières de ces conditions sont aisées à établir, par l'examen de l'état actuel dans lequel on se trouve ; mais il n'en est pas de même de la dernière, qui ne peut être que préssentie pour l'avenir, à en juger par le passé ; en tant que l'on connait la bonne disposition du sujet, et la force de son tempérament, qui le rend propre à résister aux fatigues, aux injures de l'air, à la faim, à la soif, par conséquent aux différentes causes qui peuvent altérer, détruire la santé : d'où l'on peut inférer que puisque dans ce sujet les choses non-naturelles tendent constamment à devenir et deviennent naturelles, c'est-à-dire que l'usage des choses dont l'influence est inévitable ou nécessaire, ne cesse de tourner au profit de la santé, à l'avantage de l'individu, pour sa conservation, et pour celle des dispositions à contribuer à la propagation de l'espèce ; cet état se soutiendra longtemps.

Il suit de-là que les signes par lesquels on peut présager une vie saine et longue, sont aussi ordinairement les marques d'une santé actuelle bien solide, bien affermie. Les hommes d'une complexion maigre, mais charnue, sont le plus disposés à une bonne santé : les personnes qui avec assez d'embonpoint en apparence, sont d'une complexion délicate, ont des muscles grêles, peu compactes, perdent aisément, par de très-petites indispositions, cette apparence de santé, qui ne dépend que de la graisse qui se ramasse sous les téguments. Dans cette disposition on est très-susceptible de maladie, ce qui forme une constitution très-éloignée d'être parfaite, lors même qu'elle semble accompagnée des signes de la santé.

La force de la faculté qui constitue la vie, c'est-à-dire de la nature, se dissipe chaque jour plus ou moins par l'exercice des fonctions ; mais dans la santé la nourriture et le sommeil réparent cette perte par la formation et le nouvel aprovisionnement qui se fait du fluide nerveux : la vie se soutient tant que la nature a des forces suffisantes pour surmonter les résistances de la machine animale, par conséquent celles qu'opposent au mouvement les solides et les fluides qui la composent. Plus les forces sont supérieures aux résistances, avec une plus grande masse à mouvoir, plus les forces vitales sont considérables et propres au maintien de la santé ; et au contraire à proportion qu'elles surpassent moins les résistances, avec une moindre masse à mouvoir, la santé est plus faible, plus délicate, plus sujette à se déranger.

Plus la nature a de forces, et moins elle en dépense, plus la santé est ferme et durable ; parce que la provision des forces est plus considérable. C'est delà que dépend 1°. la facilité, l'agilité, la promptitude dans l'exercice des fonctions ; 2°. le contentement intime, la joie de l'âme, qui sont l'effet du sentiment qu'elle éprouve de la conscience qu'elle a de cette disposition, de cette faculté ; 3°. et l'ordre bien réglé, tranquille et durable des différentes actions de l'individu. Trais conditions qui sont essentiellement nécessaires pour le maintien de la bonne santé.

C'est un très-bon signe en sa faveur lorsque chaque jour à la même heure à-peu-près on se sent porté à satis faire aux principaux besoins de la vie ; que l'on se sent de l'appétit pour manger et pour boire ; que l'on le satisfait convenablement ; que la digestion, ainsi que l'excrétion des matières fécales et de l'urine ont aussi chacune leur temps réglé ; et que le sommeil revient à sa même heure environ, et dure de suite environ le même temps.

C'est aussi une marque de bon tempérament et d'une disposition certaine à une santé durable, lorsque l'on peut se livrer à un exercice assez fort, à un travail du corps assez considérable, sans qu'il se fasse de battement, de pulsation, de palpitation extraordinaire dans aucune partie du corps, sans que l'on ressente aucune douleur, qu'il se forme aucune tumeur, qu'il paraisse aucune rougeur sur la surface du corps. C'est une preuve que la distribution des humeurs se fait avec une égalité bien constante, même lorsqu'il se fait des mouvements forcés qui pourraient la troubler.

Ceux qui ont beaucoup de vigueur dans les organes, qui sont d'une santé robuste, sont rarement des gens d'esprit ; et au contraire avec de l'esprit on n'a pas ordinairement une bonne santé, parce que l'exercice de l'esprit exige une grande mobilité dans le physique de l'entendement, dans le genre nerveux, laquelle contribue beaucoup à l'affoiblissement du corps, à établir une débilité dominante : au lieu que la roideur des fibres en général qui constitue la disposition à la force du corps, à la vigueur de la santé, s'étend à l'organisation du cerveau et des nerfs ; ce qui les rend moins propres à la vibratilité, qui est nécessaire pour l'exercice des sensations, des fonctions de l'esprit. On ne peut pas réunir dans ce monde toutes les conditions qui peuvent rendre heureux à tous égards : ainsi celui qui a la sagesse (c'est-à-dire le savoir) de Salomon, ne peut pas se promettre la longue vie de Mathusalem. On ne sait autre chose, dit Boerhaave, instit. med. §. 885. de l'anglais fameux pour avoir poussé la vie beaucoup au-delà d'un siècle, sinon qu'il aimait beaucoup le fromage, et qu'il commit un adultère ayant près de 100 ans. On n'a jamais parlé d'aucune production ni autre preuve de son esprit. M. de Fontenelle qui n'a fini sa carrière qu'au bout d'un siècle, quoiqu'il ait joué un grand rôle dans la république des Lettres, peut être regardé comme un phénomène d'autant plus rare en ce genre.

Les moyens propres à conserver la santé, consistent dans le bon usage des choses non-naturelles, que l'on doit observer pour cet effet le plus qu'il est possible, de la manière prescrite dans les articles HYGIENE, NON-NATURELLES, choses, REGIME.

Pour ce qui regarde le rétablissement de la santé, c'est aussi au régime et au secours de l'art qu'il faut avoir recours, selon les indications qui se présentent. Voyez MEDECINE, Thérapeutique, DIETE, REGIME, CURATION, TRAITEMENT, REMEDE, Chirurgie, MEDICAMENT, Pharmacie, Chimie.

SANTE, (Mythologie et Littérature) La santé a été personnifiée ou déïfiée chez les anciens. Pausanias rapporte que son culte était commun dans la Grèce : Posita sunt deorum signa Hygiae, quam filiam Aesculapii fuisse dicunt ; et Minervae, cui itidem Hygiae, id est sospitae cognomentum. La première était apparemment la santé du corps, et la seconde celle de l'esprit. Il dit ailleurs que dans le temple d'Amphyarus il y avait un autel pour Jaso, pour Vénus, pour Panacée, pour la Santé, pour Minerve : Jaso vient de , guérison. On la fait aussi fille d'Esculape. Pline remarque fort bien que le nom de Panacée promet la guérison de toutes les maladies. Les payens ne prétendirent révérer que la divinité qui donne ce qui conserve la santé.

Les Romains adoraient cette déïté sur le mont Quirinal. Elle nous est représentée comme une dame romaine couronnée d'herbes médicinales, et tenant dans sa main droite un serpent. Elle était toute couverte des cheveux que les femmes se coupaient en son honneur.

Son temple, selon Publius-Victor, était dans le sixième quartier de la ville de Rome ; mais Domitien après s'être tiré du péril qu'il avait couru à l'avénement de Vitellius à Rome, fit élever un second temple à la déesse de la santé, avec cette inscription : SALUTI Augusti.

Il y a un médaillon de Marc-Aurele où l'on voit un sacrifice fait au dieu de la santé par Minerve, et devant elle parait la Victoire, qui tient un panier plein de fruit. (D.J.)

SANTE, pierre de, (Histoire naturelle, Minéralogie) C'est ainsi qu'on nomme à Genève et en Savoye une espèce de pyrite martiale très-dure, et susceptible d'un beau poli. On taille ces pyrites en facettes, comme le crystal, ou comme les pierres précieuses, et l'on en fait des bagues, des boucles, et d'autres ornements.

La couleur de cette pierre ou pyrite, lorsqu'elle a été polie, est à-peu-près la même que celle de l'acier bien poli. On lui donne le nom de pierre de santé, d'après le préjugé où l'on est qu'elle change de couleur et devient pâle lorsque la santé de la personne qui la porte est sur le point de s'altérer. Cette pyrite est précisément de la même espèce que celle que l'on appelle pierre des incas. Voyez cet article, et Voyez PYRITE.