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Catégorie parente: Morale
Catégorie : Histoire & Jurisprudence
(Histoire ancienne et moderne, et Jurisprudence) est un ancien droit, subvention, ou secours de deniers, que nos rois levaient autrefois sur tous leurs sujets, tant ecclésiastiques que laïcs, pour les besoins extraordinaires de l'état. Dans la suite, le terme de décime est demeuré propre aux subventions que les ecclésiastiques paient au roi, et ces décimes sont devenues annuelles et ordinaires ; le clergé paye aussi de temps en temps au roi des décimes ou subventions extraordinaires.

Ce mot décime vient du latin decima, qui signifie en général la dixième partie d'une chose. Ce mot decima a d'abord été appliqué à la dixme, parce que dans l'origine elle était par-tout du dixième des fruits : ce même mot decima a aussi été appliqué aux décimes, parce que les premières levées qui furent faites de cette espèce, étaient aussi du dixième des fruits et revenus ; en sorte que le mot latin decima signifie également dixme et décime, quoique ce soient deux choses fort différentes, puisque la dixme se paye à l'Eglise, au lieu que les décimes sont fournis au roi par le clergé : c'est pourquoi dans notre langue on a eu l'attention de distinguer ces deux objets en appelant dixme la portion des fruits que les fidèles donnent à l'Eglise ; et décime, ce que l'Eglise paye au roi pour cette subvention.

La première levée faite par nos rois qui ait été qualifiée de décime, et dont les autres levées semblables ont emprunté le même nom, est celle qui fut faite sous Philippe-Auguste. Saladin, soudan d'Egypte, ayant le 26 Septembre 1187 pris la ville de Jérusalem, et chassé les Chrétiens de presque toute la Palestine, toute la Chrétienté prit les armes ; l'empereur, le roi d'Angleterre, et Philippe-Auguste, se croisèrent, et tout ce qu'il y avait de plus illustre dans le royaume. Pour fournir aux frais de cette expédition, il fut ordonné dans une assemblée d'états tenue à Paris au mois de Mars 1188, qu'on leverait sur les ecclésiastiques le dixième d'une année de leur revenu, et sur les laïcs qui ne feraient point le voyage, le dixième de tous leurs biens-meubles et de tous leurs revenus. Cette levée fut appelée la dixme ou décime Saladine, à cause qu'elle était du dixième et qu'elle se faisait pour la guerre contre Saladin. Pierre de Blais écrivit contre cette levée pour le clergé ; cependant elle fut payée par tous les sujets du roi. Il y en eut une semblable en Angleterre.

Depuis ce temps, presque toutes les levées que l'on fit sur le clergé pour les croisades ou autres guerres, que l'on appelait saintes, furent nommées dixiemes ou décimes.

Il y en eut en effet dans la suite encore quelques-unes qui furent pareillement du dixième ; mais il y en eut aussi beaucoup d'autres qui furent moindres, comme du cinquantième, du centième : on ne laissa pas de leur donner à toutes le nom de décimes ; de sorte, par exemple, que la levée du centième fut appelée la décime-centième, et ainsi des autres ; et pour distinguer de celles-ci les décimes qui étaient réellement du dixième, on les appelait décimes entières. Il y eut aussi des doubles-décimes et des demi-décimes, c'est-à-dire qui se levaient pendant deux années, ou pendant une demi-année. Enfin ce nom de décimes est demeuré à toutes les levées ordinaires et extraordinaires qui se font sur le clergé, quoiqu'elles soient communément beaucoup au-dessous du dixième de leur revenu.

Les croisades pour lesquelles on faisait ces levées sur le clergé, n'avaient lieu d'abord que contre les infidèles. On en fit ensuite contre les hérétiques et contre les excommuniés ; et ce fut autant d'occasions pour lever des décimes.

Les papes en levaient aussi pour les guerres qu'ils avaient personnellement contre quelques princes chrétiens, qu'ils faisaient passer pour ennemis de l'Eglise. Les Souverains qui partageaient ordinairement le profit de ces impositions, consentaient qu'elles fussent levées dans leurs états par les officiers du pape. On voit par une lettre de Philippe-Auguste aux églises de Sens datée de l'an 1210 au mois de Mars, qu'il accorda une aide sur le clergé de France à Innocent III. pour la guerre que celui-ci avait contre l'empereur Othon IV. On ne peut pas dire à quoi montait cette aide ; car le pape et le roi s'en remettaient à la discrétion du clergé.

Boniface VIII. imposa en 1295 sur les églises de France une décime-centième, et voulut s'approprier certains legs ; il avait même déjà commis deux personnes pour en faire la perception, mais Philippe-le-Bel ne le voulut pas souffrir ; et le pape ayant consenti que cet argent demeurât en sequestre, le roi défendit à ceux qui en étaient dépositaires d'en rien donner que par ses ordres. On verra dans un moment la suite qu'eut cette affaire, en parlant des décimes levées par Philippe-le-Bel.

Pendant que le saint-siège fut à Avignon, les papes traitant de guerres saintes celles qu'ils avaient contre leurs compétiteurs, tentèrent plusieurs fois de lever des décimes en France, mais ce fut le plus souvent sans succès ; ou s'ils en obtinrent quelqu'une, ce fut par la permission du roi.

Ce fut dans cette circonstance que Jean XXII. sollicita longtemps Charles IV. dit le Bel, pour obtenir de lui la permission de lever des décimes en France. Charles-le-Bel après l'avoir plusieurs fois refusée, la lui accorda enfin en 1326 ; mais à condition de partager par moitié le produit de ces décimes.

L'anti-pape, Pierre de Lune, qui prit le nom de Benait XIII. accorda en 1399, du consentement du roi Charles VI. une décime fort lourde au patriarche d'Alexandrie, pour le rembourser des dépenses qu'il disait avoir fait pour l'Eglise. Les ecclésiastiques s'y opposèrent ; mais les grands du royaume, qui pendant la maladie de Charles VI. avaient tout pouvoir, tinrent la main à cette levée, dont on prétend qu'ils eurent la meilleure part.

Ce même Benait XIII. imposa en 1405 sur le clergé de France, une décime pour l'union de l'Eglise qui était alors agitée par un schisme qui dura près de 50 ans ; mais le parlement de Paris par un arrêt de 1406, défendit à tous les ecclésiastiques et autres de payer aucune subvention au pape, au moyen de quoi cette décime ne fut point levée.

Alexandre V. fit aussi demander au roi par son légat, en 1409, deux décimes sur le clergé pour les nécessités du saint-siège ; à quoi l'université s'opposa au nom de toutes les églises du royaume, et la demande du légat fut rejetée.

La même chose fut encore tentée par Jean XXIII. en 1410, et ce fut pour cette fois sans succès : mais en 1411 il obtint du consentement du roi, des princes, des prélats, et de l'université, un demi-dixième payable moitié à la Madeleine, moitié à la Pentecôte suivante.

Le concîle de Bâle ordonna en 1433 la levée d'un demi-dixième sur le clergé ; et il y a lieu de croire que cette levée se fit dans toute la chrétienté, Ve que le concîle travaillait pour toute l'Eglise.

Calixte III. obtint aussi en 1456 de Charles VII. la permission de lever une décime sur le clergé de France pour la guerre contre les Turcs ; il écrivit au roi le premier Mai de la même année, pour le remercier d'avoir permis cette levée. M. Patru, en son mémoire sur les décimes, croit pourtant que celle-ci n'eut pas lieu.

Mais on trouve une preuve du contraire dans ce qui se passa par rapport à Pie II. car ce pape ayant demandé en 1459 aux ambassadeurs de Charles VII. qu'on lui accordât une nouvelle taxe sur le clergé de France, les ambassadeurs lui répondirent qu'ils n'avaient point de pouvoir, et que son prédécesseur ayant obtenu depuis peu une pareille levée, on ne lui en accorderait pas une nouvelle ; et en effet, celle qu'il proposait n'eut pas lieu.

On trouve encore qu'en 1469, Louis XI. à la recommandation du cardinal. Ballue, permit au pape de lever en France une décime qui montait à 127 mille livres ; et depuis ce temps, les décimes papales n'ont plus eu lieu en France.

Pour revenir aux décimes royales, on a déjà Ve que les premières levées auxquelles on donna le nom de décime, furent faites sur tous les sujets du roi indistinctement.

Pour ce qui est des subventions fournies par le clergé en particulier, quelques-unes furent appelées aides, et non pas décimes, soit parce qu'elles n'étaient pas du dixième, ou plutôt parce qu'on ne donnait alors le nom de décimes qu'aux levées qui se faisaient pour les guerres saintes.

Toutes les décimes et autres subventions payées par les ecclésiastiques, soit pour les guerres saintes, soit pour les autres besoins de l'état, ont toujours été levées de l'autorité de nos rais, et jusqu'au règne de Charles IX. elles se faisaient sans attendre le consentement du clergé. Il n'y avait même point encore d'assemblées particulières du clergé, telles que celles qui se font aujourd'hui pour traiter de ses contributions ; car les conciles et les synodes ayant pour objet les matières de foi et de discipline ecclésiastique ; si l'on y traitait quelquefois du temporel de l'église, ce n'était que par occasion ; ou si le clergé s'assemblait quelquefois pour délibérer sur les subventions qui lui étaient demandées, une ou deux assemblées consommaient l'affaire ; et ces assemblées n'avaient rien de fixe, ni pour le temps de leur séance, ni pour la forme.

Les premières décimes ayant été levées pour des croisades ou guerres saintes, les papes, pour étendre leur pouvoir, prirent de-là occasion de donner des bulles pour approuver ces sortes de levées, comme si leur permission ou consentement eut été nécessaire ; ils avaient aussi quelquefois pour but d'obtenir une partie de ces décimes, ou la permission d'en lever quelque autre pour eux.

Nos rois permettaient la publication de ces bulles, tant par respect et par déférence pour le saint siège, que pour engager plus facilement les ecclésiastiques à leur fournir les subventions dont ils avaient besoin ; mais elles étaient toujours toutes levées de l'autorité du roi et par ses officiers ; il y eut même dès-lors plusieurs occasions où on en leva de la seule autorité du roi sans l'intervention d'aucune bulle des papes, et ceux-ci ont eux-mêmes reconnu solennellement que nos rois sont en droit de faire de telles levées sur le clergé pour les besoins de l'état, sans la permission du saint siège ; et depuis plus de deux siècles il n'a paru en France aucune bulle des papes pour autoriser les décimes et autres subventions, soit ordinaires ou extraordinaires qui se lèvent sur le clergé.

Quelques exemples de ce qui s'est passé à ce sujet sous chaque règne justifieront ce que l'on vient d'avancer.

Nous reprendrons la suite des faits à Philippe Auguste, sous lequel il y eut quatre décimes levées en France.

La première fut la dixme saladine en 1188, qui se leva, comme on l'a Ve ci-devant, sur toutes sortes de personnes.

La seconde fut l'aide qu'il accorda en 1210 à Innocent III. pour la guerre que ce pape avait contre Othon IV.

Il y en eut une troisième à l'occasion d'un second voyage d'outremer, pour lequel le pape et le roi permirent de lever sur toutes sortes de personnes le vingtième de leurs biens. Baudouin, comte de Flandres, s'étant croisé avec plusieurs princes et seigneurs de tous les états chrétiens, au lieu d'aller à la terre sainte, s'étant par occasion arrêté à Constantinople, prit cette ville, et se rendit maître de l'empire d'Orient : Innocent III. pour faciliter cette expédition, se taxa lui-même aussi-bien que les cardinaux, et ordonna que tous les ecclésiastiques payeraient pendant trois ans le vingtième de tous leurs revenus ; il modéra depuis cette taxe au quarantième, du moins pour les églises de France. Honorius III. son successeur, dans une lettre par lui écrite aux archevêques du royaume en 1217 ou 1218, dit que pour la guerre d'outremer, il avait, dès son avênement au pontificat, ordonné la levée d'un vingtième sur tous les biens du clergé de France et de tous les autres états de la chrétienté ; que le roi qui s'était croisé pour la guerre des Albigeais lui demandait le vingtième qui devait se prendre sur les ecclésiastiques de son royaume ; et après avoir exprimé son embarras, ne voulant ni éconduire le roi, ni détourner les deniers de leur destination, il applique la moitié de ce vingtième pour la guerre d'outremer, et l'autre pour la guerre des Albigeais.

Enfin, il parait par des lettres de Philippe Auguste, de l'an 1214, qu'en faveur de la croisade entreprise par Jean, roi d'Angleterre, il y eut sous ce règne une quatrième décime ; que le roi avait promis d'employer la quarantième partie de ses revenus d'une année ; que cela se fit à la prière des croisés et de tout le clergé ; que personne ne devait être exempt de cette contribution, mais que le roi en s'engageant d'envoyer ce secours marqua que c'était absque consuetudine, c'est-à-dire sans tirer à conséquence pour l'avenir.

Le règne de Louis VIII. qui ne fut pas de longue durée, ne nous offre qu'un seul exemple de levée faite sur le clergé en 1226, et qui fut probablement employée à la guerre des Albigeais.

Depuis ce temps les besoins de l'état se multipliant, les levées sur le clergé devinrent aussi plus fréquentes.

Les mémoriaux de la chambre des comptes font mention que S. Louis s'étant croisé en 1245, le pape lui accorda en cette considération premièrement les décimes de six années, et ensuite de trois autres années.

Innocent IV. dans une bulle de l'an 1252, dit qu'il avait ci-devant accordé à ce prince pour sa délivrance deux décimes entières, c'est-à-dire qui étaient réellement du dixième du revenu du clergé, au lieu que la plupart des décimes étaient beaucoup moindres ; le pape ajoute que ces deux décimes n'étaient pas encore tout à fait payées, et il permet d'achever de les lever en la manière que le royaume avisera, à condition que ceux qui avaient payé les deux décimes ne payeraient rien sur ce nouvel ordre de levée, et que ceux qui payeraient sur ce nouvel ordre ne payeraient rien des deux décimes.

Urbain IV. accorda, du consentement de S. Louis, à Charles d'Anjou son frère, comte de Provence, et depuis roi de Naples, une autre décime pour la guerre contre Mainfroy qui avait usurpé le royaume de Naples ; c'est ce que l'on voit dans deux lettres écrites par Urbain IV. à S. Louis, vers l'an 1263 ou 1264, dans lesquelles le pape prie le roi d'avancer à son frère l'argent qui devait revenir de cette décime, qui ne pourrait être levée qu'avec beaucoup de temps, ce que l'état des affaires ne permettait pas d'attendre.

Dans une autre lettre que ce même pape écrivit encore à S. Louis à-peu-près vers le même temps, on voit qu'Alexandre IV. son prédécesseur, avait du consentement du roi, imposé un centième sur le clergé pour la terre-sainte ; en effet le pape prie S. Louis d'aider au plutôt d'une partie de ce centième, Godefroy de Sarcènes qui soutenait alors presque seul les affaires d'outremer.

Ainsi en moins de 20 ans, S. Louis tira du clergé treize décimes ou subventions.

Sous Philippe III. dit le Hardi, son fils et son successeur, il y en eut deux différentes.

L'une fut celle qu'il obtint de Grégoire X. au concîle de Lyon en 1274 : elle était destinée pour la terre-sainte, et fut accordée pour six années : l'exécution en fut donnée au cardinal Simon, alors légat en France, qui fut depuis le pape Martin IV.

L'autre lui fut accordée en 1283 dans une célèbre assemblée d'états tenus à Paris, où le roi accepta pour son fils le royaume d'Aragon, et prit la croix des mains du cardinal Cholet légat du pape.

Les longues guerres que Philippe-le-Bel eut à soutenir, tant contre Pierre d'Aragon que contre les Flamands, l'Angleterre, et l'Empire, l'obligèrent de lever plusieurs décimes, tant sur le clergé que sur ses autres sujets. On en compte au moins 21 dans le cours de son règne, qui fut d'environ 28 années.

On voit dans l'histoire de Verdun que Martin IV. accorda à ce prince une décime sur toutes les églises du diocèse de Verdun, et de plusieurs autres de l'Allemagne ; et qu'Honorius IV. en accorda la quatrième partie à l'empereur Rodolphe.

Nicolas IV. en accorda une autre à Philippe-le Bel en 1289 pour la guerre d'Aragon, et suivant le mémorial crux, le roi prêta au pape le quart des deniers de cette décime qui n'avait été accordée qu'à condition que le pape en aurait 200000 liv.

Le même mémorial fait mention d'une autre décime de quatre ans qui fut accordée au roi pour les affaires d'Aragon et de Valence.

Ce même prince, pour subvenir, tant aux frais de la guerre contre les Anglais, qu'aux autres nécessités de l'état, fit en 1295 une imposition d'abord du centième, et ensuite du cinquantième sur tous les biens du royaume, tant du clergé du royaume que sur ses autres sujets : ces impositions ne se percevaient pas seulement à proportion du revenu, mais du fond des biens-meubles et immeubles, de sorte que le centième du fond revenait à-peu-près à la décime ou dixième du revenu, et le cinquantième à une double décime.

Boniface VIII. voulut de sa part lever aussi pour lui une décime, mais Philippe-le-Bel s'y opposa, comme on l'a déjà observé en parlant des décimes papales : le ressentiment que le pape en conçut contre Philippe-le-Bel, fit qu'il chercha à le traverser dans la levée du centième et du cinquantième, du moins par rapport au clergé ; ce fut dans cette vue qu'il donna en 1296 la fameuse bulle clericis laicos, par laquelle il défendait aux ecclesiastiques de payer aucun subside aux princes sans l'autorité du saint siège, à peine d'excommunication dont l'absolution serait réservée au pape seul. Cette bulle fit agiter pour la première fois si les biens de l'église étaient tenus de contribuer aux charges de l'état. Edouard roi d'Angleterre, irrité de ce que le clergé refusait de lui accorder un subside dans la crainte de l'excommunication portée par la bulle clericis laicos, fit saisir tous les biens ecclésiastiques qui se trouvaient sur les fiefs laïcs : la bulle n'excita pas moins de murmures en France.

Enfin en 1297, à la prière des prélats, le pape en donna une autre datée du dernier Juillet en explication de la précédente, par laquelle après en avoir rappelé la teneur, il déclare que cette constitution ne s'étend point aux dons, prêts et autres choses volontaires que les ecclésiastiques peuvent donner au roi, pourvu que ce soit sans aucune contrainte ni exaction ; il excepte aussi les droits féodaux, censuels, et autres qui peuvent avoir été retenus dans la cession des biens ecclésiastiques, ou autres services dû., tant de droit que de coutume, au roi et à ses successeurs, ainsi qu'aux comtes, barons, nobles, et autres seigneurs temporels. Il ajoute que si le roi ou ses successeurs, pour la défense générale ou particulière du royaume, se trouvaient dans une nécessité pressante, la précédente bulle ne s'étend point à ce cas de nécessité ; mais que le roi et ses successeurs peuvent demander aux prélats, et autres personnes ecclésiastiques, et recevoir d'eux, pour la défense du royaume, un subside ou contribution, et que les prélats et autres personnes ecclésiastiques seront tenus de le donner au roi et à ses successeurs, soit par forme de quotité ou autrement, même sans consulter le saint siège, et nonobstant toute exemption ou autre privilège tel qu'il put être. Si le roi et ses successeurs reçoivent quelque chose au-delà de ce qui sera nécessaire, il en charge leur conscience. Enfin il déclare que par cette bulle ni par la précédente, il n'a point eu intention de faire aucune diminution, changement, ni dérogation aux droits, libertés, franchises, ou coutumes, qui au temps de la première bulle, ou même avant, appartenaient au roi et au royaume, aux ducs, comtes, barons, nobles, et autres seigneurs, ni d'imposer aucunes nouvelles servitudes ni soumissions, mais de conserver en leur entier ces mêmes droits, libertés, franchises, et coutumes.

Les derniers termes de cette bulle méritent d'autant plus d'attention, que Boniface VIII. y reconnait formellement que l'usage dans lequel est le roi de demander au clergé des subventions, n'est point un privilège, mais un droit attaché à la couronne, dont il peut user même sans consulter le pape ; droit dont nos rois ne se sont jamais dépouillés comme ont pu faire quelques autres souverains, qui se sont soumis au decret du concîle de Latran tenu sous le pape Innocent III.

Ainsi nos rois n'ont pas besoin de s'aider de cette seconde bulle de Boniface VIII, ni d'une troisième qu'il donna l'année suivante, par laquelle il étendit encore l'exception, au cas où les subventions seraient levées pour la rançon du roi, de la reine, ou de leurs enfants ; étant incontestable que nos rois par le droit de leur couronne et suivant les principes du droit naturel, sont fondés à lever, comme ils ont toujours fait, sur le clergé de même que sur leurs autres sujets, des subventions, soit ordinaires ou extraordinaires, toutes les fois que les besoins de l'état le demandent.

Après la reconnaissance authentique faite par Boniface VIII, que le roi pouvait sans son consentement lever des subsides sur le clergé de France, il lui accorda dans la même année des decimes, qui continuèrent jusqu'en 1300 ou environ.

Benait XI. successeur de Boniface VIII, accorda encore à Philippe le Bel trois années de decimes, savoir depuis Noë 1304 jusqu'à Noë 1307.

Clément V. ajouta d'abord deux années à cette concession, ce qui fit cinq années ; et par une bulle du 6 Février 1309, il lui accorda encore une année de décime.

Indépendamment de ces différentes décimes accordées par les papes à Philippe le Bel, il en leva encore une autre en 1303 pour la guerre de Flandres ; c'était alors le fort des démêlés du roi avec Boniface VIII ; aussi cette décime fut elle levée de l'autorité seule du roi sans le consentement du pape : il avait écrit des lettres circulaires à tous les évêques et archevêques de son royaume, pour qu'ils eussent à se rendre à son armée de Flandres ; et par d'autres lettres du 3 Octobre de la même année, il ordonna que tous archevêques, évêques, abbés, et autres prélats, doyens, chapitres, couvents, colléges, et tous autres gens d'église, religieux et séculiers, exempts et non exempts, ducs, comtes, barons, dames, damoiselles, et autres nobles du royaume, de quelque état et condition qu'ils fussent, seraient tenus de lui faire subvention et aide du leur pour la guerre pendant quatre mois ; savoir, Juin, Juillet, Aout, et Septembre lors prochains ; que ceux qui auraient 500 livres de terre, fourniraient un homme d'armes ou gentilhomme bien armé et monté ; que celui qui aurait 1000 livres de terre, en fournirait deux, et ainsi des autres à proportion.

Philippe le Bel demanda aussi dans le même temps aux prélats et barons un subside en argent, qui lui fut accordé.

Ce subside en argent fut qualifié de décime par rapport aux ecclésiastiques, comme il parait par des lettres de Philippe le Bel, du 15 Aout 1303, adressées à l'évêque d'Amiens, portant ordonnance de faire lever une decime dans son diocèse, comme elle se payait dans les autres, pour subvenir aux dépenses de la guerre de Flandres.

Il y eut aussi une double decime ou cinquième imposée par Philippe le Bel sur tous ses sujets en 1305. Il parait par des lettres de ce prince du 10 Octobre, que pour tenir lieu de ce cinquième on lui offrit une certaine somme, et que ces offres sont qualifiées de don gratuit ; mais cette expression ne concerne pas les ecclésiastiques en particulier, elle est également relative aux offres des sujets laïcs. Cette décime levée de l'autorité seule du roi ne doit point être confondue avec celle que Benait X I. lui accorda en 1304 jusqu'en 1307 : on peut voir les raisons qu'en donne M. Patru en son mémoire sur les décimes.

Philippe le Bel leva encore d'autres décimes dans les années suivantes : en effet, on trouve une commission du 25 Aout 1313, adressée par ce Prince au collecteur des décimes qui se levaient alors dans le pays Bordelais. Ordonn. de la troisième race, tom. I. page 527.

M. Patru, loc. cit. a cru que sous Louis Hutin il n'avait été fait aucune levée de cette espèce : il parait néanmoins qu'en 1315 on levait encore des décimes pour le voyage d'outremer, suivant des lettres de ce prince du 3 Aout de cette année, par lesquelles il permet au collecteur des décimes qui étaient levées dans le diocèse de Reims, de créer des sergens et de les révoquer.

On en levait encore sur tout le clergé en 1316, ainsi que l'observe M. le président Henault.

Philippe V. dit le Long, frère et successeur de Louis Hutin, obtint dans la même année de Jean XXII. la permission de lever aussi des décimes pour le passage d'outremer ; mais celles-ci n'eurent pas lieu, le roi s'en étant déporté volontairement par des raisons d'état. La difficulté que firent les ecclésiastiques de payer cette levée, ne fut pas fondée sur une exemption particulière pour eux ; car les historiens de ce temps font mention que le peuple se défendit aussi de payer certains impôts qu'on avait voulu établir.

Jean XXII. voulant obtenir de Charles IV. dit le Bel, la permission de lever des décimes en France, lui accorda de sa part deux décimes, c'est-à-dire une levée proportionnelle au revenu des ecclésiastiques, qui devait se faire pendant deux années consécutives.

La mort de Charles IV. étant arrivée en 1328, avant que ces décimes fussent entièrement levées, Jean XXII. les confirma en faveur de Philippe VI. dit de Valais, successeur de Charles le Bel ; il lui en accorda encore d'autres vers l'an 1335, à l'occasion de la croisade projetée par Philippe VI. Benait XII. lui accorda aussi en 1338 les décimes de deux années ; ce sont sans-doute ces dernières, dont il est parlé dans des lettres de ce prince du 5 Novembre 1343, où il règle en quelle monnaie on devait lui payer les dixiemes ; c'est ainsi qu'il appelle les décimes que le pape lui avait, dit-il, octroyées dernièrement pour la nécessité de ses guerres. Enfin Clément VI. lui accorda encore en 1348, deux décimes pour les nécessités de l'état ; et dans une lettre que ce prince lui écrivit, il marque que les prélats et ceux qui composent son conseil lui ont dit, qu'il pouvait lever des décimes pour les besoins de l'état. Il y a lieu de croire que celles qu'il avait déjà levées précédemment étaient aussi chacune pour plusieurs années, les historiens disant de ce prince qu'il chargea excessivement le clergé de décimes, pour subvenir à la nécessité de ses affaires.

Il y eut pareillement plusieurs levées de décimes sous le règne du roi Jean.

Il fallait qu'il y en eut déjà d'établies dès 1350 ; puisque dans des lettres de ce prince, du dernier Novembre de cette année, adressées au prieur de S. Martin des Champs, il est parlé des collecteurs et sous-collecteurs des décimes du pays de Languedoc.

Innocent VI. lui accorda en 1353 les décimes de deux années. Ces levées sont appelées dixiemes dans des lettres du roi Jean, de même que dans celles de Philippe VI.

Les trois états assemblés à Paris au mois de Mars 1355, ayant octroyé au même prince une aide pour la guerre contre les Anglais, il donna dans le même temps son ordonnance, portant que les gens d'église payeraient cette aide selon la valeur de leurs revenus, sauf que l'on n'estimerait point leurs biens meubles ; que les revenus de leurs bénéfices seraient prisés selon le taux du dixième ; que s'ils avaient rentes ou revenus de patrimoine ou autres que d'église, on en estimerait la juste valeur comme pour les autres personnes ; que l'on aurait égard à la valeur de leurs revenus jusqu'à cinq mille livres, et non plus ; que pour le premier cent ils payeraient quatre livres, et pour chaque autre cent, 40 sols.

Que l'aide serait payée de même par toutes sortes de religieux, hospitaliers, ou autres quelconques, excepté les mendiants ; sauf que les religieux cloitrés ne payeraient rien, mais seulement que les chefs des églises payeraient ainsi que ceux qui avaient rentes, revenus, ou qui auraient office ou administration.

Enfin, que toutes personnes d'église payeraient ce subside, et ne s'en pourraient exempter pour quelque privilège que ce fût ; de même qu'il payait les dixiemes, que l'aide serait ainsi payée par les religieux et nonnains qui auraient du moins dix livres de rente, et que ceux dont le revenu serait au-dessous ne payeraient rien.

L'instruction qui fut envoyée pour la perception de cette aide, marque, par rapport aux gens d'église, que toutes personnes de cette qualité, exempts et non exempts, hospitaliers et autres quelconques ayant temporalité, payeraient pour cette année aux termes ordonnés, un dixième et demi de leurs revenus, selon le taux auquel leurs bénéfices étaient taxés au dixième ; et pour les bénéfices non taxés, qu'ils payeraient de même suivant l'estimation ; et que les gens d'église qui auraient des rentes à vie, à volonté, ou à héritage, payeraient pareillement une dixième et demie pour cette année.

Une partie des habitants du Limousin et des pays voisins, ayant pareillement octroyé au roi Jean une aide pour les délivrer des ennemis qui étaient dans leur pays, le roi fit à ce sujet une ordonnance au mois de Juillet 1355, portant entr'autres choses, que les gens d'église avaient avisé, que tout homme d'église payerait pour cette aide, une fais, telle somme qu'il avait coutume de payer pour une année à cause du dixième ; et il est dit que c'était libéralement et pour charité en aumosne, sans compulsion et de leur bon gré ; ce qui annonce bien que les ecclésiastiques payaient sans que l'on fût obligé d'user contr'eux de contrainte, mais il ne s'ensuit pas de-là qu'ils ne fussent pas obligés de payer.

Le roi Jean fit encore une autre ordonnance au mois de Mai 1356, en conséquence d'une assemblée des états pour l'établissement de deux subsides qui devaient être payés consécutivement : elle porte que ces deux subsides seront payés par toutes sortes de personnes, gens d'église et autres, excepté les gens d'église payans dixième : il parait par-là que l'on qualifiait de dixiemes ou décimes les levées qui étaient faites sur le clergé du consentement du pape ; au lieu que les levées qui étaient faites de l'autorité seule du roi, tant sur le clergé que sur le reste du peuple, étaient seulement qualifiées d'aides ou subsides, lorsqu'elles n'étaient pas employées à des guerres saintes.

Il y eut plusieurs de ces aides levées sur le clergé pendant la captivité du roi Jean.

Le dauphin Charles régent du royaume, fit une ordonnance à Compiègne le 3 Mai 1358, en conséquence d'une assemblée des trois états du royaume de France de la Languedoil, portant établissement d'une aide pour la délivrance du roi et la défense du royaume ; au moyen de quoi toutes autres aides, impositions, dixiemes, et autres octroyés au roi ou au dauphin pour le fait de la guerre, devaient cesser, excepté ce qui pouvait être dû des dixiemes octroyés par le pape sur les prélats et autres gens d'église, avant l'assemblée de Paris faite au mois de Février 1356, qui se leverait par les ordinaires selon la forme des bulles sur ce faites.

Il est dit par la même ordonnance, que les gens d'église exempts et non exempts, hospitaliers, et autres de quelqu'état, condition ou religion qu'ils fussent, avaient octroyé au roi un plein et entier dixième de tous leurs bénéfices taxés ; que quant aux bénéfices non taxés, les ordinaires y pourvoiraient de subside convenable, et le feraient lever par leur main, excepté toutefois les hospitaliers qui payeraient le dixième entier de toutes leurs possessions et revenus, encore qu'ils ne fussent pas taxés.

Les trois états d'Artais, du Boulonnais, et du comté de Saint-Pol, octroyèrent aussi en 1362 une aide pour la délivrance du roi Jean et de ses ôtages : ils en accordèrent encore une autre pour la même cause en 1365. Les ecclésiastiques payaient ces aides de même que les précédentes ; en effet, Charles V. par une ordonnance du 27 Aout 1365, leur accorda le privilège de ne pouvoir être contraints au payement de leur contingent que par les bras de l'Eglise ; mais il met cette restriction, à moins qu'il n'y eut négligence notable de la part des bras de l'Eglise ; auquel cas il se réserve d'y pourvoir de remède convenable, avec le moins de dommage que faire se pourra.

Les privilèges que Philippe le Bel avait accordés en 1304 à l'évêque de Mende et aux ecclésiastiques de ce diocèse, et qui furent confirmés par Charles V. au mois de Juillet 1373, contiennent entr'autres dispositions, que pendant le temps que l'évêque de Mende et les ecclésiastiques de son diocèse payeront les decimes et subventions qu'ils ont accordées au roi, ils ne payeront point les autres décimes que le pape pourra lui octroyer ; ce qui fournit une nouvelle preuve que nos rois levaient des décimes et autres subventions sans le consentement du pape.

Clément VII. qui siégeait à Avignon, accorda en 1382 des décimes à Louis duc d'Anjou, qui était régent du royaume à cause du bas âge du roi Charles VI. son neveu ; ces décimes furent employées à la guerre que le régent entreprit pour conquérir le royaume de Naples.

Il accorda encore en 1392 à ce même duc d'Anjou, qu'il venait de couronner roi de Naples, une autre décime sur le clergé de France ; ce qui fut fait du consentement de Charles VI. L'université de Paris s'y opposa vainement ; cette décime fut levée.

Le duc d'Orléans et le duc de Bourgogne, qui eurent successivement le gouvernement du royaume, tentèrent en 1402 de faire une levée sur le clergé, de même que sur les autres sujets du roi ; mais l'archevêque de Reims et plusieurs autres prélats s'y étant opposés, celle-ci n'eut pas lieu à l'égard du clergé.

Quelques auteurs disent que du temps de Charles VI. le clergé divisa ses revenus en trois parts, une pour l'entretien des églises et bâtiments, l'autre pour les ecclésiastiques, et la troisième pour aider le roi dans ses guerres contre les Anglais : mais les choses changèrent par rapport aux Anglais, au moyen de la treve faite avec eux en 1383 ; et depuis ce temps ils devinrent si puissants en France, qu'en 1421 les états du royaume accordèrent à Charles VI. et à Henri V. roi d'Angleterre, qui prenait la qualité d'héritier et de régent du royaume, attendu la maladie de Charles VI. une taille de marcs d'argent, tant sur les ecclésiastiques que sur les nobles, bourgeois, et autres personnes aisées : cette taille fut imposée par les commissaires des deux rais.

Le duc de Bethford, régent du royaume pour le roi d'Angleterre, voulut en 1428 prendre les biens donnés à l'église depuis 40 ans ; mais le clergé s'y opposa si fortement, que le duc changea de dessein.

Aux états assemblés à Tours en 1468, le clergé promit à Louis XI. de le secourir de prières et oraisons, et de son temporel pour la guerre de Bretagne, laquelle n'eut pas de suite ; ce qui fait croire à quelques-uns que les offres du clergé n'eurent pas d'effet ; mais ce qui peut faire penser le contraire, est que le roi accorda l'année suivante au pape une décime, comme nous l'avons dit en parlant des décimes papales. Voyez aussi plus bas DECIMES PAPALES.

On publia sous Louis XII. en 1501, une croisade contre les Turcs qui faisaient la guerre aux Vénitiens, et on leva à cette occasion une décime sur le clergé de France.

Jusqu'ici les décimes n'étaient point encore ordinaires ; les subventions que le clergé payait dans les besoins extraordinaires de l'état, étaient qualifiées, tantôt de dixme ou décime, et tantôt d'aide ou subside, de dixième, centième, cinquantième, taille, etc. Les assemblées du clergé, par rapport à ces contributions, étaient peu fréquentes, et n'avaient point de forme certaine ni de temps préfix ; mais en 1516 les choses changèrent de face ; la négociation du concordat passé entre Léon X. et François I. donna lieu à une bulle du 16 mai 1516, par laquelle, sous prétexte que le Turc menaçait la chrétienté, le pape permit au roi la levée d'une décime sur le clergé de France ; le motif exprimé dans la bulle est que le roi avait dessein de passer en Orient ; mais ce motif n'était qu'un prétexte, François I. ne pensant guère à passer les mers. On fit à cette occasion un département ou répartition de cette décime par chaque diocèse sur tous les bénéfices ; et ce département est souvent cité, ayant été suivi, du moins en partie, dans des assemblées du clergé ; il y a cependant eu depuis un autre département en 1641, qui fut rectifié en 1646.

On tient communément que c'est depuis ce temps que les décimes sont devenues annuelles et ordinaires ; il parait cependant qu'elles ne l'étaient point encore en 1557, puisqu'Henri II. en créant alors des receveurs des deniers extraordinaires et casuels, leur donna pouvoir entr'autres choses de recevoir les dons gratuits et charitatifs équipollents à décimes.

Ce qui est de certain, c'est que la taxe imposée en 1516 sur tous les bénéfices fut réitérée plusieurs fois sous le titre de don gratuit et de charitatif équipollent à décime.

Les lettres patentes de François I. du 24 Septembre 1523, font mention que le roi avait demandé depuis peu un subside de 1200 mille livres tournois à tous archevêques, évêques, prélats, et autres gens ecclésiastiques, pour la solde des troupes levées pour la défense du royaume : on trouve même dans ces lettres qu'il y avait eu une imposition dès 1518, et il ne parait point qu'il y eut aucun consentement du pape.

En 1527, lorsqu'il fut question des affaires d'Espagne pour le traité de Madrid, en l'assemblée du parlement où étaient le chancelier et les députés de six parlements ; la cour, du consentement, vouloir et opinion des présidents et conseillers des autres parlements, et d'un commun accord, ordonna que la réponse serait faite au roi, qu'il pouvait saintement et justement lever sur ses sujets, savoir l'église, la noblesse, peuple, exempts et non exempts, deux millions d'or pour la délivrance de ses enfants (qui étaient restés prisonniers), et pour le fait de la guerre contre l'empire.

Au lit de justice tenu le 20 Décembre de la même année, où étaient plusieurs évêques, le cardinal de Bourbon dit que l'Eglise pourrait donner et faire présent au roi de 130000 livres.

Le premier président répliqua qu'il n'était homme qui n'eut dit que le roi devait lever les deux millions d'or sur l'Eglise, la noblesse, etc. Il voulut traiter si les gens d'église pouvaient être contraints de contribuer ; mais le cardinal de Bourbon craignit l'examen d'une prétention que le clergé avait toujours cherché à éviter par des offres : le cardinal, dit le registre, lui a clos la bouche, Ve l'offre qu'il a fait, et de traiter et entretenir l'église en sa liberté, et ses prérogatives, prééminences et franchises, disant que le roi le devait faire, mais qu'ils peuvent et doivent raisonnablement contribuer pour le cas qui s'offre, sans se conseiller ni attendre le consentement du pape.

Il y eut là-dessus deux avis : l'un de demander en particulier aux évêques et prélats ce qu'ils voudraient donner de leur chef, et de les exhorter d'assembler ensuite leur clergé pour imposer sur eux ce qu'ils pouvaient raisonnablement porter ; l'avis le plus nombreux fut que l'église et la noblesse devaient contribuer, et n'en devaient point être exempts ; combien, est-il dit, qu'ils soient francs, que la portion du clergé devait se lever par décimes pour accélérer ; qu'il convenait que le roi chaisit cinq ou six archevêques et évêques, autant de princes et nobles, et autant des cours souveraines, pour faire la distribution, assiete et départ de l'imposition, et ensuite dépêcher des mandements aux archevêques, évêques, et autres prélats, pour faire lever sur eux et sur leur clergé les sommes qui leur seraient imposées, pourquoi le roi leur donnera main-forte.

La guerre qui se préparait contre la France en 1534, obligea encore François I. de s'aider du revenu temporel de l'église : il témoigne à la vérité par ses lettres patentes du 12 Février, que c'est à son très-grand regret ; mais il marque en même temps le danger qui menaçait le royaume, et le service auquel seraient tenus les propriétaires des fiefs s'ils étaient hors les mains des ecclésiastiques ; et par ce motif il enjoint à tous officiers royaux de faire saisir pour cette fois seulement, et sans tirer à conséquence, le tiers du temporel des chapitres, colléges et communautés, et la moitié de celui des archevêques, évêques, abbés, prieurs, et de leurs couvens.

Les ecclésiastiques n'eurent main-levée de cette saisie qu'en offrant, suivant leur usage, trois décimes, payables moitié à la Toussaints, et moitié à Noë ; et le roi par une déclaration du 28 Juillet 1535 en exempta les conseillers-clercs du parlement.

Il est vrai que cette déclaration, et une autre du 19 Aout suivant, en faveur du commis au greffe civil du parlement, qualifient ces trois décimes de don gratuit et charitatif équipollent à trois décimes accordées par le clergé : mais François I. se mettait peu en peine de ces qualifications, pourvu qu'il eut ce qu'il demandait ; et l'adresse de ces deux déclarations qui est faite à la chambre des comptes ou autres commissaires, commis et députés par le roi pour ouir les comptes du don gratuit, fait assez sentir que l'imposition se levait par autorité du roi.

On continua de lever des décimes jusqu'au decès de François I. comme il parait par trois déclarations des 7 Décembre 1542, Février 1543, et 19 Mai 1547, dont la première ordonne que les décimes des gens d'église et autres deniers extraordinaires seront portés ou envoyés aux recettes générales des finances par les receveurs de ces deniers, aux dépens des gens d'église ; la seconde attribue la connaissance des comptes des décimes à la chambre des comptes, ce qui prouve de plus en plus que ces impositions étaient faites de l'autorité du roi ; et la troisième donnée par Henri II. fait mention des décimes levées en l'année précédente qui était 1546.

Les décimes subsistèrent pareillement sous Henri II. puisque par la déclaration dont on vient de parler du 19 Mai 1547, il en exempte les conseillers-clercs du parlement de Paris, et que par une déclaration du 15 Février de la même année, il en exempte de même les conseillers-clercs du parlement de Rouen.

La déclaration du 19 Septembre 1547, contient un règlement pour les décimes du diocèse de Bourges ; et celle du 21 Avril 1550, contient un semblable règlement pour le diocèse de S. Brieux.

Lors du lit de justice tenu par Henri II. le 22 Février 1551, ce prince ayant exposé la nouvelle guerre qu'il était prêt d'avoir, le cardinal de Bourbon dit en s'adressant au roi, qu'oyant les grandes offres que lui faisait la noblesse de sa vie et de ses biens.... que le clergé avait deux choses, l'une l'oraison et prière, et que la seconde étaient les biens temporels dont le roi et ses prédécesseurs les avaient si libéralement départis ; que la veille ils s'étaient assemblés jusqu'à six cardinaux et environ trente archevêques et évêques, qui tout d'un commun accord, avaient arrêté de donner au roi si grande part en leurs biens, qu'il aurait matière de contentement, assurant S. M. que si les corps n'étaient voués à Dieu et à la religion, ils ne lui en feraient moindres offres que la noblesse.

Les déclarations des 6 et 20 Janvier 1552, contiennent des règlements pour la perception des décimes dans les diocèses de Chartres et d'Evreux, ce qui suppose que dans le même temps on en levait aussi dans les autres diocèses.

Le clergé accorda encore à Henri II. en 1557 six cent mille écus ; le roi de son côté, par un édit du mois de Juin, créa un office de receveur pour le roi de toutes les impositions extraordinaires, y compris les dons gratuits des ecclésiastiques ; et par ses déclarations des 8 Décembre, 3 et 4 Janvier 1558, il exempta les conseillers au parlement, et quelques autres personnes, des décimes, dons, octroys charitatifs équipollents à icelles à lui accordés, et qu'il avait ordonné être levés sur le clergé de son royaume pour cette année (1558.)

C'est ainsi que les décimes furent levées jusqu'en 1561, sans qu'il y eut aucune assemblée fixe du clergé, ni aucun contrat passé à ce sujet avec le roi ; et l'on voit par l'analyse qui a été faite des différents règlements intervenus sur cette matière, que l'on confondait alors avec les décimes, les dons gratuits ou dons charitatifs que l'on qualifiait d'équipollents à décimes.

Ce ne fut que depuis le contrat de Paissy en 1561, que ces deux objets commencèrent à être distingués.

Les prélats qui étaient alors assemblés à Paissy pour le fameux colloque qui se tint avec les ministres de la religion prétendue réformée, firent au nom de tout le clergé de France un contrat avec le roi, qu'on a appelé le contrat de Paissy, par lequel ils s'engagèrent à payer au roi 1600000 livres par an pendant six années, et de racheter dans dix ans 630 mille livres de rente au principal de sept millions cinq cent soixante mille livres, dont l'hôtel de ville de Paris était chargé envers divers particuliers qui avaient prêté de l'argent au roi : c'est-là l'origine des rentes sur le clergé, qui ont depuis été augmentées au moyen des divers contrats passés entre le roi et le clergé. Nous n'entrerons point ici dans le détail de ces rentes, qui sera mieux placé au mot RENTES.

Le clergé ayant été obligé de s'assembler plusieurs fais, tant pour l'exécution du contrat de Paissy, que par rapport aux nouvelles subventions qui furent demandées au clergé dans l'intervalle de l'exécution du contrat de Paissy ; les assemblées du clergé devinrent depuis ce temps plus fréquentes, sans néanmoins qu'il y eut encore rien de fixé pour le temps de leur tenue.

Ce ne fut qu'au commencement du siècle dernier qu'il fut réglé que les assemblées générales qui se tiennent pour renouveller le contrat de Paissy, se feraient tous les dix ans, d'où on les appelle décennales : les assemblées qui se font pour régler les comptes se tenaient d'abord tous les deux ans, ensuite on les a fixé de cinq ans en cinq ans.

Dans l'assemblée du clergé tenue à Melun en 1579, où fut établie la forme d'administration qui subsiste encore présentement ; le clergé prétendit avoir rempli tous les engagements qu'il avait pris par le contrat de Paissy, et que ses députés n'avaient pu l'engager au-delà par des actes postérieurs.

Cependant au mois de Février 1680, il fut passé un nouveau contrat avec le roi, par lequel le clergé s'obligea de payer pendant six ans 1300000 livres pour satisfaire au payement de 1206322 livres de rentes dû.s sur les hôtels-de-villes de Paris et de Toulouse, et le surplus être employé au rachat de parties de ces rentes.

Le terme pris par le contrat de Paissy et par celui de 1580, qui était en tout de seize années, étant expiré, il fut renouvellé à Paris par le clergé le 3 Juin 1586 pour dix années, et depuis ce temps il a toujours été renouvellé de dix ans en dix ans.

Ces contrats ne diffèrent les uns des autres, qu'en ce que les rentes dont le clergé est chargé ont augmenté ou diminué, selon les divers engagements pris par le clergé avec le roi : elles ne montaient, suivant le contrat de Paissy, qu'à 630000 liv. elles furent depuis augmentées jusqu'à 1300000 liv. par différents contrats passés par les députés du clergé, lequel protesta contre cette augmentation de charges, prétendant que les députés avaient excédé leur pouvoir. Néanmoins par le contrat de 1586 le clergé s'est obligé à la continuation de ces rentes ; et ce contrat a depuis été renouvellé tous les dix ans, excepté que par le contrat de 1636 et autres contrats postérieurs, les rentes furent réduites à 1296961 livres, à cause de deux parties remboursées par les diocèses de Bourges et de Limoges. Elle ne montent présentement qu'à 1292906 livres 13 sous 9 den.

Ces rentes dont le clergé est chargé forment ce que l'on appelle les anciennes décimes ou les décimes du contrat, c'est-à-dire qui dérivent du contrat de Paissy.

Les décimes extraordinaires, selon l'usage présent, sont de deux sortes ; les unes qui sont aussi des impositions annuelles, de même que les décimes ordinaires, mais qui ont une origine différente ; les autres sont les dons gratuits que le clergé paye au Roi tous les cinq ans, et autres subventions extraordinaires qu'il paye de temps en temps, selon les besoins de l'état.

Le contrat que le clergé passe avec le Roi pour les anciennes décimes ou rentes qu'il s'est obligé de payer, se renouvelle, comme nous l'avons observé, tous les dix ans, et les autres subventions ou décimes extraordinaires sont accordées et réglées par un contrat séparé qui se passe tous les cinq ans, et quelquefois plus souvent. Nous expliquerons plus particulièrement ce qui concerne ces décimes extraordinaires, aux mots DON GRATUIT et SUBVENTION.

Ce que le clergé en corps paye au Roi pour les anciennes décimes ou décimes ordinaires, est imposé sur tous les membres du clergé, tant du premier que du second ordre, chacun selon le revenu de leurs bénéfices.

Les décimes extraordinaires se paient quelquefois de même au Roi par voie d'imposition : quelquefois pour en accélérer le payement, le clergé fait un emprunt à constitution de rente ; et en ce cas les sommes nécessaires, tant pour payer les arrérages de ces rentes que pour faire le remboursement et fournir aux frais d'administration, sont levées sous le nom de décimes et autres subventions, par contribution sur tous les membres du clergé en la forme qu'on l'a déjà dit.

L'imposition des décimes et autres subventions, tant ordinaires qu'extraordinaires, ne peut être faite sur les membres du clergé, qu'en vertu de lettres patentes dû.ment enregistrées.

Le rôle des aides, dixiémes, décimes, et autres impositions sur le clergé, se faisait autrefois par des élus, de même que l'assiete des tailles. L'ordonnance de Charles VI. du 7 Janvier 1400, dit qu'il n'y aura à Paris sur le fait des aides que trois élus, et un sur le fait du clergé, lesquels auront les gages accoutumés sans aucun don ; que dans chaque ville du royaume et autres lieux où il y a siège d'élus, il n'y aura dorénavant que deux élus au plus avec celui du clergé, ès lieux où il y a coutume d'y en avoir un, avec un receveur ; que ces élus et receveurs seront pris entre les bons bourgeois, par l'ordonnance des généraux des aides et par le conseil de la chambre des comptes.

La répartition des décimes et autres impositions se fait sur chaque diocèse dans l'assemblée générale du clergé ; et la répartition sur chaque bénéficier du diocèse se fait par le bureau diocésain ou chambre des décimes, qui est composée de l'évêque, du syndic, et des députés des chapitres, de ceux des curés et des monastères. Ces bureaux diocésains ont été établis par lettres patentes, suivant les conventions du contrat de 1615.

Chaque diocèse en général et chaque bénéficier en particulier, est imposé suivant la proportion du département de 1516, excepté pour ceux qui depuis trente ans ont été cottisés sur un autre pied, ou lorsqu'il y a eu des jugements ou transactions qui en ont disposé autrement.

Les bénéfices qui avaient été omis dans le département de 1516, ou qui ont été établis depuis, sont taxés en vertu d'un édit de 1606, et les nouveaux monastères en vertu d'un édit de 1635. Ce qui est imposé en vertu de ces règlements doit être à la décharge des curés les plus chargés. A l'égard des bénéfices qui se trouvent annexés à d'autres bénéfices ou à des communautés, ils sont taxés au chef-lieu, même pour ceux situés dans des provinces qui ne sont pas du clergé de France, ni sujettes aux décimes ; à moins que ces bénéfices ne soient employés et taxés séparément au rôle des décimes ordinaires, suivant le département de 1641, rectifié en 1646.

Les hôpitaux, les maladreries, les fabriques, les communautés de mendiants, et quelques autres communautés de nouvelle fondation, ne sont point commis dans les rôles des décimes ordinaires ; mais ils sont quelquefois compris dans les rôles des subventions extraordinaires, suivant ce qui est porté dans les contrats faits avec le Roi.

Léon X. exempta aussi des décimes l'ordre de Saint Jean de Jérusalem qui résidait alors à Rhodes ; mais depuis que les décimes sont devenues ordinaires, on les y a compris ; sur quoi il y a eu une transaction en 1686, qu'on appelle la composition des Rhodiens.

Le clergé exempte quelquefois des décimes les ecclésiastiques qui sont fils de chanceliers de France ou de ministres d'état ; mais c'est toujours avec la clause que cela ne tirera point à conséquence.

Les décimes ont lieu dans toutes les provinces du royaume, même dans celles qui ont été réunies à la couronne depuis le département de 1516, excepté dans les évêchés de Metz, Toul et Verdun, et leurs dépendances, l'Artais, la Flandre française, la Franche-Comté, l'Alsace, et le Roussillon.

Entre les pays qui ne sont pas sujets aux décimes, il y en a quelques-uns où les ecclésiastiques se prétendent exempts de toute imposition, d'autres où ils paient quelques droits : en Artais, par exemple, l'imposition sur les fonds est du centième, qui fut établi par les Espagnols en 1569. Dans les besoins extraordinaires de l'état on double et on triple ce droit. Les ecclésiastiques séculiers et réguliers le paient comme les laïcs, excepté qu'ils ne paient jamais qu'un centième par an.

Dans le Hainaut les ecclésiastiques sont sujets à tous les droits qu'on lève sur les fonds, sur les bestiaux et denrées.

A Lille le clergé et la noblesse accordent ordinairement au Roi le vingtième et demi des biens qu'ils font valoir par leurs mains.

Il y a quelques provinces du nombre de celles où les décimes ont lieu, qui sont abonnées avec le clergé à une certaine somme, tant pour les décimes ordinaires que pour les subventions extraordinaires ; ce sont des arrangements qui ne concernent que le clergé.

Les curés à portion congrue ne pouvaient, suivant la déclaration de 1690, être taxés qu'à 50 livres de décimes, ils pouvaient être augmentés pour les autres subventions à proportion. Mais suivant le contrat passé avec le clergé le 27 Mai 1742, ils ne peuvent être taxés que jusqu'à 60 livres par an, pour toutes impositions généralement quelconques faites en vertu des précédentes délibérations, à moins que les curés ou vicaires perpétuels n'aient des casuels considérables, novales ouvertes dixmes ; auquel cas ils peuvent être augmentés selon la prudence et conscience des archevêques, évêques, et députés des bureaux diocésains, sans aucun recours contre les gros décimateurs.

On peut demander au bénéficier trente années de décimes ordinaires et extraordinaires, lorsqu'elles sont échues de son temps ; ses héritiers en sont pareillement tenus : mais s'il y a trois quittances consécutives, les années antérieures sont censées payées, à moins qu'il n'y eut quelques poursuites faites à ce sujet.

Les successeurs au bénéfice peuvent être contraints de payer trois années de décimes, tant ordinaires qu'extraordinaires, échues avant leur prise de possession, sauf leur recours contre l'ancien titulaire ou ses héritiers ; mais on n'en peut demander que deux au pourvu per obitum.

Les décimes sont payables en deux termes, Février et Octobre ; et faute de payer à l'échéance, l'intérêt des sommes est dû par le contribuable au denier seize, à compter du jour du terme, d'autant que le receveur particulier est lui-même obligé, en cas de délai, de payer de même les intérêts au receveur général du clergé.

La répartition des décimes ou subventions extraordinaires se fait sur les diocèses et bénéficiers, selon le département fait en l'assemblée tenue à Mantes en 1641.

Ceux qui ont des pensions sur bénéfices, sont tenus de contribuer aux subventions extraordinaires sur le pied qui est réglé par l'assemblée générale, ce qui a changé plusieurs fais. Aucun concordat ne peut dispenser de cette contribution, excepté pour les curés qui ont résigné au bout de quinze années, ou à cause de quelque infirmité notable.

Les saisies pour décimes sont privilégiées ; et dans la distribution des deniers le receveur des décimes est préféré à tous opposans et saisissants, excepté pour ce qui concerne le service divin.

Pour ce qui est des personnes préposées à la levée des décimes ordinaires ou extraordinaires, la recette des décimes papales, dans le temps que nos rois les permettaient, se faisait par des personnes commises par le pape.

A l'égard des décimes, aides ou subsides que nos rois ont en divers temps levé sur le clergé, la recette s'en faisait anciennement par des collecteurs et sous-collecteurs des décimes, qui n'étaient pas des officiers en titre, mais des personnes préposées par le roi, ils avaient aussi le pouvoir d'établir des sergens pour contraindre les redevables : ils ont encore la faculté d'en établir et de les révoquer.

Nos rois permettaient quelquefois aux évêques de faire eux-mêmes la répartition et levée des aides, décimes, ou autres subventions dans leur diocèse ; on en trouve des exemples fréquents sous Philippe le Bel et sous le roi Jean. Ce dernier autorisa les ordinaires à faire lever par leur main un subside convenable sur les bénéfices non taxés ; et l'on a déjà Ve qu'en 1365 il accorda aux ecclésiastiques le privilège de ne pouvoir être contraints au payement de leur contingent que par les bras de l'Eglise, mais avec réserve d'y pourvoir, s'il y avait négligence de la part de l'Eglise.

Les ecclésiastiques ne jouirent pas toujours de ce privilège, puisque la taille de marcs d'argent accordée par les trois états à Charles VI. et à Henri V. roi d'Angleterre, fut imposée, comme on l'a Ve ci-devant, par les commissaires des deux rais.

Les receveurs des décimes et autres subventions préposés par le roi, n'étaient que par commission jusqu'au temps d'Henri II, lequel par édit du mois de Juin 1557, créa dans chaque ville principale des archevêchés et évêchés du royaume un receveur en titre d'office des deniers extraordinaires et casuels, et notamment des dons gratuits et charitatifs équipollents à décimes ; et par les lettres de jussion données pour l'enregistrement, il les qualifia de receveurs des décimes. Il leur attribua pour tous gages et droits un sou pour livre, qui serait levé sur les ecclésiastiques outre le principal des décimes. Présentement les receveurs diocésains n'ont que trois deniers pour livre de leur recette, quand l'imposition des décimes extraordinaires est à long terme, et six deniers pour livre quand l'imposition se paye en deux ou trois ans ou environ.

Ces officiers furent supprimés au mois de Mars 1559, ensuite rétablis par édit de Janvier 1572 ; puis de nouveau supprimés sur les instances du clergé, lequel les remboursa suivant la permission que le roi lui en avait donnée, ainsi que cela est énoncé dans un édit du 14 Juin 1573, par lequel Charles IX. créa de nouveau dans chaque diocèse des receveurs des décimes, dont il laissa la nomination aux évêques, et permit au clergé de chaque diocèse d'acquérir ces charges, pour les faire exercer par les particuliers que ce même clergé nommerait, et de rembourser quand il le jugerait à-propos, ceux qui s'en seraient fait pourvoir.

On créa aussi par édit du mois de Février 1588, un receveur particulier des décimes alternatif ; et par un autre édit du mois de Juin 1628, on en créa un triennal.

Tous ces receveurs particuliers furent supprimés par arrêt du conseil du 26 Octobre 1719, et mis en commission jusqu'en 1723, que l'on a rétabli un receveur diocésain en titre d'office.

Ces receveurs, lorsqu'ils sont en titre, ont des provisions ; ils donnent caution devant les trésoriers de France ; ils sont exempts du marc d'or, du quart denier de la confirmation d'hérédité, des recherches de la chambre de justice, des taxes sur les officiers de finance, de taille, et de logement de gens de guerre. Ils sont vraiment officiers royaux : on les regarde cependant communément comme des officiers du clergé, parce qu'en créant ces charges on a donné au clergé la faculté de les rembourser, auquel cas le clergé en peut commettre d'autres en titre ou par commission.

Il y a eu aussi des contrôleurs anciens, alternatifs, triennaux des décimes dans chaque diocèse, qui ont été créés et supprimés en même temps que les receveurs particuliers, alternatifs, et triennaux.

Outre les receveurs particuliers, Henri III. par édit du 15 Juillet 1581, créa des receveurs provinciaux dans les dix-sept anciennes généralités. Ces offices furent supprimés par édit du mois de Mars 1582, puis rétablis, et rendus héréditaires par autre édit du mois de Septembre 1594. En 1621 on en créa d'alternatifs, et en 1625 de triennaux : on leur donna aussi à chacun des contrôleurs. Les receveurs particuliers des décimes, étaient obligés de remettre les deniers de leur recette entre les mains de ces receveurs provinciaux, tant pour les décimes ordinaires que pour les subventions extraordinaires, dont le produit devait passer par les mains de ces receveurs provinciaux, et ceux-ci remettaient le tout au receveur général ? mais tous ces offices de receveurs provinciaux et leurs contrôleurs ayant été supprimés, les receveurs diocésains portent présentement les deniers de leur recette directement au receveur général du clergé.

Il avait aussi été créé par édit du mois de Novembre 1703, des offices de commissaires pour le recouvrement des décimes dans tous les diocèses du royaume : mais ces offices furent unis à ceux de receveurs et contrôleurs généraux et particuliers des décimes, par une déclaration du 4 Mars 1704.

Les receveurs des décimes comptaient autrefois de leur recette à la chambre des comptes ; présentement ils doivent donner tous les six mois à l'évêque et aux députés du diocèse, un état de leur recette et des parties qui sont en souffrance, et six mois après l'expiration de chaque année rendre compte au bureau diocésain.

La place de receveur général du clergé n'est qu'une commission que le clergé donne à une personne qu'il choisit, et avec laquelle il fait un contrat pour percevoir les décimes pendant les dix ans que dure l'exécution du contrat passé entre le roi et le clergé ; dans l'assemblée générale de 1726 le clergé donna à M. de Senozan la qualité d'intendant général des affaires temporelles du clergé, avec pouvoir de faire la recette pendant les dix années du contrat ; présentement celui qui est chargé de cette même recette n'a d'autre qualité que celle de receveur général du clergé ; il rend compte de sa gestion aux députés du clergé tous les cinq ans.

Les contestations qui peuvent naître au sujet des décimes ordinaires et extraordinaires, étaient autrefois portées au conseil du Roi : elles furent renvoyées à la cour des aides, d'abord à celle de Paris, par édit du mois de Mars 1551 ; et ensuite à celle de Montpellier, par édit du mois de Fevrier 1553, et dernier Septembre 1555. Quelque temps après, la connaissance de ces matières fut attribuée aux syndics généraux du clergé. L'assemblée de Melun, tenue en 1579, supprima ces syndics, et demanda au Roi l'établissement des bureaux généraux des décimes, lesquels par édit de 1580 furent établis au nombre de huit ; savoir, à Paris, Lyon, Rouen, Tours, Bourges, Toulouse, Bordeaux, et Aix. Il en a été établi un neuvième à Pau en 1633.

Les bureaux diocésains ou chambres particulières des décimes furent établis dans chaque diocèse par des lettres patentes de 1616, conformément au contrat passé entre le clergé et le Roi le 8 Juillet 1615. On y juge les contestations qui peuvent s'élever par rapport aux décimes et autres taxes imposées sur le clergé, telles que les oppositions de ceux qui prétendent être surchargés. Ceux qui veulent se pourvoir contre leur taxe, ne peuvent en demander la modération qu'ils n'aient payé les termes échus et la moitié du courant, et qu'ils n'aient joint à leur requête un état certifié d'eux, des revenus du bénéfice ou de la communauté.

Ces bureaux diocésains jugent en dernier ressort les contestations pour les décimes ordinaires qui n'excédent pas la somme de 20 liv. en principal ; et les différends pour les subventions ou décimes extraordinaires, quand elles n'excédent pas 30 liv.

L'appel de ces bureaux diocésains, pour les autres affaires qui se jugent à la charge de l'appel, ressortit au bureau général ou chambre souveraine du clergé ou des décimes, dans le département de laquelle est le bureau diocésain.

Sur la matière des décimes, voyez le recueil des ordonnances de la troisième race, les mémoires du clergé, les mémoires de M. Patru sur les assemblées du clergé et sur les décimes, et les lois ecclésiastiques de M. d'Héricourt, tit. des décimes. Voyez aussi ci-après aux mots DON GRATUIT, SUBVENTION, TAXE. (A)

DECIME CENTIEME, était une subvention qui fut levée sur les ecclésiastiques du temps de Philippe le Bel, ainsi appelée parce qu'elle montait au centième des fonds. Voyez Gaguin et du Haillan, en la vie de Philippe le Bel. (A)

DECIME CINQUANTIEME, était une autre subvention levée aussi du temps de Philippe le Bel, et qui était le double de la précédente. (A)

DECIME DES CLAMEURS, c'était le dixième des sommes dû.s au créancier par son débiteur, que l'on percevait au profit du roi pour l'expédition des clameurs ou contraintes expédiées sous le scel rigoureux de Montpellier. L'ordonnance de Louis XII. du mois de Mars 1498, défend aux lieutenans de la garde du petit scel de Montpellier, de prendre à ferme les décimes et émoluments du petit scel ; et ordonne que pour la decime, il ne sera levé que la juste et vraie decime de la somme pour laquelle la clameur a été exposée, avec l'émolument d'une maille pour livre quand la dette excédera la somme de 20 livres tournois. (A)

DECIME ENTIERE, est une subvention payée par le clergé, montante au dixième de ses revenus. Les premières decimes furent ainsi appelées, parce qu'elles étaient du dixième. Les autres levées de deniers qui ont été faites depuis sur les ecclésiastiques, ont toutes retenu de-là le nom de decimes, quoique la plupart soient beaucoup au-dessous du dixième, c'est pourquoi lorsqu'on en a fait quelques-unes qui étaient effectivement du dixième, on les a nommées decimes entières ; telles furent celles qu'Innocent IV. accorda à S. Louis pour sa délivrance en 1252. (A)

DECIME EXTRAORDINAIRE ; toutes les decimes ecclésiastiques étaient extraordinaires jusqu'en 1516, qu'elles commencèrent à devenir annuelles et ordinaires ; présentement sous le nom de decimes extraordinaires, on entend les dons gratuits ou subventions que le clergé donne au roi de temps en temps outre les decimes annuelles. Voyez DONS GRATUITS et SUBVENTIONS. (A)

DECIMES ORDINAIRES, sont les decimes annuelles dont le contrat se renouvelle de dix ans en dix ans. Voyez ci-devant DECIME. (A)

DECIMES PAPALES, étaient des levées de deniers qui se faisaient sur le clergé au profit du pape : il y en a eu plusieurs en France, surtout pendant que les papes siégeaient à Avignon. Ces levées se faisaient par la permission du roi ; mais il n'y en a point eu depuis le concîle de Constance. Voyez ci-devant DECIME. (A)

DECIME PASCHALINE, est le nom que l'on donne vulgairement aux decimes annuelles et ordinaires. (A)

DECIME SALADINE, est une levée du dixième, qui fut faite en France en 1188, tant sur le clergé que sur les laïcs : elle fut nommée saladine, parce que Philippe Auguste mit cette imposition pour la guerre qu'il entreprit contre Saladin soudan d'Egypte, qui venait de prendre Jérusalem. (A)




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