S. m. fils ou fille, (Droit naturel et Morale) relation de fils ou de fille à ses père et mère, quoique dans le droit romain le nom d'enfant comprenne aussi les petits-fils, soit qu'ils descendent des mâles ou des femelles.

Les enfants ayant une relation très-étroite avec ceux dont ils ont reçu le jour, la nourriture et l'éducation, sont tenus par ces motifs à remplir vis-à-vis de leurs père et mère des devoirs indispensables, tels que la déférence, l'obéissance, l'honneur, le respect ; comme aussi de leur rendre tous les services et leur donner tous les secours que peuvent inspirer leur situation et leur reconnaissance.

C'est par une suite de l'état de faiblesse et d'ignorance où naissent les enfants, qu'ils se trouvent naturellement assujettis à leurs père et mère, auxquels la nature donne tout le pouvoir nécessaire pour gouverner ceux dont ils doivent procurer l'avantage.

Il résulte de-là que les enfants doivent de leur côté honorer leurs père et mère en paroles et en effets. Ils leur doivent encore l'obéissance, non pas cependant une obéissance sans bornes, mais aussi étendue que le demande cette relation, et aussi grande que le permet la dépendance où les uns et les autres sont d'un supérieur commun. Ils doivent avoir pour leurs père et mère des sentiments d'affection, d'estime et de respect, et témoigner ces sentiments par toute leur conduite. Ils doivent leur rendre tous les services dont ils sont capables, les conseiller dans leurs affaires, les consoler dans leurs malheurs, supporter patiemment leurs mauvaises humeurs et leurs défauts. Il n'est point d'âge, de rang, ni de dignité, qui puisse dispenser un enfant de ces sortes de devoirs. Enfin un enfant doit aider, assister, nourrir son père et sa mère, quand ils sont tombés dans le besoin et dans l'indigence ; et l'on a loué Solon d'avoir noté d'infamie ceux qui manqueraient à un tel devoir, quoique la pratique n'en soit pas aussi souvent nécessaire que celle de l'obligation où sont les pères et mères de nourrir et d'élever leurs enfants.

Cependant pour mieux comprendre la nature et les justes bornes des devoirs dont nous venons de parler, il faut distinguer soigneusement trois états des enfants, selon les trois temps différents de leur vie.

Le premier est lorsque leur jugement est imparfait, et qu'ils manquent de discernement, comme dit Aristote.

Le second, lorsque leur jugement étant mûr, ils sont encore membres de la famille paternelle ; ou, comme s'exprime le même philosophe, qu'ils n'en sont pas encore séparés.

Le troisième et dernier état, est lorsqu'ils sont sortis de cette famille par le mariage dans un âge mûr.

Dans le premier état, toutes les actions des enfants sont soumises à la direction de leurs père et mère : car il est juste que ceux qui ne sont pas capables de se conduire eux-mêmes, soient gouvernés par autrui ; et il n'y a que ceux qui ont donné la naissance à un enfant, qui soient naturellement chargés du soin de le gouverner.

Dans le second état, c'est-à-dire lorsque les enfants ont atteint l'âge où leur jugement est mûr, il n'y a que les choses qui sont de quelqu'importance pour le bien de la famille paternelle ou maternelle, à l'égard desquelles ils dépendent de la volonté de leurs père et mère ; et cela par cette raison, qu'il est juste que la partie se conforme aux intérêts du tout. Pour toutes les autres actions, ils ont alors le pouvoir moral de faire ce qu'ils trouvent à propos ; en sorte néanmoins qu'alors même ils doivent toujours tâcher de se conduire, autant qu'il est possible, d'une manière agréable à leurs parents.

Cependant comme cette obligation n'est pas fondée sur un droit que les parents aient d'en exiger à la rigueur les effets, mais seulement sur ce que demandent l'affection naturelle, le respect et la reconnaissance envers ceux de qui on tient la vie et l'éducation, si un enfant vient à y manquer, ce qu'il fait contre le gré de ses parents n'est pas plus nul pour cela, qu'une donation faite par un légitime propriétaire contre les régles de l'économie, ne devient invalide par cette seule raison.

Dans le troisième et dernier état, un enfant est maître absolu de lui-même à tous égards ; mais il ne laisse pas d'être obligé à avoir pour son père et pour sa mère, pendant tout le reste de sa vie, les sentiments d'affection, d'honneur et de respect, dont le fondement subsiste toujours. Il suit de ce principe, que les actes d'un Roi ne peuvent point être annullés, par la raison que son père ou sa mère ne les ont pas autorisés.

Si un enfant n'acquérait jamais un degré de raison suffisant pour se conduire lui-même, comme il arrive aux innocens et aux lunatiques de naissance, il dépendrait toujours de la volonté de son père et de sa mère ; mais ce sont-là des exemples rares, et hors du cours ordinaire de la nature : ainsi les liens de la sujetion des enfants ressemblent à leurs langes, qui ne leur sont nécessaires qu'à cause de la faiblesse de l'enfance. L'âge qui amène la raison, les met hors du pouvoir paternel, et les rend maîtres d'eux-mêmes ; en sorte qu'ils sont alors aussi égaux à leur père et à leur mère, par rapport à l'état de liberté, qu'un pupille devient égal à son tuteur après le temps de la minorité réglé par les lais.

La liberté des enfants venus en âge d'hommes faits, et l'obeissance qu'ils doivent avant ce temps à leur père et à leur mère, ne sont pas plus incompatibles que ne l'est, selon les plus zélés défenseurs de la monarchie absolue, la sujetion où se trouve un prince pendant sa minorité, par rapport à la reine régente, à sa nourrice, à ses tuteurs ou à ses gouverneurs, avec le droit qu'il a à la couronne qu'il hérite de son père, ou avec l'autorité souveraine dont il sera un jour revêtu, lorsque l'âge l'aura rendu capable de se conduire lui-même et de conduire les autres.

Quoique les enfants, dès-lors qu'ils se trouvent en âge de connaître ce que demandent d'eux les lois de la nature, ou celles de la société civîle dont ils sont membres, ne soient pas obligés de violer ces lois pour satisfaire leurs parents, un enfant est toujours obligé d'honorer son père et sa mère, en reconnaissance des soins qu'ils ont pris de lui, et rien ne saurait l'en dispenser. Je dis qu'il est toujours obligé d'honorer son père et sa mère, parce que la mère a autant de droit à ce devoir que le père ; jusque-là que si le père même ordonnait le contraire à son enfant, il ne doit point lui obéir.

Mais j'ajoute en même temps ici, et très-expressément, que les devoirs d'honneur, de respect, d'attachement, de reconnaissance, dû. aux pères et mères, peuvent être plus ou moins étendus de la part des enfants, selon que le père et la mère ont pris plus ou moins de soin de leur éducation, et s'y sont plus ou moins sacrifiés ; autrement un enfant n'a pas grande obligation à ses parents, qui, après l'avoir mis au monde, ont négligé de pourvoir selon leur état, à lui fournir les moyens de vivre un jour heureusement ou utilement, tandis qu'eux-mêmes se sont livrés à leurs plaisirs, à leurs gouts, à leurs passions, à la dissipation de leur fortune, par ces dépenses vaines et superflues dont on voit tant d'exemples dans les pays de luxe. " Vous ne méritez rien de la patrie, dit avec raison un poète romain, pour lui avoir donné un citoyen, si par vos soins il n'est utîle à la république dans la guerre et dans la paix, et s'il n'est propre à faire valoir nos terres ".

Gratum est, quod patriae civem, populoque dedisti ;

Si facis ut patriae sit idoneus, utilis agris,

Utilis et bellorum, et pacis rebus agendis.

Juven. sat. XIVe 70. et seqq.

Il est donc aisé de décider la question longtemps agitée, si l'obligation perpétuelle où sont les enfants envers leurs père et mère, est fondée principalement sur la naissance, ou sur les bienfaits de l'éducation. En effet, pour pouvoir raisonnablement prétendre que quelqu'un nous ait grande obligation d'un bien qu'il reçoit par notre moyen, il faut avoir su à qui l'on donnait ; considérer si ce que l'on a fait a beaucoup couté ; si l'on a eu intention de rendre service à celui qui en a profité, plutôt que de se procurer à soi-même quelque utilité ou quelque plaisir ; si l'on s'y est porté par raison plutôt que par les sens, ou pour satisfaire ses désirs ; enfin si ce que l'on donne peut être utîle à celui qui le reçoit, sans que l'on fasse autre chose en sa faveur. Ces seules réflexions convaincront aisément, que l'éducation est d'un tout autre poids, pour fonder les devoirs des enfants envers leurs père et mère, que ne l'est la naissance.

On agite encore sur ce sujet plusieurs questions importantes, mais dont la plupart peuvent être résolues par les principes que nous avons établis : voici néanmoins les principales.

1°. On demande si les promesses et les engagements d'un enfant sont valides. Je réponds que les promesses et les engagements d'un enfant qui se trouve dans le premier état d'enfance dont nous avons parlé, sont nulles ; parce que tout consentement suppose 1°. le pouvoir physique de consentir ; 2°. un pouvoir moral, c'est-à-dire l'usage de la raison ; 3°. un usage sérieux et libre de ces deux sortes de pouvoir. Or les enfants qui n'ont pas l'usage de la raison, ne sont point dans ce cas ; mais quand le jugement est parfaitement formé, il n'est pas douteux que dans le droit naturel, l'enfant qui s'est engagé librement à quelque chose, où il n'a point été surpris ni trompé, comme à quelque emprunt d'argent, ne doive payer cet emprunt sans se prévaloir du bénéfice des lois civiles.

2°. On demande, si un enfant parvenu à un âge mûr, ne peut pas sortir de sa famille, sans l'acquiescement de ses père et mère. Je réponds que dans l'indépendance de l'état de nature, les chefs de famille ne peuvent pas retenir un tel enfant malgré lui, lorsqu'il demande à se séparer de ses parents pour vivre en liberté, et par des raisons valables.

Il suit de ce principe, que les enfants en âge mûr peuvent se marier sans le consentement de leur père et de leur mère, parce que l'obligation d'écouter et de respecter les conseils de ses supérieurs n'ôte pas par elle-même le droit de disposer de son bien et de sa personne. Je sai que le droit des pères et mères est légitimement fondé sur leur puissance, sur leur amour, sur leur raison ; tout cela est vrai, tant que les enfants sont dans l'état d'ignorance, et les passions dans l'état d'ivresse : mais quand les enfants ont atteint l'âge où se trouve la maturité de la raison, ils peuvent disposer de leur personne dans l'acte où la liberté est la plus nécessaire, c'est-à-dire dans le mariage ; car on ne peut aimer par le cœur d'autrui. En un mot, le pouvoir paternel consiste à élever et gouverner ses enfants, pendant qu'ils ne sont pas en état de se conduire eux-mêmes, mais il ne s'étend pas plus loin dans le droit de nature. Voyez PERE, MERE, POUVOIR PATERNEL.

3°. On demande si les enfants, ceux-là même qui sont encore dans le ventre de leur mère, peuvent acquérir et conserver un droit de propriété sur les biens qu'on leur transfère. Les nations civilisées l'ont ainsi établi ; de plus, la raison et l'équité naturelle autorisent cet établissement.

4°. Enfin on demande, si les enfants peuvent être punis pour le crime de leur père ou de leur mère. Mais c'est-là une demande honteuse : personne ne peut être puni raisonnablement pour un crime d'autrui, lorsqu'il est lui-même innocent. Tout mérite et démérite est personnel, ayant pour principe la volonté de chacun, qui est le bien le plus propre et le plus incommunicable de la vie ; ce sont donc des lois humaines également injustes et barbares, que celles qui condamnent les enfants pour le crime de leur père. C'est la fureur despotique, dit très-bien l'auteur de l'esprit des lais, " qui a voulu, que la disgrace du père entrainât celle des enfants et des femmes : ils sont déjà malheureux sans être criminels ; et d'ailleurs il faut que le prince laisse entre l'accusé et lui des suppliants, pour fléchir sa clémence ou pour éclairer sa justice. Article de M(D.J.)

ENFANT, (Jurisprudence) Outre celui qui doit la naissance à quelqu'un, sous le nom d'enfants, on comprend encore les petits- enfants et arriere-petits-enfants.

La principale fin du mariage est la procréation des enfants, c'est la seule voie légitime pour en avoir. Ceux qui naissent hors le mariage ne sont que des enfants naturels ou bâtards. Chez les Romains il y avait une autre sorte d'enfants légitimes qui étaient les enfants adoptifs : mais parmi nous il reste peu de vestige des adoptions. Voyez ADOPTION.

C'était une maxime chez les Romains, que l'enfant suivait la condition de sa mère et non celle du père, ce que les lois expriment par ces termes, partus sequitur ventrem : ainsi l'enfant né d'une esclave était aussi esclave, quoique le père fût libre ; et vice versâ, l'enfant né d'une femme libre l'était pareillement, quoique le père fût esclave, ce qui a encore lieu pour les esclaves que nous avons dans les iles.

Mais en France, dans la plupart des pays où il reste encore des serfs et gens de main-morte, le ventre n'affranchit pas ; les enfants suivent la condition du père.

Il en est de même par rapport à la noblesse ; autrefois en Champagne le ventre anoblissait, mais cette noblesse utérine n'a plus lieu.

Le droit naturel et le droit positif ont établi plusieurs droits et devoirs réciproques entre les père et mère et les enfants.

Les père et mère doivent prendre soin de l'éducation de leurs enfants, soit naturels ou légitimes, et leur fournir des aliments, du moins jusqu'à ce qu'ils soient en état de gagner leur vie, ce que l'on fixe communément à l'âge de 7 ans.

Les biens des père et mère décedés ab intestat, sont dévolus à leurs enfants ; où s'il y a un testament, il faut du moins qu'ils aient leur légitime, et les enfants naturels peuvent demander des aliments.

Les enfants de leur part doivent honorer leurs père et mère, et leur obéir en tout ce qui n'est pas contraire à la religion et aux lais. Ils sont en la puissance de leurs père et mère jusqu'à leur majorité ; et même en pays de droit écrit, la puissance paternelle continue après la majorité, à moins que les enfants ne soient émancipés.

Suivant l'ancien droit romain, les pères avaient le pouvoir de vendre leurs enfants et de les mettre dans l'esclavage ; ils avaient même sur eux droit de vie et de mort, et par une suite de ce droit barbare, ils avaient aussi le pouvoir de tuer un enfant qui naissait avec quelque difformité considérable : mais ce droit de vie et de mort fut réduit au droit de correction modérée, et au pouvoir d'exhéréder les enfants pour de justes causes : il en est de même parmi nous, quoique les Gaulois eussent aussi droit de vie et de mort sur leurs enfants. Voyez PUISSANCE PATERNELLE et ÉMANCIPATION.

Les mineurs n'étant pas réputés capables de gouverner leur bien, on leur donne des tuteurs et curateurs ; ils tombent aussi en garde noble ou bourgeoise. Voyez GARDE, TUTELE, CURATELLE.

Les enfants mineurs ne peuvent se marier sans le consentement de leur père et mère ; les fils ne peuvent leur faire les sommations respectueuses qu'à 30 ans, et les filles à 25, à peine d'exhérédation.

Si les père et mère et autres ascendants tombent dans l'indigence, leurs enfants leur doivent des aliments ; ils doivent même en pays de droit écrit, une légitime à leurs ascendants.

Le nombre des enfants excuse le père de la tutele ; trois enfants suffisaient à Rome, il en fallait quatre en Italie, et cinq dans les provinces : ceux qui avaient ce nombre d'enfants jouissaient encore de plusieurs autres privilèges. Parmi nous trois enfants excusent de tutele et curatelle.

Par deux Edits de 1666 et de 1667, il avait été accordé des pensions et plusieurs autres privilèges à ceux qui auraient dix ou douze enfants nés en loyal mariage, non prêtres, ni religieux ou religieuses, et qui seraient vivants ou décedés en portant les armes pour le service du roi ; mais ces privilèges ont été révoqués par une déclaration du 13 Janvier 1683.

Les enfants ne peuvent être obligés de déposer contre leur père, et le témoignage qu'ils donnent en sa faveur est rejeté : un notaire ou autre officier public ne peut même prendre ses enfants pour témoins instrumentaires.

Le père est civilement responsable du délit de ses enfants étant en sa puissance ; anciennement les enfants étaient aussi punis pour le délit de leur père. Tassillon roi de Bavière ayant été condamné par le Parlement en 788, fut renfermé dans un monastère avec son fils, qui fut jugé coupable par le malheur de sa seule naissance.

Présentement les enfants ne sont point punis pour le délit du père, si ce n'est pour crime de lése-majesté : lorsque Jacques d'Armagnac duc de Nemours eut la tête tranchée le 4 Aout 1477 sous Louis XI. on mit sous l'échafaud les deux enfants du coupable, afin que le sang de leur père coulât sur eux.

Chez les Romains, les enfants des décurions étaient obligés de prendre le même état que leur père, qui était une charge très-onéreuse ; au lieu que parmi nous il est libre aux enfants d'embrasser tel état que bon leur semble, etc. Voyez le traité des minorités, tuteles et curatelles, ch. XIe (A)

ENFANT ADOPTIF, est celui qui est considéré comme l'enfant de quelqu'un, quoiqu'il ne le soit pas réellement, au moyen de l'adoption que le père adoptif a fait de lui. Voyez ADOPTION. (A)

ENFANT ADULTERIN, est celui qui est né d'un commerce adultérin, soit que l'adultère soit simple ou double, c'est-à-dire des deux côtés. (A)

ENFANT AGE ou EN AGE, signifie celui qui est majeur, soit de majorité parfaite, ou de majorité féodale ou coutumière ; ce qui doit s'entendre secundum subjectam materiam. (A)

ENFANT EN BAS AGE, est celui qui est au-dessous de l'âge de puberté. (A)

ENFANT BATARD, c'est celui qui est né hors le mariage. Voyez ADULTERE, BATARDISE et INCESTE. (A)

ENFANT CONÇU, est celui qui est dans le sein de la mère, et qui n'est pas encore né. (A)

ENFANT EMANCIPE. Voyez ci-dessus EMANCIPATION.

ENFANT EXPOSE, ou comme on l'appelle vulgairement, un enfant trouvé, est un enfant nouveau-né ou en très-bas âge et hors d'état de se conduire, que ses parents ont exposé hors de chez eux, soit pour ôter au public la connaissance qu'il leur appartient, soit pour se débarrasser de la nourriture, entretien et éducation de cet enfant.

Cette coutume barbare est fort ancienne ; car il était fréquent chez les Grecs et les Romains que les pères exposaient leurs enfants : cette exposition fut même permise sous l'empire de Diocletien, de Maximien et de Constantin, et cela sans-doute, pour empêcher les pères qui n'auraient pas le moyen de nourrir leurs enfants, de les vendre.

Néanmoins Constantin voulant empêcher que l'on n'exposât les enfants nouveau-nés, permit aux pères qui n'auraient pas le moyen de les nourrir, de les vendre, à condition que le père pourrait racheter son fils, ou que le fils pourrait dans la suite se racheter lui-même.

Les empereurs Valents, Valentinien et Gratien défendirent absolument l'exposition des enfants. Il était permis aux pères qui n'avaient pas le moyen de les nourrir, de demander publiquement.

L'exposition de part ou des enfants est aussi défendue en France par les ordonnances. Voyez ci-après EXPOSITION.

Il y avait anciennement devant la porte des églises une coquille de marbre où l'on mettait les enfants que l'on voulait exposer ; on les portait en ce lieu afin que quelqu'un touché de compassion se chargeât de les nourrir. Ils étaient levés par les marguilliers qui en dressaient procès-verbal et cherchaient quelqu'un qui voulut bien s'en charger, ce qui était confirmé par l'autorité de l'évêque, et l'enfant devenait serf de celui qui s'en chargeait.

Quelques-uns prétendaient que ces enfants devaient être nourris aux dépens des marguilliers ; l'autres, que c'était à la charge des habitants : mais les règlements ont enfin établi que c'est au seigneur haut-justicier du lieu à s'en charger, comme jouissant des droits du fisc sur lequel cette charge doit être prise ; et par cette raison, dans les coutumes telles que celle d'Anjou et autres, où les moyens et bas-justiciers prennent les épaves, les deshérences et la succession des bâtards, la nourriture des enfants exposés doit être à leur charge.

Dans les endroits où il y a des hôpitaux établis pour les enfants trouvés ou exposés, on y reçoit non seulement ceux qui sont exposés, mais aussi tous enfants de pauvres gens quoiqu'ils aient leurs père et mère vivants ; à Paris on n'en reçoit guère au-dessus de quatre ans.

Les enfants exposés ne sont point réputés bâtards ; et comme il y en a souvent de légitimes qui sont ainsi exposés, témoin l'exemple de Moyse, on présume dans le doute pour ce qui est de plus favorable.

On pousse encore cette présomption plus loin en Espagne ; car à Madrid les enfants exposés sont bourgeois de cette ville et réputés gentilshommes, tellement qu'ils peuvent entrer dans l'ordre d'Habsito. Voyez Fevret de l'abus, liv. VII. ch. IXe n. 7. le traité des minorités de M. Mêlé, p. 193 ; le traité des fiefs de Poquet de Livonières, liv. VI. ch. Ve (A)

ENFANS DE FAMILLE, sont les fils et filles qui sont en la puissance de leur père. Voyez PUISSANCE PATERNELLE. (A)

ENFANS DE FRANCE, sont les enfants et petits- enfants mâles et femelles des rois : les frères et sœurs du roi regnant et leurs enfants jouissent de ce titre, mais il ne s'étend point au-delà ; leurs petits- enfants ont seulement le titre de princes du sang.

Les filles de France ont toujours été exclues de la couronne ; mais sous les deux premières races de nos rais, tous les fils partageaient également le royaume entr'eux, sans que l'ainé eut aucune prérogative de plus que les autres. Les bâtards avoués héritaient même avec les fils légitimes ; chacun des fils, soit légitimes ou naturels, tenait sa part en titre de royaume, et ces différents états étaient indépendants les uns des autres.

Le premier fils puiné de France qui n'eut point le titre de roi, ni même de légitime, fut Charles de France surnommé le jeune, qui fut duc de Lorraine.

Sous la troisième race, fut introduite la coutume de donner des apanages aux puinés. Les femelles en furent excluses. Voyez APANAGES.

Les filles et petites-filles de France sont dotées en argent. Voyez ci-dessus au mot DOT.

Les enfants de France avaient autrefois droit de prise. Voyez PRISE. (A)

ENFANT IMPUBERE, est celui qui n'a pas encore atteint l'âge de puberté. (A)

ENFANT INCESTUEUX, est celui qui est né du commerce illicite du frère et de la sœur, ou du père et de la fille, de la mère et du fils ; ou qui est provenu d'un inceste spirituel, c'est à-dire du commerce que quelqu'un a eu avec une religieuse. Voyez INCESTE. (A)

ENFANT LEGITIME, est celui qui est provenu d'un mariage légitime, ou qui a été légitimé par mariage subséquent. Voyez MARIAGE.

ENFANT LEGITIME, est celui qui étant né dans l'état de bâtardise, a depuis été légitimé, soit par mariage subséquent ou par lettres du prince. Voyez LEGITIMATION. (A)

ENFANT MAJEUR ou MAJEUR D'ANS, est celui qui a atteint l'âge de majorité, soit parfaite, soit féodale ou coutumière. Voyez MAJORITE. (A)

ENFANT MALE, est celui qui est du sexe masculin : les enfants mâles descendants des mâles sont préférés en plusieurs cas à ceux qui descendent des femelles ; par exemple, pour la succession à la couronne, il n'y a que les mâles descendants par mâles, qui soient habiles à succéder. Dans les substitutions graduelles, on appelle ordinairement les mâles descendants par mâles avant les mâles descendants des femelles. Voyez SUBSTITUTION. (A)

ENFANT MINEUR, est celui qui n'a pas encore atteint l'âge de majorité, soit parfaite, féodale ou coutumière : quand on dit mineur de 25 ans, c'est-à-dire qu'il n'a pas encore atteint cet âge qui est la majorité parfaite. Voyez MAJORITE. (A)

ENFANT MORT-NE, est celui qui est mort lorsqu'il vient au monde : ces sortes d'enfants sont considerés comme s'ils n'avaient jamais été, ni nés, ni conçus, tellement que les successions qui leur étaient échues pendant qu'ils vivaient dans le sein de leur mère, passent aux personnes à qui elles auraient appartenu si ces enfants n'eussent pas été conçus ; et ils ne les transmettent pas à leurs héritiers, parce que le droit qu'ils avaient à ces successions n'était qu'une espérance qui renfermait la condition qu'ils fussent vivants en venant au monde. Voyez la loi 2. au cod. de posthum. haered. instit. (A)

ENFANS A NAISTRE. On comprend sous ce terme non seulement ceux qui sont déjà conçus, mais même ceux qui ne sont ni nés ni conçus : on peut faire une institution, soit contractuelle ou par testament, ou une substitution, ou un legs au profit des enfants à naître ; mais l'Ordonnance de 1735 pour les testaments, déclare, art. 49, que l'institution d'héritier faite par testament ne pourra valoir en aucun cas, si celui ou ceux au profit de qui elle aura été faite, n'étaient ni nés ni conçus lors du décès du testateur. On donne un tuteur aux enfants à naître lorsqu'ils ont quelques intérêts à soutenir. Voyez Furgole, tr. des testaments, tom. I. chap. VIe sect. 1. n. 5. et suiv.

ENFANT NATUREL, est celui qui est procréé selon la nature seule, c'est-à-dire hors le mariage. Voyez BATARD et BATARDISE. (A)

ENFANT NATUREL ET LEGITIME, est celui qui est procréé d'un mariage légitime : les enfants légitimes sont ainsi appelés dans quelques provinces, pour les distinguer des enfants adoptifs qui sont mis au rang des enfants légitimes, et ne sont pas en même temps enfants naturels. (A)

ENFANS EN PUISSANCE DE PERE ET DE MERE, sont ceux qui sont encore mineurs et non émancipés, et même en pays de droit écrit, les enfants majeurs non émancipés. Voyez FILS DE FAMILLE et PUISSANCE PATERNELLE. (A)

ENFANS (Petits) sont les enfants des enfants. On comprend aussi sous ce nom les arriere-petits-enfants en quelque degré qu'ils soient. (A)

ENFANS POSTHUMES sont ceux qui naissent après le décès de leur père, quasi post humatum patrem. Voyez POSTHUME. (A)

ENFANT DU PREMIER LIT, c'est-à-dire du premier mariage ; enfant du second lit, c'est du second mariage, et ainsi des autres. (A)

ENFANT PUBERE, est celui qui a atteint l'âge de puberté, savoir 14 ans pour les mâles et 12 ans pour les filles. Voyez PUBERTE. (A)

ENFANT PUTATIF, est celui qui est réputé être procréé de quelqu'un, quoiqu'il ne le soit pas réellement, tel qu'un enfant adoptif ou un enfant supposé. (A)

ENFANT DU SECOND LIT. Voyez ci-dessus ENFANT DU PREMIER LIT.

ENFANT SUPPOSE, est celui que l'on suppose faussement être né de deux personnes, quoiqu'il provienne d'ailleurs. Voyez PART et SUPPOSITION DE PART. (A)

ENFANS TROUVES. Voyez ci-dessus ENFANS EXPOSES. (A)

* ENFANS, (Histoire ancienne) Ils étaient ou légitimes, ou naturels et illégitimes. Les légitimes étaient nés d'un ou de plusieurs mariages ; les illégitimes étaient ou d'une concubine, ou d'une fille publique, ou d'une fille ou d'une veuve galante ; ou d'une femme mariée à un autre, et adultérins ; ou d'une proche parente, et incestueux.

Les Juifs désiraient une nombreuse famille ; la stérilité était en opprobre. On disait d'un homme qui n'avait point d'enfants : non est aedificator, sed dissipator. On mettait le nouveau-né à terre ; le père le levait ; il était défendu d'en celer la naissance ; on le lavait ; on l'enveloppait dans des langes. Si c'était un garçon, le huitième jour il était circoncis. Voyez l'article CIRCONCISION. On faisait un grand repas le jour qu'on le sevrait. Lorsque son esprit commençait à se développer, on lui parlait de la loi ; à cinq ans, il entrait dans les écoles publiques : on le conduisait à douze ans aux fêtes de Jérusalem ; on l'accoutumait au jeune ; on lui donnait un talent : à treize ans, on l'assujettissait à la loi ; il devenait ensuite majeur. Les filles apprenaient le ménage de leur mère ; elles ne sortaient jamais seules ; elles étaient toujours voilées ; elles n'étaient point obligées à s'instruire de la loi. Les enfants étaient tenus sous une obéissance sévère. S'ils s'échappaient jusqu'à maudire leurs parents, ils étaient lapidés. L'enfant qui perdait son père pendant la minorité, était mis en tutele : lorsqu'il était devenu majeur, il était tenu d'observer les 613 préceptes de Moyse : le père déclarait sa majorité en présence de dix témoins ; alors il devenait son maître : mais il ne pouvait contracter juridiquement avant l'âge de vingt ans. Tout le bien du père passait à ses enfants mâles. Les filles étaient dotées par leurs frères, pour qui c'était un si grand devoir qu'ils se privaient quelquefois du nécessaire ; la dot était communément de la dixième partie du bien paternel. Au défaut d'enfants mâles, les filles étaient héritières ; on comptait les hermaphrodites au nombre des filles. Un père réduit à la dernière indigence pouvait vendre sa fille, si elle était mineure, et qu'il y eut apparence de mariage entre elle et l'acheteur ou le fils de l'acheteur : alors l'acheteur ne l'abaissait à aucun service bas et vil ; ce n'était point une esclave ; elle vivait libre, et on lui faisait des dons convenables.

Chez les Grecs, un enfant était légitime et mis au nombre des citoyens, lorsqu'il était né d'une citoyenne, excepté chez les Athéniens, où le père et la mère devaient être citoyens et légitimes. On pouvait celer la naissance des filles, mais non celle des garçons. A Lacédémone, on présentait les enfants aux anciens et aux magistrats, qui faisaient jeter dans l'Apothète ceux en qui ils remarquaient quelque défaut de conformation. Il était défendu, sous peine de mort, chez les Thébains, de celer un enfant. S'il arrivait qu'un père fût trop pauvre pour nourrir son enfant, il le portait au magistrat qui le faisait élever, et dont il devenait l'esclave ou le domestique. Cependant la loi enjoignait à tous indistinctement de se marier : elle punissait à Sparte, et ceux qui gardaient trop longtemps le célibat, et ceux qui le gardaient toujours. On honorait ceux qui avaient beaucoup d'enfants. Les mères nourrissaient, à moins qu'elles ne devinssent enceintes avant le temps de sevrer ; alors on prenait deux nourrices. Lorsqu'un enfant mâle était né dans une maison, on mettait à la porte une couronne d'olivier ; on y attachait de la laine, si c'était une fille. A Athènes, aussitôt que l'enfant était né, on l'allait déclarer au magistrat, et il était inscrit sur des registres destinés à cet usage ; le huitième jour, on le promenait autour des foyers ; le dixième, on le nommait et l'on régalait les conviés à cette cérémonie ; lorsqu'il avançait en âge, on l'appliquait à quelque chose d'utile. On resserrait les filles ; on les assujettissait à une diete austère ; on leur donnait des corps très-étroits, pour leur faire une taille mince et légère : on leur apprenait à filer et à chanter. Les garçons avaient des pédagogues qui leur montraient les Beaux-arts, la Morale, la Musique, les exercices des Armes, la Danse, le Dessein, la Peinture, etc. Il y avait un âge avant lequel ils ne pouvaient se marier ; il leur fallait alors le consentement de leurs parents ; ils en étaient les héritiers ab intestat.

Les Romains accordaient au père trente jours pour déclarer la naissance de son enfant ; on l'annonçait de la province par des messagers. Dans les commencements on n'inscrivait sur les registres publics que les enfants des familles distinguées. L'usage de faire un présent au temple de Junon Lucine était très-ancien ; on le trouve institué sous Servius Tullius. Les bonnes mères élevaient elles-mêmes leurs filles : on confiait les garçons à des pédagogues qui les conduisaient aux écoles et les ramenaient à la maison ; ils passaient des écoles dans les gymnases, où ils se trouvaient dès le lever du Soleil, pour s'exercer à la course, à la lutte, etc. Ils mangeaient à la table de leurs parents ; ils étaient seulement assis et non couchés ; ils se baignaient séparément. Il était honorable pour un père d'avoir beaucoup d'enfants : celui qui en avait trois vivants dans Rome, ou quatre vivants dans l'enceinte de l'Italie, ou cinq dans les provinces, était dispensé de tutele. Il fallait le consentement des parents pour se marier ; et les enfants n'en étaient dispensés que dans certains cas. Ils pouvaient être deshérités. Les centum-virs furent chargés d'examiner les causes d'exhérédation ; et ces affaires étaient portées devant les préteurs qui les décidaient. L'exhérédation ne dispensait point l'enfant de porter le deuil. Si la conduite d'un enfant était mauvaise, le père était en droit ou de le chasser de sa maison, ou de l'enfermer dans ses terres, ou de le vendre, ou de le tuer ; ce qui toutefois ne pouvait pas avoir lieu d'une manière despotique.

Chez les Germains, à peine l'enfant était-il né, qu'on le portait à la rivière la plus voisine ; on le lavait dans l'eau froide ; la mère le nourrissait : quand on le sevrait, ce qui se faisait assez tard, on l'accoutumait à une diete dure et simple ; on le laissait en toute saison aller nud parmi les bestiaux ; il n'était aucunement distingué des domestiques, ni par conséquent eux de lui ; on ne l'en séparait que quand il commençait à avancer en âge ; l'éducation continuait toujours d'être austère ; on le nourrissait de fruits cruds, de fromage mou, d'animaux fraichement tués, etc. on l'exerçait à sauter nud parmi des épées et des javelots. Pendant tout le temps qu'il avait passé à garder les troupeaux, une chemise de lin était tout son vêtement, et du pain bis toute sa nourriture. Ces mœurs durèrent longtemps. Charlemagne faisait monter ses enfants à cheval ; ses fils chassaient et ses filles filaient. On attendait qu'ils eussent le tempérament formé et l'esprit mûr, avant que de les marier. Il était honteux d'avoir eu commerce avec une femme avant l'âge de vingt ans. On ne peut s'empêcher de trouver dans la comparaison de ces mœurs et des nôtres, la différence de la constitution des hommes de ces temps et des hommes d'aujourd'hui. Les Germains étaient forts, infatigables, vaillans, robustes, chasseurs, guerriers, etc. De toutes ces qualités, il ne nous reste que celles qui se soutiennent par le point d'honneur et l'esprit national. Les autres, auxquelles on exhorterait inutilement, telles que la force du corps, sont presque entièrement perdues : et elles iront toujours en s'affoiblissant, à moins que les mœurs ne changent ; ce qui n'est pas à présumer.

ENFANS. Naissance des enfants, (Histoire naturelle et Phys.) M. Derham a calculé que les mariages produisaient, l'un portant l'autre, quatre enfants, non-seulement en Angleterre, mais encore dans d'autres pays. Il est dit dans l'histoire généalogique de Toscane de Gamarini, qu'un noble de Sienne, nommé Pichi, a eu de trois de ses femmes cent-cinquante enfants légitimes et naturels, et qu'il en emmena quarante-huit à sa suite, étant ambassadeur vers le pape et l'empereur.

Dans un monument de l'Eglise des SS. Innocens de Paris, en l'honneur d'une femme qui a vécu quatre-vingt-huit ans, on rapporte qu'elle avait pu voir jusqu'à deux cent quatre-vingt-huit de ses enfants, issus d'elle directement ; ce qui est au-dessus de ce que M. Hakcwell rapporte de la dame Henoywood, femme de condition du comté de Kent, qui était née en 1527, avait été mariée à seize ans au seul mari qu'elle ait eu, le Sr R. Henoywood de Kent, et mourut dans sa quatre-vingt-unième année ; elle eut seize enfants, dont trois moururent jeunes, et un quatrième n'eut point de postérité ; cependant sa postérité montait à sa seconde génération à 114, et à la troisième à deux cent vingt-huit, quoiqu'à la quatrième elle retombât à neuf. Le nombre total d'enfants qu'elle avait pu voir dans sa vie, était donc de trois cent soixante-sept, savoir 16 + 114 + 288 + 9 = 367 : de façon qu'elle pouvait dire, comme dans les lettres de madame de Sévigné ; Ma fille, allez dire à votre fille que la fille de sa fille crie : le distique suivant Ve encore plus loin.

1 2 3 4

Mater ait natae, dic natae, filia, natam

5 6

Ut moneat, natae plangère, filiolam.

ENFANS (MALADIES DES) L'homme est exposé tant qu'il subsiste, à une infinité de maux ; mais il l'éprouve d'une manière plus marquée en naissant et pendant les premiers temps de sa vie, puisqu'à peine a-t-il respiré, qu'il commence à annoncer ses miseres par ses cris, et qu'il est en danger continuel de perdre une vie qui semble ne lui être donnée que pour souffrir : c'est donc avec raison que l'on peut dire, d'après Pline, dans l'avant-propos du septième livre de son histoire naturelle, que l'homme ne commence à sentir qu'il existe, que par les supplices au milieu desquels il se trouve, sans avoir commis d'autre crime que celui d'être né.

Ainsi quoique les maladies soient communes à tous les hommes, dans quelque temps de la vie que l'on les considère, il est évident que les enfants y sont plus particulièrement sujets, à cause de la faiblesse de leur constitution et de la délicatesse de leurs organes, qui rendent leurs corps plus susceptibles des altérations que peuvent causer les choses qui l'affectent inévitablement ; &, ce qui est encore bien plus triste, c'est que plus ils ont de disposition à souffrir davantage que lorsqu'ils sont dans un âge plus avancé, moins il leur est donné de se préserver des maux qui les environnent, et d'y apporter remède lorsqu'ils en sont affectés : ils ne peuvent même faire connaître qu'ils souffrent, que par des pleurs et des gémissements, qui sont des signes très-équivoques et très-peu propres à indiquer le siège, la nature, et la violence de leurs souffrances ; en sorte qu'ils semblent, à cet égard, être presque sans secours et livrés à leur malheureux sort.

Il est donc très-important au genre humain dont la conservation est comme confiée aux Médecins, qu'ils se chargent, pour ainsi dire, de la défense des enfants, contre tout ce qui porte atteinte à leur vie ; qu'ils s'appliquent à étudier les maux auxquels ils sont particulièrement sujets ; à découvrir les signes par lesquels on peut connaître la nature de ces maux, et en prévoir les suites ; à rechercher les moyens, les précautions par lesquels on peut les écarter ; et enfin à trouver les secours propres à les en délivrer.

Hippocrate, dans le III. Liv. de ses aphorismes, n°. xxjv. xxv. et xxvj. fait ainsi, avec sa précision ordinaire, l'énumération des maladies qui sont particulières aux enfants. Ceux qui sont nouveau-nés, dit-il, sont principalement sujets aux aphtes, aux vomissements, à différentes espèces de toux, aux insomnies, aux frayeurs, aux inflammations du nombril, aux amas de crasse humide dans les oreilles, aux douleurs de ventre : lorsqu'ils commencent à avoir des dents, ils éprouvent particulièrement de fortes irritations dans les gencives, des agitations fébriles, des convulsions, des cours de ventre, surtout lors de la sortie des dents canines ; et cette dernière maladie arrive principalement aux enfants d'un gros volume et à ceux qui sont ordinairement constipés. Lorsqu'ils sont parvenus à un âge plus avancé, qui s'étend depuis deux ans jusqu'à dix et au-delà, ils sont affligés par des inflammations des amygdales, des oppressions asthmatiques, des graviers, des vers ronds, ascarides, des excraissances verruqueuses, des parotides enflées, des ardeurs d'urine, des écrouelles, et d'autres tubercules, des luxations des vertèbres du cou : ainsi il parait, d'après cette exposition, que les maladies des ensans ne sont pas les mêmes dans les différents temps plus ou moins éloignés de la naissance, et qu'elles ne les affectent pas toujours de la même manière ; qu'elles sont de plus ou moins longue durée, et qu'elles sont plus ou moins dangereuses, attendu que la différence de l'âge change le tissu des parties du corps, leur donne plus de fermeté. La différente nourriture et la diverse façon de vivre, ne contribuent pas peu aussi à changer la disposition des sujets à contracter différentes maladies.

Parmi celles qui viennent d'être rapportées d'après le père de la Médecine, il en est qui se font d'abord connaître par elles-mêmes ; mais il en est d'autres que l'on ne peut connaître que difficilement. C'est pourquoi il est à propos d'en donner ici le diagnostic le plus exact qu'il est possible, quoique les signes soient souvent si cachés et si équivoques, que les médecins les plus pénétrants y sont quelquefois trompés ; car les enfants qui ne parlent pas ne peuvent pas faire connaître, par le rapport de ce qu'ils sentent, la nature de la maladie et jusqu'à quel point les fonctions sont lésées : on ne peut pas en juger par l'urine, avec quelque soin qu'on l'examine, ni par le pouls touché avec le plus d'attention, ni par les apparences extérieures qui sont très-souvent et très-facilement variables en bien et en mal : on ne peut s'assurer de rien par tous ces signes ; car l'urine des enfants, soit qu'ils se portent bien ou qu'ils soient malades, est presque toujours épaisse et trouble ; et il n'est pas facîle d'en avoir à part, parce qu'ils la rendent ordinairement avec les gros excréments. Le pouls peut changer par une infinité de causes, être rendu ou plus fréquent ou plus lent ; en sorte qu'il pourrait en imposer à celui qui le touche, s'il portait son jugement sur l'état du moment présent : d'ailleurs il est souvent très-difficîle de s'assurer, deux secondes de suite, du bras des enfants, qui ne cessent ordinairement de remuer et d'empêcher qu'on ne puisse fixer ses doigts sur le carpe.

Cependant le médecin, pour ne pas rester dans l'incertitude, puisqu'il ne peut tirer aucun indice de ces deux signes, doit s'informer des assistants, et particulièrement des femmes au soin desquelles les enfants sont remis, s'ils font des cris, s'ils sont agités, inquiets, et s'ils passent le jour et la nuit sans dormir ; s'ils font par la bouche des vents aigres ou nidoreux ; s'ils font des efforts pour vomir ; s'ils vomissent en effet, et quelles matières ils rendent par le vomissement ; s'ils ont le hocquet ; et s'ils sont fatigués par des mouvements convulsifs ; s'ils toussent et s'ils sont oppressés ; s'ils se vident librement des ventosités et des matières fécales ; quelle en est la consistance et la couleur ; et il fera d'autres questions de cette nature ; il n'omettra pas d'examiner attentivement toute la surface du corps de l'enfant malade, de la tête aux pieds, pour savoir s'il ne parait pas en quelque partie extérieure des rougeurs inflammatoires, ou quelque espèce d'exanthème : il tâchera aussi de lui faire ouvrir la bouche, et de sentir si son haleine est bien chaude ; s'il a des pustules dans la bouche ; s'il a les gencives enflées ou enflammées : on peut tirer de toutes ces choses, comme de principes connus, des conséquences par lesquelles on peut parvenir à découvrir ce qui est plus caché, comme la nature de la maladie, etc.

De tout ce qui vient d'être dit sur les moyens de connaître les maladies des enfants, de ceux surtout qui sont encore à la mammelle, il suit que quelque difficîle qu'il soit d'en porter son jugement d'après l'inspection des malades, il est cependant possible de suppléer à ce qui manque de ce côté-là ; ainsi la plainte de ceux qui s'excusent du mauvais succès du traitement, sur l'incertitude du diagnostic, n'est pas tant fondée sur le défaut de symptôme, que sur la précipitation et l'irrégularité de la méthode que l'on suit.

Boerhaave dans ses préleçons de Pathologie, publiées par le docteur Haller, en recherchant les causes des maladies des enfants, insiste sur ce qu'ils ont la tête et le genre nerveux plus considérables à proportion du reste du corps, que les adultes. Un homme nouveau-né, qui ne pese pas plus de douze livres, a la tête du poids de trois livres. Les adultes ont cette partie respectivement moins grosse à proportion qu'ils avancent plus en âge. Il conclud de-là que les maladies propres aux enfants sont presque toutes de la classe des convulsives, parce que le système des nerfs étant plus étendu dans les premiers temps de la vie que dans la suite, il est plus susceptible d'irritabilité, plus exposé à tout ce qui peut l'affecter. De mille enfants qui périssent, continue-t-il, à peine en voit-on mourir un sans que des mouvements convulsifs aient précédé. La plus petite fièvre, une dent qui a de la peine à sortir, une légère douleur de ventre, une faible difficulté d'uriner ; tout mal de cette espèce, qui n'affecterait pas, pour ainsi dire, un homme de trente ans, fait tomber un enfant dans de violentes convulsions. Tout ce qui peut troubler l'économie dans cette petite machine, dispose à cet effet.

Car comme dans l'âge tendre les parties solides, à cause de leur débilité, n'agissent que faiblement sur les fluides, et ne les poussent qu'avec peine dans les extrémités des vaisseaux, il s'ensuit que le cours du sang et des autres humeurs peut être facilement ralenti, et que les secrétions doivent être conséquemment arrêtées. Cela étant, non-seulement les fluides augmentent en quantité de plus en plus, mais encore ils deviennent épais, et ils contractent des qualités absolument étrangères et nuisibles. De cette plénitude non-seulement il se forme des engorgements et des dégénérations ultérieures d'humeurs, mais encore il s'excite des mouvements spasmodiques, par la pression, le tiraillement et l'irritation des nerfs des parties contenantes ; et la violence de ces spasmes affectant tous les solides et tous les fluides, toutes les fonctions en sont troublées, et les corps délicats des enfants, qui sont très-disposés à recevoir même les plus petites impressions, contractent aisément et promptement, par tous ces effets, de très-violentes maladies.

Il n'est par conséquent pas difficile, d'après toutes ces altérations, d'établir les véritables causes des principales maladies des enfants. En supposant, par exemple, une abondance d'humeurs pituiteuses, susceptibles de produire des engorgements, on conçoit aisément comment ce vice dominant peut rendre les enfants sujets aux fréquentes fluxions catarrheuses, aux douleurs rhumatismales, aux embarras des poumons ; d'où les oppressions, les affections rheumatiques, asthmatiques, les déjections liquides, les diarrhées, les tumeurs des glandes, les amas d'ordures humides dans les oreilles, et autres semblables maladies. En supposant la dépravation et l'acrimonie des humeurs, il est aisé de voir pourquoi les enfants ont de la disposition à avoir fréquemment des aphtes et différentes affections exanthémateuses. Et enfin en supposant une très-grande sensibilité dans le genre nerveux, il parait évidemment pourquoi ils sont tourmentés par de si violentes douleurs des parties internes, et de si fortes secousses convulsives des parties externes, pour peu qu'il se fasse d'irritation dans les nerfs. C'est à cause de la sensibilité du tissu des intestins et de toutes les entrailles, que ces petites créatures sont si souvent attaquées de fortes tranchées, de douleurs d'estomac et de boyaux, très-aiguès ; ce qui les met dans un état déplorable, quelquefois très-dangereux. L'irritabilité dont sont si susceptibles les membranes qui enveloppent le cerveau et la moèlle épinière, les fait fréquemment souffrir, par des mouvements convulsifs, épileptiques des membres ; par des agitations spasmodiques, subites, instantanées, mais fréquentes des extrémités. La distribution abondante de nerfs au cardia, au diaphragme, aux organes de la respiration, qui sont très-susceptibles d'irritation, par les matières viciées contenues dans l'estomac, par la pituite acre qui se ramasse dans la trachée-artère, et dans toutes les voies pulmonaires de l'air, rend encore les enfants très-sujets à la toux, soit stomacale, soit pectorale, et à l'asthme convulsif, avec danger de suffocation. Et enfin le sentiment exquis des tuniques qui tapissent la bouche et les gencives, leur fait aussi souffrir des symptômes violents, par l'effet de la dentition difficile. Voilà un détail suffisant pour juger de tous les effets que peut produire dans les enfants la sensibilité du genre nerveux, qui doit par conséquent être regardée comme la cause matérielle principale des maladies auxquelles ils sont sujets ; mais elle n'est pas l'unique.

L'acide dominant dans leurs humeurs, auquel le docteur Harris, qui a si bien expliqué cette matière, attribue tant d'effets dans ces maladies, qu'il ne craint pas d'avancer qu'elles sont presque toutes produites par cette cause particulière, doit aussi être regardée comme une source principale d'une grande partie des maux qui surviennent aux enfants. C'est ce que prouvent dans un grand nombre de ces petits malades, les rapports et les vomissements qui répandent une odeur tirant sur l'aigre, ou même bien aigre, et les matières fécales, qui affectent l'odorat de la même manière. On peut encore s'en convaincre, non-seulement par la facilité avec laquelle s'aigrit et se coagule le lait dont les enfants sont nourris, mais encore parce que la partie lymphatique de leurs humeurs ne contracte aucune mauvaise qualité aussi facilement que l'acidité, Ve que leur nourriture, d'abord unique, et ensuite principale pendant les premiers temps de leur vie, consiste dans l'usage du lait de femme, auquel on joint des préparations alimentaires faites avec le lait des animaux, telles que des bouillies, des potages de farine, de pain ; toutes choses très-susceptibles de s'aigrir, ou de fournir matière aux sucs aigres : Ve encore qu'ils ne font point ou presque point d'exercice, qu'ils ne font même que très-peu de mouvement. Ainsi il n'y a pas lieu de douter que l'intempérie acide ne devienne aisément et promptement dominante dans le corps des enfants ; d'où peuvent naître un très-grand nombre de maladies. Voyez ACIDE et ACIDITE.

Les causes éloignées de la débilité et de la sensibilité des solides dans les enfants, sont principalement la disposition naturelle, eu égard à l'âge, et par conséquent la faiblesse du tempérament : mais comme cette faiblesse et cette sensibilité ne sont pas un vice, tant qu'elles ne sont pas excessives, puisqu'elles sont une suite nécessaire des principes de la vie, il s'agit de savoir ce qui les rend particulièrement défectueuses, et propres à troubler l'économie animale ; en sorte qu'il en résulte de plus mauvais effets dans les uns, et de moins mauvais effets dans les autres. Rien ne parait pouvoir contribuer davantage à établir ce vice dominant, que cette disposition héréditaire qui est transmise aux enfants par l'un des deux parents, ou par le père et la mère ensemble ; c'est pourquoi il arrive souvent que des personnes d'une faible santé, ou qui sont épuisées par des excès de l'acte vénérien, par des débauches, par de trop grands travaux d'esprit, par la vieillesse, mettent au monde des enfants qui dès leur naissance mènent une vie infirme, et sont sujets à des maladies dont la cause, qui vient de première origine, ne peut être détruite ni corrigée par aucun secours de l'art ; tels sont pour la plupart ceux qui sont affectés de la goutte, du calcul, qui cherchent inutilement dans la Médecine quelque soulagement à leurs maux.

C'est encore plus particulièrement des mères que viennent ces vices héréditaires, à cause des erreurs qu'elles commettent pendant leur grossesse, dans l'usage des choses qui influent le plus sur l'économie animale ; car on ne saurait dire combien la plupart des femmes grosses sont susceptibles de la dépravation d'appétit, et combien elles sont portées à s'y livrer, à moins qu'elles ne se contiennent par une grande force d'esprit, qui est extrêmement rare parmi elles, surtout dans ce cas. On ne pourrait exprimer combien elles ont de disposition à s'occuper de soins inutiles, de désirs vagues, d'imaginations déréglées ; combien elles se laissent frapper aisément par la crainte, la terreur, les frayeurs ; combien elles ont de penchant à la tristesse, à la colere, à la vengeance, et à toute passion forte, vive ; ce qui ne contribue pas peu à troubler le cours des humeurs, et à faire des impressions nuisibles dans les tendres organes des enfants renfermés dans la matrice. On doit craindre le même effet de l'intempérance des femmes qui se remplissent d'une grande quantité d'aliments, et souvent de mauvaise qualité ; qui sont dans l'habitude d'user immodérément de boissons spiritueuses, dont l'effet rend la plethore occasionnée par la grossesse, encore plus considérable, et n'est pas même corrigé par des saignées, qu'elles ne veulent pas souffrir. On peut encore mettre dans la classe des femmes qui nuisent considérablement aux enfants qu'elles portent, par leur indisposition personnelle, celles qui sont sujettes aux affections hystériques, qui sont fort avides du commerce des hommes, et s'y livrent fréquemment après la fécondation et pendant le cours de leur grossesse. Le coït trop fréquent pendant ce temps, est réellement, au sentiment de plusieurs auteurs, une puissante cause pour rendre les enfants infirmes et valétudinaires. Ce qui contribue principalement encore à détruire leur santé dans le ventre de la mère, c'est souvent les fatigues qu'ils essuient, les forces qu'ils épuisent dans les travaux de l'accouchement, soit lorsqu'elle n'agit pas assez, ne fait pas assez d'efforts pour l'expulsion du foetus, par indolence ou par faiblesse ; soit lorsqu'elle se presse trop, et force l'accouchement par impatience ou par trop de vigueur, ou par l'effet des remèdes chauds employés mal-à-propos pour exciter les forces expulsives.

Les sages-femmes nuisent aussi très-souvent aux enfants, soit en employant imprudemment leur ministère pour faire l'extraction violente du foetus, qui sortirait en bonne santé sans leur secours ; soit en le blessant de toute autre manière, comme en comprimant si fort les os du crane, dont les sutures ne sont unies que faiblement, qu'elles établissent par ce traitement imprudent, la cause de différentes maladies considérables, telles que l'épilepsie, la paralysie, la stupidité, qui sont suivies d'une mort prochaine, ou qui produisent de fâcheux effets pendant toute la vie.

Les accidents qui surviennent aux enfants après leur naissance et pendant les premiers temps de leur vie, contribuent aussi beaucoup à rendre les enfants d'un tempérament plus faible et plus sensible, tels que les frayeurs auxquelles ils peuvent être exposés, les cris inattendus, les bruits frappans, les interruptions subites du sommeil avec surprise ; le lait qui leur est donné par leur nourrice trop promptement après quelque violente émotion de l'âme, quelque paroxysme de colere, de terreur, etc. toutes ces choses sont très-propres à produire différents genres de spasmes, de picotements dans les nerfs, des ardeurs, des douleurs, des gonflements d'entrailles, etc. qui se manifestent par des inquiétudes, des insomnies, par des agitations de membres, par des cris, des tremblements, des sursauts convulsifs, et même par des mouvements épileptiques. Toute sorte d'intempérie de l'air, mais surtout le froid et les changements prompts de celui-ci au chaud, et réciproquement, qui affectent les adultes, surtout ceux qui ont quelque faiblesse de nerfs, à cause des dérangements dans la transpiration, qui en surviennent, font encore bien plus d'impression sur les enfants, et altèrent bien plus considérablement leur santé, et produisent en eux de très-mauvais effets. Les trop grandes précautions que l'on prend pour les garantir des injures de l'air, pour les tenir chauds, peuvent au contraire leur être aussi très-nuisibles, de même qu'un régime trop recherché, et l'usage trop fréquent de remèdes ; tout cela tend à affoiblir leur tempérament, parce qu'ils ne peuvent pas ensuite supporter les moindres erreurs dans l'usage des choses nécessaires, sans en éprouver de mauvais effets, des impressions fâcheuses ; c'est pourquoi les enfants des personnes riches, qui sont élevés trop délicatement, sont ordinairement d'une santé plus faible que ceux pour lesquels on n'a pas pris tant de soin, tels que ceux des gens de la campagne, des pauvres. C'est cette considération qui a fait dire à Locke dans son excellent ouvrage sur l'éducation des enfants, qu'il croirait pouvoir renfermer dans cette courte maxime, " que les gens de qualité devraient traiter leurs enfants comme les bons paysans traitent les leurs ", tous les conseils qu'il pourrait donner sur la manière de conserver et augmenter la santé de leurs enfants, ou du moins pour leur faire une constitution qui ne soit point sujette à des maladies ; et qu'il ne penserait pas pouvoir donner une cause générale plus assurée du contraire que celle-ci, " qu'on gâte la constitution des enfants par trop d'indulgence et de tendresse ", s'il n'était persuadé que les mères pourraient trouver cela un peu trop rude, et les pères un peu trop cruel. Il explique donc en faveur des uns et des autres sa pensée plus au long, dans la première section de l'ouvrage dont il s'agit, qui est sans contredit une des meilleures sources dans lesquelles on puisse puiser des préceptes salutaires pour l'éducation des enfants, soit physique, soit morale. Voyez ENFANCE.

Après avoir traité des causes qui contribuent à augmenter la faiblesse du tempérament des enfants, en augmentant la sensibilité du genre nerveux, il reste à dire quelque chose de celles qui produisent le même effet, en disposant ultérieurement leurs humeurs à l'acrimonie acide, qui est si souvent dominante dans leurs maladies. Ces causes sont très-différentes entr'elles : il en est plusieurs dont il a été fait mention ci-dessus. Les principales sont celles qui corrompent le lait ou dans le sein des nourrices, ou dans le corps des enfants ; le rendent épais, grossier, ou le font entièrement cailler ; ce qui peut arriver de différentes manières de la part des nourrices surtout. Si elles sont sujettes à de violentes passions, et qu'elles s'y livrent souvent ; si elles se nourrissent principalement de fruits ou de fromage, de différentes préparations au vinaigre, d'aliments aigres, acres, salés ; si elles usent pour leur boisson de beaucoup de vin qui ne soit pas bien mûr, ou de toute autre liqueur spiritueuse, il ne peut se former de toutes ces différentes matières qu'un lait de mauvaise qualité, visqueux, grossier, acre, etc. qui s'aigrit facilement dans les premières voies des enfants, d'où naissent non-seulement des obstructions dans les viscères du bas-ventre, et surtout dans les intestins et dans le mésentère, mais encore du gravier, des calculs dans la vessie ; ce qui n'est pas rare à cet âge : et même lorsque le lait se trouve chargé de parties actives fournies par les aliments, il s'échauffe aisément ; et étant porté dans le sang des enfants, il y excite des agitations fébriles, des fièvres ardentes. Ce n'est pas seulement la qualité des aliments dont usent les mères, qui peut nuire à leurs nourriçons, c'en est aussi la quantité, même des meilleurs, lorsqu'elles ne font pas de l'exercice, qu'elles mènent une vie trop sédentaire, parce qu'il ne peut résulter de cette façon de vivre que des humeurs épaisses, grossières, qui fournissent un lait aussi imparfait ; germe de bien des maladies. Le froid des mammelles, en resserrant les vaisseaux galactoferes, peut aussi contribuer beaucoup à l'épaississement du fluide qu'ils contiennent. Le coït trop fréquent des nourrices, les menstrues qui leur surviennent, les attaques de passion hystérique, la constipation, les spasmes, les ventosités des premières voies ; toutes ces altérations dans l'économie animale, corrompent leur lait, et les enfants qui s'en nourrissent deviennent faibles, languissants, pleureux, et indiquent assez par leur mauvais état le besoin qu'ils ont d'une meilleure nourriture ; ainsi l'on peut assurer que leurs maladies sont le plus souvent produites par le mauvais régime et la mauvaise santé des nourrices, en tant qu'elles ne peuvent en conséquence leur fournir qu'un lait de très-mauvaise qualité. Elles peuvent aussi leur nuire, lors même qu'elles n'ont qu'une bonne nourriture à leur donner : si elles les remplissent trop, soit que ce soit du lait, soit des soupes, ou d'autres aliments les mieux préparés ; la quantité dont ils sont farcis surcharge leur estomac, surtout pendant qu'ils sont le plus faibles et petits ; ils ne peuvent pas la digérer, elle s'aigrit, et dégénere en une masse caillée ou plâtreuse qui distend ce viscère, en tiraille les fibres, en détruit le ressort ; d'où suivent bien de mauvais effets, tels que les enflures du ventricule, les cardialgies, les oppressions, les vomissements, les diarrhées, et autres semblables altérations qui détruisent la santé de ces petites créatures. C'est ce qui a fait dire à Ettmuller, d'après Hippocrate, que les nourrices, en donnant trop de lait à la fais, ou de toute autre nourriture aux enfants, les font mourir par trop d'empressement à leur fournir les moyens de vivre, dum lactant, mactant ; car comme toute replétion excessive est mauvaise, surtout de pain pour les adultes, on peut dire la même chose de celles de lait pour les enfants. On fait encore bien plus de tort à leur santé, lorsqu'on leur donne des aliments trop variés, et souvent de mauvaise qualité, aigres, salés, acres ; lorsqu'on leur fait manger beaucoup de viande ; qu'on leur donne de la nourriture, sans attendre que celle qu'ils ont prise auparavant soit digérée ; qu'on les fait user de vin, de liqueurs spiritueuses, sous prétexte de ranimer leur appétit, ou de les fortifier, ou de les tranquilliser. Toutes ces fautes de régime sont très-pernicieuses aux enfants ; ces différentes matières alimentaires, ou sont propres à faire cailler le lait, avec lequel elles se mêlent, elles affoiblissent l'estomac ; ou elles suivent leur tendance naturelle à la corruption, ou elles portent l'acrimonie, l'incendie dans le sang doux et balsamique de ces tendres élèves ; d'où naissent un grand nombre de maladies différentes. On peut joindre à toutes ces causes le changement trop fréquent de nourrices, et par conséquent de lait. Les qualités des aliments trop variées nuisent aux adultes, à plus forte raison aux enfants, non-seulement pendant qu'ils tetent, mais encore après qu'ils sont sevrés.

Pour ce qui est du pronostic à porter sur les maladies des enfants, il faut d'abord chercher à savoir s'ils sont nés de parents robustes, de bonne santé de corps et d'esprit, surtout à l'égard des mères, parce qu'ils ne sont pas ordinairement si délicats ; ils ne sont pas conséquemment si sujets à être affectés par les mauvaises impressions des choses nécessaires à la vie : ils ne deviennent pas si facilement malades, et ils n'ont pas autant de disposition à succomber aux maladies qui leur surviennent. On peut dire la même chose de ceux qui ne sont pas élevés si délicatement, qui sont accoutumés à supporter impunément les effets des changements d'air, d'aliments qui seraient pernicieux à tous autres, qui sont endurcis par un régime tel que celui qu'observent les paysans à l'égard de leurs enfants. Il est aussi certain en général que les maladies des enfants, quoiqu'innombrables, pour ainsi dire, sont plus faciles à guérir que celles des adultes, pourvu qu'elles soient bien traitées ; parce que comme ils sont plus susceptibles des altérations qui troublent en eux l'économie animale par de très-legeres causes, de même les moindres remèdes placés à-propos, et différentes autres choses convenables à leur nature, peuvent en rétablir aisément les désordres ; en sorte que la plupart ne meurent que parce que l'on emploie souvent une trop grande quantité de secours, ou de trop puissants moyens pour leur rendre la santé, qui aurait pu être rétablie ou d'elle-même, ou avec très-peu de soins. Les Médecins ont peut-être plus nui au genre humain en médicamentant les enfants, qu'ils ne lui ont été utiles à cet égard. On observe constamment que les enfants gros, gras, charnus, et ceux qui tetent beaucoup, ceux qui ont des nourrices d'un grand embonpoint, pleines de sang, sont plus sujets à être malades, et à l'être plus fréquemment que d'autres ; ils sont plus communément affectés du rachitis, de la toux convulsive, des aphtes. Les enfants maigres sont ordinairement affligés de fièvres, d'inflammations ; ceux qui ont le ventre libre, sont aussi mieux portants que ceux qui l'ont serré : et enfin comme la plupart périssent par les douleurs de ventre, les tranchées et les mouvements convulsifs, par les symptômes d'épilepsie, c'est toujours un mauvais signe que ces différents maux se joignent avec les insomnies, aux différentes maladies dont ils sont affectés.

Les douleurs d'entrailles, les coliques, sont ordinairement épidémiques pour les enfants, depuis la mi-Juillet jusqu'à la mi-Septembre ; et il en meurt plus alors dans un mois, que dans quatre de toute autre partie de l'année, parce que les grandes chaleurs, qui se font principalement sentir dans ce temps-là, épuisent leurs forces, et les font aisément succomber à tous les maux qu'elles produisent, ou qui surviennent par toute autre cause. Les tranchées sont plus dangereuses à proportion qu'elles sont plus violentes, qu'elles durent davantage, ou qu'elles reviennent plus souvent, à cause des fièvres, des affections asthmatiques, convulsives, épileptiques qu'elles peuvent occasionner, si on n'y apporte pas promptement remède. Celles qui sont causées par les vers, ne cessent pas qu'ils ne soient chassés du corps.

Les aphtes qui n'affectent qu'en petit nombre la surface de la bouche des enfants, qui ne causent pas beaucoup de douleur, qui sont rouges et jaunâtres, cedent plus facilement aux remèdes que ceux qui s'étendent en grand nombre dans toute la bouche, qui sont noirâtres, de mauvaise odeur, et qui forment des ulcères profonds : ceux qui proviennent de cause externe, sont moins fâcheux que ceux qui sont produits par un vice de sang, par la corruption des humeurs. Les aphtes qui sont accompagnés d'inflammation, de difficulté d'avaler et de respirer, sont ordinairement très-funestes.

La maigreur et la consomption des enfants, sont toujours des maladies très-dangereuses, surtout lorsqu'elles sont invétérées, et causées par des obstructions au mésentère et aux autres viscères du bas-ventre ou de la poitrine. Si la diarrhée s'y joint, et que les malades rendent par le fondement une matière purulente, sanglante, de fort mauvaise odeur, le mal est incurable : il y a au contraire à espérer, si les digestions étant rectifiées, l'appétit revient, se soutient régulièrement ; si l'enflure du ventre diminue, et que les forces se rétablissent. Il conste par un grand nombre d'observations, que les fièvres intermittentes ont souvent guéri des enfants de la consomption.

Pour ce qui est de la curation des maladies des enfants, on ne peut en donner ici qu'une idée fort en raccourci : la plupart d'entr'elles, soit qu'elles leur soient propres, soit qu'elles leur soient communes avec les adultes, sont traitées chacune en son lieu ; ainsi voyez, par exemple, VEROLE (petite), ROUGEOLE, CHARTRE, RACHITIS, EPILEPSIE, CARDIALGIE, VERS, DENTITION, TEIGNE, etc. On peut dire en général que comme les principales causes des maladies des enfants consistent principalement dans le relâchement des fibres naturellement très-délicates, et la faiblesse des organes augmentée par l'humidité trop abondante dont ils sont abreuvés, et dans l'acidité dominante des humeurs, on doit combattre ces vices par les contraires : ainsi les astringens, les absorbans, les anti-acides, qui conviennent pour corriger l'état contre nature des solides et des fluides ; et les legers purgatifs, pour évacuer l'humide superflu et corrompu, employés avec prudence, selon les différentes indications qui se présentent, sont les remèdes communs à presque toutes les curations des maladies des enfants. C'est ce qu'a parfaitement bien établi le docteur Harris dans sa dissertation sur ce sujet, en bannissant de la pratique, dans ce cas, l'usage des remèdes chimiques, diaphorétiques, incendiaires, et de toute autre qualité, dont elle était surchargée. Il est certain même, indépendamment de la considération des causes de ces maladies, que la manière de traiter ces petits malades ne saurait être trop simplifiée, Ve la difficulté qu'il y a à les soumettre à prendre des drogues, et à leur faire observer un régime convenable, surtout avant qu'ils aient atteint l'âge de connaissance.

A peine l'homme est-il mis au monde, qu'il se trouve souvent dans le cas d'avoir besoin des secours de la Médecine, et de payer le tribut à cet art, pour éviter de le payer si-tôt à la nature. En effet, dans le cas où les enfants nouveau-nés ont pour la plupart des mucosités gluantes dans la bouche, l'oesophage, l'estomac, les intestins, et quelquefois des matières nourricières imparfaitement digérées, avant de sortir du ventre de leurs mères, qui ont pu s'échauffer dans les parties qui les contiennent, s'y corrompre par l'agitation excitée pendant le travail de l'accouchement, dont s'ensuivent des cardialgies, des douleurs de ventre, des tranchées, et autres symptômes fâcheux ; mais après avoir fait prendre aux enfants ainsi affectés, quelques gorgées du premier lait de la mère, qui est ce qu'on appelle colostrum, que la nature semble avoir destiné à cet usage, attendu qu'il est très-laxatif, si l'évacuation de ces matières ne se fait pas, ou s'il est impossible de leur faire prendre le téton tant que le mal dure, il est à-propos d'ouvrir doucement la bouche au nouveau-né, et de répandre peu-à-peu et à différentes reprises dans l'intervalle de dix à douze heures, de l'eau en petite quantité, dans laquelle on a dissous du sucre ou délayé du miel, pour détremper ces différentes matières, en purger les premières voies, et en favoriser l'expulsion. Si ces impuretés sont si abondantes dans l'estomac et les intestins, qu'elles causent des nausées, des vomissements, des tranchées, et même des mouvements convulsifs, dans ce cas on peut employer quelque chose de plus laxatif que le miel et le sucre, lorsqu'ils ne sont pas suffisans : on fait usage de l'huîle d'amandes douces récente, avec du sirop rosat solutif ; ou même s'il y a une plus grande indication de purger, on peut se servir du sirop de chicorée, avec la rhubarbe. Chacun de ces remèdes doit être donné à très-petite dose, et à différentes reprises. On peut aussi appliquer quelqu'épithème aromatique, spiritueux, sur l'estomac et le ventre ; ce qui produit souvent de bons effets, en excitant l'action des viscères du bas-ventre.

Ces différents secours, qui viennent d'être mentionnés, employés selon les différents besoins, sont aussi très-utiles pour favoriser l'expulsion de l'humeur épaisse, noirâtre et excrémentitielle, qui est comme le marc de la nourriture du foetus, qui s'est ramassé dans les gros boyaux, dans le coecum surtout et son appendice, dont la cavité est par cette raison plus considérable à proportion que dans l'adulte. Voyez MECONIUM, COECUM. Cette matière fécale doit être évacuée promptement, parce que quand elle est retenue après la naissance, soit à cause de sa trop grande consistance ou quantité, soit à cause de la sécheresse des voies par lesquelles elle doit être portée hors du corps, ou de la faiblesse de l'enfant, elle devient acrimonieuse et se corrompt facilement, par l'effet de la chaleur que produit la respiration dans tout le corps, et par le contact de l'air qui pénètre dans les intestins. On corrige la dureté des matières en faisant prendre à l'enfant de temps en temps quelques gorgées de petit-lait avec du miel délayé, dont on peut aussi donner en lavement. On procure l'évacuation par les laxatifs dont il a été parlé ci-devant, employés en potion et en clystère ; par quelque doux suppositoire, par des liniments onctueux faits sur l'abdomen. On ranime les forces, pour soutenir l'expulsion de ces excréments, par quelque leger cordial, comme le vin chaud avec le miel et la canelle ; et si l'acide domine, comme il est ordinaire, ce que l'on connait par l'odeur de la bouche, on unit les cordiaux avec les absorbans. On doit éviter soigneusement tout ce qui est trop atténuant, spiritueux, volatil. On ne doit employer qu'avec beaucoup de circonspection les opiatiques dans les mouvements convulsifs qui proviennent de la retention du meconium ; et en général on ne doit en user que rarement dans toutes les maladies des enfants qui semblent les indiquer.

Celles qui sont produites par la coagulation du lait dans les premières voies, et tous les symptômes qui en sont l'effet, doivent être traités avec des anti-acides fixes, unis à de doux purgatifs ; des lavements de même qualité, de legers carminatifs, des huileux propres à corriger l'acrimonie qui irrite le genre nerveux ; et à détruire, si elle en est susceptible, la cause des attaques d'épilepsie, qui surviennent souvent dans ce cas.

Comme la plupart des fièvres, dont la cause est particulière aux enfants, sont l'effet de l'acide dominant dans les humeurs ; on ne peut pas employer, pour les combattre, de meilleurs et de plus surs remèdes que ceux que l'on vient de proposer contre la coagulation du lait, Ve qu'elle est aussi toujours causée par l'acidité qui infecte les premières voies ; il convient par conséquent de mettre en usage ces moyens de corriger ce vice dominant, non-seulement pour les enfants, mais encore pour les nourrices. Elles doivent faire usage de remèdes de même qualité, pour que le lait qu'elles fournissent en étant imprégné, ne soit pas autant disposé à s'aigrir qu'il l'est de sa nature, ou plus encore, par une suite de l'usage des aliments acescens, comme les fruits, etc. Elles doivent s'interdire ces sortes d'aliments, et ne se nourrir que de ceux qui sont d'une nature balsamique ; et en un mot vivre de régime, selon les règles de l'art, à l'égard desquelles on peut consulter l'article NOURRICE.

Il en est de même de la curation des aphtes. S'il y a lieu de soupçonner ou de croire que le lait ou la qualité des humeurs de la nourrice ont contribué à les produire, il faut lui prescrire l'usage des laxatifs, des infusions de rhubarbe, des tisanes tempérantes, diaphorétiques, faites avec l'infusion de salse-pareille, la décoction de scorsonere, et autres semblables ; ou changer de lait, si celui dont l'enfant se nourrit n'est pas susceptible d'être corrigé. Si la cause des aphtes vient de l'enfant, on doit aussi le traiter avec de doux purgatifs, tels que la manne, le sirop de chicorée, composé avec la rhubarbe, le sirop de fleurs de pêcher, et autres doux laxatifs. On doit aussi mettre en usage les remèdes convenables pour empêcher que le lait ne devienne acre, et éviter soigneusement tout ce que l'on a lieu de croire avoir procuré les aphtes : on peut encore dans ce cas employer les cremes de ris, d'avoine, etc. pour corriger l'acrimonie des humeurs en général. On ne doit pas négliger les remèdes topiques, pour émousser la qualité corrosive des sucs dont les aphtes sont abreuvés ; on use avec succès, dans ce cas, de quelques loocs faits, par exemple, avec le suc de grenade et le miel, le sirop de mûres délayé dans une suffisante quantité d'eau tiede, le suc de raves battu avec un jaune-d'œuf et un peu de nitre, etc. On applique ces différents lénitifs avec le bout du doigt garni d'un linge imbu de ces préparations. Si les aphtes sont symptomatiques, il faut détruire la cause qui les a fait naître, avant que de les attaquer topiquement : il ne faut point troubler la nature dans ses opérations ; on doit se borner à faire usage de quelques legers diaphorétiques, de quelques émulsions tempérantes, avec les semences froides, et un peu de celle de pavot. Voyez APHTHES.

L'épilepsie des enfants doit aussi être traitée par des remèdes donnés ou aux nourrices, si c'est d'elles que vient ce mal, ou aux enfants mêmes, si la cause ne leur est pas étrangère. Dans le premier cas, lorsque quelque frayeur, quelqu'accès de colere, ou toute autre agitation de l'âme, a corrompu le lait dans sa source, il convient d'éviter soigneusement tous les remèdes spiritueux, acres, irritants, et de ne prescrire que ceux qui sont propres à calmer les tensions spasmodiques du genre nerveux, tels que les lavements émolliens, carminatifs, les poudres anti-convulsives préparées avec celle de guttete, de cinnabre, et un peu de musc, données dans quelques eaux appropriées, telles que celle de tilleul. Lorsque la cause est dans l'enfant même, et qu'elle dépend du lait, ou de tout autre aliment devenu acre, corrosif dans les premières voies, il faut employer les délayans laxatifs, huileux, qui peuvent évacuer les matières viciées, ou les émousser ; et ensuite faire promptement usage des mêmes remèdes indiqués ci-dessus contre les spasmes, à dose proportionnée, auxquels on peut ajouter le castoreum. La décoction un peu épaisse de corne de cerf donnée pour boisson, produit de bons effets dans ce cas. Si le vice du lait ou des autres aliments ne consiste qu'en ce qu'il est trop épais, trop grossier, il faut lui donner peu à teter ou à manger, et ne lui faire prendre qu'une nourriture propre à rendre plus fluides les matières contenues dans les premières voies ; et dans le cas où il y a lieu de croire qu'elles sont fort engorgées, on peut, après le paroxysme, donner une petite dose de quelqu'émétique, comme le sirop de Charas, de Glauber, ou un demi-grain de tartre Stibié dans le sirop de violettes, et quelqu'eau appropriée. Si la maladie est causée par quelques exanthèmes rentrés, tels que la gale, la teigne, il faut employer les moyens qui peuvent en rappeler la matière à l'extérieur, tels que les vessicatoires appliqués à la nuque, les cautères, les sétons : si elle dépend des vers, il faut la traiter convenablement à sa cause. Voyez VERS, et surtout l'article EPILEPSIE.

L'atrophie des enfants pouvant être produite par des causes bien différentes, elle demande par conséquent un traitement aussi varié, qui doit être le même à proportion que celui qui convient aux adultes pour cette maladie. Voyez ATROPHIE ou CONSOMPTION.

Il en est de même des autres maladies auxquelles les enfants sont sujets, qui leur sont communes avec les personnes d'un âge plus avancé, telles que la diarrhée, la dyssenterie, la cardialgie, la suppression d'urine, etc. Voyez en son lieu chacune de ces maladies : consultez aussi Ettmuller, Harris, Hoffman, Boerhaave, dans la partie de leurs ouvrages où ils traitent des maladies des enfants, ex professo. C'est d'Hoffman principalement et de Boerhaave qu'a été tiré ce qui a été dit ici à ce sujet. (d)

ENFANS DES DIEUX (Mythologie) Voyez FILS DES DIEUX.

ENFANS PERDUS, (Art militaire) terme de guerre, qui signifie des soldats qui marchent à la tête d'un corps de troupes, commandés pour le soutenir, et qu'on emploie pour commencer quelque attaque, donner un assaut ou forcer quelque poste. Ils tirent ce nom du danger auquel ils sont exposés : les Anglais les appellent les abandonnés et les désespérés, ce sont à présent les grenadiers qui commencent ces sortes d'attaques, ou les dragons. Chambers. (Q)

ENFANS DE LANGUE. (Commerce) On nomme ainsi de jeunes François que le Roi fait d'abord élever à Paris, puis entretenir dans le Levant pour y apprendre les langues turque, arabe et grecque, et servir ensuite de drogmants à la nation, et surtout aux consuls et aux négociants. Ces enfants sont élevés en France par les jésuites, et se perfectionnent au Levant chez les capucins. Voyez DROGMAN. (G)

ENFANTEMENT, s. m. (Méd. et Chirurg.) Voyez ACCOUCHEMENT ; mais comme cette opération naturelle a de grands besoins du secours de l'art, et que les chirurgiens qui s'y destinent, ne sauraient trop joindre à leur pratique et à leurs lumières, l'étude des auteurs qui se sont attachés à la même profession, nous allons indiquer ici par supplément les principaux ouvrages de notre connaissance qui ont paru sur cette matière en diverses langues, afin que ceux qui savent ces langues, et qui ne veulent rien négliger pour s'instruire, puissent se former une bibliothèque un peu complete des livres de leur métier : nocturnâ versate manu, versate diurnâ.

AUTEURS LATINS. Beccheri (Joh. Cour.) De inculpatâ ad servandam puerperam tract. Giessae, 1729. 4°. bon sur l'opération césarienne.

Cypriani (Abraham) historia foetus humani post xxj. menses ex uteri tubâ, matre salvâ ac superstite excisi. Lugd. Bat. 1700. 8°. c. f. c'est l'histoire d'un cas important en faveur de l'opération césarienne.

Deventer (Henrici) Ars obstetricandi. Lugd. Bat. 1701 et 1724. in -4°. ibid. 1725. fig. en François à Paris, 1733 et 1738, in -4°. avec fig. en Allemand Jenae, 1717 in -8°. fig. et en d'autres langues. C'est ici le meilleur ouvrage qui ait encore paru sur l'art des accouchements dans aucun pays.

Hoffmanni (Daniel) Annotationes de partu tam naturali quàm violento. Francof. 1710 in -8°. il faut lire ces remarques en médecin, et non pas en sévère législateur.

Prato (Jasonis) de pariente et partu liber. Basil. 1527. 8°. Amstel. 1657. 12. il ne méritait pas d'être r'imprimé chez Blaeu.

Rhodionis (Eucharii) de partu hominis. Paris, 1536. in-12. etc. Francof. 1554. 8°. c. f. ce petit ouvrage a été autrefois fort recherché, et souvent r'imprimé.

Rueff (Jacob.) de conceptu et generatione hominis, lib. IVe cum icon. Tiguri, 1554. fig. 1580. 4°. et Francof. 1587. in-4°. Auctior in Gynaeciorum libris à Spacchio. Argent. 1597. edit. fol. en haut Allemand à Francfort, 1660. 4°.

Sollingen (Cornel.) de obstetricantium officiis et opere. Francof. 1693. in-4°. avec ses œuvres chirurgicales. L'original écrit en Hollandais, parut à Amst. en 1684. in-4°. et c'est un assez bon auteur.

Spacchius (Israel) Gynaeciorum libri illustrati. Argentorati, 1597. fol. Collection qui doit entrer dans la bibliothèque des Accoucheurs et des Médecins.

AUTEURS FRANÇOIS. Amand (Pierre) Nouvelles observations sur la pratique des accouchements. Paris 1714. in-8. première édit. fig.

Bienassis (Paul) des divers travaux et enfantement des femmes, traduit du latin d'Eucharius Rhodion. Paris 1586. in-16.

Bourgeais (Louise) dite Boursier. Observations sur la stérilité, pertes de fruit, fécondité, les accouchements, maladies de femmes, et enfants nouveau-nés. Paris, 1626. in-8. 1653. traduit en Hollandais et en Allemand, il est devenu rare.

Bury (Jacques) Le propagatif de l'homme, et secours des femmes en travail d'enfant. Paris, 1623. in-12. fig. mauvais ouvrage.

Dionis (Pierre) Traité des accouchements. Paris, 1718. 1724. in-8. fig.

Du tertre (Marguerite) Instruction des Sages-femmes. Paris, 1677. in-12. très médiocre.

Duval (Jacques) Traité des Hermaphrodites, et de l'accouchement des femmes. Rouen, 1612. in -8. il est rare.

Fournier (Denis) l'Accoucheur méthodique. Paris, 1677. in-12. il ne mérite aucune estime.

Gervais de la Touche. L'industrie naturelle de l'enfantement contre l'impéritie des Sages-femmes. Paris, 1587. in-8. On le lisait avant que Mauriceau parut.

Guillemeau (Jacques) de la grossesse et accouchement des femmes. Paris, 1621. in -8. fig. 1643. in -8. fig. Il y a du savoir dans cet ouvrage.

Instruction familière et utîle aux sages-femmes pour bien pratiquer les accouchements. Paris, 1710. in -12. bon.

Levret (André) Observations sur les causes et les accidents de plusieurs accouchements laborieux, avec des remarques, etc. Paris, 1747. in -8. c. f. 1750. seconde édit. Il faut qu'un praticien se munisse de livres de ce genre.

Marche (la Dame de la) Instructions utiles aux Sages-femmes. Paris 1710. et 1723. in -12. bon à recommander aux Accoucheurs.

Mauriceau (Fr.) Traité des maladies des femmes grosses. Paris, 1681. in -4. première édit. 1728. 2. vol. in -4. sixième édit. Voilà le premier praticien du monde, celui à qui toute l'Europe est redevable de l'art des accouchements et de ses progrès. Son ouvrage est traduit dans toutes les langues, et le mérite bien.

Mesnard (Jacques) le guide des accouchements. Paris, 1743. in -8. avec fig.

Motte (Guillaume Mauquest de la) Traité des accouchements. Paris, 1715. première édit. in -4. Ce livre est plein d'excellentes observations.

Peu (Philippe) Pratique des accouchements. Paris, 1694. in -8.

Portal (Paul) la pratique des accouchements. Paris, 1685. avec fig. première édit. in -8. fig. et Amst. 1690. in -8. en Hollandais.

Recueil général des caquets de l'accouchée. Paris, 1623. in -8. Ce recueil ne nous a rien appris, et il fallait nous instruire.

Rousset (Français) Traité nouveau de l'Hysterotomotochie ou de l'enfantement césarien. Paris, 1581. in -8. première édit. en Allemand, par Melchior Sebisius. Strasb. 1583. in -8. en latin, par Casp. Bauhin, avec des additions. Basil. 1589. in -8. ibid. 1591. in -8. c. f. Francof. 1601. in -8. c. f. rare et curieux.

Ruleau (J.) Traité de l'opération césarienne, et des accouchements difficiles et laborieux. Paris, 1704. in -12. première édit. curieux aussi.

S. Germain (Charles de) Traité des Fausses-couches. Paris, 1655. in -8.

Viardel (Cosme) Observations sur la pratique des accouchements. Paris, 1681. Auteur médiocre qu'on a pourtant traduit en Allemand.

AUTEURS ANGLOIS. Braken (Henrici) A Treatise of Midwifery. Lond. 1737. in -8. bon à consulter.

Chamberlain. Practice of Midwifery. London, 1665. in -8. C'est le Mauriceau d'Angleterre, un des premiers qui ait acquis de la célébrité sur la pratique des accouchements ; mais on l'a beaucoup perfectionné depuis.

Chapman (Edmund) A Treatise on the improvement of Midwifery, chiefly with regard to the operation. London, 1733. in -8. première edit. ibid. 1738. in -8. bon à consulter.

Giffard (William) Two hundred and twenty five cases in Midwifery. London, 1733. in -8. bon parce que ce sont des observations.

Hody (Edward) Cases in Midwifery by William Giffard revis'd. Lond. 1734. in -8. c. f. bon encore par la même raison.

J. P. The compleat Midwife's Practice. Lond. 1699. in -8. c. f.

Manningham (Richard) Artis obstetricandi compendium theoriam et praxim spectants. Lond. 1739. in -4. Hamb. 1746. in -4. c. f. avec des augmentations. C'est ici la meilleure édit. pour les choses.

Mowbray (John) The Female Physician, etc. London, 1725. in -8. With Copper-plates.

Ould (Thielding) A Treatise of Midwifery in three parts. London. 1720. in -8. fig. C'est un des livres médiocres d'Angleterre sur cette matière.

Sermon (William) The english Midwife. Lond. 1671. in -8. c. f. Traité tombé dans l'oubli, quoiqu'il ait paru après celui de Chamberlain.

Sharp (Mrs.) The compleat Midwife's Companion. Lond. 1737. in -8. malgré le titre, c'est peu de chose.

Stone (Sarah) A complete Practice of Midwifery. London. 1737. in -8. On a encore plus promis dans le titre de ce livre, qu'on n'a tenu dans l'exécution.

AUTEURS ALLEMANDS. Boèkelman (André) Controverses sur l'extraction du foetus mort, en Allemand, mais originairement en Hollandais. Amst. 1697. in -8. bon.

Eckhardi, unvorsichtige Hebamme, c'est-à-dire, la sage-femme imprudente. Lips. 1715. in -8. utile.

Homburgen (Anna Elys.) Unterricht der Hebammen ; c'est-à-dire, instruction des sages-femmes. Hannov. 1700. in -8.

Hoorn. (Joh. Von) Art des accouchements, en Suédais. Stockolm, 1697 et 1726. in -8. avec fig. C'est un des bons manuels qu'on ait en langue Suédaise, pour instruire les accoucheuses.

Richters (E. C.) Allezeit vorsichtige Web-mutter. Francof. 1738. in -8. bon.

Sigemundi (Justina) Brandenburgische Hoff-Webmutter. Berolini 1689 et 1708. in -4. Fort bon ouvrage, et je crois le meilleur qui ait paru en langue Allemande.

Sommers (Joh. Georg.) Hebammen Schul. c'est-à-dire, école des accoucheuses. Coburg. 1664. in -12. ibid. 1691. 1715. in -12. avec fig.

Sterren (Dyonisius Van-der) Traité de l'accouchement césarien, originairement en Hollandais à Leyden. 1682. in -12. Tout ce qui a été dit sur l'opération césarienne doit être recueilli.

Voèlters (Christophor.) Hebammen Schul ; c'est-à-dire, l'école des accouchements ; Stutgard. 1679. in -8. On peut aller à meilleure école qu'à celle de cet Auteur.

Welschens (Gottfred) Kinder-mutter, und Hebem-men-Buch. Witteb. 1671. in -4. Ouvrage très-médiocre.

Widmannia (Barbara) anweisung Christilichen Hebammen ; c'est-à-dire, la sage-femme Chrétienne éclairée. Augustae Vindel. 1735. in -8. utîle aux accoucheuses.

AUTEURS ITALIENS. Melli (Sebastiano) La Commare levatrice istrutta del suo officio. con fig. Venez. 1721. in -4. bon.

Mercurio (Scipione) la Commare, o, Riccogitrice in Venez. 1604. in -4. première édit. in Milano 1618. in -8. in Verona 1641. in -4. avec fig. sur bois. ibid. 1662. in -4. avec fig. en Allemand. Wittemb. 1671. et à Leipsig. 1692. avec fig. curieux et fort rare.

Santorini (Giovan Domenico) Historia d'un Feto felicimente estratto. Venezia, 1727. in -4. On peut compter sur les observations de cet habîle Anatomiste.

Je n'ai pas besoin de remarquer en finissant ma liste, qu'on trouve sur les accouchements d'excellentes observations semées dans les mém. de l'Acad. des sciences et de chirurgie de Paris ; les Transactions philosophiques de Londres, les actes de la societé d'Edimbourg, et autres semblables. Il serait à souhaiter que le tout fût réuni en un seul corps pour l'utilité des gens de l'art. Article de M(D.J.)

ENFANTEMENT, douleurs de l'(Médecine) ce sont celles qui sont particulières à la femme grosse, qui annoncent et qui précèdent sa prochaine délivrance ; état bien touchant et bien intéressant pour l'humanité.

C'est dans cet état que la femme grosse devient ordinairement très-attentive à toutes les révolutions qui se font en elle. On ne peut raisonnablement blâmer ses frayeurs et sa prévoyance ; personne ne doit être plus intéressé qu'elle à la conservation de sa vie, et à celle du fruit qu'elle porte dans son sein. Elle Ve jouer le rôle le plus grave et le plus pénible dans l'action qui s'approche. En conséquence, les moindres douleurs qu'elle souffre ne manquent pas de l'alarmer, surtout dans sa première grossesse ; et le sentiment ou la connaissance du péril qu'elle peut courir, la presse d'appeler à son aide une habîle accoucheuse, ou, ce qui vaut encore mieux, un accoucheur consommé.

Ceux-ci instruits par leurs lumières et par leur expérience, commencent d'abord par examiner soigneusement et très-scrupuleusement l'espèce de douleurs de la femme grosse. Cet examen est de la dernière importance ; parce que d'un côté il serait très-imprudent de retarder un travail réel, et de l'autre ce serait exposer la vie de la femme et celle de son enfant que de hâter, par les secours de l'art, une opération qui n'est pas encore préparée par les secrets de la nature. Je sai bien que les femmes qui ont eu plusieurs enfants, se croient capables de distinguer les vraies douleurs de l'enfantement de celles qui proviennent de toute autre cause ; mais outre qu'elles s'abusent d'ordinaire, l'accoucheur lui-même, quoique très-éclairé dans son art, s'y trompe quelquefois. Il importe donc de parcourir les signes ici les plus distinctifs auxquels on peut reconnaître les fausses douleurs des véritables.

Les douleurs qui ne partent point de la matrice, qui ne la dilatent point, qui ne portent point en-embas, qui paraissent longtemps avant le terme, qui ne sont pas précédées de l'écoulement des eaux, sont ce qu'on appelle douleurs fausses, c'est-à-dire qui ne caractérisent point l'enfantement prochain. Ces douleurs fausses proviennent quelquefois des vents renfermés dans les intestins, que l'on reconnait au murmure qui se fait dans le bas-ventre ; quelquefois de tenesmes, d'envies continuelles d'aller à la selle par la compression de l'uterus sur le rectum : d'autres fois une grande émotion ou des passions vives suffisent pour exciter sur la fin de la grossesse des douleurs violentes, sans qu'elles annoncent la délivrance prochaine.

Les douleurs vraies de l'enfantement commencent dans la région lombaire, s'étendent du côté de la matrice, rendent le pouls plus plein, plus fréquent, et plus élevé ; elles donnent de la couleur, parce que le sang est porté au visage avec plus de vitesse et en plus grande quantité ; elles se rallentissent et redoublent par intervalles. La douleur qui suit, est toujours plus grande que celle qui l'a précédée, en sorte qu'on peut dire que c'est par un accroissement successif des douleurs qu'une femme est conduite à l'enfantement qui les termine.

Les douleurs vraies se distinguent encore des douleurs de colique, en ce que ces dernières se dissipent, ou du moins reçoivent quelque soulagement par l'application des linges chauds sur l'abdomen, l'usage interne des émolliens onctueux, la saignée, les lavements adoucissants, etc. au lieu que tous ces moyens semblent exciter plus fortement les véritables douleurs de l'enfantement.

Un autre signe assez distinctif, est le lieu de la douleur ; dans les coliques venteuses, l'endroit de la douleur est vague : dans l'inflammation il est fixe, et a pour siège les parties enflammées ; mais les douleurs de l'enfantement sont alternatives, déterminées vers la matrice avec resserrement et dilatation successive, et répondent toujours en-embas.

On soupçonne toutes les douleurs qu'une femme souffre avant le neuvième mois, d'être fausses, et par conséquent on ne doit pas chercher à les augmenter : s'il arrivait néanmoins qu'au septième mois de la grossesse une femme entrât réellement en travail, il faudrait non seulement ne le point retarder, mais le hâter avec prudence.

Au surplus, ce qu'il y a de mieux à faire, pour n'être point trompé dans cette occasion, c'est de toucher l'orifice de la matrice ; et son état fournira les notions les plus certaines sur la nature des douleurs, et les signes caractéristiques du futur accouchement. Si les douleurs sont fausses, l'orifice de la matrice se refermera plus étroitement qu'auparavant dès qu'elles seront passées ; si elles sont vraies, elles augmenteront la dilatation de l'orifice de la matrice. Ainsi l'on décidera du caractère des douleurs, en touchant l'utérus avant et après : en effet, lorsque la matrice agit sur l'enfant qu'elle renferme, elle tend à surmonter la résistance de l'orifice qui se dilate peu-à-peu. Si l'on touche cet orifice dans le temps des douleurs, on sent qu'il se resserre ; et lorsque la douleur est dissipée, l'orifice se dilate de nouveau. Ainsi par l'augmentation des souffrances, et par les progrès de la dilatation de l'orifice, lorsqu'elles seront cessées, on peut s'assurer de la nature des douleurs, juger assez bien du temps de l'accouchement prochain, et diriger sa conduite en conséquence.

Les douleurs avant-courières de l'enfantement, sont celles qui se font sentir à l'approche du travail pendant quelques heures, et même quelquefois pendant plusieurs jours : on les appelle mouches. Quoique les femmes en soient très-fatiguées, elles leur sont extrêmement salutaires ; ce sont elles qui produisent la dilatation successive de l'orifice de la matrice ; elles contribuent à la formation des eaux ; elles poussent l'enfant dans une situation propre à sortir ; elles préparent les passages qui se trouvent enduits d'une humeur émolliente et mucilagineuse qu'elles expriment de la matrice ; et peut-être servent-elles encore à détacher le placenta de la surface intérieure de l'utérus, détachement qui précède immédiatement la naissance de l'enfant. Je dis que la femme grosse éprouve quelquefois de pareilles douleurs pendant plusieurs jours ; c'est pourquoi l'accoucheur serait imprudent de la mettre en travail, avant que les autres raisons décisives et réunies ensemble ne l'y déterminassent.

Enfin, comme il se fait souvent dans les femmes prêtes d'accoucher des mouvements violents, soit dans le visage, les yeux, les lèvres, soit dans les bras, soit dans les organes de la respiration, soit dans le bas-ventre, soit dans les parties inférieures du corps ; ces mouvements impétueux et presque convulsifs sont la voix de la nature même, qui apprend, qui crie à l'accoucheur, que les vraies douleurs de la femme grosse sont parvenues au degré de violence nécessaire pour l'expulsion de l'enfant, lequel à son tour aura besoin en naissant de secours de toute espèce, incapable de faire aucun usage de ses organes, et de se servir de ses sens ; image de misere, de souffrances et d'imbécillité ! Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.