S. m. (Droit naturel et civil) thesaurus est vetus quaedam depositio pecuniae, cujus non extat memoria, ut jam dominum non habeat : sic enim fit ejus qui invenerit quod non alterius sit, alioquin si quis aliquid vel lucri causâ, vel metus, vel custodiae, condiderit sub terra, non est thesaurus cujus etiam furtum sit. Digest. lib. XLI. tit. I.

Selon cette définition, un trésor est un argent trouvé, et dont on ignore le maître. Je dis, dont on ignore le maître ; car si quelqu'un cache en terre son argent crainte d'être dépouillé, ou simplement faute d'endroits plus commodes pour le serrer, ce n'est pas un trésor ; et quiconque le prend, se rend coupable de larcin, comme ce valet dont il est parlé dans la comédie de Plaute, intitulée Aulularia. On demande donc à qui appartient un trésor trouvé, c'est-à-dire un argent dont on ignore le maître.

Selon le droit naturel tout seul, un trésor, de même que toutes les autres choses qui n'ont point de maître, appartiennent au corps de l'état, ou à ceux qui le représentent, en un mot, au souverain. Mais d'un autre côté, le souverain est censé laisser ces sortes de choses au premier occupant, tant qu'il ne se les réserve pas bien clairement à lui-même. Et lorsqu'il permet aux particuliers ou expressément, ou tacitement, de se les approprier ; celui qui trouve un trésor et qui s'en saisit, en devient par-là maître, quand même il l'aurait trouvé dans un fonds appartenant à autrui, si les lois civiles n'en disposent autrement ; parce que le trésor n'est pas accessoire du fonds, comme les métaux, les minéraux, et autres choses semblables qui y sont attachées naturellement, et dont à cause de cela le propriétaire du fonds en peut être regardé comme en possession.

Les lois romaines qui donnent la moitié du trésor au maître du fonds, et l'autre moitié à celui qui y trouve un trésor, étendent cela à un ouvrier qui est payé par le maître du champ ou de la maison pour y travailler ; car, dit-on, il n'agit au nom de celui qui l'a loué qu'en ce qui regarde l'ouvrage qu'il a à faire. Nemo enim servorum opera thesaurum quaeret : nec ea propter tum terram fodiebat, sed alii rei operam insumebat et fortuna aliud dedit. Digest. lib. XLI. tit. I. De acquir. rer. domin. leg. 43.

Platon décide qu'un trésor, et en général toutes les choses perdues, ne demeurent pas à celui qui les trouve, quoiqu'on ne sache point à qui elles appartiennent ; mais il prétend qu'il faut consulter là-dessus l'oracle de Delphes, pour disposer de ces choses comme il en ordonnera. C'est pousser le scrupule aussi loin que faisait un philosophe chinois, nommé Chiungai, qui s'imaginant qu'il n'était pas permis de rien toucher que l'on soupçonnât le moins du monde être le fruit de quelque injustice, ne voulait pas loger dans la maison de son père, crainte qu'elle n'eut été bâtie par des fripons, ni manger chez ses parents ou ses frères, de peur que ce qu'ils lui donneraient ne fût mal acquis. On a lieu de croire que parmi les Juifs, les Romains du temps de Plaute et les Syriens, le trésor appartenait au maître du champ où il avait été trouvé ; mais ce qu'on sait plus certainement, c'est que les lois romaines ont fort varié sur cette matière. Voyez le droit public de M. Domat, liv. I. tit. VI. sect. 3. et le jus privatum romano-german. de Titius, lib. VIII. cap. XIIIe

Au reste il convient de savoir qu'il y a sur ce sujet parmi nous divers règlements, des lois civiles selon les différents pays, comme aussi diverses opinions parmi les auteurs ; mais il serait inutîle d'entrer dans ce détail. (D.J.)

TRESOR PUBLIC, (Antiquité, Athènes) le trésor public d'Athènes était consacré à Jupiter sauveur, et à Plutus dieu des richesses. Dans la masse des revenus publics qui formaient ce trésor, on y gardait toujours en réserve mille talents, 187 mille 500 livres sterlings, auxquels il était défendu de toucher sous des peines capitales, excepté dans les besoins les plus urgens de l'état.

Les fonds de subside qui fournissaient le trésor public d'Athènes provenaient de l'imposition, nommée tête, ; des phori, ; des eisphorae, ; et des timemata, , c'est-à-dire des amendes ; les autres mots ont été expliqués à leur article.

Leur trésor public était employé à trois sortes de dépenses, qui tiraient leurs noms de leur emploi. On appelait 1°. , les fonds destinés aux dépenses civiles ; 2°. , les fonds destinés pour la guerre ; 3°. , les fonds destinés pour la religion. Dans cette dernière classe étaient comprises les dépenses des théâtres et des fêtes publiques.

Il y avait un trésorier assigné à chaque branche des revenus publics, et l'on appelait cette magistrature, . Potter, archoeol. graec. t. I. p. 82. (D.J.)

TRESOR PUBLIC, (Antiquité romaine) trésor de l'épargne formé des deniers publics.

Il y avait dans le temple de Saturne, situé sur la pente du mont Capitole, trois trésors publics. Dans le trésor ordinaire, l'on mettait l'argent des revenus annuels de la république, et l'on en tirait de quoi subvenir aux dépenses ordinaires.

Le second trésor provenait du vingtième qu'on prenait sur le bien des affranchis, sur les legs et successions qui étaient recueillis par d'autres héritiers que les enfants des morts, ce qui montait à des sommes excessives. Ce second trésor était appelé par cette raison aurum vicesimarium.

Dans le troisième était en réserve tout l'or que l'on avait amassé depuis l'invasion des gaulois, et que l'on conservait pour des extrémités pareilles, surtout en cas d'une nouvelle irruption de ces mêmes gaulois. Ce fut ce qui donna lieu à ce noble trait d'esprit de César au tribun qui gardait ce trésor, quand ce grand capitaine le fit ouvrir par force, sous prétexte de la guerre civîle : " Il est inutile, dit-il, de le réserver davantage, puisque j'ai mis Rome hors de danger d'être jamais attaquée par les Gaulois ".

C'était dans le troisième trésor qu'étaient encore les sommes immenses que les triomphateurs apportèrent des pays conquis. César s'empara de tout, et en fit des largesses incroyables. Cependant ce troisième trésor public, ainsi que le second, s'appelait sanctius aerarium, mais rien n'était sacré pour servir à l'ambition de ce nouveau maître de Rome.

Tout le monde sait que le mot général aerarium, qu'on donnait à tous ces trésors, venait de ce que la première monnaie des Romains était du cuivre. Quand la république fut soumise à l'autorité d'Auguste, il eut son trésor particulier sous le nom de fiscus. Le même empereur établit un trésor militaire, aerarium militare.

Les pontifes avaient aussi leur trésor, aerarium, que l'on appelait plus communément arca ; et ceux qui en avaient la garde se nommaient arcarii, dont il est fait mention dans le code Théodosien, et dans le code Justinien, liv. II. tit. VII. (D.J.)

TRESOR, (Critique sacrée) en grec , ce mot signifie 1°. un amas de richesses mises en réserve, Matth. VIe 19. ne cherchez point à amasser des trésors sur la terre : 2°. des coffres, des cassettes ; les mages après avoir déployé leurs trésors, , Matth. IIe 11. c'est-à-dire après avoir ouvert les cassettes, les coffres où étaient renfermées les choses précieuses qu'ils voulaient présenter au Sauveur : 3°. magasin où l'on garde les provisions, Matth. XIIIe 52. le père de famille tire de sa dépense, , toutes sortes de provisions.

Le trésor de l'épargne était la tour où les rois de Juda faisaient porter leurs finances, IV. Rais, xx. 15. le trésor du temple était le lieu où l'on mettait en réserve tout ce qui était consacré au Seigneur, Josué VIe 19. le trésor de Dieu est une expression métaphorique, pour marquer ses bienfaits, sa puissance, etc. Il tire de ses trésors, comme d'un arsenal, les traits dont il punit les mécans, Jérémie, l. 25. Les trésors d'iniquitté désignent les richesses acquises par des voies injustes, Prov. Xe 2. (D.J.)

TRESOR DES CHARTES DU ROI, est le dépôt des titres de la couronne, que l'on comprenait tous anciennement sous le terme de chartes du roi.

On entend aussi par-là le lieu où ce dépôt est conservé.

Anciennement et jusqu'au temps de Philippe-Auguste, il n'y avait point de lieu fixe pour y garder les chartes du roi ; ces actes étant alors en petit nombre, nos rois les faisaient porter à leur suite par-tout où ils allaient, soit pour leurs expéditions militaires, soit pour quelqu'autre voyage.

Guillaume le Breton et autres historiens rapportent, qu'en 1194 Philippe-Auguste ayant été surpris pendant son diner, entre Blais et Fretteval, dans un lieu appelé Bellesoye, par Richard IV. dit Cœur de lion, roi d'Angleterre et duc de Normandie, avec lequel il était en guerre, il y perdit tout son équipage, notamment son scel et ses chartes, titres et papiers.

M. Brussel prétend néanmoins que cet enlevement n'eut pour objet que certaines pièces, et que les Anglais n'emportèrent point de registres ni de titres considérables.

Il y a du moins lieu de croire que dans cette occasion les plus anciens titres furent perdus, parce qu'il ne se trouve rien au trésor des chartes que depuis Louis le Jeune, lequel, comme on sait, ne commença à régner qu'en 1137.

Philippe-Auguste, pour réparer la perte qui venait de lui arriver, donna ordre que l'on fit des soigneuses recherches, pour remplacer les pièces qui avaient été enlevées.

Il chargea de ce soin Gaultier le jeune, Galterius junior, auquel du Tillet donne le titre de Chambrier.

Ce Gaultier, autrement appelé frère Guerin, était religieux de l'ordre de S. Jean de Jérusalem. Il fut évêque de Senlis, garde des sceaux de France sous Philippe-Auguste, puis chancelier sous Louis VIII. et S. Louis.

Il recueillit ce qu'il put trouver de copies de chartes qui avaient été enlevées, et rétablit le surplus de mémoire le mieux qu'il lui fut possible.

Il fut arrêté que l'on mettrait ce qui avait été ainsi rétabli, et ce qui serait recueilli à l'avenir, en un lieu où ils ne fussent point exposés aux mêmes hasards ; et Paris fut choisi, comme la capitale du royaume, pour y conserver ce dépôt précieux.

Il est présentement placé dans un petit bâtiment en forme de tour carrée, attenant la Ste Chapelle, du côté septentrional : au premier étage de ce bâtiment est le trésor de la Ste Chapelle ; et dans deux chambres l'une sur l'autre, au-dessus du trésor de la Ste Chapelle, est le trésor des chartes.

Mais ce dépôt n'a pu être placé dans cet endroit que sous le règne de S. Louis ; et seulement depuis 1246, la Ste Chapelle n'ayant été fondée par ce roi que le 12 Janvier de cette année.

Les chartes ou titres recueillis dans ce dépôt sont les contrats de mariages des rois et reines, princes et princesses de leur sang, les quittances de dot, assignations de douaire, lettres d'apanages, donations, testaments, contrats d'acquisition, échanges, et autres actes semblables, les déclarations de guerre, les traités de paix, d'alliance, etc.

On y trouve aussi quelques ordonnances de nos rais, mais elles n'y sont pas recueillies de suite, ni exactement ; car le registre de Philippe-Auguste et autres des règnes suivants jusqu'en 1381, ne sont pas des recueils d'ordonnances de ces princes, mais des registres de toutes les chartes qui s'expédiaient en chancellerie, parmi lesquelles il se trouve quelques ordonnances.

Le roi enjoignait pourtant quelquefois par ses ordonnances mêmes de les déposer en original au trésor des chartes, témoin celle de Philippe VI. touchant la régale du mois d'Octobre 1344, à la fin de laquelle il est dit qu'elle sera gardée par original au trésor des chartes et lettres du roi ; Ordonnances de la troisième race, tome V.

Lorsque le trésor des chartes fut établi dans le lieu où il est présentement, on créa aussi-tôt un gardien de ce dépôt, que l'on appela trésorier des chartes de France, et que l'on a depuis appelé trésorier-garde des chartes et papiers de la couronne, ou, comme on dit vulgairement, garde du trésor des chartes.

Suivant des lettres de Louis XI. de l'an 1481, il doit prêter serment de cette charge en la chambre des comptes.

En instituant le trésorier des chartes, on lui donna non-seulement la garde de ce dépôt, mais on le chargea aussi de recueillir les chartes et titres de la couronne, de les déposer dans le trésor, et d'en faire de bons et fidèles inventaires.

Il nous reste encore quelques notions de ceux qui ont exercé la charge de trésorier des chartes.

Le plus ancien qui soit connu, est Me. Jean de Calais.

Depuis Etienne de Mornay qui l'était en 1305, on connait assez exactement ceux qui ont rempli cette charge.

On trouve qu'en 1318, Pierre d'Estampes ou de Stampis était garde du trésor ; mais M. Dupuy dit qu'il y a lieu de douter si ce Pierre d'Estampes et ceux qui lui succédèrent en cet emploi jusqu'en 1370, étaient véritablement gardes du trésor des chartes ; il prétend qu'ils étaient seulement gardes des chartes de la chambre des comptes, que l'on appelle aujourd'hui gardes des livres.

Cependant ils ne sont pas qualifiés simplement gardes des livres ou lettres du roi, mais gardes du trésor de lettres du roi ; par exemple, à la marge des lettres de Charles, régent du royaume, pour le rétablissement du bailliage royal de Saint-Jangon en Mâconnais, du mois de Décembre 1359, qui sont au mémorial D de la chambre des comptes de Paris ; fol. 1, est écrit : ego Adam Boucherii clericus domini regis et custos thesauri litterarum regiarum, recepi in camerâ compotorum originale hujus transcripti per manum magistri Johannis Aquil. die penult. Januarii, anno 1359. Voyez les ordonnances de la troisième race, tom. III. p. 380, aux notes.

Dans la confirmation des privilèges que le roi Jean accorda en Janvier 1350, aux habitants de la ville de Florence, il est dit qu'il fit tirer des registres de son père (Philippe VI.) lesdites lettres de privilèges qui sont du mois de Mai 1344, et ces registres s'entendent du trésor des chartes. Voyez les Ordonnances de la troisième race, tom. IV. pag. 37, et la note de M. Secousses, à la table des matières, au mot trésor des chartes.

En 1364, Pierre Gonesse était garde des chartes et des privilèges royaux dont on lui remettait les originaux ; il donnait des expéditions signées de lui des lettres qui y étaient contenues ; il est qualifié custos cartarum et privilegiorum regiorum, ce qui ne parait pas équivoque. Voyez les Ordonnances de la troisième race, tom. IV. p. 474, 475 et 476.

Il est encore parlé du trésor des chartes dans des lettres de Charles V. du 14 Mars 1367 ; Ordonnances de la troisième race, tom. V. p. 100 et 103.

Les premiers gardes du trésor des chartes ne firent que des inventaires si succints, qu'on n'en peut presque point tirer d'instruction. Au mois de Janvier 1371, Charles V. ayant visité en personne son trésor des chartes, et voyant la confusion qui y était, en donna la garde à Gérard de Montaigu qu'il fit son notaire et secrétaire trésorier et garde de son trésor des chartes, et par ses lettres patentes il ordonna qu'à l'avenir ceux qui auraient la garde dudit trésor, seraient appelés trésoriers et ses secrétaires perpétuels.

Il est parlé de ce Gerard de Montaigu en ladite qualité à la marge des lettres de Charles V. du mois de Septembre 1371, qui sont au cinquième volume des ordonnances de la troisième race, p. 425 et 426. Il fut garde du trésor jusqu'en 1375. Dreux Budé lui succéda en cette fonction le 7 Février 1375. Le 22 Septembre 1376 le même Gerard de Montaigu était garde du trésor de la chapelle. Voyez le recueil des ordonnances de la troisième race, p. 30, 56 et 218. Chopin, de dom. lib. III. p. 459, dit que Dreux (Draco) et Jean Budé, aïeul et père de Guillaume Budé, furent successivement gardes du trésor des chartes, ainsi que Guillaume Budé le remarque en sa note sur la loi nec quicquam ff. de offic. proconsul.

Pour revenir aux inventaires du trésor des chartes, Gerard de Montaigu en fit un, mais qui fut encore très-succint, suivant lequel il y avait alors 310 layettes ou boètes, 109 registres, et quelques livres de juifs, desquels il n'est resté que quatre hébreux qui y sont encore. Montaigu mit à part les papiers inutiles et plusieurs coins de monnaie, qui sont à présent rongés de la rouille, et que l'on a mis en la chambre haute.

Les registres sont seulement cotés audit inventaire selon les temps, depuis Philippe-Auguste jusqu'en 1381, tellement que pour trouver une charte dans ces registres, il faut savoir le temps qu'elle a été enregistrée en l'audience de la chancellerie, ou plutôt levée, parce qu'on n'en faisait registre qu'après qu'elle avait été délivrée.

Le 12 Septembre 1481, Jacques Louvet commença un inventaire qui n'était que de 75 layettes, selon l'ancienne quote, dont il s'en trouva deslors plusieurs de manque.

Suivant la commission qui avait été donnée pour faire cet inventaire dès l'an 1474, on voit que le trésor fermait à trois clés, dont l'une demeura à Jean Budé, ancien trésorier des chartes, une audit Louvet, trésorier actuel, et la troisième à MM. de la chambre des comptes auxquels tout ce qui se faisait se rapportait par cahiers.

Sous le roi François I. on porta au trésor quinze coffres appelés les coffres des chanceliers, parce qu'ils contenaient les papiers trouvés chez les chanceliers du Prat, du Bourg et Poyet. Ceux de ce dernier furent saisis quand on lui fit son procès au mois de Juin 1542, et ensuite mis au trésor des chartes.

Il faut remarquer à cette occasion qu'anciennement après la mort ou démission des chanceliers ou gardes des sceaux, l'on retirait d'eux ou de leurs héritiers les papiers du roi, ainsi qu'on l'a Ve pratiquer par la décharge qui fut donnée aux héritiers du chancelier des Ursins.

Du temps que M. de Thou, fils du premier président, fut trésorier des chartes, M. du Tillet, greffier en chef du parlement, auteur du recueil des rois de France et autres œuvres qu'il composa tant sur les registres du parlement et sur ceux de la chambre des comptes, que sur le trésor des chartes, eut pour cet effet permission d'entrer au trésor même, de transporter ce dont il aurait besoin : ce qui fut fait avec si peu d'ordre, que les titres dont il s'était servi ne furent point remis à leur place, plusieurs ne furent point rapportés, et demeurèrent chez lui ou se trouvèrent perdus.

Le désordre s'accrut encore par l'entrée qu'eut au trésor M. Brisson la première année qu'il fut avocat du roi, lequel emporta de ce dépôt beaucoup de bons mémoires, même les remontrances faites à l'occasion du concordat.

M. Jean de la Guesle, procureur général, voyant le circuit qu'il était obligé de faire pour avoir quelque titre du trésor, qu'il fallait présenter requête au roi, puis obtenir une lettre de cachet, fit démettre celui qui était alors trésorier des chartes, et unir cette charge à perpétuité à celle de procureur général, ce qui fut fait au mois de Janvier 1582 ; et le procureur général prend depuis ce temps la qualité de trésorier-garde des chartes et papiers de la couronne, et tel est le dernier état au moyen de quoi MM. Dupuy et Godefroi, commis sous M. Molé, procureur général, trésorier des chartes, firent en 1615 un inventaire lors duquel ils trouvèrent beaucoup de titres pourris, partie des layettes brisées et pourries faute d'avoir entretenu la couverture. Ils remirent l'ordre qui y est aujourd'hui, ayant rangé les layettes par les douze gouvernements, puis les affaires étrangères, les personnes et les mélanges, tellement qu'ils mirent en état 350 layettes, 15 coffres et 52 sacs. Pour les registres ils furent rangés selon l'ordre chronologique du règne des rais.

L'inventaire des layettes, coffres et sacs contient huit volumes de minutes. MM. Dupuy et Godefroy n'achevèrent pas celui des registres, ayant été occupés à d'autres affaires.

M. Molé fit apporter au trésor les papiers de M. de la Guesle, procureur général ; on les mit dans des sacs étiquetés, ce qui remplit une partie d'une grande armoire distribuée en quarante-deux guichets.

Le roi ayant fait raser le château de Mercurol en Auvergne, où étaient ses titres pour ledit pays, on les a mis au trésor aes chartes dans la chambre haute ; mais on en a tiré peu d'utilité.

On y a aussi mis quelques papiers de M. Pithou, des papiers concernant Metz, Toul et Verdun, la Lorraine ; on apporta de Nancy six grands coffres qui sont au trésor.

M. Dupuy dit que les ministres ont négligé de faire porter les titres au trésor des chartes : que pour ce qui est des registres des chartes qui s'expédiaient en la chancellerie, et pour lesquels on exige encore un droit, l'on n'en a point apporté au trésor des chartes depuis Charles IX. qu'à l'égard des originaux, on n'y en a point mis non plus depuis longtemps, si ce n'est quelques pièces singulières, comme le procès de la dissolution du mariage d'Henri IV. avec la reine Marguerite.

M. de Lomenie, secrétaire d'état, fit remettre à M. Molé, procureur général, les originaux des actes passés pour le mariage d'Henriette de France avec Charles I. roi d'Angleterre, pour être déposés au trésor des chartes.

Le cardinal de Richelieu y fit aussi mettre grand nombre de petits traités et actes faits par le roi avec les princes et états voisins.

On y chercha le contrat de mariage de Louis XIII. qui se trouva enfin dans un lieu où il ne devait pas être.

Le garde des sceaux de Marillac fit rendre un arrêt du conseil d'état le 23 Septembre 1628, portant que les traités, actes de paix, mariages, alliances et négociations, de quelque nature qu'elles soient, passées avec les princes, seigneuries et communautés, tant dedans que dehors le royaume, seraient portés au trésor des chartes et ajoutés à l'inventaire d'icelui, et il fut enjoint aux chanceliers gardes des sceaux d'y tenir la main.

M. Dupuy dit que tout cela a encore été mal exécuté, et que les choses sont restées comme auparavant.

Mais par les soins de MM. Joly de Fleury père et fils, plusieurs pièces anciennes très-importantes ont été récouvrées et mises au trésor des chartes.

Par exemple, le registre 84, qui depuis très-longtemps était en deficit dans ce dépôt, s'étant trouvé dans la bibliothèque de M. Rouillé du Coudray, conseiller d'état, et lors de sa mort arrivée en 1729, ayant passé entre les mains de M. de Fourqueux, procureur général de la chambre des comptes de Paris, son neveu, ce magistrat l'a remis au trésor des chartes, et ce registre a été réuni aux autres qui sont conservés dans ce dépôt. Voyez l'avertissement de M. Secousse qui est au troisième volume des ordonnances de la troisième race, p. 673.

Pour ce qui est des pièces modernes, il y a plus de cent ans que l'on n'en n'a mis aucune au trésor des chartes ; on en a d'abord mis quelques-unes aux archives du louvre, ensuite on a mis toutes celles qui sont survenues dans le dépôt des manuscrits de la bibliothèque du roi, où il y a déjà plus de piéces qu'au trésor des chartes.

Il y a présentement plusieurs commissaires au trésor des chartes qui sont nommés par le roi, et qui sous l'inspection de M. le procureur général, travaillent aux inventaires et dépouillements des pièces qui sont dans ce dépôt, dont on fait différentes tables et extraits, non-seulement par ordre des matières, mais aussi des tables particulières des noms de lieu, des noms des personnes, et singulièrement de ceux des grands officiers de la couronne, des titres qui étaient alors usités, des noms des monnaies, et autres objets semblables qui méritent d'être remarqués.

On travaille aussi à une table générale des registres et à une autre de toutes les pièces originales qui sont au trésor ; on se propose même de faire une table générale de toutes les chartes du royaume qui se trouvent dispersées dans différents dépôts, depuis le commencement de la monarchie jusqu'en 1560, temps depuis lequel les actes qui ont suivi, ont été recueillis avec plus de soin dans différentes collections.

Il serait à souhaiter que le public put profiter bientôt de ce travail immense, dans lequel on puiserait sans doute une infinité de connaissances curieuses et utiles. (A)