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Catégorie parente: Morale
Catégorie : Diète
S. f. (Diète et Matière médicale) Les chataignes sont la richesse de plusieurs peuples parmi nous ; elles les aident à vivre. On les fait cuire tout entières dans de l'eau, ou bien on les rôtit dans une poêle de fer ou de terre percée à la flamme du feu, ou on les met sous les charbons ou dans la cendre chaude ; mais avant que de les faire rôtir sous les charbons ou dans les cendres chaudes, on les coupe légèrement avec un couteau. Quelques-uns préfèrent cette dernière manière de les rôtir : car dans la poêle elles ne se rôtissent qu'à demi, ou elles contractent une odeur de fumée et une saveur empyreumatique. On sert dans les meilleures tables, au dessert, les marrons rôtis sous la cendre ; on les pele ensuite, et on les enduit de suc d'orange, ou de limon avec un peu de sucre. Les marrons de Lyon sont fort estimés en France à cause de leur grosseur et de leur bon goût : ce ne sont pas seulement ceux qui naissent aux environs de Lyon, mais encore ceux qui viennent du Dauphiné, où il en croit une grande abondance. Les marchands les portent dans cette ville, d'où on les transporte dans les autres provinces.

Les chataignes tiennent lieu de pain à plusieurs peuples, surtout à ceux du Périgord, du Limosin, et des montagnes des Cévennes.

De quelque manière qu'on prépare les chataignes, elles causent des vents, et sont difficiles à digérer : elles fournissent à la vérité une abondante nourriture, mais grossière, et elles ne conviennent qu'à des gens robustes et accoutumés à des travaux durs et pénibles. Il ne faut donc pas s'en rassasier ; car elles nuisent fort à la santé, si on n'en use avec modération, et surtout à ceux qui sont sujets au calcul des reins, aux coliques, et à l'engorgement des viscères. Elles sont astringentes, surtout lorsqu'elles sont crues, aussi-bien que la membrane roussâtre qui couvre immédiatement la substance de la chataigne ; elles arrêtent les fluxions de l'estomac et du bas-ventre, et elles sont utiles à ceux qui crachent le sang.

On fait un électuaire utîle pour la toux et le crachement de sang, avec la farine crue de la substance de la chataigne cuite avec du miel, et pétrie avec du soufre. Les chataignes bouillies, ou leur écorce seche et en poudre, sont utiles pour la diarrhée. On recommande la membrane intérieure rougeâtre, pour les flux de ventre et les hémorrhagies ; bouillie dans de l'eau ou du vin, à la dose de deux gros, mêlée avec un poids égal de rapure d'ivoire, elle arrête les fleurs-blanches. On fait avec les chataignes et les graines de pavot blanc, une émulsion avec la décoction de réglisse, qui est utîle dans les ardeurs d'urine.

On fait un cataplasme avec la substance de la chataigne, la farine d'orge, et le vinaigre, que l'on applique sur les mammelles pour en résoudre les duretés, et dissoudre le lait qui est coagulé. Geoffroi, Mat. méd.

Ajoutons, d'après l'observation, que les chataignes sont très-propres à rétablir les convalescens des maladies d'automne, et surtout les enfants qui après ces maladies restent bouffis, pâles, maigres, avec un gros ventre, peu d'appétit, etc. à peu-près comme les raisins ramènent la santé dans les mêmes cas après les maladies d'été. Car dans les pays où le peuple mange beaucoup de chataignes, sans cependant qu'elles y fassent leur principal aliment, il est ordinaire de voir les malades dont nous avons parlé, se rétablir parfaitement à la fin de l'automne ; apparemment en partie par l'influence de la saison, mais évidemment aussi par l'usage des chataignes : car plusieurs médecins les ont ordonnées dans cette vue avec succès.

J'ai Ve plusieurs fois ordonner, comme un béchique adoucissant très-salutaire, les chataignes préparées en forme de chocolat ; mais on ne voit pas quel avantage cette préparation pourrait avoir sur les chataignes bouillies, bien mâchées et délayées dans l'estomac par une suffisante quantité de boisson, sinon qu'elle ressemble plus à un médicament, que les malades veulent être drogués, et que quelques médecins croient avoir métamorphosé des aliments en remèdes, lorsqu'ils les ont prescrits sous une forme particulière ; ou même sans y chercher tant de finesse, lorsqu'ils les ont ordonnés comme curatifs dans une maladie. Ceci est surtout très-vrai des prétendus incrassants, parmi lesquels les chataignes tiennent un rang distingué. Voyez INCRASSANT.

Les marrons bouillis sont beaucoup plus faciles à digérer que les rôtis, et par conséquent ils sont plus sains : ce n'est qu'apprêtés de la première façon, qu'on peut les ordonner aux malades ou aux convalescens.

Les chataignes séchées, connues sous le nom de chataignes blanches, ou de castagnous en langage du pays dans les provinces méridionales du royaume, où elles sont fort communes, se préparent dans les Cévennes et dans quelques pays voisins. Une circonstance remarquable de cette préparation, qui d'ailleurs n'a rien de particulier, c'est qu'on fait prendre aux chataignes avant que de les exposer au feu, un leger mouvement de fermentation ou de germination, qui leur donne une douceur très-agréable : dans cet état, elles diffèrent des chataignes fraiches exactement, comme le grain germé ou le malt diffère du même grain mûr et inaltéré ; aussi y a-t-il tout lieu de conjecturer qu'elles seraient très-propres à fournir une bonne bière. Les habitants des pays montagneux qui n'ont ni raisin ni grain, mais beaucoup de chataignes, et qui ne sont pas à portée, comme les Cévennes, le Rouergue, etc. de tirer du vin à peu de frais des provinces voisines, pourraient tirer parti de cette propriété de leurs chataignes. (b)




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