(JEU DE LA) On peut jouer à la brusquembille deux, trois, quatre ou cinq ; mais il est bon d'observer qu'à deux et à quatre on ne joue qu'avec trente-deux cartes, qui sont les mêmes que celles avec lesquelles on joue au piquet ; et lorsque l'on joue trois ou cinq, il faut que le jeu soit composé de trente cartes seulement ; c'est-à-dire qu'on enlevera deux sept, n'importe lesquels. Lorsqu'on joue à quatre, l'on est deux contre deux ; et l'on se met ensemble, afin de pouvoir se communiquer le jeu.

Les brusquembilles sont les as et les dix : elles enlèvent les autres cartes de la même couleur, mais elles sont enlevées par les triomphes : le reste des cartes conserve le rang et la supériorité ordinaires.

Lorsque l'on joue en partie, c'est-à-dire un contre un, deux contre deux, on convient d'abord de ce qu'on jouera ; et si l'on joue trois ou cinq, on prend un certain nombre de jetons que l'on fait valoir ce qu'on veut ; et celui qui mêle, donne à couper à sa gauche, et distribue ensuite à chaque joueur trois cartes, une à une ou toutes ensemble, en prend autant pour lui, et en retourne une dessus le talon, qui est celle qui fait la triomphe, et qu'il met retournée à moitié sous le talon, de manière qu'on puisse la voir. Celui qui est premier, jette la carte qu'il veut de son jeu ; le second joue ensuite sur cette carte celle de son jeu qu'il juge à-propos, et ainsi des autres, chacun à son tour. Celui qui gagne la main, prend une carte au talon ; chacun des autres joueurs en fait autant, en allant de droite à gauche : l'on recommence à jouer comme au premier coup, et l'on continue jusqu'à ce que toutes les cartes du talon soient prises, chaque joueur y en prenant une pour remplacer celle de son jeu qu'il jette à chaque coup ; et celui qui prend la dernière carte, prend la triomphe qui retourne.

J'ai dit que le second à jouer jetait la carte que bon lui semblait, parce qu'on n'est point obligé de fournir à ce jeu de la couleur de la carte jouée, encore qu'on en ait : il n'y a point de renonce : on peut couper une carte à laquelle on aurait pu fournir : voilà la manière de jouer le jeu. On recommence chaque tour de la même façon, jusqu'à ce que l'on ait joué les coups dont on est convenu. Il y a quelques personnes qui prétendent qu'on ne peut renoncer, lorsqu'une fois toutes les cartes du talon sont levées, et qu'il faut couper absolument, si l'on n'a pas de la couleur jouée ; mais je crois que cela dépend de la volonté des joueurs. Passons aux droits qui se paient à ce jeu.

Celui qui joue la brusquembille de l'as de triomphe, reçoit deux jetons de chacun. Il retire également deux jetons de chaque joueur, pour tous les as qu'il jouera après, pourvu qu'il fasse la levée ; car s'il ne la faisait, au lieu de gagner deux jetons de chaque joueur, il est obligé de leur en payer deux à chacun. Il en est de même des dix, qui valent de chaque joueur un jeton chacun ; mais s'il ne lève pas la main, il est obligé d'en donner un à chaque joueur. Celui qui a plus de points dans les levées qu'il a faites, gagne enfin la partie. Voici la manière de compter ces points. Après que toutes les cartes du talon ont été prises, et qu'on a joué toutes les cartes que l'on avait en main, chacun voit les levées qu'il a, et compte onze points pour chaque as, dix pour chaque dix, quatre pour chaque roi, trois pour chaque dame, deux pour chaque valet, et les autres ne sont comptées pour rien. Celui qui en comptant ainsi se trouve avoir plus de points, gagne la partie, l'on doit par conséquent tâcher de faire des levées où il y ait beaucoup de points, des as, des rais, des dames, des dix et des valets, afin de pouvoir gagner le jeu. L'usage et le bon sens apprendront mieux à jouer ce jeu, que tout ce que nous pourrions en dire, la situation du jeu demandant de jouer un même coup tantôt d'une façon, tantôt d'une autre. Il est quelquefois bon d'avoir la main, d'autres fois de l'abandonner à son adversaire. En général, pour bien jouer la brusquembille, il faut une grande attention, pour voir non-seulement les triomphes qui sont déjà sorties, mais encore les brusquembilles qui sont passées et celles qui sont encore dans le jeu, afin d'en faire son avantage en jouant.

Voici quelques règles qui pourront rendre plus complete la connaissance qu'on a déjà de ce jeu, sur ce que nous en avons dit. Celui qui mêle et trouve une ou plusieurs cartes retournées, ou en retourne lui-même, refait, sans autre peine. Si le jeu de carte est faux par une carte de moins, tout ce qui a été payé dans le coup est bien payé ; mais on ne peut gagner la partie, et l'on cesse de jouer pour deux cartes qui manqueraient, aussi-tôt qu'on s'en aperçoit ; si le coup est fini, il est bon. Celui qui joue avant son rang, ne peut reprendre sa carte. Celui qui a jeté sa carte, ne saurait y revenir sous quelque prétexte que ce sait. Celui qui prendrait avant son tour une carte du talon, s'il a joint à son jeu la carte prise au talon, paye à celui à qui elle aurait été de droit, la moitié de ce qui est au jeu, et il la lui rend ; et s'il ne l'avait pas jointe à son jeu, mais vue seulement, il donnerait deux jetons à chaque joueur, et la laisserait aller à qui doit la prendre de droit. Celui qui en tirant sa carte du talon en voit une seconde, paye deux jetons à chaque joueur. Lorsque l'on joue en partie deux contre deux, si l'un des joueurs, en prenant sa carte du talon, voit celle qui doit aller à son adversaire, il leur est libre de recommencer la partie ; et si la carte vue revient à lui ou à son compagnon, le jeu se continue. Il n'y a point de renonce, et l'on n'est point forcé à mettre plus haut sur une carte jouée. Celui qui ayant accusé avoir un certain nombre de points, en aurait davantage, et ne les accuserait qu'après que les cartes seraient brouillées, ne pourrait y revenir, et perdrait la partie, si un autre joueur avait plus de points dans ses levées qu'il n'en aurait accusé. Celui qui quitterait le jeu avant la partie finie, la perdrait.

BRUSQUEMBILLE, au jeu de ce nom, est le nom qu'on donne aux as et aux dix, qui sont les premières cartes du jeu ; les as enlèvent cependant les dix. Voyez l'article précédent.