S. m. (Histoire des Drogues) , résine liquide, précieuse, blanchâtre ou légèrement jaunâtre, d'une odeur pénétrante qui approche de celle du citron, d'un goût âcre et aromatique : on estime celui qui a toutes ces qualités, et non celui qui est ténace, vieux et falsifié.

La plante qui fournit cette liqueur résineuse est nommée par Bélon dans ses observations, balsamum lentisci folio, aegyptiacum, et par Prosper Alpin, 48. balsamum ; car l'arbre et la résine portent le même nom. Cet arbrisseau s'élève à la hauteur du troène et du cytise, et est toujours verd, garni de peu de feuilles, semblables à celles de la rue, ou plutôt à celles du lentisque : elles sont attachées à la même queue, au nombre de trois, de cinq ou de sept, y ayant une feuille impaire qui la termine. Ses branches sont odorantes, resineuses et pliantes : leur substance ligneuse est blanche, sans odeur, couverte de deux écorces minces ou membraneuses ; l'extérieure est rougeâtre en dehors, l'intérieure verdâtre, odorante et d'une saveur aromatique. Ses fleurs sont purpurines, semblables à celles de l'acacia, et fort odorantes. Ses semences sont jaunes, odorantes, âcres, amères, et donnent une liqueur jaune, semblable au miel : elles sont renfermées dans des follicules noires, rougeâtres.

Théophraste, Dioscoride, Pline, Josephe et autres, craient que la patrie de l'opobalsamum est la Judée, ou l'Egypte ; mais il est constant que ni la Judée, ni l'Egypte ne sont les pays où ce baume vient de lui-même : on ne trouve aucun arbre qui porte ce baume dans la Judée ; et du temps de Bélon on n'en trouvait pas non plus. Strabon a eu raison de dire qu'on le trouvait dans l'Arabie heureuse, qui est effectivement la seule patrie de ce baume.

Prosper Alpin nous apprend qu'il est blanc lorsqu'on vient de le tirer, ayant une odeur excellente et très-pénétrante, qui approche de celle de la térébenthine, mais plus suave et plus vive ; d'un goût amer, âcre et astringent. Ce baume est d'abord trouble et épais comme l'huîle d'olive nouvellement exprimée ; il devient ensuite très-subtil, très-limpide, très-léger, et prend une couleur verdâtre, ensuite une couleur d'or ; enfin lorsqu'il est vieux, il devient comme du miel : alors il s'épaissit comme la térébenthine, il coule très-difficilement, et il perd beaucoup de son odeur.

Quand ce baume est récent, si l'on en verse goutte-à-goutte dans de l'eau, il ne Ve pas au fond à cause de sa grande légèreté ; mais étant versé de haut, il s'y plonge un peu, et remonte continuellement, il s'étend sur toute la surface de l'eau, et se mêle avec elle, de sorte qu'il est très-difficîle de l'en séparer : peu de temps après il s'y fige et se coagule, et on le retire tout entier avec un stylet : il est alors laiteux, ou blanc comme le lait. Voilà les véritables caractères du baume naturel et récent.

Les anciens ne recueillaient uniquement que le baume qui découlait de l'écorce de l'arbre, auquel ils faisaient une incision, et ils en retiraient une très-petite quantité. Aujourd'hui il y a deux espèces de ce baume, selon Augustin Lippi. La première peut être appelée le véritable baume, et c'est celui qui coule de lui-même, ou par l'incision que l'on fait à l'écorce ; mais on en retire une si petite quantité, qu'à peine suffit-elle pour les habitants, et pour les grands du pays, et il est très-rare que l'on en porte ailleurs. L'autre espèce est le baume de la Mecque et de Constantinople, qui est encore précieux, et qui parvient rarement jusqu'à nous, si ce n'est par le moyen des grands qui en font des présents. Voici comment on le retire. On remplit une chaudière de feuilles et de rameaux du baumier, et l'on verse de l'eau par-dessus jusqu'à-ce qu'elle les surpasse. Lorsqu'elle commence à bouillir, il nage au-dessus une huîle limpide que l'on recueille avec soin, et que l'on réserve pour l'usage des dames ; car elles s'en servent pour se polir le visage et pour en oindre leurs cheveux. Tandis que l'ébullition continue, il s'élève à la superficie de l'eau une huîle un peu plus épaisse et moins odorante, que l'on envoie comme moins précieuse, par des caravanes, au Caire et aux autres pays ; c'est le plus commun en Europe.

Comme les vertus de l'opobalsamum dépendent de son huîle subtîle et volatile, il est certain que celui qui est récent a plus de vertu que celui qui est vieux. On l'emploie dans l'asthme et dans la phtisie avec quelques succès, pour rétablir le ton des poumons, adoucir l'acrimonie de la lymphe qui se répand dans leurs cavités, et en inciser les humeurs visqueuses. On abuse souvent de ce remède, en le prescrivant dans les ulcères des reins et de la vessie, car comme ces ulcères sont d'ordinaire érésipélateux, tous les balsamiques et les résineux y nuisent beaucoup, en augmentant l'inflammation, et en arrêtant l'excrétion du pus.

Ce baume est encore célèbre pour guérir les plaies, étant appliqué extérieurement. Il est vrai qu'il convient très-bien aux plaies simples, ou à celles qui consistent dans une simple solution de continuité, soit pour couvrir la plaie, et pour empêcher le contact de l'air, soit pour procurer plus tôt la réunion des lèvres ; car alors ces plaies qui se guériraient facilement par elles-mêmes, se cicatrisent bien plus promptement : mais s'il y a quelque contusion, ou quelque froissement des fibres charnues, ou autres qui entraînent toujours la suppuration, ce serait en vain que l'on emploierait les balsamiques pour en faire la réunion ; car ces parties qui se pourrissent, et dont on empêche la séparation, étant retenues trop longtemps, irritent et enflamment par leur acrimonie la partie malade : c'est ce qui fait que la guérison de telle plaie est plus longue, et souvent très-difficile.

Les dames de Constantinople, et celles d'Asie et d'Egypte, font usage de l'opobalsamum pour se rendre la peau douce et polie. Voici la manière dont en usent les Egyptiennes. Elles se tiennent dans un bain jusqu'à-ce qu'elles aient bien chaud ; alors elles se frottent la peau du visage et de la gorge avec ce baume à différentes fais, et sans l'épargner ; ensuite elles demeurent une heure et davantage dans ce bain chaud, jusqu'à-ce que la peau soit imbibée de ce baume et bien seche ; alors elles en sortent : elles demeurent ainsi pendant trois jours le visage et la gorge imbibées de baume ; le troisième jour elles se remettent au bain, et se frottent encore comme on vient de le dire, avec le même baume. Elles recommencent l'opération plusieurs fais, ce qui dure au moins trente jours, pendant lesquels elles ne s'essuient point la peau. Enfin lorsque le baume est bien sec, elles se frottent d'un peu d'huîle d'amandes amères, et ensuite elles se lavent pendant plusieurs jours dans l'eau de feves distillée.

Les dames qui se servent de ce baume parmi nous, en qualité de cosmétique, en font par art le lait virginal, qui est avec raison fort estimé pour l'embellissement de la peau. Il ne se fait aucune précipitation dans ce lait, et le baume ne se sépare point. Voyez-en la composition au mot LAIT virginal.

L'opobalsamum est, comme on sait, nommé dans les ordonnances des Médecins, sous le nom de baume blanc de Constantinople, baume de Judée, d'Egypte, du grand Caire et de la Mecque. Chez les Apothicaires, on le nomme aussi baume de Galaad, balsamum galaldense ou gileadense, parce qu'on s'est imaginé que le baume de Galaad de l'Ecriture était la même chose que celui qui nous vient aujourd'hui de la Mecque directement par la mer Rouge, ou autrement.

Mais le mot hébreu que nous avons rendu baume, est zori, qui, suivant la remarque des rabbins, signifie toutes sortes de gommes résineuses. Dans Jérémie, VIIIe 22. et xlvj. 2. il en est parlé comme d'une drogue que les Médecins employaient ; et dans la Génese, xxxvij. 25. et xliij. comme d'une des choses les plus précieuses que produit le pays de Canaan ; et dans l'un et dans l'autre endroit il est marqué qu'il venait de Galaad. Si le zori du texte signifie du baume, tel que celui de la Mecque, il faut qu'il y en ait eu en Galaad longtemps avant qu'on eut planté l'arbre dans les jardins de Jérico, et avant que la reine de Saba eut apporté à Salomon la plante dont parle Josephe : car c'était une des marchandises que les Ismaélites portaient de Galaad en Egypte, quand Joseph leur fut vendu par ses frères ; Jacob en envoya en présent à Joseph en Egypte, comme une chose qui croissait dans le pays de Canaan, quand il dépêcha ses autres fils pour acheter du blé dans ce pays-là. Pour moi je croirais que ce zori de Galaad, que nous rendons baume dans nos traductions modernes, n'était pas la même chose que le baume de la Mecque, et que ce n'était qu'une espèce d'excellente térébenthine, dont on se servait alors pour les blessures et pour quelqu'autres maux.

Le mot opobalsamum veut dire suc ou gomme de baume ; car proprement balsamum signifie l'arbre, et opobalsamum, le suc qui est distillé ; en grec signifie le suc, la gomme, ou la liqueur qui distille de quelqu'arbre que ce sait, ou même de plusieurs autres choses.

L'opobalsamum entre dans la thériaque et le mithridate, de nom sans doute plus qu'en réalité, comme on en peut juger par la quantité de ces deux compositions qui se fait chaque année dans toute l'Europe, et en même-temps par la rareté du vrai baume d'Arabie, dont le prix sur les lieux vaut environ une pistole l'once. (D.J.)