S. m. (Histoire naturelle, Drogues) C'est un suc concret, résineux et gommeux, pesant, compact, pliant, inflammable, d'un roux noir, d'une odeur narcotique, d'un goût acre et amer. Il nous vient en gâteaux arrondis, aplatis, de la grosseur d'un pouce, qui pesent une demi-livre ou une livre, et sont enveloppés dans des feuilles de pavots. On l'apporte de la Natolie, de l'Egypte et des Indes.

Les Arabes et les Droguistes recommandent l'opium de Thèbes ou celui que l'on recueillait en Egypte auprès de Thèbes, mais on ne fait plus à présent cette distinction. De quelqu'endroit que vienne l'opium, on estime celui qui est naturel, un peu mou, qui obéit sous les doigts, qui est inflammable, d'une couleur brune ou noirâtre, d'une odeur forte, puante, et assoupissante. On rejette celui qui est sec, friable, brulé, mêlé de terre, de sable ou d'autres ordures.

Les anciens distinguaient deux sortes de suc de pavot ; l'un était une larme qui découlait de l'incision que l'on faisait à la tête des pavots : elle s'appelait , et chez les médecins par antonomase. L'autre s'appelait ou ; c'était le suc épaissi que l'on retirait de toute la plante. Ils disaient que le méconium était bien moins actif que l'opium.

Présentement on ne nous en fournit que d'une sorte sous le nom d'opium : savoir, un suc qui découle de l'incision des têtes de pavots blancs ; on n'en trouve aucune autre espèce parmi les Turcs et à Constantinople, que celui que l'on apporte en gâteaux. Cependant, chez les Perses on distingue les larmes qui découlent des têtes auxquelles on fait des incisions, et ils recueillent avec grand soin celles qui coulent les premières, qu'ils estiment beaucoup comme ayant plus de vertu.

La plante dont on retire le suc, s'appelle papaver hortense, semine albo, sativum Dioscorid. album, Plinio, C. B. p. 170. Sa racine est environ de la grosseur du doigt, remplie comme le reste de la plante d'un lait amer. Sa tige a deux coudées ; elle est branchue, ordinairement lisse, quelquefois un peu velue. Sur cette tige naissent des feuilles semblables à celles de la laitue, oblongues, découpées, crêpues, de couleur de verd de mer. Ses fleurs sont en rose, plus souvent à quatre pétales blancs, placés en rond, et qui tombent bientôt. Le calice est composé de deux feuillets ; il en sort un pistil ou une petite tête, entourée d'un grand nombre d'étamines. Cette tête se change en une coque, de la figure d'un œuf, qui n'a qu'une seule loge, garnie d'un chapiteau : elle est ridée, étoilée, munie intérieurement de plusieurs lames minces qui tiennent à ses parois ; à ces lames adhèrent, comme à des placenta, grand nombre de graines très-petites, arrondies, blanches, d'un goût doux et huileux.

Dans plusieurs provinces de l'Asie mineure, on seme les champs de pavots blancs, comme nous semons le froment ; aussi-tôt que les têtes paraissent, on y fait une légère incision, et il en découle quelques gouttes de liqueur laiteuse, qu'on laisse figer, et que l'on recueille ensuite. M. Tournefort rapporte que la plus grande quantité d'opium se tire par la contusion et l'expression de ces mêmes têtes : mais Belon n'en dit rien, non plus que Kempfer qui a fait une dissertation sur l'opium persique. Ces deux derniers auteurs distinguent trois sortes d'opium, mais tirés seulement par incision.

Dans la Perse on recueille l'opium au commencement de l'été. On fait des plaies en sautoir à la superficie des têtes qui sont prêtes d'être mûres. Le couteau qui sert à cette opération a cinq pointes ; et d'un seul coup il fait cinq ouvertures longues et parallèles. Le lendemain on ramasse avec des spatules le suc qui découle de ces petites plaies, et on le renferme dans un petit vase attaché à la ceinture.

Ensuite on fait l'opération de l'autre côté des têtes, pour en tirer le suc de la même manière. La larme que l'on recueille la première, s'appelle gobaar ; elle passe pour la meilleure ; sa couleur est blanchâtre ou d'un jaune pâle ; mais elle devient brune, lorsqu'elle est exposée longtemps au soleil, ou qu'elle est trop séchée. La seconde larme que l'on recueille, n'a pas tant d'efficace, et elle n'est pas si chère. Sa couleur est le plus souvent obscure, ou d'un roux noirâtre. Il y en a qui font une troisième opération, par laquelle on retire une larme très-noire et de peu de vertu.

Après que l'on a recueilli l'opium, on en fait une préparation, en l'humectant avec un peu d'eau ou de miel, en le remuant continuellement et fortement avec une espèce de spatule dans une assiette de bois plate, jusqu'à ce qu'il ait acquis la consistance, la viscosité, et l'éclat de la poix bien préparée ; ensuite on le remanie dans la main ; et enfin on en fait de petits cylindres ronds que l'on met en vente : Lorsque les marchands n'en veulent que de petits morceaux, on les coupe avec des ciseaux.

L'opium ainsi préparé s'appelle chez les Perses theriaack-malideh, c'est-à-dire, thériaque préparée par le broyement, ou bien theriaack affinum, c'est-à-dire, thériaque opiée, pour la distinguer de la thériaque d'Andromaque, qu'ils nomment theriaack-farnuk ; car ces peuples regardent l'opium comme le remède vanté par les Poètes, qui donne la tranquillité, la joie et la sérénité.

Cette manière de préparer l'opium, est le travail perpétuel des revendeurs qui sont dans les carrefours, et qui exercent fortement leurs bras à ce travail. Ce n'est pas là cependant la seule façon de préparer ce suc : très-souvent on broie l'opium, non pas avec de l'eau, mais avec une si grande quantité de miel, que non-seulement il l'empêche de se sécher, mais encore il tempere son amertume.

La préparation la plus remarquable est celle qui se fait, en mêlant exactement avec l'opium, la noix muscade, le cardamome, la canelle, et le macis réduits en poudre très-fine. On croit que cette préparation est très-utîle pour le cœur et le cerveau : elle s'appelle pholonia, c'est le philonium de Perse ; d'autres n'emploient point les aromates dont nous venons de parler ; mais ils mettent beaucoup de safran et d'ambre dans la masse de l'opium. Plusieurs font la préparation chez eux à leur fantaisie.

Outre ces préparations dont on ne fait usage qu'en pilules, Kaempfer fait mention d'une certaine liqueur célèbre chez les Perses, que l'on appelle cocomar, dont on bait abondamment par intervalles.

Les uns préparent cette liqueur avec les feuilles de pavots qu'ils font bouillir peu de temps dans l'eau simple. D'autres la font avec les têtes pilées et macérées dans l'eau ; ou bien ils en mettent sur un tamis, versent dessus sept à huit fois la même eau ; en y mêlant quelque chose qui y donne de l'agrément selon le goût de chacun.

Kaempfer ajoute une troisième sorte d'opium ; qu'il qualifie d'électuaire, qui réjouit et qui cause une agréable ivresse. Les parfumeurs et les médecins préparent différemment cet électuaire, dont la base est l'opium ; on le destine par les différentes drogues que l'on y mêle, à fortifier et à récréer les esprits : c'est pourquoi on en trouve différentes descriptions, dont la plus célèbre est celle qu'a trouvée Hasjem-Begi. L'on dit qu'elle excite une joie surprenante dans l'esprit de celui qui en avale, et qu'elle charme le cerveau par des idées, et des plaisirs enchantés. (D.J.)

OPIUM CYRENAÏQUE, (Matière médicale) nom donné par quelques écrivains du moyen âge à l'assa foetida, parce que de leur temps on tirait principalement cette drogue de Cyrene, ou comme dit Avicenne, du Kirvan, ce qui est le même pays.