S. f. (Monnaie et Orfèvrerie) On donne ce nom à l'opération qui se fait pour retirer l'or et l'argent des cendres, terres ou creusets dans lesquels on a fondus et des instruments et vases qui ont servi à cet usage par le moyen de l'amalgamation avec le mercure. Ceux qui travaillent ces précieux métaux conservent les balayures de leur laboratoire, parce qu'en travaillant il est impossible qu'il ne s'en écarte pas quelques parties, soit en forgeant, laminant, limant, tournant, etc. c'est pourquoi ils ont soin que leur laboratoire soit maintenu bien propre, et que le sol soit garni de planches cannelées en rainures ou jalousies, afin qu'en marchant on n'emporte pas avec les pieds les parties qui se sont écartées. Toutes les semaines on rassemble les balayures de chaque jour, on les brule, on trie à mesure le plus gros de la matière qui est dedans, et tout ce qu'on y peut voir, pour s'en servir tout de suite sans lui faire passer l'opération de la lotion du triturage. On garde soigneusement ces cendres jusqu'à ce qu'il y en ait une quantité suffisante pour dédommager des frais qu'il faut faire pour retrouver l'or et l'argent qui sont dedans. Les uns font cette opération tous les six mois, et d'autres toutes les années ; cela peut dépendre du besoin que l'on a de matières, ou des facilités que l'on a de faire ces opérations ; mais elles ne conviennent jamais dans un temps froid, parce qu'il faut beaucoup manier l'eau, ce qui se fait plus facilement dans la belle saison.

Le meilleur et le plus sur moyen de retirer tout l'or et l'argent qui sont dedans les cendres brulées, serait de les fondre si l'on avait à sa portée une fonderie où il y eut des fourneaux à manches bien établis, mais c'est par le moyen du vif-argent que se fait cette opération, en broyant les terres avec lui, parce qu'il a la propriété de se saisir, avec une grande facilité, de l'or et l'argent, de dégager ces métaux des terres avec lesquelles ils sont mêlés ; de s'y unir sans le secours du feu, par la simple trituration, et de les restituer ensuite en le faisant passer au-travers d'une peau de chamois, et l'exposant après cela à un feu léger pour faire évaporer ce qui en est resté.

Pour que le mercure puisse s'amalgamer avec l'or ou l'argent, il faut que les matières parmi lesquelles ils sont mêlés soient bien brulées, lavées et dessalées.

Premier procédé. On doit commencer par ratisser tous les instruments qui ont touché l'or ou l'argent dans leur fusion, ensuite il faut piler les creusets dans lesquels on a fondu, ou les autres vases qui ont servi à cet usage, parce qu'ordinairement il reste des grains attachés aux parais, et que d'ailleurs les creusets de la terre la moins poreuse boivent toujours un peu de matière ; il faut aussi piler le lut qui est autour des fourneaux à fondre, surtout la forge à recuire ; il faut passer toute la poudre dans un tamis de soie le plus fin qu'il est possible ; ce qui ne peut pas passer au-travers du tamis doit être de la matière qui a été aplatie en pilant, et qu'il faut mettre à part. La matière qui a traversé le tamis doit être lavée à la main, parce qu'elle ne fait jamais un objet considérable, et que les parties de métal qui sont dedans sont toujours pesantes ; on peut les retirer par la simple lotion ; il faut laver cette matière dans un vase de terre cuite et vernissée, en forme de coupe un peu platte. Cette coupe doit être posée dans un autre grand vase que l'on emplit d'eau : on met la matière dans la petite coupe, et on la plonge dans le grand vase en l'agitant doucement avec les doigts jusqu'à ce que toute la poudre soit sortie. Ce qui se trouve après cette lotion au fond de la petite coupe comme des points noirs ou autres couleurs, mais pesant, doit être joint avec ce qui n'a pas pu passer au travers du tamis, et fondu ensemble avec un bon flux. Si on mêlait ce produit avec les cendres de la lavure qui doivent essuyer toutes les opérations nécessaires pour retrouver l'or et l'argent, il y aurait du danger de le perdre, ou pour le moins un certain déchet. La terre restante qui a passé au travers du tamis doit être mise dans une grande cuve destinée à recevoir tout ce qui doit être lavé, et dans laquelle on aura soin de mettre les sables qui ont servi à mouler, car ces sables contiennent de la matière ; mais comme elle y a été jetée etant en fusion, elle a par conséquent assez de pesanteur pour favoriser l'amalgamation avec le mercure.

Second procédé. Une des principales choses que l'on doive faire dans la préparation d'une lavure c'est de bruler si parfaitement tout ce qui doit passer dans le moulin au vif-argent, que toutes les parties métalliques soient réduites en gouttes ou grains, ne pas épargner pour cela le charbon ni les soins, parce qu'ils se retrouvent bien avec usure. Premièrement, le propriétaire de cette lavure jouit d'abord, après le procédé de la lotion, de la plus grande partie de ce qui est dans ses terres, comme on le verra au troisième procédé, mais encore il ne perd rien des matières qui y sont contenues, dont il perdrait une partie s'il les brulait mal ; car on a observé après plusieurs essais faits sur la terre que les ouvriers appellent regrets de lavure, qui avaient été passés trois fois sur le mercure, qu'il restait cependant depuis deux jusqu'à quatre grains d'or sur chacune livre de terre seche, provenant de lavures d'ouvriers travaillant en or ; ce qui ne vient d'autre cause que parce qu'on les avait mal brulées. On conçoit aisément que si on laisse ces petites parties d'or qui sont presque imperceptibles, et qui ont une grande surface en comparaison de leur poids, sans les réduire en grain, leur légèreté les fera flotter sur l'eau et les empêchera d'aller au fond de la bassine du moulin à mercure, pour s'amalgamer avec lui : au contraire si on a assez brulé les cendres pour fondre ces petites particules, elles prennent une forme en raison de leur poids, qui les fait précipiter, quelques petites qu'elles soient, et le mercure s'en saisit avec une très-grande facilité.

Les terres, balayures ou débris d'un laboratoire dans lequel on travaille des matières d'or ou d'argent, doivent être brulées dans un fourneau à vent fait exprès : ce fourneau est sphérique de six pouces de diamètre sur quatre pieds de hauteur ; il consume très-peu de charbon et donne beaucoup de chaleur ; le vent entre de tous côtés par des trous d'un pouce de diamètre faits tout autour, et par le cendrier qui est tout ouvert ; il a trois foyers les uns sur les autres, et trois portes pour mettre le charbon, avec trois grilles pour le retenir à la distance de huit pouces les unes des autres. On met la terre à bruler dans le fourneau supérieur par-dessus le charbon et après qu'il est allumé. Comme ce fourneau donne très-chaud, la terre se brule déjà bien dans ce premier foyer ; mais à mesure que le charbon se consume, la terre descend dans le second fourneau à-travers de la grille, où elle se brule encore mieux ; et enfin dans le troisième, où elle se perfectionne. Il faut avoir soin, lorsque le charbon du fourneau supérieur est brulé, d'ôter la porte, de nettoyer et faire tomber toutes les cendres qui sont autour : on en fait de même du second et de celui d'en bas, après quoi on continue l'opération. Par ce moyen-là les cendres sont très-bien brulées, et presque toutes les paillettes reduites en grain, ce qui est un des points essentiels. Lorsqu'on ne brule les cendres que dans un seul fourneau, il est presque impossible qu'elles soient bien brulées, parce qu'elles ne peuvent pas rester sur le charbon qui se dérange en se consumant ; les cendres glissent au-travers, passent par les intervalles, et tombent dans le cendrier, quelque serrée que soit la grille. Par conséquent la matière reste dans le même état qu'on l'a mise : on croit avoir bien calciné, et on n'a rien fait. Le fourneau à trois foyers doit être préféré à un simple fourneau dans lequel on brulerait trois fois les cendres, parce qu'à chaque fois elles se réfroidissent, et c'est un ouvrage à recommencer ; au lieu que par l'autre méthode l'opération n'est point discontinuée ; elle est plus prompte et plus parfaite.

Les cendres étant bien brulées, il faut faire l'opération qu'on a faite sur les creusets, tamiser et conserver ce qui ne peut pas passer au-travers du tamis sans le mêler avec les cendres passées, mais en faire l'assemblage avec celles provenues du premier procédé.

Traisième procédé. S'il est nécessaire de bien bruler les terres, cendres, etc. que l'on veut broyer avec le mercure, il n'est pas moins important de les bien dessaler, afin que le mercure puisse mordre dessus ; c'est pourquoi il convient de laisser tremper dans l'eau pendant trois jours au-moins les cendres qu'on veut laver, en changeant d'eau toutes les vingtquatre heures ; l'on doit porter beaucoup de soin à cette lotion, parce qu'en lavant d'une manière convenable on retire la plus grosse portion du contenu dans les cendres.

Pour bien laver il faut une machine faite exprès, et surtout lorsque l'on a beaucoup à laver, comme dans les monnaies ou autres ateliers considérables : cette machine est une espèce de tonneau à peu-près de la figure des moulins à mercure, dont le fond qui est cependant de bois est un peu en sphère creuse : l'arbre de fer qui est au milieu, comme celui des moulins à mercure, porte des bandes de fer plates et larges d'environ deux pouces qui le traversent de haut en bas, en croix, à la distance de six pouces les uns des autres, ayant de même une manivelle en haut de l'arbre que l'on tourne pour agiter la matière, ce qui contribue merveilleusement à la diviser, laver et dessaler. Il faut placer le tonneau à laver au milieu d'une grande cuve vide qui ait des trous à ses douves pour écouler l'eau depuis le bas jusqu'en haut, à la distance d'un pouce les uns des autres ; il faut faire cette opération, s'il est possible, proche d'une pompe ou d'un puits dont l'eau soit nette et pure.

On doit commencer par mettre de l'eau dans le tonneau ; car si l'on met la matière épaisse la première, elle s'engorge, on ne peut point tourner la manivelle et faire mouvoir l'arbre : elle se doit mettre peu-à-peu. Quand on a agité cette première matière l'espace d'un quart d'heure, il faut la laisser reposer pendant une heure au moins, après quoi on fait jouer la pompe de façon que l'eau coule très-doucement dans le tonneau à laver. Pendant qu'on tourne la manivelle, ce qui peut se faire par le moyen d'un long tuyau, mettez assez d'eau pour qu'elle regorge du tonneau et entraîne avec elle toutes les cendres légères dans la cuve, et il ne restera presque que la matière métallique que sa pesanteur y aura fait précipiter ; il faut la retirer et la mettre à part pour être achevée d'être lavée à la main, suivant le procédé de la première opération. Laissez après cela reposer la matière qui est dans la cuve jusqu'à ce que l'eau soit claire, après quoi ouvrez un des bouchons qui est à la cuve à la hauteur de la matière que vous jugez être dedans, que l'on peut mesurer, et plutôt le bouchon supérieur que l'inférieur, parce que vous êtes toujours à temps d'ouvrir celui de dessous ; et au contraire si vous ouvrez trop bas vous laisserez échapper la matière. Continuez l'opération sur le reste des cendres jusqu'à ce qu'elles aient toutes été lavées de cette manière ; mettez ensuite cette terre lavée dans la grande cuve où vous avez déjà placé le reste de la terre provenant des creusets pour le tout être passé et broyé avec le vif argent.

Pour ce qui est des matières métalliques qui sont restées à chaque lotion au fond du tonneau, et que l'on acheve de laver à la main, on en fait l'assemblage, comme il est dit ci-devant, pour la matière provenant des creusets : par cette lotion, on retire non-seulement les trois quarts de la matière contenue dans les terres ou cendres, mais encore le reste se trouve beaucoup mieux préparé pour être moulu ; car lorsque la matière est salée, cela lui donne un gras qui la fait glisser sur le mercure, et ne saurait s'amalgamer avec lui, c'est inutilement qu'on fait cette trituration sans cette condition.

Quatrième procédé. Après ces trois procédés de piler, bruler et laver, il faut broyer les cendres lavées dans le moulin à mercure, et observer que le mercure soit bien propre et pur ; il en faut mettre assez pour que toute la surface de la bassine en soit couverte, et à proportion de la pesanteur des croisées ; après cela on charge les moulins de cendres à broyer, on en met environ quinze livres mouillées, ce qui revient à dix livres de seches sur trente livres de vif argent, et l'on broye cela très-lentement pendant douze heures, si c'est une lavure en or ; et six heures seulement, si c'est une lavure d'argent ; ensuite on laisse reposer un peu la matière, car si on la sortait tout de suite, on courait risque que des petites parties de mercure ne sortissent avec, ce qui ferait une perte non-seulement sur la quantité du mercure, mais encore parce que ce mercure est toujours enrichi : après que la matière a été reposée, ôtez le bouchon du moulin, afin qu'elle sorte et se jette dans la cuve qui est placée vis-à-vis et un peu dessous, autour de laquelle on range la quantité de moulins dont on veut se servir pour l'opération : si on a beaucoup de cendres à passer, il faut prendre beaucoup de moulins, afin d'accélérer l'opération qui est très-ennuyeuse. Un particulier qui a une lavure un peu forte, ne saurait mieux faire pour ses intérêts que de laver ses cendres dans la machine nouvellement établie à Paris sur le quai d'Orçay ; elle remplit toutes les conditions que l'on peut désirer, tant pour la promptitude avec laquelle elle travaille, ayant quarante-huit moulins qui vont jour et nuit, et marchent tout-à-la-fais par un seul moteur, que pour la perfection avec laquelle elle opere, la construction de ces moulins étant beaucoup plus parfaite à tous égards que ceux que l'on a eu jusqu'à présent ; ils ramassent mieux la matière, et il est démontré qu'elle rapporte plus, opérant dans cette machine, que si on la faisait dans les anciens moulins, ceux qui en ont la direction, sont des gens de confiance très-entendus, et la situation des lieux donne une grande commodité qu'on trouve rarement chez soi.

Plusieurs personnes sont dans l'usage de repasser une seconde fois cette terre qu'ils appellent regrets, surtout si c'est une lavure un peu considérable : mais si l'on a pris toutes les précautions indiquées dans les trois premiers procédés, c'est en pure perte ; et pour ne pas risquer les frais d'une seconde opération, on doit faire l'essai de ces regrets en en fondant au moins trois onces dans un creuset avec le flux noir, et la litharge de plomb que l'on aura essayé auparavant pour savoir ce qu'elle contient de fin ; on coupelle ensuite le culot de plomb provenu de cette fonte, et l'on sait si ces regrets contiennent encore de la matière ; il faut aussi examiner soigneusement s'il n'y a point de mercure dedans ; pour cet effet, faites sécher à l'air et bien parfaitement une certaine quantité de regrets, observez si vous ne voyez point de mercure, pesez-les exactement lorsqu'ils sont bien secs ; exposez-les après cela à un feu doux, pour évaporer le mercure ; voyez ensuite si vos cendres ont fait un déchet considérable, par-là vous jugerez du mercure qui est resté, et s'il y en a beaucoup, n'hésitez pas de les repasser, ne fut-ce que pour reprendre le mercure qui est dedans, parce qu'il est chargé de matière ; mais prenez bien vos précautions à cette seconde opération, pour qu'il ne passe point de mercure avec vos cendres, ou le moins possible, lorsque vous levez les moulins.

Toutes les cendres étant passées, on lève les moulins, c'est-à-dire on retire tout le mercure, on le lave, on le fait sécher, on le passe au travers d'une peau de chamois, dans une machine faite exprès, ce qui reste dans la peau est la matière qui était contenue dans vos cendres ; cependant il ne faut point se défaire de ce mercure, il convient même à ceux qui ont de fortes lavures d'avoir leur mercure à eux, au lieu qu'ordinairement ce sont les laveurs qui le fournissent, et il ne se peut pas faire autrement qu'il ne reste toujours chargé d'un peu d'or ou d'argent, ce qui est autant de perte pour celui à qui appartient la lavure.

Cinquième procédé. Les boules qui sont restées dans la peau de chamois contenant encore du mercure, il faut le faire évaporer ou distiller ; pour cet effet on met ces boules de matière dans des cornues de verre ; il serait cependant mieux d'en avoir de fer, et faites exprès ; elles doivent être de deux pièces qui s'ouvrent environ à moitié de leur hauteur, qui est à-peu-près de huit pouces, la partie supérieure qui forme une espèce de chapiteau, porte un tuyau au col dans le côté, qu'on adapte ou fait entrer dans une cornue de verre qui sert de recipient ; on a soin de bien lutter la jointure de cette cornue de fer, soit dans l'endroit où elle est brisée, soit au col où elle est jointe avec celle de verre, par ce moyen on évite les accidents qui sont assez fréquents, lorsqu'on se sert des cornues ou matras de verres sujets à se casser, ce qui cause des pertes considérables, et expose les personnes qui ont la conduite de l'opération à recevoir des éclats du verre et être blessés : on économiserait aussi ; car la dépense de la cornue de fer une fois faite, c'est pour toujours, au lieu qu'il faut casser celle de verre à chaque opération. On commence par faire un feu très-léger ; cette opération doit se faire sur un bain de sable dans une capsule de fer, le feu s'y ménage beaucoup mieux et augmente insensiblement ; il convient aussi que la cornue de verre, qui sert de récipient, contienne moitié de sa capacité d'eau.

Après que la distillation est faite, on laisse refroidir les cornues, on casse celle qui contient la matière métallique, qui était dans les cendres de lavure, si elle est de verre ; et si elle est de fer, on la délute avec soin et propreté, on enlève le dessus par deux anses qu'elle doit avoir, et on retire la matière qui est au fond. On fond tout cela ensemble avec du borax et du salpêtre raffiné, on laisse la matière en fusion pendant un quart-d'heure, on la remue souvent avec une baguette de bois, pour la bien mêler, ensuite on la jette dans une lingotière préparée à cet effet ; quelques-uns sont dans l'usage de laisser la première fonte en culot au fond du creuset, ce qui est encore mieux : on affine cette matière, si l'on est à portée de le faire, et l'on fait le départ des deux fins ; il vaut beaucoup mieux que les ouvriers qui font des ouvrages fins et délicats vendent le produit de leurs lavures à un affineur ; car il est assez ordinaire que cet or contienne de l'émeri ou grain d'émail formé par la fonte des métaux vitrifiables qui se sont trouvés parmi l'or ou l'argent, ce qui cause beaucoup de dommage à leurs ouvrages, et les empêche souvent de rendre leur or doux et malléable.

Description du nouveau moulin chimique, ou moulin à lavure. Nous avons Ve par le mémoire précédent l'objet que se propose le nouveau moulin chimique ; il nous reste à donner la description du mécanisme qui le compose.

La force motrice, suivant le modèle en petit, est représentée par une manivelle au lieu d'une roue, à laquelle on donne, dans son exécution en grand, plus ou moins de diamètre, suivant la force du courant d'eau, qui doit lui communiquer le mouvement.

L'axe de cette roue porte vers son milieu une roue plane dentée à sa circonférence d'un nombre quelconque, laquelle engrene par sa partie inférieure dans une lanterne aussi d'un nombre quelconque, ménagée sur un cylindre parallèle à l'axe de la première roue : ce cylindre est destiné à faire lever un nombre de marteaux quelconque, au moyen d'un nombre de chevilles, égal au nombre des marteaux, placées de distance en distance sur la circonférence du cylindre et en ligne spirale, de manière que la révolution du cylindre étant faite, chaque marteau ait frappé un coup, sans néanmoins que le cylindre soit dans aucun des points de l'espace qu'il parcourt chargé de plus d'un marteau à la fois ; d'où l'on voit que les coups se succedent, et que lorsque le premier quitte par sa chute le lévier qui agissait sur lui, le second commence à être élevé par le levier qui lui répond, et ainsi de suite. Ces marteaux sont rangés sur une même ligne, et sont suspendus dans un clavier aux deux tiers de la longueur de leurs manches, d'où il résulte les bascules dont on vient d'expliquer l'effet ; chacun de ces marteaux frappe dans un pilon, et ils ont un poids commun quelconque. Nous en avons expliqué l'usage dans le mémoire précédent, mais, avant d'abandonner le cylindre et son action sur les marteaux, nous dirons un mot sur chacun des deux effets qu'il produit encore : à l'extrémité d'un de ses essieux, on a pratiqué un excentrique ou manivelle d'un rayon quelconque, laquelle à chaque révolution fait monter et descendre une pièce qui est suspendue par un trou libre dans le manche de la manivelle, laquelle pièce répond par son extrémité inférieure à un bras du levier réservé sur un second cylindre, que l'on peut appeler cylindre de renvoi, lequel ne fait qu'une portion de révolution ; c'est-à-dire qu'il ne décrit qu'un arc d'environ 45 degrés alternatifs, mais ce mouvement est suffisant pour faire mouvoir par le moyen d'un second bras du levier une pompe foulante et aspirante qui communique dans la rivière, et dont le produit est destiné à entretenir plein d'eau un réservoir exhaussé au-dessus des moulins particuliers à mercure pour le besoin de l'opération générale. Nous en parlerons plus en détail ci-après.

Ce même cylindre de renvoi fait aussi agir un soufflet qui répond au fourneau destiné à fondre le métal produit de chaque lavure, et celle-ci est la dernière de toutes les opérations d'une lavure.

Nous avons Ve par ce qui précède, l'effet de la batterie des marteaux, celui de la pompe, et celui du soufflet : nous allons donc présentement expliquer le mécanisme des moulins à broyer et des moulins à mercure.

Dans le modèle en petit, il y a 30 moulins à mercure, et 6 à broyer ; le plan de ces 36 moulins est un polygone exagone, dont chaque côté contient 5 moulins à mercure ; et vis-à-vis du milieu de chacun de ces côtés dans le dedans du polygone, il se trouve un moulin à broyer ; ce qui fait 36 moulins ; ce nombre n'est pas essentiel ; il peut être augmenté ou diminué, suivant l'exigence des cas particuliers ; une seule roue fait tourner ces 36 moulins.

Nous avons observé en premier lieu que l'arbre de la roue à l'eau portait, vers son milieu, une roue plane, servant à faire tourner le cylindre inférieur et parallèle à son axe : cette roue est donc verticale, mais sur son plan est pratiqué une seconde roue à champs, ou simplement des chevilles à distances égales, lesquelles sont arrondies en forme de dents, pour faciliter un engrenement dans une lanterne réservée sur un arbre qui est placé au centre du polygone. Cet arbre vertical fait tourner tous les moulins, tant à broyer qu'à mercure, fussent-ils un nombre infini, si la force était elle-même infinie ; le moyen que l'auteur a employé a paru ingénieux, simple, solide et même nouveau aux artistes les plus expérimentés dans les mécaniques : voici en quoi il consiste.

Au sommet supérieur de l'arbre du centre, ou plutôt sur son essieu, est appliqué une manivelle d'un rayon quelconque : les arbres particuliers des moulins à broyer et à mercure, lesquels sont parallèles à l'arbre du centre, sont exhaussés à la même hauteur, et ont une platine ou un plancher commun, dans lequel ils sont fixés, par un trou qui leur laisse la liberté de tourner librement ; ces 36 arbres particuliers portent aussi chacun une manivelle de même rayon que celle qui est appliquée sur l'essieu de l'arbre du centre : il s'agit présentement d'expliquer comment par le moyen de ces 36 manivelles, celle du centre, qui fait la 37e, ayant essentiellement un même rayon, communique le mouvement circulaire à toutes les autres ; une seule pièce produit cet effet. Cette pièce, qui est en cuivre jaune ou en laiton, dans le modèle en petit dont nous avons parlé, est elle-même un exagone, que j'appellerai, le châssis de la machine, parce qu'il est à jour, ayant un centre et une circonférence pleine, réunis par 6 rayons ; exactement au centre de ce châssis est un trou, dans lequel entre juste et libre le manche de la manivelle, portée par l'essieu de l'arbre du centre.

Sur la circonférence du châssis, sont autant de trous qu'il y a de moulins à mercure, c'est-à-dire 30 ; mais comme ces 30 moulins ne sont pas dans un cercle, qu'au contraire ils sont 5 à 5 sur des lignes droites, répétées 6 fais, ce qui forme l'exagone ; il s'ensuit que les 30 trous, destinés à recevoir les 30 manches des manivelles des 30 moulins à mercure, ne sont pas également éloignés du centre du poligone : ils s'en éloignent, comme les angles du polygone s'en éloignent eux-mêmes ; mais le moyen infaillible de placer convenablement tous les trous du châssis, c'est de séparer la platine qui reçoit et fixe les arbres, ce qui est facîle ; car on conçoit que cette platine doit être soutenue par un certain nombre de colonnes, par exemple, six aux six angles de l'exagone, à peu près comme la platine supérieure d'une montre est soutenue par ces quatre piliers. Cette platine étant ainsi séparée, et supposant tous ses trous posés, de manière que chaque arbre soit bien perpendiculaire dans leur cage commune, il n'y a alors qu'à appliquer le châssis sur cette platine avant qu'il y ait aucun trou de percé, et marquer sur ce châssis, au travers des trous de la platine, autant de points qu'il y a de trous dans la platine, ou de moulins à faire tourner ; mais pour le faire avec succès, il faut prendre la précaution de marquer ces trous avec un instrument qui remplisse ceux de la platine sans jeu, et sans leur causer de dommage. Tous les trous étant marqués, c'est-à-dire, dans cet exemple-ci, celui du centre, les six qui répondent aux six moulins à broyer, et qui peuvent être considérés comme étant un cercle inscrit dans le polygone, et les 30 qui répondent aux 30 moulins à mercure, on les percera pour y faire entrer les manches des 37 manivelles, avec la précaution de laisser le manche de celle du centre un peu plus fort, puisqu'il éprouve seul 37 fois plus de résistance que chacun des autres en particulier, communiquant le mouvement à tout. En cet état, si l'on remet la platine en place, et qu'on rapporte sur chaque essieu la manivelle qui doit y être ajustée en carré ; qu'ensuite on applique le châssis de manière que ces 37 trous soient remplis par les 37 manches des 37 manivelles ; il est certain qu'en faisant faire à l'arbre du centre une révolution ; cette révolution en fera faire une à chaque moulin, tant à broyer qu'à mercure, et cela dans le même sens, et avec des vitesses égales, c'est-à-dire, parcourant des espaces égaux dans des temps égaux, contre l'opinion de quelques mécaniciens qui ne sont pas géomètres ; mais de l'avis de M. de Parcieux qui a démontré cette vérité par le secours de la Géométrie.

On conçoit que ce châssis n'étant retenu sur les 37 manivelles que par son propre poids, il pourrait arriver que dans l'action, quelqu'effort tendit à l'élever, ce qui occasionnerait le démanchement de quelques manches de manivelles : mais on prévient cet inconvénient en opposant à ce châssis 3 ou 6 ponts qui ne lui laissent que la liberté de se mouvoir horizontalement, et qui lui ôtent celle de s'élever.

Il nous reste deux mots à dire sur la distribution des eaux, si nécessaire à l'opération des lavures : nous avons parlé plus haut de la pompe et du réservoir : ce réservoir est élevé au-dessus des moulins, étant appliqué sous le plancher supérieur de la machine ; celui-là même qui sert de platine à tous les arbres : la pompe l'entretient continuellement plein d'eau, et ces eaux sont distribuées par le moyen de 6 tuyaux de métal, dont chacun répond au milieu des six côtés de l'exagone.

Ces six tuyaux sont garnis à leur extrémité d'un second tuyau, posé dans la direction des côtés du polygone, ce qui forme un T. A ce second tuyau, on y en applique 3 de cuir, armés à leur extrémité d'un robinet qu'on lâche quand la nécessité le requiert, dans les moulins à broyer et à mercure, au moyen de leur mobilité, comme on le fait dans l'usage des pompes à feu.

Nous croyons qu'il manquerait quelque chose à la description de cette machine utîle et ingénieuse, si nous gardions le silence sur son aspect, relativement à la partie qui rentre dans l'art de l'Architecture.

Le modèle en petit, présenté et expliqué au Roi par l'auteur, et soumis au jugement de l'académie royale des Sciences, par l'ordre de Monseigneur le comte de Saint-Florentin, est d'une figure très-agréable, et d'une exécution supérieure : il y a trois planchers de même grandeur et de même forme, ayant chacun 6 côtés égaux. Sa hauteur est de 18 pouces, et son diamètre de 14.

Le premier de ces planchers est soutenu par 6 pieds tournés, en forme de boule, d'environ 2 pouces et demi de diamètre. C'est sous ce premier plancher que l'on a pratiqué le cylindre à bascule, ou cylindre de renvoi. Sur le dessus, c'est-à-dire, entre le premier et le second plancher, qui est soutenu par 6 colonnes à 5 pouces d'élévation, on y voit les 12 mortiers, la batterie des 12 marteaux, le cylindre qui les fait agir, le bras de levier qui communique le mouvement au cylindre de renvoi, la moitié de la pompe, l'effet de son mouvement, la moitié de la roue plane qui fait tourner le cylindre à marteau, la moitié de la roue de champ qui lui est jointe, le soufflet et le fourneau destiné à fondre le produit d'une lavure, &c.

Sur le second plancher, c'est-à-dire, entre le second et le troisième plancher, qui est également soutenu par 6 colonnes, tournées avec propreté, à 6 pouces d'élévation ; on y voit dans chacun des intervalles de 6 colonnes, 5 bassines, fixées sur ce plancher, et dans lesquelles tourne une croisée, dont l'arbre porte sur une espèce de crapaudine attachée au centre des bassines, s'élève et passe au travers du plancher supérieur pour recevoir la manivelle dont nous avons parlé.

Ce sont ces bassines réunies avec leurs croisées en mouvement, que j'ai jusqu'ici nommées moulin à mercure, à cause que c'est-là proprement que se fait, par le moyen du mercure, du mouvement de la croisée et de l'eau, la séparation des métaux d'avec les cendres qui les contiennent ; on y voit les 6 bassines destinées à broyer la matière des lavures avant d'être apportée dans les moulins à mercure dont on vient de parler. Elles sont d'un volume un peu plus considérable que les premières, et le broyement se fait par le moyen d'un cylindre qui tourne sur lui-même dans le fond de chacune de ces bassines, indépendamment de son mouvement horizontal ; on y voit l'arbre de la roue, qui porte la grande manivelle, qui représente la roue à eau, cet arbre, qui est horizontal, est placé dans l'épaisseur même de ce second plancher, dans lequel on a pratiqué une entaille. On y voit par conséquent l'autre moitié des deux roues jointes ensemble, et portées par cet arbre ; on y voit l'arbre du centre, portant la lanterne, qui est menée par la roue de champ, et c'est aussi dans cet intervalle que se laisse voir l'autre moitié de la pompe, qui fournit le réservoir, qui est attachée sous le troisième plancher, et qui parait dans la même cage, ainsi que tous ses tuyaux.

Sur le troisième plancher est logé ce que l'auteur appelle la cadrature, qui est composé, comme nous l'avons dit, de 37 essieux limés par leurs bouts saillans en carrés ; des 37 manivelles appliquées sur les 37 essieux du châssis, et de six pans, à ses six angles, pour l'empêcher de s'élever. Cette partie est sans contredit la plus curieuse, et celle qui a le plus couté à l'imagination de l'inventeur ; le dessus est recouvert d'un couvercle de menuiserie, orné de six pommelles, et d'une septième à son centre qui domine sur les 6 des 6 angles : toutes les parties tant de métal que de bois, sont ornées de moulures polies, et d'une exécution qui fait autant d'honneur à la main-d'œuvre de l'auteur, que la composition en fait à son génie.

LAVURE. Les Fondeurs appellent ainsi le métal qu'ils retirent des cendrures, allézures et sciures qui sont tombées dans la poussière des fonderies et ateliers où ils travaillent, en les lavant.