MORHUE, MOLUE, molua, s. f. (Histoire naturelle, Ichtyologie) Rond. poisson de mer dont la longueur s'étend jusqu'à quatre pieds, et dont la largeur est d'environ un pied. Il a le corps gros et arrondi, le ventre fort avancé, le dos et les côtés d'une couleur olivâtre, salé ou brune mêlée de taches jaunâtres ; les écailles petites et très-adhérentes au corps ; les yeux grands et couverts d'une membrane lache et diaphane, et l'iris des yeux blanc ; il y a sur les côtés une large ligne blanche qui s'étend depuis l'angle supérieur des ouies jusqu'à la queue, en suivant la courbure du ventre. Ce poisson n'a qu'un seul barbillon long à peine d'un doigt, qui tient au coin de la mâchoire inférieure. La langue est large, molle, ronde ; les mâchoires ont des dents disposées en plusieurs rangs, dont l'un est composé de dents beaucoup plus longues que les autres. Il se trouve, comme dans le brochet plusieurs dents mobiles entre les dents solides : on découvre encore de petites dents placées fort près les unes des autres entre les dernières ouies, sur le haut du palais, et même plus bas, près l'orifice de l'estomac. La morue a trois nageoires sur le dos, une à chaque ouie, une de chaque côté de la poitrine, et deux derrière l'anus l'une au-devant de l'autre. La queue est presque plate et non fourchue.

Les morues sont si abondantes au grand banc de Terre-neuve, qu'un seul homme en prend en un jour trois à quatre cent. On les pêche à la ligne, et les entrailles de celles qu'on vide servent d'appât pour en prendre d'autres.

Selon M. Anderson dans son histoire naturelle de l'Islande, on a donné à la morue le nom de cabeliau dans tout le Nord et chez les Hollandais. Elle se nourrit de toutes sortes de poissons, principalement de harengs et de crabes ; elle digère en six heures de temps des corps très-durs, comme les taies des crabes qu'elles avalent : ces taies deviennent bientôt aussi rouges qu'une écrevisse qu'on aurait fait cuire ; elles se dissolvent ensuite en une sorte de bouillie épaisse qui se digère tout à fait en très-peu de temps. La morue est un poisson très-goulu et insatiable ; il lui arrive souvent d'avaler des corps absolument indigestes, comme des morceaux de bois. La morue blanche, la morue verte et la merluche, ne diffèrent que par les différentes façons de préparer les cabeliaux : la merluche est une morue dessechée. Les morues que l'on pêche dans la haute mer à 40 ou 50 brasses de profondeur, sont meilleures, plus tendres et plus délicates que celles que l'on prend sur les côtes et dans les golfes peu profonds. Suite de la mat. med. par MM. de Nobleville et Salerne, règne animal, tome II. part. I. Voyez POISSON.

MORUE, (Pêche) il y a deux sortes de morues, l'une qui s'appelle morue verte ou blanche, l'autre morue seche ou parée, ou merlu, ou merluche. La Pêche s'en fait dans la baie de Canada, au grand banc de Terre-neuve, le banc Vert, l'île Saint-Pierre et l'île de sable. On se sert de vaisseaux à deux ponts ordinairement, du port de 100 à 150 tonneaux, pour charger 30 à 35 milliers de morue verte. On a des lignes, des calus de plomb, des hameçons et des rets ; il faut avoir un bon trancheur, un bon décoleur et un bon saleur. On attribue la découverte du grand et petit banc des morues à des pêcheurs basques qui y arrivèrent en poursuivant des baleines, cent ans avant le voyage de Colomb. On pêche depuis le commencement de Février jusqu'à la fin d'Avril ; tout est fait en un mois ou six semaines, quelquefois on emploie quatre à cinq mois. Chaque pêcheur ne pêche qu'une morue à-la-fais ; mais on en prend depuis 350 jusqu'à 400 par jour. La pesanteur du poisson et le grand froid rendent ce travail fatiguant. La morue verte se sale à bord ; le décoleur lui coupe la tête, le trancheur l'ouvre, le saleur l'arrange à fond de cale tête contre queue et queue contre tête. Quand il en a fait une couche d'une brasse ou deux en carré, il la couvre de sel, et ainsi de toute la pêche du jour. Il ne mêle point ensemble la pêche de différents jours ; il laisse aussi la morue trois à quatre jours égoutter son eau, puis il la fait placer dans un autre endroit, et la resale. Alors on n'y touche plus que le vaisseau n'en ait sa charge.

Pour la pêche de la morue seche, on se sert de vaisseaux de toute grandeur ; quand la pêche est faite, on laisse le poisson au soleil : ainsi il faut profiter de l'été, et partir dans les mois de Mars ou d'Avril. La morue seche est plus petite que la verte ; pour préparer la première, on établit à terre une tente avec des troncs de sapins de 12, 15 à 20 pieds de longueur, et dans cette tente un échafaud de 40 à 60 pieds de long, sur 15 à 20 de large. A mesure que l'on pêche, on sale sur des établis volans ; mais la grande salaison se fait sur l'échafaud. Lorsque la morue a pris sel, on la lave, on la fait égoutter sur des petits établis ; égouttée, on l'arrange sur des claies particulières à une seule épaisseur, queue contre tête, et la peau en haut : on la retourne quatre fois par jour ; retournée et à peu-près séchée, on la met en moutons ou dix à douze l'une sur l'autre, pour qu'elles conservent leur chaleur. De jour en jour on augmente le mouton, qu'on porte à vingt ou vingt-cinq morues : cela fait, on la porte sur la greve, où de deux moutons on n'en forme qu'un, qu'on retourne chaque jour. On la resale en commençant par la plus vieille salée : on en fait des piles hautes comme des tours de moulin à vent, et on la laisse ainsi jusqu'à ce qu'on l'embarque. Elle s'arrange dans le vaisseau sur des branches d'arbres que l'on met à fond sur le leste, avec des nattes autour. Les Basques et les Malouins sont les plus habiles pêcheurs de morue.