SARDE, s. f. (Histoire naturelle, Ichtyologie) poisson de mer fort ressemblant à l'aphye, mais il est un peu plus grand et plus épais. Il ne diffère de l'alose qu'en ce qu'il est plus étroit ; au reste il lui ressemble, par la bouche, par les ouies, par les yeux, par les écailles, par la forme de la queue, et par le nombre et la position des nageoires. Voyez APHYE et ALOSE. La sardine a les écailles grandes, la tête d'un jaune doré, et le ventre blanc ; le dos est en partie verd et en partie bleu ; ces deux couleurs sont très-brillantes lorsqu'on tire ce poisson vivant hors de l'eau ; et dès qu'il est mort, le verd disparait entièrement, et le bleu perd beaucoup de son éclat. La sardine n'a point de vésicule de fiel ; elle est plus grasse au printemps qu'en toute autre saison. Rondelet, hist. nat. des poissons, prem. part. liv. VII. ch. Xe Voyez POISSON.

SARDINE, (Pêche) voici la description de leur pêche, et la manière de les apprêter. Cette pêche se pratique particulièrement sur les côtes de Bretagne, dans les canaux de Belle-Isle. Sur les côtes du nord de cette ile, depuis la pointe de Sud, ou du canon de Locmaria, en tirant au nord jusqu'à celle des Doulains, au-dessous d'Auborch. Cette étendue se nomme la bonne Rade ; elle est à couvert des vents de sud-sud-ouest par la terre de Belle-Isle, et de ceux de nord-nord-est par la grande terre qui est au large de l'île qui lui est opposée, et qui baigne la mer sauvage où les sardines ne terrissent point, parce que la lame y est toujours fort haute et très-élevée : la pêche commence ordinairement en Juin, et finit avec le mois de Septembre, ou au plus tard les premiers jours d'Octobre, outre les chaloupes, ceux de Saugon de ladite ile, de Port-Louis, de S. Cado, Vauray et de Groa viennent au même lieu ; les chaloupes sont du port de huit, dix à douze barriques au plus, faites en forme d'yolles ou de biscayennes, avec mâts, voiles, quille, et gouvernail ; elles sont aussi garnies d'avirons. Les marchands-propriétaires les fournissent de toutes choses, et prêtes à faire la pêche ; ils leur donnent aussi dix à douze pièces de filets de différents calibres, pour s'en servir durant qu'ils sont sur le lieu de leur pêche, suivant la grosseur des lits, bouillons ou nouées de sardines qui se trouvent souvent durant une même marée de quatre à cinq sortes différentes ; mais les mailles les plus petites sont toujours beaucoup au-dessus du moule de quatre lignes en carré, fixé par l'ordonnance de la marine de 1684. Pour faire la pêche des sardines, les pièces des rets à sardines non-montées ont ordinairement 22 brasses de long ; et lorsqu'elles sont garnies de lignes et de flottes par la tête, et de plomb par bas pour les faire caler, elles se trouvent réduites seulement à 18 brasses de longueur, afin de donner au filet du jeu, et que le ret reste un peu volage, libre et non-tendu, pour donner lieu aux sardines de s'y mailler plus aisément.

Les filets des pêcheurs de sardines de Belle-Ile flottent à fleur d'eau, comme ceux des pêcheurs poitevins : le fil dont ils sont composés étant très-délié, on est obligé de leur donner du poids par le pied, à la différence des rets ou seines aux harengs, et des manets qui servent à faire la pêche du maquereau, qui calent par leur propre pesanteur, à cause de la grosseur du fil dont ils sont fabriqués ; ces filets ont depuis trois brasses et demie de chute, jusqu'à cinq brasses ; il faut encore observer que les chaloupes de Belle-Isle, et même celles qui viennent avec elles faire la pêche dans les coureaux d'entre Belle-Ile et Quiberon, ont coutume de revenir à terre tous les soirs ; c'est une des raisons qui a obligé l'amirauté de dispenser les équipages de ces chaloupes de prendre un congé pour la pêche, parce qu'ils sont variables, et qu'il serait impossible que les maîtres pussent fournir un rolle au bureau des classes, ceux qui montent aujourd'hui dans une chaloupe, la quittant demain pour reprendre leur métier, quand la saison de la pêche est passée.

Les chaloupes repartent le lendemain d'assez bonne heure pour pouvoir être rendues à l'aube du jour sur le lieu de la pêche, qui n'est toujours éloigné que d'une lieue ou deux de terre. La pêche se fait entre les coureaux, c'est-à-dire, entre Belle-Ile et les terres de Quiberon, jusque par le travers de la Pointe d'Etel à l'embouchure de la rivière de S. Cado ; ces fonds n'ont que 8, 10 à 12 brasses d'eau au plus.

Les pêcheurs tendent leurs filets de même que les pêcheurs poitevins, en croisant la marée, et ils amorcent pour mettre le poisson en mouvement, et le faire monter à la surface de l'eau, ce qu'il fait avec beaucoup de précipitation ; les pêcheurs continuant toujours de semer leur boite tant que la marée dure, c'est-à-dire, que les rets restent à la mer jusqu'à ce qu'on les relève pour en retirer les sardines qui s'y sont prises. Quand la pêche est abondante, souvent l'équipage d'une chaloupe en rapporte le soir 25 à 30 milliers, à-moins qu'ils ne les aient renversées à bord des chasses-marées, qui se tiennent toujours sur le lieu de la pêche pour s'en charger et en faire le transport.

On croit devoir ici observer que les pêcheurs de Belle-Ile sont d'un sentiment opposé à celui des pêcheurs poitevins et autres, qui font la même pêche le long des autres côtes méridionales de la Bretagne, prétendant, avec assez de fondement, que la sardine ne se tient pas sur les poissons blancs et les chiens de mer, qui en feraient continuellement une telle curée, qu'ils épailleraient et feraient fuir les lits, troupes ou bandes de ces petits poissons ; que la sardine nage entre deux eaux comme les harengs, et que c'est pour l'attirer à la surface qu'on amorce, la rogue qui est pesante tombant perpendiculairement à fond, si les sardines s'y tenaient, elles ne s'éleveraient pas avec tant de vivacité ; elles trouveraient à fond leur pâture ; cette idée est soutenue de l'expérience qu'ils ont ; c'est aussi celle des pêcheurs des côtes de la Méditerranée où la même pêche se fait sans boite ni appât, et des pêcheurs du hareng qui se tient de même entre deux eaux à différentes profondeurs, suivant les vents qui règnent, ou la qualité des lits des poissons.

Une grande partie des sardines de la pêche de Belle-Ile s'enlève par des bateaux chasse-marées, et le reste s'apporte à terre pour être vendu aux marchands et saleurs, qui ont des presses où ils les préparent de la manière que nous l'expliquerons ci-après.

Il n'est pas d'usage à Belle-Ile de fumer ou sorreter les sardines ; cette sorte de préparation semblable à celle de l'apprêt des harengs-sors y est inconnue, et n'y a jamais été pratiquée.

L'appât ou la boite qui sert à la pêche de la sardine, que l'on nomme rave, rogue ou resure, comme on l'a dit, est apportée aux pêcheurs de Belle-Isle, de Berghen et de Drontheim en Norvege, et de Hollande. Ce sont les œufs des morues provenant des pêches des Norvegiens, des Danois, des Hollandais dans les mers du nord ; ces œufs sont connus sous le nom de stocfish. Les François qui font la pêche sur le banc de Terre-Neuve, salent la rogue pour le même usage, et les pêcheurs picards, normands et autres, qui font hors la manche et dans le canal la pêche des maquereaux, en préparent aussi les œufs pour servir d'appât à la pêche de la sardine.

Le barril de rave, resure ou rogue venant de Berghen, ne pese qu'environ cent cinquante livres. Voyez RESURE.

Une chaloupe sardinière consomme pendant la durée de la pêche quelquefois jusqu'à sept et huit barrils, ou trois à quatre barriques de rave ou resure, pendant l'espace de trois à quatre mois qu'elle dure ordinairement ; on ne saurait rien fixer là-dessus de précis, parce que cette consommation dépend souvent et de l'abondance et de la stérilité de la pêche ; plus il y a de poisson, et moins il faut l'amorcer pour le faire monter ; elle dépend aussi du moins autant de l'intelligence et de l'expérience des maîtres. Il y en a qui emploient un tiers plus de resure que les autres.

Les sardines que l'on destine à être salées, se salent en grenier, à terre, dans les presses ou magasins ; quand elles y sont arrivées, on les met égoutter leur eau pendant une heure ou deux avant de les saler ; ensuite on les entasse, et on les arrange de manière que toutes les têtes se trouvent en-dehors, et les queues en-dedans ; on seme du sel de couche en couche d'un doigt d'épais ; on n'élève les tas ordinairement que deux ou trois pieds au plus, pour ne point écraser ou trop affaisser les sardines qui forment les premiers lits de dessous ; les piles ont une forme irrégulière, et suivant le lieu de la presse où l'on les place ; on laisse ainsi les sardines durant dix à douze jours avant que de les lever pour les aller laver dans l'eau de mer, comme nous l'expliquerons ci-après ; ainsi, quoique les sardines soient bien plus petites que les harengs, il ne faut cependant guère moins de temps pour en perfectionner la salaison. Les harengs sont pacqués en barril, les sardines en grenier.

Lorsque les sardines ont été assez salées, on les enfîle par la gueule et par les ouies, comme on fait aux harengs que l'on veut sorer, et de la même manière, sur de petites broches ou brochettes de coudrier, mais à la différence des harengs, qu'on arrange de manière qu'ils ne se touchent point, on presse sur les brochettes les sardines de telle sorte qu'elles en remplissent tout à fait la longueur.

Les femmes et les filles sont occupées ordinairement à ce travail, elles portent ensuite les sardines ainsi embrochées, sur des civières au bord de la basse mer, observant que les têtes du poisson soient en-dehors et les queues en-dedans ; elles ne mettent gueres que trois brochettes de largeur sur la civière ; pour laver les sardines elles prennent par les deux bouts trois brochettes entre les doigts, et elles les trempent plusieurs fois dans l'eau, après quoi elles les remettent sur leur civière, au fond de laquelle il y a deux petites nattes de paille pour soutenir les sardines, qu'on laisse ensuite égoutter dans les resses pendant quelque temps ; quand elles sont suffisamment égouttées de leur lavage, on les arrange dans des barrils, de la même manière que l'on alite les harengs que l'on pacque, pour être envoyées dans les lieux de leur consommation.

Il faut ordinairement pour faire une barrique de sardines pressées, la charge de quatre civières, et on ne peut fixer le nombre des sardines, attendu qu'il dépend de la petitesse ou de la grosseur du poisson qui l'augmente, ou le diminue, parce que c'est le remplissage de la futaille qui en fait le poids ; il en faut quelquefois seulement trois milliers environ, quand les sardines sont belles et grosses pour les remplir, et d'autres fois il en entre jusqu'à dix milliers, lorsque le poisson est de petites pièces et maigre.

Les fusts ou barrils de sardines de Belle-Isle, n'ont guère de bouge ou de ventre, leur forme est celle des barrils de brai du nord ; ils sont faits de bois de hêtre, et un des fonds, qui est celui de dessous, est percé de plusieurs trous, pour donner lieu à l'écoulement de l'eau et de l'huîle que la presse en fait sortir ; ces barrils bien pressés et marchands, pesent ordinairement depuis trois cent jusqu'à trois cent dix livres.

Les sardines sont huit à dix jours à être pressées ; quand elles sont bien préparées, elles se peuvent conserver bonnes pendant sept à huit mois au plus ; après ce temps les chaleurs viennent, et les sardines se gâtent, elles deviennent rances et fétides.

Les presses à sardines sont des espèces de petits magasins à rez-de-chaussée, sans aucun étage, à la hauteur de 3 pieds et demi à 4 pieds, il y a des trous dans la muraille d'environ un pied en carré, et de profondeur pour y pouvoir placer le bout, le lans-pect ou petit soliveau qui forme le levier de la presse ; on place le barril à une distance proportionnée de la muraille, le fond qui est percé est sur un conduit, ou petit égout, le long duquel coulent l'huîle et l'eau qui sortent des barrils, et qui tombent dans une espèce de cuve qui sert de réservoir pour recevoir tout ce qui sort des barrils ou presses ; quelques propriétaires mettent au haut des ouvertures des trous, une pierre dure ou un grais ; d'autres y mettent d'un bout à l'autre, une traverse ou un linteau de bois ; on place sur le bout du haut du barril qui est ouvert, un faux fond de bois de l'épaisseur de sept à huit pouces, et ensuite quelques petites traverses de bois qu'on multiplie à mesure que les sardines s'affaissent, et au-dessus on met le levier au bout duquel on place une planche suspendue avec de petites cordes, comme un des fonds d'une balance que l'on charge de pierres et d'autres poids, pour donner un poids convenable et suffisant sur les sardines du barril, et on augmente ce poids à mesure qu'elles se pressent, en remplissant de temps à autres le haut du barril jusqu'à ce que la presse soit achevée, et le barril rempli comme il le doit être.

Comme on ne peut déterminer le nombre des sardines qui entrent dans un barril, on ne saurait aussi fixer celui des barrils de sardines qui peuvent rendre à la presse une barrique d'huile, parce que comme on vient de l'observer, la sardine maigre et petite rend peu ou point du tout d'huile, au lieu que celle qui est grosse et qui est ordinairement aussi la plus grasse, en fournit beaucoup ; on tire communément des sardines de bonnes qualités, une barrique d'huîle de la presse de quarante barriques ; cette huîle sert dans l'ile, au radoub des chaloupes pêcheuses, et à celui des bâtiments employés au commerce, il s'en consomme encore au même usage que l'huîle des baleines, par les corroyeurs, pour repasser leurs peaux, et quoique son odeur soit fort fétide, les pauvres gens s'en servent à bruler dans leurs lampes.

Les mailles des rets avec lesquels on fait la pêche des sardines, sont de trois espèces ; les premières ont 8 lignes en carré, les secondes ont 7 lignes, et les troisiemes seulement 6. Ainsi elles sont plus grandes que l'ordonnance ne la prescrit, puisqu'elle fixe la grandeur des mailles à 16 lignes de tour, c'est-à-dire à 4 lignes en carré.

Les rets à grandes sardines ont onze lignes en carré, les pêcheurs alors ne boitent point ; ces rets servent encore à faire la pêche des éguillettes ou orphies, sur les rochers qu'ils entourent, et durant les mois d'Avril et Mai, ces filets sont les mêmes que les seines au hareng des pêcheurs normands, ils les emploient abusivement quelquefois à trainer sur les côtes qui sont couvertes de sables. Voyez la démonstration des différents apprêts des sardines, dans nos Planches de pêches ; la première partie de la planche contient la représentation de la manière de saler les sardines ; la seconde, le lavage des mêmes sardines ; et la troisième, la manière de presser les sardines dans les presses ou magasins.

De la pêche de la sardine, et de la manière de la préparer et de préparer aussi l'anchois, comme on le fait en Provence et en Languedoc. Il n'y a que peu d'années que ces sortes de salaisons sont pratiquées le long des côtes de la Bretagne méridionale, et il ne s'y en prépare guère que sur les côtes de l'amirauté de Quimper, à Concarneau, et à Belle-Ile sur celle de Vannes.

La pêche de ces poissons étant devenue ingrate et stérîle sur les côtes du Levant, les Provençaux instruits de l'abondance de cette pêche en Bretagne, y viennent à présent chaque année ; ils y arrivent vers le commencement du mois de Mai, et s'en retournent à la fin d'Octobre.

Ils mettent dans une barrique de sel, du poids de 200 livres au moins, deux livres d'ocre rouge, ou bol arménique en poudre ; ils ôtent des anchois la tête et les entrailles ; ils salent ensuite par lits leurs anchois, qu'ils arrangent le dos en haut, dans de grands et petits barrils qu'ils nomment barrots, les grands peuvent contenir environ 5 à 600 poissons, et les demi à proportion.

Ces sortes de barrils sont fabriqués à Cette, jaugés par la police, et marqués à feu ; il y a à Cette un inspecteur pour cette jauge, et peine d'amende et confiscation des barrots qui n'y seraient pas conformes.

Les grands barrots pleins, peuvent peser 24 à 25 livres ; quand les barrils sont remplis de poissons alités, on l'enfonce, en laissant un trou au milieu du fond du dessus ; on les expose ainsi débouchés au soleil pendant plusieurs jours ; ce que l'on répète trois à quatre fois de quinze jours en quinze jours, pendant que l'on fait cette sorte de préparation.

La chaleur fait fermenter la saumure que le poisson forme de son suc et de la fonte du sel, elle aide à confire le poisson ; la saumure surnage au-dessus du fond, on n'y en met pas de nouvelle quand elle diminue, on a soin de temps en temps de douiller les barrils ; il faut faire attention de boucher avec une cheville les barrils exposés au soleil, pour peu que l'on craigne la pluie, qui altérerait la saumure, et ferait tort au poisson.

La sardine anchoitée, c'est-à-dire préparée avec le même sel rouge, s'accommode de même, excepté qu'on ne lui ôte que la tête, et qu'on lui laisse les entrailles.

Les sardines les plus petites, qui sont ordinairement celles de primeur, sont celles qui conviennent le mieux à cette préparation, et même les sardines que l'on rebute dans les presses, s'emploient dans ces barrots, tant les étêtées, ou celles auxquelles on a coupé la tête, que les égueulées et éventrées, qui ne peuvent servir aux sardines salées et pressées.

Tous les anchois se mettent dans les petits barrils, on sale peu de sardines dans ces futs ; on se sert ordinairement de barriques vuidange de Bordeaux ou de Nantes ; lorsque ces sardines sont arrivées en Languedoc ou en Provence, les négociants qui font ce commerce, les transvasent dans de petits barrils que l'on fabrique chez eux pour cet usage.

Cette espèce de salaison n'est marchande que la seconde année ; pour lors elle se trouve de bonne qualité ; celle de l'année n'est point bonne à manger ; lorsque les salaisons sont bien faites, celles de la troisième et de la quatrième années sont les plus recherchées, parce qu'alors le poisson se trouve confit dans sa saumure.

On transporte ces salaisons à Nantes et à Bordeaux par la mer, d'où elles passent jusqu'à Cette et à Montpellier par le canal ; on en charge encore quelquefois des bâtiments qui vont en droiture par le détroit, à Marseille, à Cette, et autres côtes du Levant.

La grande vente de ces anchois et sardines se fait à la foire de Beaucaire, d'où elles passent dans les lieux de leur consommation.

Avant la venue des Provençaux en Bretagne, on n'y faisait aucun cas des anchois ; les pêcheurs les rejetaient à la mer aussi-tôt qu'ils les avaient pris ; depuis leur arrivée, on achète les anchois le quadruple des sardines, et quelquefois six fois plus, et quoiqu'ils ne prennent que les plus petits de ces derniers poissons, que les pêcheurs bretons méprisaient, leur choix n'a pas laissé que de doubler le prix ordinaire des sardines, en quoi les intéressés à cette pêche et les pêcheurs trouvent aujourd'hui un profit considérable sur leurs poissons, dans les lieux où on les sale en rouge.

Les marchands presseurs de sardines, de l'amirauté de Quimper, demandent que les barrils de sardines soient marqués à feu, tant du lieu de la salaison, que de celui du presseur qui l'aura préparé, et cela conformément à ce qui se pratique le long des côtes de la Normandie et de la Picardie, pour les harengs blancs de différentes qualités ; cette police si nécessaire aux marchands commissionnaires, auxquels les négociants forains et étrangers ordonnent de gros achats de ces salaisons, empêche la fraude des petits presseurs, soit par rapport aux sels usés dont ils se servent contre la défense, que pour empêcher le mélange des sardines de mauvaise qualité, ou de celles qui sont surannées, qu'ils mettent au milieu de leurs barrils, et qu'il n'est pas possible de vérifier quand une fois ils sont pressés ; elle mettra aussi en réputation les marchands presseurs qui prépareront leurs salaisons loyales et marchandes, et empêche les commissionnaires d'être trompés comme ils le sont souvent, en contenant les presseurs, dont les fraudes se découvriront aisément.

Description de la pêche de la sardine à boiter et affarer à la rave, reve, rogue, ou résure, telle qu'elle se pratique aux côtes de Poitou. Cette pêche de la sardine ne se peut faire que de jour ; les pêcheurs n'ont ordinairement qu'un ret ou filet d'une seule pièce, qui peut avoir dix-huit à vingt brasses de long quand il est monté, et vingt-cinq brasses non monté, parce que le haut est lâche et flotté, pour donner lieu aux sardines de mailler ; il a quatre brasses de chute, il est amarré à l'arrière de la chaloupe, avec un cordage qui peut avoir quelques brasses au long du corps du bateau, à la tête du ret ; il est soutenu à fleur d'eau par les flottes du liege dont la tête est garnie, et le bas, pour le faire caler de sa hauteur, est chargé de plomb, de boules de terre cuite, ou de pierres percées ; à mesure qu'il y a du poisson maillé dans le ret, les pêcheurs s'en aperçoivent aisément, par le liege qui plonge ; le maître de la chaloupe est placé à l'arrière pour boiter la sardine, en semant la rave avec une cuillière ; les autres pêcheurs soutiennent à la marée, avec deux, quatre ou six avirons, suivant la force du vent, ou de la dérive des courants ; la sardine se maille dans le ret en montant du fond pour venir gober l'appât de la rave, ou résure.

Les pêcheurs relèvent leurs rets d'heure en heure, plus tôt ou plus tard, quand ils s'aperçoivent qu'il y a du poisson de pris.

Les vents les meilleurs pour faire cette pêche aux côtes du Poitou, sont ceux des rumbs d'aval, qui amènent et poussent le poisson à la côte ; ceux d'est sont tout à fait contraires à la pêche, parce qu'ils chassent au large les sardines.

Les sardines du port des Sables sont plus petites que celles que l'on pêche au port de S. Gilles, où les sardines sont même plus grasses et meilleures, et où il n'est pas d'usage d'en faire aucune salaison, tout le poisson de la pêche se consommant à demi salé, dans le pays ; il s'en transporte quelquefois jusqu'à Orleans.

Les pêcheurs ont différentes espèces de rets à sardines, comme ceux des sables d'Olone ; ils se servent des filets à plus larges mailles, à mesure qu'ils s'aperçoivent que les poissons des mattes, lites ou bouillons de sardines qui terrissent, sont de plus grosses pièces ; on change les rets alors, et communément ils en ont toujours à bord de deux diverses sortes, pour s'en servir suivant l'occurence ; les plus larges mailles sont celles dont on se sert ordinairement à la fin de la saison, le poisson augmentant à mesure qu'on s'en approche.

Les pêcheurs de S. Gilles ont de cinq espèces de mailles à sardines ; les plus larges ont neuf lignes en carré, celles qui suivent ont huit lignes, la troisième sorte de mailles a sept lignes aussi en carré, la quatrième en a six, et les plus serrées, qui sont les dernières, n'en ont au plus que cinq en carré ; on ne charge le pied ou le bas de ces rets, qu'autant qu'il faut pour les faire seulement caler de leur hauteur, les flottes restant à fleur d'eau.