S. m. formica-leo, (Histoire naturelle) insecte qui a beaucoup de rapport au cloporte pour la figure du corps, et à l'araignée non-seulement par la figure, mais encore par l'instinct, par sa manière de filer, et par la mollesse du corps. Le fourmi-lion est d'un gris sale, avec des points noirs, qui sont de petites aigrettes composées de picquans qu'on ne distingue qu'avec la loupe. Le corps est entouré de plusieurs anneaux. Cet insecte a six jambes, dont quatre tiennent à la poitrine, et les deux autres à une partie placée au-devant de la poitrine, à l'endroit du cou. La tête est menue et plate ; elle porte deux antennes ou cornes creuses, dures, longues de deux lignes, un peu plus grosses qu'un cheveu, et crochues par le bout : à la base de chacune de ces antennes, il y a des yeux.

Le fourmi-lion ne vit que d'insectes ; il ne marche qu'en reculant et par petites secousses, ainsi il ne peut pas aller chercher sa proie ; il est obligé de l'attendre, et de dresser des embuches pour l'attirer à soi : c'est pourquoi il se place dans un sable fin et sec, contre un mur, à l'abri de la pluie ; il y creuse une petite fosse ronde et concave ; à cet effet, il commence par courber en-bas la partie postérieure de son corps, qui est pointue, et il l'enfonce dans le sable : il s'enfouit de cette manière jusqu'à une certaine profondeur, la tête en-haut : alors il jette assez loin avec ses cornes, par des mouvements prompts et réitérés, le sable qui se trouve sur sa tête ; à mesure qu'il déplace ce sable, il en retombe de nouveau des alentours, il le jette encore ; et enfin il forme une fosse concave qui ressemble à une trémie, au centre de laquelle il reste placé la tête et les cornes en-haut. Pour faire une fosse plus grande, il décrit un cercle avec la partie postérieure de son corps en reculant, et à chaque pas il jette au loin du sable avec ses cornes, ensuite il parcourt l'aire du cercle, en suivant une ligne spirale qui fait plusieurs tours jusqu'à ce qu'il soit arrivé au centre. Il reste-là continuellement pour attendre sa proie, et souvent il l'attend pendant longtemps avant qu'elle arrive ; car il faut que quelque insecte passe sur les bords de la trémie. Comme ce terrain cede sous les pieds de l'insecte, à cause de la pente et du sable mouvant, l'insecte tombe nécessairement dans la trémie, et fait rouler du sable qui Ve au centre sur la tête du fourmi-lion : ce mouvement l'avertit qu'il est tombé un insecte dans la trémie ; aussi-tôt il l'aperçoit, et jette avec ses cornes du sable sur cet insecte, pour le faire descendre jusqu'au centre, malgré les efforts qu'il pourrait faire pour remonter : alors il le saisit avec les extrémités de ses cornes, et le tient longtemps de cette manière à une distance considérable de la tête, sans que l'on aperçoive, même avec la loupe, aucun aiguillon qui sorte de la tête pour sucer l'insecte. Aussi il est à croire qu'il le suce par le moyen de ses cornes, qui sont creuses, et dans lesquelles on a Ve avec le microscope un corps transparent et membraneux qui s'étend d'un bout à l'autre de la concavité de la corne. Ainsi on a observé qu'une mouche que l'on avait donnée à un fourmi-lion, et qu'il avait tenue pendant deux ou trois heures entre les extrémités de ses cornes, était devenue seche, et qu'on l'avait réduite en poudre en la froissant entre les doigts.

Le fourmi-lion a été ainsi appelé, parce que les fourmis sont sa proie la plus ordinaire ; cependant il ne peut que les sucer : et lorsqu'il n'en tire plus rien, il jette les restes hors de la trémie, et ensuite il se débarrasse du sable qui s'est écroulé, et il dispose de nouveau la trémie, pour y faire tomber un autre insecte : en l'attendant, le fourmi-lion se passe de nourriture. On en a gardé pendant six mois dans une boite, où ils ont vécu sans en prendre aucune.

Lorsque le fourmi-lion est parvenu à un certain âge, il ne fait plus de trémie, parce qu'il n'a plus besoin de nourriture ; il pratique alors plusieurs routes irrégulières dans le sable, et il s'y enfonce pour se métamorphoser : il s'enveloppe, sans changer de forme, dans une coque composée de soie très-fine, d'une sorte de colle, et de sable. La soie vient de la partie postérieure, comme celle de l'araignée. La coque est grosse et ronde ; les parois intérieures sont revêtues, et pour ainsi dire, drapées d'un tissu de soie fort serré, qui ressemble à un petit satin couleur de perle. L'animal reste en repos dans cette coque, la tête entre les jambes, pendant six semaines plus ou moins avant de se changer en nymphe. Lorsque le temps de cette transformation arrive, l'insecte se dépouille de sa première peau, à laquelle les cornes, les yeux, et les poils restent attachés, et il parait sous la forme d'une nymphe qui a environ trois lignes de longueur, quatre ailes membraneuses, six jambes, deux grosses cornes ou antennes molles et creuses, deux yeux noirs, et deux serres en forme de scies, qui lui servent de dents. Cette nymphe reste encore pendant quelque temps dans la coque : enfin l'insecte se transforme en une belle mouche que l'on appelle demoiselle. Il fait une petite ouverture dans la coque ; et en s'insinuant dans cette ouverture, il y laisse la seconde peau. C'est un fourreau membraneux et transparent, qui a la forme des cornes ou antennes, des yeux, des dents, des ailes, des jambes, etc. de la mouche qui en est sortie. On trouve ainsi dans la coque la peau du fourmi-lion, qui est pelotonnée, et quelquefois un œuf que la mouche y a fait avant d'en sortir : la longueur de cet œuf est de deux lignes, et l'épaisseur d'une ligne ; il a une coque semblable à celle des œufs de poule ; mais il n'est pas fécond, puisqu'il a été pondu avant l'accouplement du mâle avec la femelle. Cependant on n'a trouvé qu'un seul œuf dans le corps de quelques-unes de ces femelles que l'on a ouvertes ; elles sont infécondes, lorsqu'elles le pondent avant les approches du mâle : aussi les fourmi-lions sont assez rares.

La demoiselle du fourmi-lion a quinze ou seize lignes de longueur : en sortant de son fourreau, ses ailes sont courtes et plissées ; mais en deux minutes, elles se développent et deviennent plus longues que le corps. Elle reste d'abord pendant quelque temps sur ses pieds sans mouvement, pour se sécher, avant de prendre l'essor. Les demoiselles de cette espèce ont deux antennes, qui sont menues près de la tête, et deviennent de plus en plus grosses jusqu'à l'extrémité. Le bout de la queue est hérissé de poils, et les ailes sont d'un blanc cendré, avec quelques points noirs, et sans aucune couleur vive. Elles ont deux gros yeux aux côtés de la tête, et elles diffèrent des autres insectes de ce genre, en ce qu'elles n'ont point d'yeux au-dessus de la tête, et que le ventre n'est pas cannelé tout du long. Mém. de l'acad. royale des Sciences, année 1704, p. 235 et suiv. Voyez les mém. pour servir à l'hist. des insectes, tom. VI. p. 333 et suiv. Voyez aussi les Transact. philosophiq. n°. 469. Voyez DEMOISELLE, insecte. (I)