S. m. (Histoire naturelle des Terres) terre noire, mêlée de fumier pourri dont tous les Jardiniers font des couches dans les jardins potagers pour fertiliser leurs terres et avancer la végétation de leurs plantes et de leurs légumes ; ils appellent autrement terrot ce vieux fumier bien consumé, bien pourri, et mêlé avec de la terre ; ce n'est pas cependant ce dont il s'agit dans cet article.

Nous entendons avec les Physiciens par terreau, une terre naturelle, qui n'est pas en tous lieux d'une profondeur égale, n'ayant qu'un pied dans quelques endroits, dans d'autres deux, quelquefois trois selon les différents terrains. Ce terreau est la matrice propre des végétaux, et c'est pourquoi les Physiciens ont cherché d'en connaître la nature par le moyen de l'eau et du feu. Pour y parvenir par le moyen de l'eau.

1°. On prend, par exemple, quatre livres de bon terreau frais, noir, réduit en poussière, et qui aura été exposé à l'air pendant un an, sans avoir été épuisé par la végétation.

2°. On lessive ce terreau dans de l'eau bouillante, claire et nette, jusqu'à ce que toutes les parties capables de s'y dissoudre soient épuisées, ou imbibées par l'eau.

3°. Après avoir obtenu par ce moyen une lessive ou dissolution de ce terreau, on la filtre à-travers un double papier gris fort épais, jusqu'à ce qu'elle donne une liqueur transparente, ou au-moins dégagée de toutes les parties grossières et terrestres, dont elle était chargée.

4°. Cette dissolution contiendra toutes les parties du terreau qui sont solubles dans l'eau bouillante.

5°. Pour rapprocher ces parties de manière qu'elles puissent se manifester aux sens, et particulièrement au gout, on fait évaporer le fluide le plus aqueux.

6°. On compare alors cette dissolution concentrée avec une portion de la première qui n'aura point été évaporée, et on lui trouvera évidemment le goût plus fort, ou plus salin.

7°. Pour que l'observation soit encore plus exacte, il faut pousser plus loin l'évaporation de la liqueur, et la faire crystalliser, pour voir si elle ne donnera point quelques sels.

8°. On verse sur une partie de la dissolution filtrée du syrop violat, etc. pour savoir si elle est acide, alkaline, ou neutre ; on la trouvera plutôt neutre qu'acide, ou alkaline.

9°. On lavera ensuite dans plusieurs eaux ce qui sera resté de la matière terrestre, et on décantera à chaque fois la liqueur de la partie bourbeuse ; on la laissera reposer quelque temps, afin d'obtenir le sable pur qui est contenu dans le terreau, et on trouvera qu'il en fait une très-grande portion.

Cette expérience, ou plutôt cette combinaison d'expériences, nous enseigne une méthode pour réduire la terre matrice des végétaux à ses parties constituantes, sans altérer leur forme naturelle ni leurs propriétés.

D'après ces observations, il parait qu'on peut établir un jugement certain sur le terreau, tant en général qu'en particulier, aussi loin que les expériences précédentes ont pu nous conduire. On acquiert par cet examen une règle pour composer un terreau artificiel par le mélange des matières qui le composent. On trouve donc par l'examen du terreau, qu'il contient une certaine quantité de terre très-fine capable de nager dans le liquide ; une plus considérable dont la nature est plus grossière et plus pesante qui tombe au fond du vase ; un peu de sel neutre, et une très-grande quantité de sable.

Pour rendre encore cette expérience plus instructive, et plus utîle à la découverte des principes de la végétation, et de la nature des différentes espèces de terres et de plantes, il faudrait la comparer avec une analyse semblable de quelque matière végétable. Pour cet effet on pîle une plante tendre : on fait une lessive avec de l'eau chaude de toutes ses parties solubles, on fait évaporer ensuite l'humidité superflue, et on met à crystalliser ce qui sera resté après l'évaporation : on obtiendra la partie saline de la plante, sous une forme solide, qui sera de l'espèce tartareuse ou nitreuse, conformément à la nature de ce végétal.

Si on arrose pendant le temps de sa végétation quelque plante alkaline, comme le cresson, avec une dissolution de nitre, quoique ce dernier fournisse beaucoup d'esprit acide dans la distillation, la plante sera toujours alkaline : il en est de même de toutes les autres plantes et des autres sels qu'on a jusqu'à présent essayés dans les mêmes vues. Cette expérience prouve qu'il y a dans les plantes une faculté pour convertir la nature de tous les sels en celui qui leur est propre, et on trouve d'après l'expérience que les composés de terreau qui abondent en sel marin, en nitre ou en sel urineux, s'accordent tous à favoriser la végétation.

Comme il pourrait y avoir cependant quelques parties naturellement plus fixes contenues dans le terreau, qui se dissoudraient dans l'eau bouillante, et qu'elles peuvent être assez dégagées et assez digérées pour être capables de s'élever dans les végétaux, par l'action continue du soleil et de l'athmosphère, il est à-propos de tenter une analyse plus puissante sur le même sujet, c'est celle du feu.

Après avoir pesé deux livres de la même espèce de terreau vierge, que celui de l'expérience précédente, on le met dans une retorte de terre, on l'expose à feu nud, et on la distille à un feu très-doux dans un récipient de verre, on augmente le feu par degré jusqu'à ce que la retorte soit rouge, et on la tient dans cet état pendant quelque temps. Il passera 1°. de l'eau ; 2°. de l'huîle ; 3°. un esprit volatil, presque semblable à celui de corne de cerf, ou comme si on distillait quelque matière animale ; et 4°. il restera dans la retorte, selon toutes les apparences (la distillation étant finie), un caput mortuum fort sec, ou une terre fixe et inactive.

On fait une lessive d'une portion de ce caput mortuum, on le fait sécher, et on en réduit par la trituration, une autre portion en poudre très-fine : on met ensuite ces deux portions chacune dans un pot séparé, exposé à l'air libre pendant un an, afin d'éprouver si elles ne deviendront point fertiles.

Il parait par cette expérience que notre terreau était d'une nature végétale ou animale, par les sels ou les sucs qu'on en a retirés. Sa matière fixe nous prouve en même temps qu'il tient un peu de la nature minérale. Cette analyse nous fait voir qu'il ressemble beaucoup à la composition naturelle des végétaux et des animaux ; et elle nous apprend aussi pourquoi les substances animales et végétales forment un composé propre à engraisser la terre.

Si l'on veut savoir comment le terreau acquiert cette propriété, je crois qu'on en trouvera la cause en général dans l'expérience précédente sur les parties qui composent l'athmosphère ; ces parties étant animales et végétales aussi bien que minérales, abreuvent continuellement la surface de la terre : c'est par cette raison que les Jardiniers trouvent une si grande différence entre le terrain de Londres et celui de la campagne ; cette différence vient de la quantité de fumée précipitée de l'air journellement sur les jardins de cette ville : il en est de même des autres villes, et des campagnes qui les environnent.

En comparant ce procédé avec pareille analyse des substances végétales, animales et minérales, il parait qu'une simple terre fixe est la base de tout corps animal, végétal, minéral et terrestre ; qu'elle est la partie vraiment solide, le soutien et la base de la chair, des os, des bois, des métaux, des différentes espèces de terre, etc. puisqu'elle est elle-même d'une nature fixe et inaltérable.

M. Cartheuser rapporte des expériences du docteur Kulbel, sur la fertilité des terres. Par ces expériences ce dernier a retiré, par la digestion et la coction dans l'eau des terres grasses, une matière terreuse onctuoso-saline. Ce sel dans les terres les plus fertiles était nitreux ; dans les autres il était semblable au sel marin ; enfin dans d'autres terres il était alkalin. Ce sel au contraire, dans les terres stériles, était d'une nature acide. Shaw, leçons de chimie. (D.J.)