terre de, (Histoire naturelle ancienne) terre rouge-brune de Natolie, qu'on ne connait plus aujourd'hui.

Quand Voiture, dans ses entretiens avec Costar, dit plaisamment que les cordonniers ont été ainsi nommés parce qu'ils donnent des cors, il me rappelle l'étymologie sérieuse de Ménage, qui dérive sinople, terme de blason, de la terre de Sinope, qu'il suppose verte, et qui était d'un rouge-brun. Les anciens ont bien fait mention de la terre verte de Scio qu'ils estimaient beaucoup, mais non pas de la terre verte de Sinope. Je ne sais même si le mot prasinus dans Pline et dans Isidore signifie la couleur verte, que nous appelons sinople ; mais cela ne nous fait rien.

La terre de Sinope était une espèce de bol plus ou moins foncé en couleur rouge-brune, qu'on trouvait aux environs de cette ville de la Natolie, qui en distribuait à Rome une grande quantité pour divers arts ; c'est pourquoi Strabon, Pline et Vitruve en ont beaucoup parlé.

Ce qui marque que cette terre n'était autre chose que du bol, c'est que les auteurs que l'on vient de citer, assurent qu'il était aussi beau que celui d'Espagne. Tout le monde sait que l'on trouve un très-beau bol rouge-brun en plusieurs endroits de ce royaume, où on l'appelle almagra ; et ce bol d'Espagne, suivant les conjectures de Tournefort, qui devait en être instruit, ayant voyagé dans le pays, est un safran de Mars naturel. L'on ne connait plus aujourd'hui sur les lieux, ni la terre verte de Scio, ni la rouge de Sinope, appelée rubrica fabrilis par Vitruve, Perse et autres auteurs.

La terre sinopique de nos jours, notre rubrique, est une terre rouge qui se trouve en Grèce, en Arménie, en Egypte, dans les îles de Majourque et de Minorque, en France, en Allemagne et Angleterre. Il y en a de plusieurs espèces, de graisseuses, de seches, de tendres, de dures, de tachées, etc. Elles servent aux ouvriers pour crayonner et tirer des lignes rouges.

C'est de cette terre que vient le nom de rubrique, qu'on donne au titre d'un livre de droit, parce que les titres en étaient autrefois écrits en lettres rouges. C'est la même origine de ce qu'on nomme rubriques générales dans l'office divin ; et finalement puisque j'en suis sur les étymologies, c'est aussi là celle du mot de brique, terre grasse, rougeâtre, que nous cuisons, après l'avoir façonnée en carreaux, et qui sert à bâtir.

Les Anglais savent à merveille pulvériser, tamiser et réduire en pâte, avec une eau gommée, leur terre rouge, dont ils font des crayons, qu'ils débitent dans le commerce ; mais nous vanter la rubrique, et toute autre sorte de terres, bols, craies, pierres de mine, etc. quelle qu'en soit la couleur, pour être utiles en médecine, en recommander les vertus vulnéraires intérieurement, c'est se moquer du monde, c'est agréger ceux qui exercent l'art d'Esculape, au corps des petits marchands de crayons, qui étalent à Londres sur la bourse, ou à Paris sur le pont - neuf. (D.J.)

SINOPE, (Géographie ancienne) ville de Paphlagonie, située au 43e degré de latitude septentrionale, sur le bord méridional du Pont-Euxin, près d'une rivière du même nom, à quelques milles en deçà de l'Halys, fut une des villes des plus célèbres et des plus anciennes du royaume de Pont, dont la Paphlagonie, province entre. l'Halys et le Parthenius, faisait partie. Ovide de Ponto, l. I. dit :

Urbs antiqua fuit, Ponti celebrata Sinope.

J'ai lu, dans les mém. des insc. t. X. in -4°. une excellente dissertation sur Sinope : en voici le précis.

Cette ville, au rapport de plusieurs écrivains, doit sa fondation à Sinope, une de ces amazones fameuses qui habitaient le long des rivages du Thermodon, et que quelques auteurs prétendent avoir été une colonie des Amazones de Libye, que Sésostris menait avec lui dans ses expéditions, et dont il laissa, dit-on, une partie sur les bords de cette rivière, lorsqu'il passa dans ces contrées-là.

Mais d'autres écrivains croient que Sinope, qui fonda en Asie la ville de son nom, était grecque d'origine, et fille d'Asope, petit prince établi à Thebes, ou plutôt à Phliasie, où il était venu de l'Asie d'auprès des rivages du Méandre : comme il avait passé la mer pour se rendre en Grèce, on en fit, en langage mythologique, un fils de l'Océan et de Téthis, ou de Neptune et de Cégluse ; et le fleuve Asope, à qui il donna son nom, n'était autre, suivant le même style, que le Méandre même, qui ayant suivi Asope sous les eaux de la mer, était venu reparaitre sur les terres que ce prince avait acquises près de la ville de Phliasie, ou Phigalie.

Pausanias fait mention d'un autre prince, nommé aussi Asope, le plus ancien des rois de Platée après Cytheron. Ce fut lui qui donna son nom à un autre fleuve appelé Asope, qui coulait près de Thèbes, et à l'Asopie, canton des environs de cette ville.

En ce temps-là les dieux, c'est-à-dire, les princes ou seigneurs de quelque contrée, aimaient à se signaler par l'enlevement des jeunes personnes qui étaient en réputation de beauté. Asope le phliasien avait, dit-on, vingt filles, entre lesquelles il s'en trouvait quelques-unes dont le mérite et la beauté faisaient beaucoup de bruit jusque dans les pays étrangers. Ce fut entre les jeunes seigneurs d'alors, à qui en enleverait quelqu'une. Le petit souverain de l'île d'Oènone, qu'on qualifie du nom de Jupiter, se saisit d'Egine, dont il eut Eacus, père de Pelée, qui le fut d'Achille, et l'île d'Oènone fut depuis appelée Egine. Le seigneur d'une autre ile, qu'on honora du nom de Neptune, parce qu'il avait passé la mer, surprit Corcyre, qu'il emmena dans son île de Schérie, qu'on nomma dans la suite Corcyre, à-présent Corfou. Un autre corsaire, qu'on titra aussi du nom de Neptune, pour la même raison, s'accommoda de Salamine, qui donna son nom à l'île où il la transporta.

Mars, c'est-à-dire, quelque guerrier, ravit Harpinne, et un jeune aventurier venu du Levant, qu'on décora pour cette raison du nom d'Apollon, surprit Sinope, une des autres filles d'Asope, qu'il transporta jusque dans une péninsule ou Chersonese de la côte méridionale du Pont-Euxin, qu'il lui céda, en lui laissant, dit-on, sa virginité. Quelques auteurs prétendent au contraire, beaucoup plus vraisemblablement, qu'il l'épousa, et qu'il en eut un fils nommé Syrus, qui donna son nom à la Syrie.

La situation du lieu où Sinope avait été transplantée de la Grèce, était trop charmante pour pouvoir ne s'y pas plaire. Cette princesse s'y fixa donc volontiers, et y jeta les fondements de la ville de son nom, qui devint dans la suite si fameuse par ses richesses, par le grand nombre de ses habitants, par la beauté de ses édifices, tant publics que particuliers, par sa puissance sur terre et sur mer, et même par les grands hommes qu'elle a produits dans les arts et les sciences, ainsi que Strabon et autres auteurs en rendent témoignage.

S'il y avait quelque fonds à faire sur ce qu'on raconte de l'origine de cette ville, elle aurait commencé vers le temps de l'expédition de Phryxus dans la Colchide, où il épousa Chalciope, fille d'Oeetes, roi du pays, une génération avant la conquête de la taison d'or par les Argonautes : car Asope, père de Sinope, était contemporain de Sisyphe, roi de Corinthe, et d'Atamas, roi de Thebes et père de Phrysus, qui le fut d'Argus l'argonaute, à qui l'on attribue, la construction du navire argo. Sinope était aussi tante, par Egine sa sœur, d'Eacus, père de Télamon l'argonaute et de Pélée. Que la ville de Sinope ait été fondée avant le voyage des Argonautes en Colchide, c'est ce que supposent Diodore de Sicîle dans son histoire, et Apollonius de Rhodes dans ses Argonautiques, puisque l'un et l'autre auteur font passer les Argonautes par cette ville.

C'était aussi une tradition constante chez les habitants de Sinope, qu'Antolycus, fils de Mercure, c'est-à-dire, de quelque fameux négociant de ces temps-là, et oncle de Jason par sa sœur Polyphema, était venu s'établir dans cette ville à son retour de la campagne qu'il avait faite sous Hercule contre les Amazones du Thermodon. On Ve même jusqu'à dire que ce capitaine s'étant rendu maître de Sinope, en avait chassé les habitants, et s'en était fait le fondateur, en y mettant une nouvelle colonie. Ce qu'il y a de certain, c'est que les Sinopiens lui déférèrent les honneurs héroïques ; qu'après Sérapis ou Jupiter, Plutus, Apollon et Minerve, ils le revérèrent comme patron de leur ville, et qu'ils allaient le consulter dans son temple comme un oracle.

C'est lui, peut-être, que représente une médaille de Sinope, citée par Spanheim, sur laquelle se voit un buste de héros le casque en tête, et au revers une figure de femme voilée avec un casque et un javelot à ses pieds, pour signifier, dit M. Spanheim, l'amazone Sinope, suivant l'opinion de quelques auteurs, qui veulent que l'on donna le nom d'Amazone à Sinope la grecque, parce qu'elle aborda de son pays chez les Amazones, par l'embouchure du Thermodon, d'où Apollon la mena dans la Chersonese du Pont-Euxin, où elle fonda Sinope.

Cette ville après avoir été très-florissante pendant plusieurs siècles, fut presque entièrement ruinée sous le règne d'Adrys, bisayeul de Crésus. Les Cimmériens ayant été chassés alors de leur pays par les Scythes, se sauvèrent sur la côte méridionale du Pont-Euxin, et se saisirent de la péninsule de Sinope, et de plusieurs autres villes de conséquence de l'Asie. Mais Halyatte, père de Crésus, les ayant contraints depuis d'abandonner leurs conquêtes, ils furent aussi obligés de quitter Sinope, qu'ils avaient presque entièrement détruite.

En ce temps-là, Milet, première ville de l'Ionie, et mère de plus de soixante et dix colonies, comme le dit Pline, se trouvant maîtresse de la Méditerranée et du Pont-Euxin, jetait sur leurs côtes des colonies grecques de toutes parts depuis le lieu appelé le mur des Milésiens sur les bords d'un des bras du Nil, jusqu'à Panticapée à l'entrée du Bosphore cimmérien.

Mais de toutes les colonies qu'ils fondèrent, nulle ne fut plus célèbre que celle de Sinope. Rien ne les engagea davantage, selon Strabon, à s'établir dans cette ville qu'ils trouvèrent presque déserte, que les charmes et les avantages de son assiette, placée à la pointe d'une péninsule qui commandait à la mer de tous côtés ; elle était presque inaccessible par mer à cause des rochers qui la bordaient jusqu'à l'entrée de ses deux ports, l'un à l'orient, et l'autre à l'occident des extrémités de son isthme.

Comme cet isthme aussi n'avait que deux stades de largeur, il était très-aisé d'en défendre l'entrée du côté de terre ; ce qui rendait cette Chersonese d'un accès fort difficîle à l'ennemi.

L'établissement des Milésiens à Sinope se fit vraisemblablement vers le commencement du règne de Cyaxare, dans la 37e olympiade, où quelques chronologues placent la fondation de cette ville.

Elle reprit bien-tôt son premier éclat, et était très-illustre du temps du jeune Cyrus. Après sa mort, les Grecs dans leur fameuse retraite sous Xénophon, ayant pris leur route par cette ville, y furent reçus très - favorablement. Outre toutes sortes de rafraichissements dont ils pouvaient avoir besoin, les habitants leur fournirent tous les bâtiments nécessaires pour les conduire à Héraclée de Bithynie, où plusieurs débarquèrent, pour de-là continuer leur chemin par terre.

Strabon nous apprend que la ville de Sinope devint si puissante par mer et par terre, que non-seulement elle fut fondatrice de plusieurs colonies considérables sur la côte méridionale du Pont-Euxin, telles que Trébizonde, Cerasus, Gotyore, Armene, et autres ; mais qu'elle acquit l'empire de cette mer depuis la Colchide jusqu'aux îles Cyanées, près de l'entrée du bosphore de Thrace.

Ses flottes passèrent même dans la Méditerranée, où elles rendirent, selon Strabon, de grands services aux Grecs dans plusieurs combats de mer. Cependant les Sinopiens, pour se soutenir contre les puissances qui les environnaient, et auxquelles ils causaient beaucoup d'ombrage, firent une alliance perpétuelle avec les Rhodiens, qui depuis que les Milésiens eurent perdu la domination de la mer, s'y étaient rendus les plus redoutables.

Une alliance si avantageuse contribua beaucoup à maintenir les Sinopiens contre leurs voisins, surtout contre les rois de Pont qui en avaient conçu une jalousie violente. La ville de Sinope était aussi trop à leur bienséance, pour qu'ils n'eussent pas toujours le dessein de l'envahir dès qu'il s'en présenterait une occasion favorable.

Mithridate quatrième du nom, et huitième roi de Pont, imaginant l'avoir trouvée, fut le premier des souverains de ce royaume qui osa attaquer les Sinopiens ouvertement. Leur ayant donc déclaré la guerre, il vint aussi - tôt les assiéger, croyant les prendre au dépourvu. Mais comme ils eurent le temps d'envoyer des ambassadeurs aux Rhodiens, ils en reçurent un secours si prompt et si puissant, ainsi que le raconte Polybe, que Mithridate fut obligé de lever honteusement le siège, après avoir perdu beaucoup de monde. Ceci arriva l'an des Seleucides 93, de Rome 534.

Mais trente-sept ans après, Pharnace son fils et son successeur, fut plus heureux ; car étant venu assiéger Sinope par mer et par terre avec deux nombreuses armées, lorsque les habitants s'en défiaient le moins, il les força de se rendre, sans qu'ils eussent eu le temps de se reconnaître et d'être secourus des Rhodiens leurs alliés, qui furent inconsolables de la prise de cette ville. Ils firent toutes les tentatives imaginables, mais inutilement auprès des Romains, pour les persuader de déclarer la guerre à Pharnace, qu'ils traitaient de perfide.

Sinope perdit ainsi sa liberté l'an de Rome 571, après l'avoir conservée glorieusement pendant plusieurs siècles contre toutes les forces des Medes, des Lydiens, des Perses, des Macédoniens, et des premiers souverains du royaume de Pont, puissance dont les états allaient, pour ainsi dire, jusqu'aux portes de cette ville. En effet, selon Hérodote, l'empire des Medes sous Cyaxare, s'étendait jusqu'à l'Halys qui confinait au territoire de Sinope, et Ptérie qui touchait presqu'à l'isthme de la Chersonese de cette ville, était sous Crésus du royaume de Lydie ; ce fut-là où ce prince, au rapport d'Hérodote, vint se poster à sa première campagne contre Cyrus ; et c'est de-là qu'il ravageait les terres des Syriens, c'est-à-dire des Cappadociens, que les Grecs nommaient alors Syriens, dit encore cet historien.

Mithridate V. successeur de Pharnace son père, ne se contenta pas seulement de réparer Sinope ruinée en partie dans le dernier siège ; il en fit la capitale de son état, et le séjour le plus ordinaire de sa cour ; mais il eut le malheur d'y être assassiné par ses confidents mêmes, et y fut enterré. Les Sinopiens, en reconnaissance des bienfaits qu'ils avaient reçus de ce prince, lui donnèrent le titre d'Evergete, qu'ils firent graver sur leurs monnaies, où se lit .

Sinope ayant donc été entièrement rétablie par la libéralité de ce prince, reprit sa première splendeur ; on y admirait surtout la magnificence de ses portiques, celle de la place publique, de son gymnase ou académie, et de ses remparts. La beauté des fauxbourgs répondait à celle de la ville ; et les dehors embellis de jardins agréables, étaient des plus charmants. Aussi Etienne de Byzance nomme-t-il Sinope la ville la plus illustre du Pont, ; titre qu'elle méritait encore d'une manière plus glorieuse, en mémoire des hommes de Lettres qui y avaient pris naissance, entre lesquels Strabon nomme Diogène le cynique, Timothée le philosophe, Diphîle poète comique, Bathon qui avait écrit l'histoire de Perse.

Cette ville qui eut Minerve et Apollon pour patrons, doit avoir produit beaucoup d'autres savants, dont les ouvrages et les noms mêmes ne sont point arrivés jusqu'à nous, puisqu'Astérius évêque d'Amasée, témoigne que Sinope, ville ancienne, était très-féconde en grands hommes et en philosophes.

Mais entre tant de personnages célèbres qui y prirent naissance, aucun ne l'a plus illustrée que Mithridate, sixième du nom, dit Eupator, le fléau et la terreur des Romains, et que Cicéron dans son Lucullus, nomme avec raison le plus grand des rois après Alexandre : regum post Alexandrum maximus.

Ce prince que son goût pour les Arts et pour les sciences, que sa mémoire prodigieuse qui lui faisait entendre et parler vingt-deux langues usitées dans ses états, et que la vaste étendue de son génie à qui rien n'échappait, doivent rendre recommandable, se plaisait principalement à faire sa résidence à Sinope et à Amise : il orna ces deux villes, et les remplit de tout ce qu'il put ramasser de plus rare et de plus précieux : Sinope et Amisus domicilia regis Mithridatis omnibus rebus ornata et referta, dit Cicéron, pro Manilio. Mais le malheur des guerres que ce prince eut à soutenir contre les Romains, qui de tous les peuples de la terre étaient les seuls capables de le vaincre, lui fit perdre cette ville et tous ses états ; après néanmoins avoir gagné huit ou neuf batailles contre autant de généraux romains, avoir causé des pertes immenses à la république romaine, et après une résistance des plus opiniâtres pendant près de trente années, contre trois de ses plus fameux capitaines, Sylla, Lucullus, et Pompée.

Il y avait déjà soixante-huit ans que la ville de Sinope était au pouvoir des rois de Pont, lorsqu'elle passa sous celui des Romains. Ils n'avaient pu dompter entièrement Mithridate dans les deux premières guerres qu'ils eurent contre lui sous la conduite de Sylla et de Murena. Ce prince s'était toujours relevé de toutes ses pertes, encore plus redoutable que jamais ; et la paix qu'il avait conclue avec eux, lui fut des plus avantageuses ; mais il succomba finalement dans la dernière guerre, et y périt.

Lucullus qui s'était déjà distingué sous Sylla dans la première guerre contre ce prince, eut dans la troisième le commandement des armées romaines. Il fut très-heureux, remporta des victoires contre Mithridate, le chassa de son royaume, conquit la petite Arménie, avec le pays des Tibaréniens.

Après ces glorieux exploits, il retourna dans le Pont, où il lui restait encore à prendre quelques-unes des principales villes, dont Sinope était la plus importante. Cette place, devant laquelle il se rendit en personne, aurait pu tenir longtemps contre toutes ses attaques : elle n'était pas seulement pourvue de toutes les munitions nécessaires pour une longue et vigoureuse défense, un grand nombre de pirates de Cilicie, gens déterminés, s'y étaient encore jetés ; et de plus elle pouvait recevoir des renforts continuels par mer, dont elle était la maîtresse.

Mais la division s'étant mise parmi les chefs, tous ces avantages devinrent inutiles ; et pour surcrait de malheur, le feu ayant pris à la ville dans un tumulte, les Romains y donnèrent un assaut général dans l'effroi de l'incendie, la prirent sans presqu'aucune résistance, et huit mille pirates qui ne purent gagner leurs vaisseaux, furent passés au fil de l'épée. Ce tragique événement arriva sur la fin de l'an de Rome 683, ou au commencement de l'année suivante 684.

La plupart des habitants de Sinope n'ayant pu supporter l'insolence des pirates qui s'étaient jetés dans cette place pour la défendre, avaient été contraints de l'abandonner pendant le siège, et s'étaient retirés par mer où ils avaient pu. Lucullus étant maître de la ville, leur manda de revenir dans leurs maisons, dont il avait eu grand soin de faire éteindre le feu, aussi-tôt que ses troupes furent entrées dans la ville.

Il remit aussi-tôt les habitants en possession de tous leurs biens, et par un excès de générosité, il leur accorda la liberté et le droit de vivre selon leurs lais, comme le rapporte Appien, grâces dont il favorisa aussi les habitants d'Amise, autre ville capitale du Pont, et ancienne colonie des Athéniens, qu'Alexandre le grand, en considération de cette glorieuse origine, avait aussi laissés en liberté.

Lucullus se signala encore à la prise de Sinope par son désintéressement, qui fut tel, qu'entre les richesses immenses et les pièces précieuses dont cette ville était remplie, il ne voulut retenir, dit Strabon, que la sphère de Billarus, célèbre astronome, dont le nom cependant ne se trouve que dans cet auteur, et la statue d'Antylocus, du ciseau de Sthénis, fameux sculpteur.

Les Sinopiens regardèrent cet événement comme un présage de la renaissance de leur ville ; et ce fut pour en conserver la mémoire à la postérité, qu'ils quittèrent l'ère des rois de Pont, dont ils s'étaient servis depuis qu'ils étaient devenus leurs sujets, pour prendre celle de Lucullus, que l'on comptait de l'an de Rome 684, qu'ils recouvrèrent, pour ainsi dire, leur liberté.

Cependant à peine Sinope commençait d'en jouir, qu'elle en fut dépouillée par Pharnace, qui enleva aux habitants une partie de leurs possessions. Ce prince, après la mort de Mithridate-Eupator, avait obtenu de Pompée le royaume de Bosphore qu'avait eu Macharès son frère. Mais il n'eut pas plutôt appris que la guerre s'était allumée entre César et Pompée ; que voulant profiter d'une si belle occasion de rentrer dans l'héritage de ses ancêtres, il se jeta sur le royaume de Pont, prit d'abord Sinope, qu'il pilla en partie, battit Domitien, général de l'armée romaine en Asie, et conquit en très-peu de temps, les états que son père avait possédés.

Mais toutes ses prospérités s'évanouirent presque en un instant. César, victorieux de ses ennemis, passe en diligence d'Alexandrie en Syrie, l'an de Rome 706, vole de-là dans le Pont, où il ne fait que paraitre pour vaincre Pharnace, et tailler ses troupes en pièces à la fameuse journée de Ziéla, lieu qui, plusieurs années auparavant avait été si funeste aux Romains, par la victoire importante que Mithridate y avait remportée contre Triarius, lieutenant de Lucullus ; ainsi le nom romain fut vengé de l'affront qu'il avait reçu en cet endroit, où César en monument de sa victoire, fit dresser un trophée, à l'opposite de celui que Mithridate y avait fait élever à la honte des Romains.

Après le gain de cette bataille, tout céda au vainqueur ; le royaume de Pont rentra sous l'obéissance de la république romaine, et Pharnace, qui s'était sauvé dans Sinope avec mille cavaliers seulement, fut obligé de rendre cette ville à Domitius Calvinus, lieutenant de César, et de s'enfuir par mer dans le Bosphore, où il n'eut pas plutôt mis pied à terre, qu'un des grands du pays, qui s'était soulevé contre lui, le fit périr, et s'empara du royaume.

Sinope étant ainsi tombée sous la puissance des Romains, n'eut pas moins à se louer de la générosité de César, que de celle de Lucullus : il fonda le premier dans leur ville une colonie romaine.

Ces colonies étaient autant de garnisons romaines répandues de toutes parts, pour retenir et affermir les nouveaux sujets dans l'obéissance, les accoutumer insensiblement à la domination romaine, et leur en faire goûter à la longue les lois et les coutumes. C'était d'ailleurs la digne récompense des travaux et des fatigues militaires du soldat vétéran, et une décharge de cette multitude prodigieuse de citoyens, dont Rome se trouvait accablée.

On avait soin de mettre ordinairement ces colonies dans les lieux les plus avantageux et les mieux situés de chaque contrée, surtout dans les villes capitales et dans les métropoles. De toutes les villes d'Asie, Sinope, tant à cause de sa situation, que de sa puissance sur mer, fut une de celles où il convenait le plus de mettre une colonie, et de la rendre florissante.

M. Vaillant s'était persuadé trop légèrement que Lucullus avait fait le premier de Sinope une colonie romaine. Ce n'est pas ainsi qu'en ont écrit les anciens auteurs, que cet antiquaire cite lui-même. Strabon parlant de la prise de Sinope par Lucullus, dit seulement que ce général laissa à cette ville tout ce qui contribuait à l'embellir, et qu'il se contenta de faire enlever la sphère de Billarus, et la statue d'Antolycus, ouvrage du fameux sculpteur Sthénis ; c'est quelques lignes plus bas que ce géographe ajoute, que Sinope était, de son temps, colonie romaine ; de-là il est aisé de voir que cette colonie n'avait pas été établie par Lucullus ; car si ce fait eut été vrai, Strabon en aurait fait mention plus haut, en parlant du traitement que Sinope reçut de ce général. Appien dit seulement que Lucullus rendit à Sinope la liberté. Ainsi aucun des anciens auteurs ne dit que cette ville ait été faite colonie par Lucullus.

L'époque de Sinope marquée sur la médaille de Gordien-Pie, frappée à Sinope, et si bien expliquée par M. l'abbé de Fontenu, prend son commencement à l'an de Rome 684. L'époque marquée sur les médailles de M. Aurele et de Caracalla, commence à l'établissement de la colonie romaine par Jules-César, l'an de Rome 707. Cette double époque a été très-bien remarquée par M. Vaillant ; elle se trouve aujourd'hui encore mieux confirmée par une médaille de Néron et d'Octavie, que le P. Froelich a fait graver, et par quelqu'autres dont on lui a communiqué la description.

Sinope ayant reçu tant de bienfaits de César, fit gloire de porter dans ses médailles le nom de colonie julienne, colonia julia Sinope. Auguste lui maintint apparemment ses franchises et ses privilèges dans le voyage qu'il fit en Asie, l'an 12 de son empire, et de Rome 743, car elle joint la qualité d'Augusta avec celle de Julia dans quelques-unes de ses médailles ; colonia Julia Augusta Sinope dans Vaillant, au revers de Caracalla ; colonia Augusta Sinope dans Mezzabarbe, au revers de Gordien-Pie.

J'ai déjà peut-être remarqué à l'article SERAPIS, (& j'en parlerai plus au long au mot TEMPLE DE SERAPIS) que ce dieu des Egyptiens était celui de Sinope, et que ce ne fut pas sans de grandes raisons, que les Sinopiens prirent Jupiter Plutus, c'est-à-dire, Sérapis pour leur divinité tutélaire ; car outre que plusieurs auteurs prétendent que ce fut Jupiter même, et non pas Apollon qui transporta de Grèce en Asie Sinope, fondatrice de la ville de ce nom ; les Sinopiens étaient aussi persuadés que c'était à Jupiter Plutus, dieu des mines, qu'ils étaient redevables de l'opulence où les mettait le grand trafic qu'ils faisaient sur toutes les côtes de la mer Noire, d'une quantité prodigieuse de fer qu'ils tiraient des mines de leur contrée, et des pays voisins : raison pour laquelle vraisemblablement Pomponius Mela nomme les Sinopiens chalybes, c'est-à-dire, comme l'explique Eustache sur Denys le géographe, forgerons, artisans, ou marchands en fer, et leur canton Chalybie, comme pour faire entendre que les habitants s'adonnaient surtout à la fabrique du fer, et qu'ils en tiraient leur principale richesse.

Outre le profit immense que le négoce du fer produisait aux Sinopiens, ils en tiraient encore un très-considérable de la pêche du thon, qui se faisait sur leur rivage, où en certain temps, selon Strabon, ce poisson se rendait en quantité, raison pour laquelle ils le représentaient sur leurs monnaies, comme il parait par les médailles de Géta. Ce poisson venait des Palus-Méotides, d'où il passait à Trébizonde et à Pharnacie, où s'en faisait la première pêche ; il allait de-là le long de la côte de Sinope où s'en faisait la seconde pêche, et traversait ensuite jusqu'à Byzance, où s'en faisait une troisième pêche.

La terre de Sinope vantée par Dioscoride, Pline et Vitruve, était une espèce de bol plus ou moins formé, que l'on trouvait autrefois au voisinage de cette ville, et qu'on y apportait, pour la distribuer à l'étranger ; ce n'était au reste qu'un petit objet de commerce pour les Sinopiens : plusieurs autres villes de la Grèce avaient des bols encore plus recherchés.

Voilà l'histoire complete de l'ancienne Sinope, en y comprenant même celle de son commerce. Je ferai un petit article de Sinope moderne, mais je ne puis terminer celui-ci, sans ajouter un mot du fameux Diogène, que j'ai déjà nommé à la tête des hommes illustres dont cette ville a été la patrie.

Ce philosophe singulier, et bizarre dans ses manières, mais vertueux dans ses principes, naquit à Sinope, dans la 91. olympiade, et mourut à Corinthe en allant aux jeux olympiques, la troisième année de la 114 olympiade, âgé d'environ 90 ans, après avoir vécu dans l'étude de la morale, dans la tempérance, et le mépris des grandeurs du monde.

Il se souciait peu d'être enterré, et cependant il le fut splendidement proche la porte de l'isthme du Péloponnèse ; plusieurs villes de Grèce se disputèrent l'honneur de sa sépulture. Son tombeau, dont parle Pausanias, portait un chien de marbre de Paros, avec une épitaphe. M. de Tournefort a Ve cette épitaphe, qui est très-singulière, sur un ancien marbre à Venise, dans la cour de la maison d'Erizzo. Les habitants de Sinope lui dressèrent aussi des statues de bronze.

Il me semble donc que ceux qui ne profèrent aujourd'hui le nom de Diogène que pour le rendre ridicule, montrent bien peu de connaissance de sa vie et de l'antiquité. Les Athéniens en jugèrent différemment, car ils honorèrent toujours sa pauvreté volontaire et son tonneau. Ils punirent sévérement le jeune homme qui s'était avisé de le lui rompre, et lui en donnèrent un autre au nom de la république. Plutarque, Cicéron, Séneque, en un mot les premiers hommes de l'antiquité, n'ont parlé de Diogène qu'en termes pleins d'éloges, et l'on ne saurait guère s'empêcher de les lui accorder, lorsqu'on envisage philosophiquement la grandeur de son âme.

Je ne m'étonne point qu'Alexandre ait admiré un homme de cette trempe. Ce prince, maître du monde, avait Ve venir à lui de toutes parts, les hommes d'états et les philosophes pour lui faire la cour. Diogène fut le seul qui ne bougea de sa place ; il fallut que le conquérant d'Asie allât trouver le sage de Sinope. Dans cette visite, il lui offrit des richesses, des honneurs, et sa protection, et le sage lui demanda pour unique faveur qu'il voulut bien se retirer un peu de son soleil, comme s'il eut voulu dire : ne m'ôtez point les biens de la nature, et je vous laisse ceux de la fortune. Alexandre comprit bien la vigueur d'une âme si haute, et se tournant vers les seigneurs de sa cour : si je n'étais Alexandre, leur dit - il, je voudrais être Diogène ; c'est-à-dire, si je ne possédais tous les biens et tous les honneurs, je me tiendrais heureux de les mépriser comme ce sage.

Je n'ignore pas que ce serait être ridicule de porter aujourd'hui une lanterne dans la même vue que le faisait Diogène, pour chercher un homme raisonnable ; mais il faut bien qu'il n'ait pas abusé de cette idée, puisqu'elle ne parut point extravagante au peuple d'Athènes. Il y a mille choses semblables chez les anciens, dont on pourrait se moquer, si on les interprétait à la rigueur ; et selon les apparences, ce ne serait pas avec fondement.

A l'égard du crime de fausse-monnaie, pour lequel il fut contraint de quitter sa patrie, il est excusé par ses contemporains, sur ce qu'il ne s'y porta que par l'avis de l'oracle d'Apollon ; et s'il prit d'abord à la lettre la réponse Delphique, ce ne fut que pour lui donner bientôt après une toute autre interprétation, en se servant d'une monnaie bien différente de celle qui avait cours, si nous entendons par-là ses maximes et son genre de vie.

Mais ce qu'on ne peut révoquer en doute, c'est la sagacité de son esprit, ses lumières, et ses connaissances. Le sel de ses bons mots, la finesse et la subtilité de ses réparties, ont passé à la postérité. Si Aristippe, disait-il, savait se contenter de légumes, il ne ferait pas sans-cesse sa cour aux rois ; et quoi qu'en dise Horace, éternel adulateur d'Auguste, et détracteur impitoyable du philosophe de Sinope, qu'il n'appelle que le mordant cynique, je ne sai pas trop ce qu'Aristippe aurait pu répondre à Diogène.

Ce qu'il y a de sur, c'est que nous ne lisons point la liste des livres qu'il avait composés, sans regretter la perte de plusieurs de ses ouvrages. Il possédait à un degré éminent le talent de la parole, et avait une éloquence si persuasive, qu'elle subjuguait tous les cœurs. C'est par cette éloquence qu'il s'acquit plusieurs disciples, que distinguait dans le monde leur naissance, leur rang ou leur fortune. Tels ont été Stilpon de Mégare, Onésicrite et son fils, et Phocion, encore plus illustre qu'eux. Mais si vous voulez connaître plus particulièrement Diogène et sa secte, voyez le mot CYNIQUE, hist. de la Philosophie. (D.J.)

SINOPE, (Géographie moderne) ville de l'Asie mineure, anciennement comprise dans la Paphlagonie, comme nous l'avons dit dans l'article précédent. Elle était à 50 stades d'Armène, bâtie à l'entrée d'une presqu'ile, dont l'isthme n'a que deux stades (environ deux cent taises de largeur), elle avait un bon port de chaque côté.

L'ancienneté de cette ville remonte au temps fabuleux, au temps même des Argonautes. Elle reçut son lustre des Milésiens, qui y envoyèrent une colonie, et avec le temps elle devint assez puissante pour fonder elle - même d'autres colonies sur les côtes du Pont-Euxin ; savoir à Cérasunte et à Trapésunte. Les rois de Pont s'en emparèrent, et Mithridate fit de Sinope la capitale de ses états. Lucullus joignit Sinope aux conquêtes de la république ; Jules-César y envoya une colonie romaine, et Auguste dans son voyage d'Asie, lui confirma ses franchises et ses immunités.

Ses murailles étaient encore belles du temps de Strabon qui vivait alors. Celles d'aujourd'hui ont été bâties sous les derniers empereurs Grecs ; son château est entièrement délabré. On ne trouve aucune inscription dans la ville, ni dans les environs ; mais on en voit quantité dans le cimetière des Turcs, parmi des chapiteaux, bases et piédestaux. Ce sont les restes des débris du magnifique gymnase, du marché, et des portiques dont Strabon fait mention. Les eaux y sont excellentes, et l'on cultive dans les campagnes voisines, des oliviers d'une grandeur assez raisonnable.

Charatice capitaine mahométan, surprit Sinope du temps d'Alexis Comnène, dans le dessein d'enlever les trésors que les empereurs grecs y avaient mis en dépôt ; mais le sultan lui manda par politique d'abandonner la place sans y rien piller. Lorsque les croisés se rendirent maîtres de Constantinople, Sinope resta aux Comnènes, et fut une des villes de l'empire de Trébisonde. Elle devint dans la suite une principauté indépendante, dont Mahomet II. fit la conquête en 1461, sur Ismaèl prince de Sinope ; c'est ainsi que cette ville de l'Anatolie, qui a été épiscopale dans le Ve siècle, et qui n'est aujourd'hui qu'un bourg, a passé sous la domination de la Porte ottomane.

Strabon qui ne négligeait rien dans ses descriptions, remarque que les côtes, depuis Sinope jusqu'en Bithynie, sont couvertes d'arbres dont le bois est propre à faire des navires ; que les campagnes sont pleines d'oliviers, et que les menuisiers de Sinope faisaient de belles tables de bois d'érable et de noyer. Tout cela se pratique encore aujourd'hui, excepté qu'au-lieu de tables qui ne conviennent pas aux Turcs, ils emploient l'érable et le noyer à faire des sophas, et à boiser des appartements. Ainsi ce n'est pas contre ce quartier de la mer Noire qu'Ovide a déclamé avec tant de véhémence, dans sa troisième lettre écrite du Pont à Rufin. Long. 52. 54. lat. septent. 43.

Aquila, auteur d'une version grecque de l'ancien Testament, était de Sinope. Il publia deux éditions de cette version ; la première parut l'année 12 de l'empereur Adrien, la 128 de J. C. Dans la première, il se donna plus de liberté pour rendre le sens de l'original, sans s'attacher servilement aux mots, et sans faire une version littérale. Mais dans la seconde, il traduisit mot à mot, sans en excepter même les termes qui ne peuvent être bien rendus en grec, particulièrement la particule eth, qui lorsqu'elle désigne seulement l'accusatif en hébreu, n'a proprement aucune signification : cependant comme elle signifie ailleurs avec, Aquila la rendait par la particule , sans aucun égard au génie de la langue grecque.

S. Jérome porte de cette version des jugements contradictoires ; tantôt il la loue, et tantôt il la blâme. Dans un endroit il en parle d'une manière défavorable, et ailleurs il dit qu'Aquila a rendu l'original mot à mot, avec tout le soin et toute la fidélité possible, et non trop scrupuleusement comme quelques-uns le croient. Souvent il préfère cette version à celle des septante, particulièrement ses quaest. hebraïc. in Genèse Origène en parle toujours avec éloge. Il est vrai que plusieurs autres anciens, comme Eusebe, se plaignent souvent de l'inexactitude d'Aquila en bien des passages.

Malgré toutes leurs plaintes, les savants regrettent la perte des traductions d'Aquila, qui se seraient certainement conservées jusqu'à nous, si les anciens en avaient connu le véritable usage. Elles méritaient ces traductions, qu'on les eut souvent fait copier aux frais communs des églises, et qu'on les eut mises dans les bibliothèques publiques, pour les transmettre à la postérité ; mais les copistes de ces temps-là étaient employés par des gens ignorants à copier un nombre infini de pièces inutiles, tandis qu'on négligeait des ouvrages importants, qui sont des pertes irréparables.

Ce fut la seconde version d'Aquila, retouchée par cet écrivain, que les juifs hellénistes reçurent, et ils s'en servirent par-tout dans la suite, au lieu de celle des septante. De-là vient qu'il est souvent parlé de cette version dans le talmud, et jamais de celle des septante. Cependant les Talmudistes, jaloux contre les Hellénistes, firent leurs efforts pour en dégoûter les peuples, et pour les ramener à l'hébreu. Cette affaire causa tant de bruit et de divisions, que les empereurs furent obligés de s'en mêler.

Justinien en particulier, publia une ordonnance qui se trouve encore dans ses nouvelles constitutions, portant permission aux Juifs de lire l'Ecriture dans leurs synagogues, dans la version grecque des septante, dans celle d'Aquila, ou dans quelle autre langue il leur plairait, selon les pays de leur demeure. Mais les docteurs juifs ayant réglé la chose autrement, l'ordonnance de l'empereur ne servit de rien, ou de fort peu de chose ; car bientôt après les septante et Aquila furent abandonnés : et depuis ce temps - là la lecture de l'Ecriture s'est toujours faite dans leurs assemblées en hébreu et en chaldéen, dont on se sert même encore aujourd'hui dans quelques - unes de leurs synagogues, comme à Francfort. (D.J.)

SINOPE, LA, (Géographie moderne) petite rivière de France dans la basse Normandie, au Cotentin. Elle sort de plusieurs sources vers Famerville, et Ve tomber dans le havre de Quineville.