adj. (Histoire naturelle) ce mot se prend ou comme substantif, ou comme adjectif. Comme substantif, on dit un minéral, ce qui est la même chose qu'une substance appartenante à la terre : comme adjectif, le mot minéral se joint à un substantif, et désigne que c'est un corps qui se trouve dans la terre, ou qui lui appartient : c'est ainsi qu'on dit règne minéral, charbon minéral, substance minérale ; les eaux minérales sont des eaux chargées de quelques parties qui leur sont étrangères, et qui appartiennent au règne minéral. Voyez MINERAUX.

Dans la Chimie, on nomme acides minéraux, les dissolvants ou menstrues acides que l'on obtient du vitriol, du sel marin, et du nitre, pour les distinguer des acides qu'on obtient des végétaux. (-)

MINERAL, Aethiops. Voyez MERCURE, Chimie, RCURECURE. Mat. méd.

MINERAL règne, (Histoire naturelle) c'est ainsi qu'on nomme l'assemblage total des corps qui appartiennent à la terre, et qui se forment dans son sein. Ces corps s'appellent minéraux, ou substance du règne minéral : ils font une des trois branches dans lesquelles il a plu aux Physiciens de partager l'histoire naturelle. Le règne minéral est l'objet d'une étude particulière, qu'on nomme Minéralogie. Voyez MINERALOGIE et MINERAUX. Il est très-difficîle de fixer les bornes précises que la nature a mises entre ses différents règnes ; tout nous démontre qu'il y a la plus grande analogie entre les minéraux, les végétaux et les animaux. En effet, le règne minéral fournit aux végétaux la terre et les sucs nécessaires pour leur accroissement ; les végétaux fournissent aux animaux leur nourriture, et passent ainsi avec les parties qu'ils ont tiré de la terre dans la substance de ces animaux, qui eux-mêmes rendent à la fin à la terre ce qu'ils en ont reçus, et retournent dans la substance d'où ils ont été originairement tirés. Le célèbre M. Henckel a fait voir cette circulation perpétuelle des êtres qui passent d'un règne de la nature dans un autre, par l'ouvrage qu'il a publié sous le nom de flora saturnizans, ou de l'analogie qui se trouve entre le règne végétal et le règne minéral. (-)

MINERALES Eaux, (Chimie et Médecine) c'est ainsi qu'on appelle les eaux chargées ou impregnées de principes minéraux en assez grande quantité, pour produire sur le corps humain des effets sensibles et différents de ceux de l'eau commune.

Les eaux minérales se divisent ordinairement en thermales et en froides. Parmi ces dernières, il y en a qu'on nomme acidules, à cause d'un certain goût piquant qu'elles impriment sur la langue, à-peu-près égal à celui du vin mousseux, comme le vin de Champagne et la bière ; telles sont les eaux de Spa, de Pyrmont, de Vals, etc. Relativement à leurs principes, les eaux minérales se divisent encore en sulphureuses, en martiales, et en salées : c'est à cette division que nous nous en tiendrons dans cet article, en commençant par les salées. Il est néanmoins à propos d'observer que les eaux martiales et les sulphureuses, qui outre le soufre ou le fer, contiennent encore des sels, doivent être entièrement distinguées des autres, par cela seul qu'elles renferment des substances sulphureuses et martiales ; c'est pourquoi nous en ferons une classe à part.

Eaux minérales salées. Ce sont les eaux qui sont imprégnées de sels, et qui ne contiennent d'ailleurs ni fer, ni soufre, mais qui indépendamment des principes salins, renferment quelquefois un air ou esprit élastique, du bitume, une terre absorbante, et souvent même une autre espèce de terre appelée sélénite. Voyez SELENITE.

On reconnait les eaux minérales qui sont purement salées, à ces signes : 1°. si l'inspersion de la poudre de noix de gale n'altère point sensiblement leur couleur naturelle, phénomène qui est particulier aux eaux martiales : 2°. si en y jetant de l'argent en masse, ou une pièce d'argent, ou en exposant ce métal à leur vapeur, sa couleur n'en est point obscurcie ou noircie : 3°. si elles n'exhalent point une mauvaise odeur approchante de celle des œufs pourris, deux propriétés des eaux sulphureuses.

Maintenant parmi les eaux salées, on en trouve qui sont chaudes, et dans différents degrés de chaleur ; d'autres qui sont froides. Les principales eaux thermales salées du royaume, sont les eaux de Balaruc, de Bourbon, du mont d'Or ; celles de Vichy, de Bourbonnes, de Bagneres, etc. Les froides sont celles de Pongues, de Mier, de Valo, d'Yeuzet, et les eaux froides du mont d'Or, celles de saint Martin de Fenouilla, et plusieurs autres, dont nous attendons l'analyse des travaux de MM. Venel et Bayen. On doit encore mettre au nombre des eaux salées, les martiales qu'on ne bait que quelque temps après qu'elles ont été tirées de la source, en sorte qu'elles aient déposé leur fer, comme sont les eaux de Passy épurées, qu'on prend communément à Paris, celles de Camares qu'on transporte dans diverses villes du Languedoc, etc.

Les principes qu'on retire ordinairement des eaux salées, et qui s'y trouvent dans une variété de rapports proportionnels à celle des eaux, sont 1°. un air ou esprit élastique ; 2°. un sel marin ; 3°. un sel d'epson ; 4°. un sel alkali minéral ; 5°. une terre absorbante ; 6°. une terre sélénitique ; 7°. un sel marin à base terreuse qui ne se crystallise point ; 8°. une espèce d'huîle minérale, autrement dite bitume ; 9°. enfin, on retire de l'alun de quelques-unes : mais celles-ci sont très-rares. Nous allons traiter de chacune de ces eaux en particulier, sans omettre de donner des exemples de la manière dont on peut en découvrir et en démontrer les principes.

Les eaux minérales qui contiennent un air élastique, sont presque toutes froides ; la présence de cet air se manifeste par les bulles qui s'élèvent continuellement çà et là sur la surface de ces eaux, et par leur goût piquant. Or ce goût que nous avons comparé à celui du vin mousseux, dépend évidemment de cet air élastique ; la preuve en est que les eaux perdent de ce goût ou deviennent plates à proportion de l'air élastique qu'on en chasse. Voici d'ailleurs une expérience qui démontre presque à la vue l'existence de cet air dans ces sortes d'eaux ; elle consiste à adapter au goulot d'une bouteille à deux tiers remplie d'eau minérale, une vessie de porc vide d'air, qu'on a eu soin de mouiller pour la rendre plus flasque ; pour lors en agitant un peu l'eau de la bouteille par quelques secousses, tandis qu'on comprime d'une main la vessie, l'air élastique se débarrasse, fait irruption dans l'intérieur de la vessie, qui lui présente moins de résistance que le verre, et en remplit la capacité. On peut suppléer cette expérience par une autre plus aisée, c'est-à-dire, on n'a qu'à boucher exactement avec le pouce l'ouverture d'une bouteille à moitié pleine d'eau ; secouer la bouteille, lever ensuite un peu le pouce, comme pour donner de l'air, on entendra pour lors sortir avec sifflement par la petite issue ménagée par le pouce, cet esprit élastique que M. Venel assure être du véritable air, et même de l'air très-pur.

Pour ce qui est de la mixtion de cet air avec l'eau, elle est si faible que la plus légère secousse, le plus petit degré de chaleur, la seule impression de l'air externe est capable de la détruire ; c'est pourquoi lorsqu'on veut transporter un peu loin ces eaux spiritueuses, et qu'on désire d'en conserver toute la vertu, il faut avoir la précaution de ne les mettre en bouteilles que le matin, et de choisir autant qu'on le peut, un temps froid pour les voiturer. Il se trouve de ces eaux qui renferment une si grande quantité d'air élastique, qu'elles rompraient toutes les bouteilles, si on n'avait l'attention de les laisser quelque peu de temps exposées à l'air libre dans les bouteilles non bouchées, pour qu'elles puissent évaporer partie de cet esprit.

Parmi les eaux minérales salées, dont nous avons jusqu'à présent l'analyse, il en est peu de spiritueuses ; nous avons pourtant celle des eaux de Seltz et des eaux de S. Martin de Fenouilla. A l'égard des eaux martiales et spiritueuses, il s'en trouve très-communément ; les eaux de Spa, de Pyrmont, de Camares, et un grand nombre d'autres sont de cette classe.

On a trouvé de nos jours l'art de contrefaire ces eaux salées spiritueuses ; cette invention très-ingénieuse appartient à M. Venel, professeur en l'université de Médecine de Montpellier. Pour avoir de ces eaux spiritueuses factices, on n'a donc qu'à remplir une bouteille d'eau commune pure, sur laquelle on fera tomber successivement quelques gouttes d'un alkali minéral, et d'un acide, soit marin, soit vitriolique, chacune de ces liqueurs versée à-part dans une dose et proportion convenable, en sorte que le mélange de l'acide avec le sel alkali se fasse tranquillement, peu-à-peu et sans trouble ; par ce moyen tout mouvement d'effervescence étant, pour ainsi dire, étouffé, l'air se trouvera retenu. Voyez le second mémoire sur l'analyse des eaux minérales de Seltz, qui se trouve dans le second volume des mémoires présentés à l'académie royale des Sciences.

Les acides versés dans les eaux minérales spiritueuses y occasionnent constamment de l'effervescence, encore que par l'analyse ces eaux ne donnent que très-peu ou même point de sel alkali nud ; d'où Hoffman, conduit par une fausse interprétation de la véritable cause de cette effervescence, conjecturait qu'il y avait dans ces eaux quelque alkali volatil très-prompt à s'envoler. Il serait peut-être aussi naturel de penser que cette effervescence est un effet du conflit ou du choc de l'acide, avec la terre absorbante que contiennent presque toutes ces eaux minérales ; mais il conste des expériences et des observations de M. Venel que ce phénomène est dû réellement à l'air, qui, par l'affusion des acides, est forcé de rompre son mélange avec l'eau.

On retire du plus grand nombre de ces eaux minérales un sel marin. On a plusieurs expériences pour constater la présence de ces sels dans les eaux ; mais son goût et la forme cubique de ces crystaux en sont des indices suffisans.

Les sels de Glauber, d'Epson, ou de Seidlitz (car ces sels ne sont qu'un même sel), entrent également dans la composition de beaucoup de ces eaux. On les reconnait à un goût d'amertume qui leur est propre, et qui laisse une impression de froid sur la langue ; à la figure de leurs crystaux, qui est un parallelogramme, dont les angles sont coupés d'un côté ; à l'ordre de la crystallisation, car ces sels qui se trouvent le plus souvent avec le sel marin, ne se crystallisent qu'après ce dernier sel à une évaporation lente.

Le sel alkali, qui se rencontre dans les eaux minérales salées, a pour base un alkali de sel marin, ou autrement un sel alkali minéral : on le distingue à un goût lixiviel qui lui est particulier, et principalement à l'effervescence qui s'excite dans l'eau minérale concentrée lorsqu'on y verse de l'acide vitriolique, ainsi qu'à la forme de ses crystaux.

Les propriétés des sels dont il a été question jusqu'ici, sont de détacher et d'entraîner les matières glaireuses des premières voies, de stimuler l'estomac et le canal intestinal, d'augmenter le ton et les oscillations de ces organes, de résoudre les obstructions, de provoquer les urines, et même d'être purgatifs lorsqu'ils se trouvent en grande abondance dans les eaux.

Il est encore plusieurs de ces eaux médicinales qui sont chargées de substances terreuses que nous avons dit être, ou une terre absorbante, ou de la sélénite ; la nature de ces substances est véritablement terreuse ; et lorsque, par l'évaporation, elles se sont formées en masse, elles résistent à leur dissolution dans l'eau pure. A l'égard de la terre absorbante, elle fait effervescence avec les acides, et les transforme avec eux en sels neutres. La sélénite au contraire élude l'énergie des acides. On apprend encore à reconnaître et à distinguer l'une et l'autre de ces substances à la forme de leurs crystaux ; ainsi, par exemple, la terre absorbante, au moyen d'une évaporation lente, se forme en petites lames écailleuses et la sélénite en petites aiguilles qui desséchées ont un luisant comme soyeux. La concrétion de l'une et de l'autre de ces substances précède toujours celle des sels dans une liqueur qu'on soumet à l'évaporation, et c'est toujours la terre absorbante qui se concret la première, et la sélénite ensuite. On ignore jusqu'à présent quelles peuvent être les vertus de la terre absorbante et de la sélénite par rapport aux corps humains : il faut pourtant en excepter ce qu'on connait de la propriété qu'a la terre absorbante de corriger et d'adoucir les acides des premières voies.

Les eaux minérales salées renferment souvent encore un sel marin à base terreuse, résultant de l'acide de sel marin et d'une terre absorbante, qui par leur union forment un sel neutre. Ce genre de sel ne se crystallise point, et on ne parvient même à le dessécher qu'en y employant une très-forte chaleur ; exposé à l'air libre, ce sel se charge de l'humidité de l'atmosphère, et ne tarde pas à tomber en déliquescence : ces divers caractères serviront à le faire connaître, et autant que son goût amer, âcre, très-pénétrant ; en outre lorsqu'on verse dessus de l'acide vitriolique, l'esprit de sel marin dégagé s'envole et frappe l'odorat ; si sur cette dissolution vous venez à verser de l'huîle de tartre par défaillance, il se fait un précipité blanc terreux ; ensuite, en filtrant cette liqueur et la faisant concentrer à une évaporation lente, vous en obtiendrez les crystaux du sel marin régéneré, appelé vulgairement sel fébrifuge de Sylvius. Ce sel a les mêmes vertus que tous ceux dont nous avons déjà parlé ; il est néanmoins à présumer d'après le goût qu'il doit être plus énergique que les autres.

Il se trouve encore nombre d'eaux minérales salées qui contiennent du bitume, ou une huîle minérale dissoute par ses sels ; telles sont les eaux de Bourbon, celles d'Yeuzet, s'il faut en juger par le gout, les eaux d'une source singulière qui se voit près de Clermont (le puits de la Pege), et celles d'une source à-peu-près semblable auprès d'Alais. On s'assure de la présence du bitume dans ces eaux, soit par le goût lorsque cette substance y abonde, soit en versant de l'esprit-de-vin sur l'eau entièrement concentrée, car pour-lors le bitume débarrassé des sels surnage les eaux.

Il est quelques autres sources encore qui contiennent de l'alun dans leurs eaux ; ce genre de sel se reconnait tout de même à son goût stiptique, à la figure de ses crystaux, et à ce qui arrive en le mêlant avec l'huîle de tartre par défaillance, c'est-à-dire que dans ce procédé la terre de l'alun étant dégagée de l'acide vitriolique qui s'unit au sel alkali, il en résulte un tartre vitriolé. M. Leroi, professeur en l'université de Médecine de Montpellier, a reconnu au goût une de ses sources sur un volcan appelé solfatara, près de Naples ; il prétend que les habitants du pays ont coutume d'employer extérieurement les eaux de cette source contre les maladies de la peau. Du reste il suffira de savoir que les eaux alumineuses ne sont du tout point propres à aucun usage intérieur, pour ne pas leur appliquer ce que nous allons dire de l'usage rationnel des eaux minérales salées.

Les vertus des eaux minérales salées en général sont d'être éminemment stomachiques, ce qui est confirmé par leur opération qui consiste à balayer les premières voies, à emporter les matières qu'on suppose y croupir, à en détacher les mucosités tenaces qui peuvent s'y être accumulées, à redonner du ton à l'estomac et aux intestins, etc.

En conséquence prises intérieurement, elles sont très-bonnes. 1° Dans une lésion quelconque de coctions, pourvu toutefois qu'elle ne provienne pas d'un engorgement des vaisseaux du ventricule, ou d'un état de phlogose de cet organe, ou enfin de quelque tumeur, soit au pylore, soit dans quelque autre endroit du canal intestinal, les eaux cathartiques, comme par exemple celle de Balaruc, de Vichy ou de Vals, conviennent dans ce cas aux personnes robustes, et les minérales non-cathartiques, comme celles d'Yeuzet, aux personnes délicates, aux hypochondriaques, aux mélancholiques, etc. 2° Dans les accès rebelles de vertige, lorsque le foyer de la maladie est censé résider dans les premières voies, ce qui est assez ordinaire, et c'est le cas d'user par préférence des eaux cathartiques. 3° Dans l'hémiplegie, cas dans lequel conviennent éminemment les eaux minérales cathartiques, soit que dans cette maladie l'estomac et les intestins aient perdu leur ressort, soit qu'elle soit entretenue par des sucs épais, visqueux, ou autrement, tels qu'il plaira de les imaginer, qui résident dans les premières voies : cependant il est prudent de ne pas se presser dans ces sortes de maladies de recourir à l'usage, soit interne, soit externe de ces eaux, voyez PARALYSIE. 4° Dans l'épilepsie (voyez EPILEPSIE), dont elles ne servent jamais mieux à éloigner les paroxysmes que quand on les ordonne aux malades à trois ou quatre reprises dans l'année, et qu'on en fait continuer la boisson durant trois ou quatre jours chaque fais. 5° Ces eaux sont admirables pour résoudre les obstructions des viscères, principalement les engorgements bilieux qui produisent un ictère opiniâtre. 6°. Leur qualité apéritive les rend excellentes contre les fievres-quartes rebelles, dont il a été observé plusieurs fois qu'elles ont opéré la guérison. 7° Elles sont encore fort bonnes, prises hors le temps du paroxysme, dans les affections des reins qui sont occasionnées par du gravier, ou des mucosités visqueuses qui obstruent les racines des uretères, ou les bassinets des reins : dans ces cas, il faut choisir les eaux non-cathartiques ; en outre dans toutes ces affections, le bain tempéré des eaux minérales salées est d'un grand soulagement, tout comme dans les maladies qui proviennent d'une lésion de coction, et dans l'ictère. 8° Bien que les eaux minérales salées soient très-propres à provoquer le flux menstruel en désobstruant les vaisseaux utérins, elles ne le sont pas moins pour arrêter ce flux s'il est trop abondant, sur tout lorsqu'il y a lieu d'accuser ou des obstructions des viscères, ou des impuretés dans les premières voies, ce qui n'est pas rare. 9° Elles arrêtent également le flux hémorrhoïdal trop copieux, lorsque les obstructions des viscères en sont la cause, et elles l'excitent dans le cas d'une suppression ; ici conviennent les eaux les plus douces. 10° Enfin on observe qu'elles font quelquefois des merveilles dans les affections cutanées.

Les eaux minérales salées ont cela de commun avec tous les autres secours efficaces qu'emploie la Médecine, qu'elles font beaucoup de bien si elles sont données à propos, et qu'elles font beaucoup de mal dans le cas contraire. Il faut donc être d'abord fort circonspect en conseillant l'usage des eaux minérales aux hémiplégiques, et ne les ordonner qu'avec beaucoup de prudence. Ces eaux, les piquantes surtout, ne conviennent pas mieux aux personnes qui ont la poitrine délicate, ou à celles qui sont sujettes à l'hémopthisie ; elles sont très-dangereuses pour les maladies qui ont des tumeurs confirmées, rénitentes, etc. dans quelque viscère ; à plus forte raison leur seraient-elles nuisibles si ces tumeurs étaient déjà parvenues à l'état de skirrhe ; car, bien loin que les malades en retirassent aucun soulagement, ils ne tarderaient pas de tomber dans l'hydropisie. Ce serait par la même raison le comble de l'erreur de faire prendre ces eaux aux personnes qui ont quelque abscès interne, ou qui sont travaillées de quelque fluxion séreuse. Il faut encore avoir la plus grande attention de ne pas gorger de ces eaux, principalement de celles qui ne purgent point, les personnes chez lesquelles elles passent difficilement, car le tempérament pituiteux, froid, ou une certaine habitude corporelle, qui est particulière à ces personnes, les dispose éminemment à l'hydropisie. Il ne faut pas non plus ordonner, sans de très-grandes raisons, les eaux minérales salées, les piquantes surtout, aux personnes sujettes aux stranguries, non plus qu'aux asthmatiques. Enfin les vieillards sont ceux qui supportent le moins bien l'usage de ces eaux, au contraire des jeunes gens.

Quant à ce qui regarde la préparation qui doit précéder l'usage des eaux minérales salées, il peut être quelquefois utîle de saigner auparavant, si la maladie le permet ; on peut encore préparer le malade par quelques bouillons ou de simples décoctions rafraichissantes, apéritives, et légèrement atténuantes.

Lorsque le malade est déterminé à prendre les eaux, il doit en commençant jeter dans la première verrée un léger cathartique ; par exemple, trois onces de manne ou environ. Il doit en faire autant le dernier jour de la boisson à l'égard du dernier verre, surtout si les eaux n'ont pas bien passé par les voies alvines ou par les voies urinaires.

La dose ordinaire des eaux minérales salées est d'environ neuf livres par jour. Ce n'est pas cependant que cette dose doive être une règle pour tous les sujets ; il faut au contraire la varier suivant l'âge, le tempérament du malade, et la nature de la maladie.

C'est le grand matin qu'il convient de prendre les eaux ; celles qui ne purgent point, doivent être prises par plus petits verres, et en observant de mettre une plus grande distance d'une prise à l'autre ; il doit être tout le contraire de la boisson des eaux cathartiques : dans tout cela, il faut se conduire de manière qu'on ait avalé la dose entière dans l'espace d'une heure ou d'une heure et demie.

A l'égard du temps que doit durer la boisson de ces eaux, on a coutume de prendre les cathartiques pendant trois jours et avec succès, à-moins qu'il n'y ait quelque contre-indication. L'usage des eaux minérales fortes peut encore être poussé jusqu'au sixième jour, et celui des eaux plus douces jusqu'au neuvième, lors, par exemple, qu'on a en vue de nettoyer entièrement les premières voies. Les non-cathartiques peuvent se prendre pendant neuf, douze, ou quinze jours, et même des mois entiers, si elles passent bien, et en ayant l'attention de n'en boire qu'une petite dose par jour.

Les eaux minérales se prennent ordinairement vers le milieu ou la fin du printemps, ou au commencement de l'automne ; quoique cependant celles qui purgent efficacement par le bas, peuvent être ordonnées pendant l'hiver même, si le cas l'exige.

Il est toujours mieux de prendre les eaux minérales à-peu-près au degré de la chaleur naturelle de l'homme que de les prendre froides. Il est cependant à remarquer, à l'égard des eaux du genre des spiritueuses, qu'on ne saurait les chauffer sans leur faire perdre beaucoup de leur air élastique ; c'est pourquoi il est plus à propos de les prendre froides, surtout avec la précaution d'appliquer sur la région épigastrique des serviettes chaudes, pour favoriser ou aider l'action de ces eaux et leur passage : mais lorsqu'il s'agit d'un jeune sujet, d'une personne délicate qui a la poitrine faible, ou qui est avancée en âge, comme elle pourrait se trouver incommodée d'une boisson copieuse de ces eaux froides, il convient qu'on les fasse tiédir au bain-marie avant de les prendre.

Indépendamment de l'usage interne auquel nous venons de voir combien ces eaux étaient propres, elles peuvent encore être employées extérieurement, tant les salées que les sulphureuses ; on s'en sert donc pour les usages extérieurs, qui consistent principalement en bains, en douches, et en vapeurs qu'on reçoit dans une étuve, mais c'est toujours par les bains qu'on commence.

Le bain d'eaux thermales est de deux sortes : l'un est tempéré, et c'est celui dont la chaleur Ve depuis le degré 28 jusqu'au 32 du thermomètre de Reaumur : l'autre est celui qu'on appelle bain chaud ; sa chaleur commence au 36 ou 37e du même thermomètre, et se porte jusqu'au 42e ou environ, ce qui est le plus fort degré de chaleur qu'un homme puisse supporter.

On connait tout le bien que peuvent faire les bains tempérés ; ils relâchent le système des solides lorsqu'il est trop tendu ; ils rétablissent la transpiration, tempèrent les humeurs, etc. Voyez BAIN, en Médecine.

Nous avons à parler plus au long du bain chaud, et nous y ajouterons ce qui a paru le plus digne de remarque à M. Leroy, dans les observations qu'il a faites à ce sujet aux bains de Balaruc ; ce que nous dirons d'après lui sur ces eaux particulières, pourra s'appliquer à l'usage de toutes les autres eaux thermales.

Il y a deux sortes de bains en usage à Balaruc ; l'un se prend dans la source même, dont la chaleur est au 42e degré du thermomètre de Réaumur ; l'autre est plus doux, c'est celui qu'on appelle le bain de la cuve, sa chaleur ne Ve pas au-delà du 38 au 39e degré, et il est bien rare qu'elle se porte au 40e ; celui-ci est beaucoup plus en usage que le précédent qui, Ve son extrême chaleur, n'est guère propre que dans le cas d'une atonie, ou d'un relâchement total des parties. Il n'est pas possible aux personnes, même les plus robustes, de rester plus de quinze minutes dans le bain tempéré, et plus de cinq dans le bain chaud. Le malade plongé une fois dans le bain, y est à peine que son pouls devient aussi fort, aussi fréquent, et aussi animé que dans la plus grande chaleur de la fièvre, son visage se colore, s'enflamme, et se couvre de gouttelettes de sueur : s'il lui arrive de rester dans le bain au-delà du temps prescrit, il est surpris d'un tintement d'oreilles, de vertiges noirs, et de tous les autres signes qui précèdent ordinairement les attaques d'apoplexie. Tout le temps qu'il reste dans le bain, sa transpiration insensible augmente au point d'en être quarante fois plus abondante que dans l'état naturel, comme M. Lemonnier l'a déterminé par des expériences faites aux bains de Barêge, et rapportées dans les Mémoires de l'académie des sciences de l'année 1717, Histoire pag. 77. 78. Le malade ayant suffisamment resté dans le bain, on l'en retire en le couvrant d'un drap de lit bien chaud, et on le transporte ainsi enveloppé dans un lit qu'on a également eu soin de bien bassiner ; on l'y laisse pendant une heure et demie au plus, durant lequel temps il est ordinaire que le malade sue très-copieusement ; si pour lors on lui tâte le pouls, on le trouve encore fébrile, mais il perd insensiblement de sa fréquence et de sa force, et on observe qu'il ne revient à son état naturel qu'après quelques heures.

L'usage de ces bains, tant du tempéré que du chaud, échauffe très-puissamment, et cet effet est quelquefois d'assez longue durée pour se faire sentir, même quelque temps après qu'on a cessé de les prendre ; ainsi par exemple, il cause l'hémophtisie aux uns, donne la fièvre continue aux autres, renouvelle le paroxysme chez les asthmatiques et les personnes attaquées de strangurie, etc. Il est même d'une observation journalière à l'égard des femmes, que l'usage de ces bains avance le retour des mois.

Sur cet exposé des divers inconvénients qui peuvent résulter de l'administration des bains de Balaruc, il parait qu'il est bien aisé d'établir des règles et des précautions pour la sûreté des malades à qui on ordonne ce remède, et d'imaginer les secours qu'on doit apporter à ceux qui s'en trouvent incommodés. Il peut donc être utile, ainsi que nous l'avons déjà dit, de faire saigner le malade avant qu'il se transporte aux bains, ou bien de le préparer pendant neuf ou douze jours par des remèdes adoucissants et rafraichissants, qu'il pourra même continuer durant l'usage des bains, pour peu qu'il soit d'un tempérament facîle à émouvoir, ou comme on dit, d'un tempérament bilieux, sec, etc. Il peut être également bien de purger les premières voies, et c'est ce qu'on obtiendra très-efficacement par la boisson de ces eaux continuée pendant trois jours avant d'en venir aux bains.

On ne prend le bain qu'une seule fois par jour, et c'est toujours le matin, comme nous l'avons remarqué, qu'il convient de se baigner.

On ordonne rarement plus de trois ou quatre bains des eaux de Balaruc à prendre dans la source même. Les bains d'eaux minérales plus douces ne s'ordonnent pas au-delà du nombre de six ; le plus souvent même en ordonne-t-on un plus petit nombre ; mais lorsqu'on en donne six, pour l'ordinaire on a la sage précaution de mettre un jour de repos entre le troisième et le quatrième.

Il est à propos que tous les malades soient traités avec les mêmes précautions, et il est très-important de les redoubler à l'égard des hémopthisiques, de ceux qui ont la fièvre continue, et autres dont nous avons parlé en dernier lieu, parmi lesquels on peut compter les goutteux et les femmes qui sont sujettes à des pertes de sang très-abondantes.

Lorsqu'un malade se trouvera incommodé des effets du bain, il faudra le traiter par les saignées et par beaucoup d'adoucissants ou de rafraichissants, etc. sur quoi la raison est d'accord avec l'expérience. On ne saurait trop recommander à ceux qui prennent les bains de ne pas s'exposer à l'air froid, par le danger qu'il y aurait que la transpiration qui se trouve en train de s'augmenter, ne venant à être supprimée, il n'en résultât des accidents très-facheux.

On observe de très-bons effets des bains dans la paralysie, et en général toutes les affections de ce genre paraissent assez bien indiquer l'administration de ce remède ; néanmoins il n'est pas vrai que tous les paralytiques en soient également soulagés ; ainsi il est prudent de ne l'employer, à l'égard de certains malades, qu'avec beaucoup de précautions, et il est mieux pour d'autres qu'ils s'en abstiennent tout à fait. Voyez PARALYSIE.

Le bain local des eaux de Balaruc, ou même encore la douche, convient également dans cette espèce de paralysie qui procede d'une foulure ou compression trop rude dans une partie, pourvu toutefois que les nerfs aient conservé leur intégrité : dans ce genre d'affection on applique le remède à la partie même qui a été maltraitée, quoiqu'elle se trouve bien souvent assez différente ou assez éloignée de celle qui est réellement paralysée.

Il faut encore être très-circonspect dans l'administration de ce remède à l'égard des personnes goutteuses, de celles qui sont atteintes de virus vénérien, des épileptiques, des hypocondriaques, des hystériques, etc.

Il ne faut pas non plus négliger, dans le cas d'un rhumatisme invétéré, les bons secours qu'on peut retirer du bain chaud, qu'il sera toujours mieux de prendre au degré le plus approchant du bain tempéré, qu'à celui du bain chaud proprement dit.

Le demi-bain s'emploie encore ordinairement dans les douleurs sciatiques, mais avec des succès différents, car il fait du bien aux uns et du mal aux autres ; or donc en supposant d'un côté que la sciatique participe de la goutte à laquelle les bains chauds sont contraires ; de l'autre, que cette douleur soit l'effet d'une forte impression du froid, et qu'elle tienne de la qualité du rhumatisme musculaire ; en supposant, dis-je, ces différentes causes de la sciatique, il parait que les bains plus tempérés, comme ceux des eaux de la Malou, devraient convenir dans le premier cas, et les bains chauds, comme ceux des eaux de Balaruc, dans le second.

Pour ce qui est de la douche, tout le monde sait que c'est une espèce de bain local dans lequel la partie placée convenablement à la source est continuellement arrosée d'eaux minérales, tandis qu'un baigneur la frictionne légèrement en dirigeant l'eau avec sa main à mesure qu'elle y est versée par une autre personne préposée à cette fonction. Le temps que dure la douche des eaux de Balaruc n'est pas de plus de quinze minutes ordinairement ; il est pourtant des parties qu'on pourrait doucher plus longtemps, et toutes même sont dans ce cas, si vous en exceptez la tête, qu'il y aurait du danger à exposer trop de temps à cette opération : outre l'incommodité des vapeurs de la source que le malade ne supporte point aisément, lorsqu'il a la face tournée du côté des eaux, la sensation de l'eau de Balaruc versée dans l'opération de la douche sur la partie, parait d'abord la même au malade que celle de l'eau bouillante, surtout lorsqu'on la répand sur le visage ; on voit aussi que la partie douchée en devient extrêmement chaude et fort rouge ; on juge aussi, d'après ce que nous avons dit plus haut, que la transpiration doit y augmenter considérablement.

On peut répéter deux fois par jour la douche, et cela pendant quatre, six, huit jours, ou même pendant un plus longtemps, suivant que la maladie et le tempérament du malade paraissent le permettre. On applique la douche à la tête et à la nuque, ou à la partie postérieure du cou dans l'hémiplegie ; les malades dû.ment préparés, suivant la méthode ci-dessus indiquée, se baignent le matin et se font doucher le soir. On a plusieurs exemples de surdités guéries par la douche de la tête, lorsque cette affection est récente, et qu'elle a été surtout occasionnée par l'impression du froid. Quelques médecins sont encore en usage d'ordonner dans ce cas les injections d'eau de Balaruc dans le méat auditif, manœuvre que les baigneurs ne manquent pas de vous rappeler, et qu'on voit reussir admirablement bien quelquefois, ces injections détachant et entrainant au-dehors des espèces de bouchons qui obstruaient le conduit de l'oreille. Quelquefois encore on applique très-efficacement les douches dans les douleurs chroniques et périodiques de la tête, avec l'attention de n'administrer ce remède que hors du temps du paroxysme. On l'emploie avec le même succès lorsqu'une partie est affectée de stupeur, pour avoir été trop longtemps exposée à un froid extrême ; dans le vertige également occasionné par un froid à la tête ; dans l'oedeme qu'on peut encore combattre par le bain local, ce qui revient au même que la douche ; dans les tumeurs glanduleuses qui ne sont pas produites par du virus scrophuleux, et qui n'ont point encore dégénéré en skirrhe, ainsi qu'on peut le conclure par analogie de ce qu'on observe en pareils cas, des bons effets de la douche des eaux de Barêge, que M. de Bordeu a très-bien notés dans sa belle thèse sur les eaux d'Aquittaine.

A l'égard des ulcères, c'est la douche des eaux minérales sulphureuses qui leur convient principalement ; on emploie néanmoins avec assez d'efficacité celles de Balaruc pour laver et déterger les vieux ulcères ; la douche de ces eaux est encore d'une très-grande ressource dans le traitement des dartres, mais il faut avoir la plus grande attention à bien distinguer les cas où l'on peut entreprendre leur curation, de ceux où l'on doit, pour ainsi dire, en abandonner simplement la guérison à la nature.

On peut encore présumer avec quelque fondement, que la douche des eaux de Balaruc conviendrait très-fort contre la teigne, en administrant ce remède avec prudence, et en préparant le malade avec toutes les précautions convenables.

Nous avons Ve qu'on employait encore les bains de Balaruc sous forme de vapeurs ; cela se pratique en plaçant le malade dans une étuve propre à cet usage. La chaleur de l'étuve de ces bains se porte au 30 ou 31e degré du thermomètre de Réaumur, les malades y sont mis tout nuds, couverts seulement d'un linceul, et ils ne tardent pas d'y être tout trempés de sueur ; ils y restent autant de temps que les forces peuvent le leur permettre : les uns y restent une demi-heure et quelquefois plus ; d'autres ne peuvent plus y tenir après dix ou quinze minutes ; enfin il y a des sujets, et ce sont principalement les femmes, qui à peine introduites dans l'étuve, y tombent en syncope ; il est donc mieux pour ces derniers de s'abstenir entièrement de ce remède. Les malades au sortir de l'étuve sont traités avec le même soin qu'ils le sont au sortir du bain des eaux, et c'est toujours les mêmes préparations, la même conduite à suivre dans ce remède que dans l'autre. Les bains de vapeurs ont aussi leur utilité dans les reliquats de rhumatisme, dans la contraction permanente des membres, dans les maladies cutanées ; ils sont encore très-efficaces, si l'on en croit Springfeld, pour les personnes qui souffrent des contractures dans quelques membres en conséquence du mercure administré avec imprudence ou à trop forte dose.

Eaux martiales. Les eaux martiales sont ainsi appelées du fer dont elles sont impregnées ; elles sont presque toutes froides, et plus ou moins spiritueuses, ou chargées d'air élastique. Celles de ces eaux qui contiennent en petite quantité de cet air ou esprit, ont un goût de vitriol ; celles qui renferment beaucoup de cette substance aérée ont, outre le goût de vitriol, le goût piquant dont nous avons déjà parlé plusieurs fais. Nous avons remarqué aussi que les eaux martiales, encore que chargées d'autres principes que du fer, tiraient néanmoins leur nom de cette dernière substance. La noix de galle est comme la pierre de touche pour s'assurer de la qualité martiale des eaux ; en effet, par l'inspersion de cette poudre sur ces eaux, on voit qu'elles prennent bientôt une couleur rouge ou de violet foncé, ou enfin qu'elles se teignent en noir, et cette couleur plus ou moins foncée est l'indice certain de la plus ou moins grande quantité de fer qu'elles peuvent contenir. Toute eau minérale qui soumise à la même expérience, ne donnera aucun de ces signes, ne saurait donc être mise au nombre des eaux martiales. On doit distinguer deux espèces d'eaux martiales qui diffèrent entièrement l'une de l'autre, c'est-à-dire que dans les unes le fer s'y trouve dissous d'une façon constante et durable sous la forme du vitriol de Mars ; telles sont les eaux de Calsabigi, celles de Vals, de la source qu'on appelle la dominique, et suivant M. de Sauvages, celles d'une des sources d'eaux minérales qu'on trouve aux environs d'Alais : dans les autres au contraire le fer est dans un état de dissolution si légère et si facîle à se dissiper, qu'exposée au plus petit degré de chaleur, même au seul air libre, le fer se précipite au fond des vaisseaux ; les mêmes phénomènes arrivent, quoique plus tard, à ces eaux dans les bouteilles les mieux bouchées. On met au nombre de ces dernières les eaux de Spa, de Pyrmont, de Passy, de Forges, de Vals, de Camares, de Daniel près d'Alais, etc. Il faut encore observer, 1°. que ces eaux diffèrent entr'elles, non seulement par rapport aux différents sels, aux différentes terres, soit terre absorbante, soit sélénite, mais encore, ce qui mérite plus d'attention, par une différente quantité de principe martial. Maintenant les mêmes phénomènes étant produits dans les eaux martiales par l'inspersion de la poudre de noix de galle, que dans une dissolution aqueuse du vitriol de Mars, il est arrivé de-là que les premiers auteurs qui ont parlé des eaux minérales, ont unanimement avancé que toutes les eaux martiales contenaient du véritable vitriol ; cette assertion qui est vraie en effet de quelques eaux martiales dont on a fait tout récemment la découverte, et qui sont les plus rares de toutes, se trouve fausse à l'égard des eaux martiales en général, auxquelles cependant on faisait cette application, comme l'ont très-bien observé Mrs Venel et Bayen. Voyez l'analyse des eaux de Calsabigi.

Les eaux martiales contiennent non-seulement une terre martiale, mais encore un sel marin, un sel d'epson, un sel marin à base terreuse, un sel séléniteux, et une terre absorbante. Tous ces principes, et peut-être encore quelques autres, y sont contenus dans une variété de rapports qui fait la difference des espèces des eaux. Nous n'avons rien à ajouter à ce que nous avons dit plus haut sur la manière de découvrir et de démontrer ces principes.

Les eaux martiales produisent de même que les salées, un effet stimulant et détersif sur les premières voies ; elles mènent encore par le bas, si elles sont prises en grande quantité et qu'elles soient chargées de beaucoup de sels, principalement du sel marin à base terreuse ; en outre le fer qu'elles contiennent leur donne une qualité ou vertu corroborante ; il leur est encore ordinaire de teindre les selles d'une couleur noire. En supposant que ces eaux pénètrent réellement dans la masse du sang, elles le tempèrent, le rafraichissent ; elles stimulent légèrement les solides, ouvrent les voies urinaires, et provoquent le flux des urines, effets qui leur sont communs avec les eaux salées ; du reste, elles sont en même temps légèrement astringentes et toniques, et c'est même la qualité qui leur est la plus propre. Il s'ensuit donc que les eaux martiales participent de la nature des eaux salées, ainsi que des propriétés de ces dernières, et qu'on peut en conséquence les employer dans beaucoup de cas avec le même succès ; elles sont surtout bonnes pour les personnes chez lesquelles la digestion et l'appétit languissent à cause d'un relâchement dans les viscères abdominaux, aux mélancholiques, aux hypocondriaques, ou à ceux dans l'estomac desquels les impuretés acides se régénèrent continuellement ; elles sont encore excellentes dans les fleurs blanches invétérées pourvu qu'il n'y ait point de virus vénérien, dans les gonorrhées invétérées, dans les flux de ventre opiniâtres, et même dans la dyssenterie.

Plus les sujets se trouvent délicats, plus leurs solides sont faciles à irriter, plus leur poitrine est faible, et plus on doit avoir d'attention à ne choisir que les eaux martiales les plus légères pour l'usage de ces personnes.

Pour ce qui est des précautions qu'on doit observer dans l'usage de ces eaux, la manière de les administrer, l'utilité d'une préparation, nous ne nous répéterons pas sur ces articles.

Après tout ce que nous venons de dire, on peut juger que les eaux martiales font toujours plus de bien à la source même que quand elles sont transportées ; nous ne devons pas omettre non plus que leur action est très-utilement favorisée par un exercice modéré, comme la promenade dans des lieux couverts, et où l'on respire un air pur et champêtre.

Eaux minérales sulfureuses. Les eaux sulfureuses sont ainsi appelées du soufre qu'elles renferment, ou d'une espèce de vapeur soufrée très-légère qui s'élève de leur surface. Nous avons déjà dit qu'on reconnaissait la qualité sulfureuse de ces eaux à deux signes ; savoir à l'altération que l'argent en masse recevait dans sa couleur, soit qu'il fût jeté dans ses eaux, soit qu'il fût exposé à la vapeur, et à l'odeur nidoreuse, à-peu-près semblable à celle d'une dissolution de foie de soufre, ou des œufs durs à demi-pourris, qu'elles exhalent ordinairement. Il y a de ces eaux qui ont un goût nauséabonde, comme celui des œufs pourris ; telles sont les eaux d'Aix-la-Chapelle, celles de Barêge : il y en a d'autres, comme les eaux bonnes, qui ne font pas sur le palais une sensation aussi désagréable, et qui même ont presque le goût du petit-lait, apparemment parce qu'elles sont moins chargées d'éléments sulfureux.

Les eaux sulfureuses mêlées à une dissolution d'argent par l'acide nitreux, ou au sel de saturne, font un précipité brun et même noir. Aux signes que nous avons dit caractériser ces eaux, nous devons ajouter qu'il nage dans plusieurs des flocons d'une matière gélatineuse ou presque graisseuse, qui présentés au feu donnent une flamme bleue et répandent une odeur de soufre brulant.

Parmi les eaux sulfureuses, on compte principalement celles de Bareges, celles d'Aix, de Cauteretz ; les eaux bonnes et les eaux chaudes dans le Béarn ; celles d'Arles, de Molitx, de Vernet, et plusieurs qu'on trouve dans le Roussillon ; celles de Saint-Jean-de-Seyrargues, près d'Uzès, la fontaine puante près d'Alais ; les eaux de Bagnols dans le Gévaudan ; celles qui portent le même nom dans la Normandie ; les fameuses eaux d'Aix-la-Chapelle, etc. Toutes ces eaux sont onctueuses et même, autant qu'on peut le croire, chaudes, mais dans différents degrés de chaleur : elles contiennent certains sels et certaines terres qui sont différentes suivant les eaux ; ces principes se trouvent même plus abondamment dans les unes que dans les autres ; celles d'Aix-la-Chapelle, par exemple, en contiennent une grande quantité. Cette considération doit donc nécessairement entrer dans l'estimation des propriétés de ces eaux, puisque toutes diffèrent entr'elles à raison de la quantité et de la qualité de ces principes terreux et salins, et surtout par le plus ou le moins d'élément sulfureux. Le soufre est si manifestement contenu dans certaines de ces eaux, qu'il parait même à la vue sous la forme de petites masses très-sensibles ; dans d'autres cette substance y est sublimée en forme de fleurs, ainsi qu'on l'observe dans les eaux d'Aix-la-Chapelle. Enfin il est de ces eaux dont le soufre occupe la surface en forme de pellicule ; telle est la fontaine puante près d'Alais. Dans un grand nombre de ces eaux, on ne saurait s'assurer de l'existence du soufre, que par le moyen des expériences et des observations rapportées ci-dessus, l'analyse n'ayant pu jusqu'ici parvenir à la démontrer. Le soufre de ces eaux s'y trouve dissous dans un degré de ténuité et de stabilité qui est à peine saisissable : en sorte qu'elles perdent bientôt leur goût et leur odeur à l'air libre ; et que soumises aux expériences, elles ne donnent pas deux fois les mêmes phénomènes, ce qui arrive plus parfaitement encore si on les met sur le feu. Il est d'ailleurs de ces eaux qui blanchissent ou deviennent laiteuses à l'air libre, peut-être est-ce par la précipitation du principe sulfureux.

Ces eaux, quoique mises depuis longtemps dans le verre, conservent leur vertu, pourvu que les bouteilles soient exactement bouchées ; il faut cependant avouer que ces vertus n'y sont pas dans toute leur intégrité ; et même que celles de ces eaux qui ne sont pas fort chargées de soufre, perdent absolument dans le transport toute leur efficacité et leur énergie. C'est pourquoi il est plus utîle de les boire à la source même que dans les endroits éloignés.

Les eaux sulfureuses prises intérieurement par des sujets d'un tempérament robuste, font les effets suivants : 1°. la plupart d'entr'elles ne mènent pas par le bas, et ne provoquent les urines que presqu'en proportion de la quantité qu'on en prend. 2°. Elles excitent la circulation du sang, augmentent la transpiration. 3°. Elles portent quelquefois à la tête, la rendent lourde ; et occasionnent des insomnies. 4°. Elles aiguisent l'appétit, d'où il est bien aisé de se représenter le principal mécanisme de leur action dans le soulagement qu'elles procurent aux malades auxquels on juge qu'elles sont convenables ; et l'on peut également prévoir les règles à suivre dans leur administration. En outre ces eaux sont encore bonnes dans les affections froides de l'estomac et des intestins, qui participent du spasme ou de l'atonie ; dans la crudité acide, la diarrhée ; dans la curation de l'ictère, leur vertu se montre à-peu-près la même que celle des eaux salées : elles sont également propres à rétablir le flux menstruel et hémorrhoïdal, ou à les modérer lorsqu'ils sont trop abondants. Elles font souvent beaucoup de bien dans les fleurs blanches, en redonnant du ton à l'estomac, en excitant la circulation des humeurs, et augmentant la transpiration. Elles sont par la même raison utiles dans la chlorose : on les regarde comme spécifiques dans certaines maladies de la poitrine, et on les emploie avec beaucoup de succès dans les catharres opiniâtres, dont elles viennent à bout en débarrassant les couloirs des poumons, et augmentant la transpiration de cet organe : elles sont encore très-bonnes dans l'asthme tuberculeux, prises hors le paroxysme ; dans les ulcères du poumon qui sont produits par un abscès ou qui viennent à la suite de la pleurésie, de la péripneumonie, ou en conséquence d'une blessure, dans la suppuration de beaucoup d'autres parties internes, etc. Elles sont encore quelquefois indiquées dans la phtisie pulmonaire, soit que le malade en soit actuellement atteint, ou qu'il n'en soit que menacé ; dans ces derniers cas les médecins expérimentés ont coutume de n'ordonner les eaux sulfureuses qu'autant que le sujet et la maladie sont pour ainsi dire d'une espèce ou qualité froide. Ils en redoutent au contraire l'usage lorsqu'il s'agit de personnes d'un tempérament facile, comme ils le disent, à émouvoir, et que la maladie tient beaucoup du caractère fiévreux et de la phlogose.

Quelque bien indiqué que paraisse l'usage des eaux sulfureuses, il est toujours à craindre que le malade ne s'en trouve trop échauffé ; il convient donc alors de choisir les eaux les plus douces et les plus tempérées, de ne les donner qu'à très-petite dose, et même de les couper quelquefois avec du lait : cette méthode a souvent très-bien réussi. Dans le traitement des écrouelles, l'usage de ces eaux combiné avec des frictions mercurielles, est encore un excellent remède, comme M. de Bordeu l'assure dans sa dissertation sur l'usage des eaux de Barêge et du mercure.

Pour ce qui est de la méthode d'administrer convenablement ces eaux, ce que nous avons dit à ce sujet en parlant des eaux salées, convient ici parfaitement.

Les eaux sulfureuses qui sont très-fortes, comme, par exemple, celles de Barêge et de Cauteretz, doivent être prises à fort petite dose, c'est-à-dire depuis trois jusqu'à six ou huit verres ; on peut cependant augmenter la dose de celles où l'élément sulfureux se trouve en petite quantité, comme dans celles de Bagnols, que plusieurs personnes prennent à la dose de quatre ou six livres sans s'en trouver incommodées. Du reste, dans tous les cas dont nous venons de parler, le bain tempéré aide très-utilement la boisson de ces eaux.

Dans la curation des ulcères calleux, fistuleux, invétérés, qui ne tiennent point à une cause interne absolument indestructible, la douche, soit des eaux de Barêge, soit des eaux bonnes, est au-dessus de tous les remèdes ; au surplus, leur chaleur et leurs effets prochains sont à-peu-près comme ceux de la douche des eaux de Balaruc. Ce remède opère ordinairement avec beaucoup d'efficacité dans ces sortes d'affections, soit par la chaleur comme brulante des eaux qui, en excitant une fièvre locale dans la partie, et mettant en jeu les forces suppuratoires et dépuratoires, renouvelle, pour ainsi dire, la plaie, soit encore à cause de la qualité détersive et balsamique de l'élément sulfureux dont ces eaux sont chargées. L'injection, dans le cas des ulcères sinueux ou fistuleux, n'est pas non plus d'un moindre secours pour en procurer et hâter la guérison.

Par les raisons que nous avons exposées plus haut, en traitant des effets des eaux sulfureuses sur des personnes robustes, il est clair que l'usage de ces eaux employées, soit extérieurement, comme dans le bain tempéré, soit intérieurement par la boisson, ne peut qu'être fort utile. Toutefais, les remèdes chirurgicaux ne doivent pas être négligés lorsqu'ils paraissent nécessaires pour procurer ou faciliter l'issue à du pus qui peut s'être amassé et croupir dans quelque sinus profond, d'autant mieux que par ce moyen l'eau thermale portera sur toutes les parties de l'ulcère. On peut appliquer ceci à la carie lorsqu'elle se rencontre, c'est-à-dire il faut tâcher de la découvrir autant qu'on le peut, et de l'emporter par des remèdes convenables.

La douche des eaux de Barêge a encore cela de merveilleux, qu'en renouvellant l'inflammation et la suppuration dans une partie, elle procure bien souvent l'issue des corps étrangers : souvent même ce remède est très-efficacement employé dans l'amaigrissement d'une partie. Il résout quelquefois encore avec succès les tumeurs lymphatiques des glandes, ainsi que l'hydropisie des articulations, etc.

Cet article est un abrégé d'un traité latin sur la nature et l'usage des eaux minérales, de M. Leroy, professeur en Médecine en l'université de Montpellier.