(Histoire naturelle des animaux) c'est une espèce de rats qui se trouvent en abondance dans la péninsule de Kamtchatka ; ils sont d'une couleur brune et de la grosseur de nos plus gros rats d'Europe ; ils en diffèrent néanmoins par leur cri, qui ressemble à celui d'un petit cochon. Ces rats amassent pendant l'été des provisions de racines dans des trous, qui sont divisés en compartiment ; ils les en tirent pour les faire sécher au soleil lorsqu'il fait beau ; pendant cette saison ils ne se nourrissent que de fruits, sans toucher à la provision destinée pour l'hiver.

Ces rats changent d'habitation comme les hordes errantes des Tartares ; quelquefois ils quittent le Kamtchatka pour plusieurs années ; ce qui alarme beaucoup les habitants, qui croient que leur retraite annonce une année pluvieuse et défavorable à la chasse. Ces rats partent communément au printemps ; ils se rassemblent alors en très-grand nombre, dirigent leur route vers l'occident ; ils traversent les rivières, et même des bras de mer à la nage ; lorsqu'après avoir longtemps nagé ils atteignent les bords, ils tombent souvent de lassitude, et l'on dirait qu'ils sont morts ; mais peu-à-peu ils se remettent et continuent leur marche. Leur troupe est quelquefois si nombreuse, que les voyageurs sont obligés d'attendre deux heures que cette armée de rats soit passée.

M. Kracheninicoff, à qui cette description est dû., dit que quelques habitants de Kamtchatka lui ont assuré que ces rats en quittant leurs trous, ont soin de couvrir d'herbes venimeuses les provisions qu'ils y ont amassées ; ils le font pour tuer les autres rats ou animaux qui pourraient venir les voler en leur absence. Lorsque par hasard ils trouvent qu'on leur a enlevé leur magasin, et qu'il ne leur reste plus rien pour subsister, ils ont l'instinct de s'étrangler en pressant leur cou entre des rameaux fourchus. Ces rats sont regardés comme de si bon augure par les habitants, qu'ils ont soin de leur mettre de quoi se nourrir dans leur trou quand ils en découvrent par hasard.