S. f. eruca ; (Histoire naturelle) insecte qui après avoir passé un certain temps dans l'état de chenille, se change en chrysalide et devient ensuite un papillon. Le genre des chenilles comprend un grand nombre d'espèces différentes. Les chenilles ont le corps allongé et composé de douze anneaux membraneux ; leur tête est écailleuse, et elles ont au moins huit jambes, dont les six premières sont ordinairement écailleuses ; les autres sont membraneuses, s'allongent et se raccourcissent au gré de l'insecte : sa tête est attachée au premier anneau ; le dernier est tronqué en forme d'onglet ; l'anus se trouve dans cette partie, et il est ordinairement recouvert d'un petit chaperon charnu. Le nombre des jambes écailleuses est constant, et elles tiennent aux trois premiers anneaux ; c'est pourquoi on les nomme aussi jambes intérieures ou premières jambes. Toutes les chenilles n'ont pas un égal nombre de jambes membraneuses ; il y en a qui n'en ont que deux ; d'autres en ont quatre, six, huit, et même jusqu'à seize : lorsqu'il n'y en a que deux, elles sont attachées au dernier anneau ; c'est pourquoi on les appelle aussi jambes postérieures. D'autres chenilles ont des jambes membraneuses, placées entre les écailleuses et les postérieures ; on leur donne le nom de jambes intermédiaires : c'est surtout par leur nombre et par leur arrangement, que l'on a distribué les chenilles en différentes classes.

La première comprend celles qui ont huit jambes intermédiaires, quatre de chaque côté, c'est-à-dire seize jambes en tout. Les huit jambes intermédiaires sont attachées à quatre anneaux consécutifs, de sorte qu'il n'y a que quatre anneaux qui n'ont point de jambes ; savoir, deux entre la dernière paire de jambes écailleuses et la première paire d'intermédiaires, et deux entre la dernière paire de jambes intermédiaires et la paire de jambes postérieures. Les plus grandes espèces de chenilles et les plus communes appartiennent à cette première classe.

Les chenilles que l'on a mises dans la seconde et la troisième classe, n'ont que trois jambes intermédiaires de chaque côté, c'est-à-dire quatorze jambes en tout. La différence de ces deux classes est dans l'arrangement des jambes. Dans la seconde classe, il y a entre les jambes écailleuses et les intermédiaires, trois anneaux qui n'ont point de jambes, et deux entre les jambes intermédiaires et les postérieures ; dans la troisième classe au contraire, il n'y a entre les jambes écailleuses et les intermédiaires, que deux anneaux qui n'aient point de jambes, et trois entre les jambes intermédiaires et les postérieures.

La quatrième classe renferme aussi des chenilles à quatorze jambes, qui ont six jambes écailleuses et huit intermédiaires et membraneuses, placées comme dans les chenilles de la première classe ; mais les jambes postérieures manquent : et dans la plupart des espèces de cette classe, le derrière est terminé par deux longues cornes qui ont de la solidité, qui sont mobiles, et qui renferment une corne charnue que la chenille peut faire sortir de son étui.

Les chenilles de la cinquième classe n'ont que quatre jambes intermédiaires, c'est-à-dire douze jambes en tout : il y a entre les jambes écailleuses et les intermédiaires, quatre anneaux qui n'ont point de jambes, et deux entre les jambes intermédiaires et les postérieures.

Dans la sixième classe, les chenilles n'ont que deux jambes intermédiaires : il y a entre les jambes écailleuses et les intermédiaires, cinq anneaux sans jambes, et deux entre les jambes intermédiaires et les postérieures.

On a comparé à des arpenteurs les chenilles de ces deux classes, à cause de leur démarche, parce qu'elles semblent mesurer le chemin qu'elles parcourent. Lorsqu'elles marchent, elles commencent par courber en haut la partie de leur corps où il n'y a point de jambes, et par ce moyen elles avancent les jambes intermédiaires auprès des écailleuses ; ensuite elles élèvent la partie antérieure du corps, et la portent en-avant à une distance égale à l'espace qu'occupent les anneaux qui n'ont point de jambes, lorsqu'ils se trouvent placés en ligne droite, après que la chenille a fait la démarche que l'on pourrait appeler le premier pas, et ainsi de suite. Il y a beaucoup de ces chenilles, surtout de celles de la sixième classe, qui semblent être roides comme des brins de bois, et qui en ont aussi la couleur, de sorte qu'à les voir on les prendrait pour du bois sec ; elles se tiennent pendant des heures entières dans des attitudes fort bizarres, en soutenant leur corps dans une position verticale ou inclinée, quelquefois en ligne droite : d'autres fois elle restent courbées en différents sens : elles sont fort petites pour la plupart.

Enfin toutes les jambes intermédiaires manquent aux chenilles de la septième classe ; elles n'en ont que huit en tout, six écailleuses et deux postérieures.

Chacune de ces classes comprend des chenilles de différents genres, et chaque genre a ses espèces qui différent par des caractères que l'insecte présente à l'extérieur, ou qui ont rapport à sa façon de vivre.

On peut distinguer dans les chenilles de chaque classe trois différents degrés de grandeur : celles qui ont douze à treize lignes de longueur, lorsqu'elles ne s'étendent que médiocrement, et un peu moins de trois lignes de diamètre, sont de grandeur moyenne ; celles qui sont sensiblement plus grandes, doivent passer pour des chenilles de la première grandeur ; enfin celles qui sont sensiblement plus petites, doivent être regardées comme des chenilles du dernier degré de grandeur, ou de petites chenilles.

Les chenilles rases sont aisées à distinguer de celles qui sont couvertes de poils, ou de corps analogues aux poils. Il y en a dont la peau est mince et si transparente, qu'on voit à-travers dans l'intérieur du corps ; d'autres ont une peau plus épaisse, et opaque ; quelques-unes de celles-ci ont la peau lisse, luisante, comme si elle était vernie ; d'autres l'ont matte. Il y a des chenilles qui passent pour être rases, quoiqu'elles aient des poils en petit nombre ou peu sensibles ; elles sont imparfaitement rases ; on peut les distinguer de celles qui sont parfaitement rases. Il y en a qui ont la peau parsemée d'une infinité de petits grains comme du chagrin, c'est pourquoi on peut les appeler chenilles chagrinées. Plusieurs de ces chenilles ont sur le onzième anneau une corne qui est ordinairement dirigée vers le derrière, et un peu courbée en arc. Il y a aussi des chenilles rases qui ont cette corne sans être chagrinées. Ordinairement toutes ces chenilles à corne ont le corps ferme. Ces cornes semblent être de vraie matière de corne, et même de matière osseuse. On regarde comme des chenilles rases, celles qui ont des tubercules arrondis ordinairement en portion de sphère, et distribués régulièrement sur chaque anneau les uns au-dessous des autres, ou disposés en différents rangs sur des lignes parallèles à la longueur du corps. Quoiqu'il y ait des poils sur ces tubercules, comme ils sont en petit nombre, gros et assez courts, les chenilles qui les portent ne doivent pas pour cela être séparées des chenilles imparfaitement rases. Ce genre comprend plusieurs des plus grosses espèces de chenilles, et de celles dont viennent les plus beaux papillons ; par exemple celui que l'on appelle le grand paon.

Il y a des chenilles rases et des chenilles de quelques autres classes, qui ont sur la partie supérieure de leurs anneaux des contours moins simples que ceux des autres chenilles, et des inflexions différentes de la circulaire ou de l'ovale. Il y a d'autres chenilles dont le milieu du dessus de chaque anneau forme une espèce de languette qui Ve recouvrir l'anneau qui le précède, et d'autres anneaux sont entaillés dans cet endroit.

Les chenilles qui ont sur la partie antérieure de la tête deux petites cornes ou antennes, sont faciles à reconnaître.

Celles qui sont hérissées de poils si gros et si durs qu'ils ressemblent en quelque façon à des épines, sont bien différentes des chenilles rases, puisqu'on pourrait leur donner le nom de chenilles épineuses. Il y a de ces épines qui sont simples et terminées en pointe, d'autres servent de tiges à des poils longs et fins qui en sortent, d'autres sont branchues ou fourchues ; enfin elles diffèrent les unes des autres par la figure, la couleur, la grandeur, l'arrangement, et le nombre. On en voit de brunes, de noires, de jaunâtres, de violettes, etc. Ces épines sont arrangées avec ordre selon la longueur du corps, et selon son contour. Il y a des chenilles qui en ont quatre sur chaque anneau ; d'autres cinq, six, sept ou huit : c'est sur les anneaux qui sont après ceux des jambes écailleuses, et sur les premiers anneaux des jambes intermédiaires, qu'il faut compter les épines, de même que les tubercules et les houpes dont on parlera dans la suite. Les épines n'empêchent pas de voir la couleur de la peau.

Les chenilles velues sont les plus communes : il y en a de plusieurs genres, les unes ont quelques parties du corps velues, tandis que le reste est presque entièrement ras : on les a appelées demi-velues ; celles qui sont entièrement velues, c'est-à-dire qui ont au moins quelques touffes de poils sur chacun de leurs anneaux, diffèrent les unes des autres par la longueur du poil : il y en a de velues à poils courts, et de velues à poils ras ; quelques-unes de celles-ci ont le corps court et aplati, de sorte qu'elles ressemblent à des cloportes : aussi les a-t-on nommées chenilles cloportes. On a appelé chenilles veloutées, celles qui ont les poils doux et serrés comme ceux d'un velours ; et on nomme veloutées à poils longs, celles dont la peau est entièrement cachée par les poils, quoiqu'ils soient d'une longueur inégale. Le poil de quantité de chenilles est disposé par bouquets, par houpes, par aigrettes. Les touffes de poils partent de tubercules arrondis et hémisphériques, qui servent de base aux poils, et qui sont alignés suivant la longueur du corps, et suivant la courbure de la partie supérieure de chaque anneau. Il y a des chenilles qui ont douze de ces tubercules ou de ces touffes de poils sur chacun de leurs anneaux ; d'autres n'en ont que dix, huit, sept, six, ou même que quatre. Il est difficîle de compter le nombre des touffes de poils ; mais il est aisé de reconnaître ces chenilles par la manière dont les poils sont implantés sur ces tubercules : dans les unes, ces poils sont perpendiculaires au tubercule ; dans d'autres ils sont inclinés. Il y en a qui forment des espèces d'aigrettes, quelquefois ils sont tous dirigés vers la queue, d'autres fois ceux des anneaux postérieurs sont inclinés vers la tête, tandis que les autres le sont du côté opposé. On voit aussi sur certaines chenilles, que la moitié et plus des poils de chaque tubercule tendent en bas, et que les autres s'élèvent : ceux-ci sont si petits dans d'autres espèces, qu'ils n'ont pas la septième ou huitième partie des autres qui sont très-longs. Il y a des chenilles dont les poils sont presque tous dirigés en bas, de sorte qu'elles sont très-velues autour des jambes, et qu'elles ne le sont point sur le dos. Enfin, on trouve des chenilles dont les touffes de poils ne sortent pas de tubercules sensibles, et ne s'épanouissent pas en s'élevant, mais au contraire se resserrent dans le haut, comme les poils des pinceaux.

Les tubercules dont il a été question jusqu'ici, sont arrondis ; mais il y en a qui sont charnus et faits en pyramide conique, élevée et garnie de poils sur toute sa surface. Certaines chenilles ont sur le dos une pyramide charnue et couverte de poils.

Il y a des chenilles velues qui ont sur le dos des houpes de poils qui ressemblent parfaitement à des brosses, et qui sont au nombre de trois, quatre, ou cinq, placées sur différents anneaux. On voit de ces chenilles qui ont sur le premier anneau deux aigrettes, dirigées comme les antennes de plusieurs insectes : ces aigrettes sont composées de poils qui ont des barbes comme des plumes. Ces mêmes chenilles ont une troisième aigrette sur l'onzième anneau, qui est dirigée comme les cornes de quelques autres chenilles.

Il y a des chenilles velues qui ont des mamelons qui s'élèvent et qui s'affaissent ; on en voit sur d'autres qui ont une forme fixe, qui sont plus ou moins élevés, ras ou velus, placés en différents endroits, etc. Une belle chenille rase qui vit sur le fenouil, a une corne charnue en forme d'y, qui est placée à la jonction du premier anneau avec le cou : cette corne rentre en-dedans et sort au-dehors comme celles du limaçon.

Le corps des chenilles les plus communes a un diamètre à-peu-près égal dans toute son étendue ; mais il y en a qui ont la partie antérieure plus déliée que la postérieure : dans d'autres, au contraire, cette partie est la plus petite, et elle est fourchue à l'extrémité.

Les couleurs des chenilles ne peuvent guère servir que de caractères spécifiques ; et il ne faut s'arrêter qu'à celles qui paraissent lorsque la chenille a pris à-peu-près son accroissement, car les couleurs varient dans les autres temps, surtout lorsque celui de la métamorphose approche. Les poils sont aussi sujets à des variétés, ils paraissent et disparaissent dans certains temps ; leurs couleurs varient aussi comme celles de la peau.

Les chenilles sont d'une seule ou de plusieurs couleurs très-vives, très-tranchées, distribuées par raies ou par bandes longitudinales ou transversales, par ondes ou par taches régulières ou irrégulières, etc.

Il y a des chenilles qui vivent seules sans aucun commerce avec les autres. Il y en a qui au contraire sont plusieurs ensemble jusqu'au temps de leur première transformation : d'autres enfin ne se quittent pas même lorsqu'elles se changent en chrysalides.

On pourrait distinguer certaines chenilles par les plantes sur lesquelles elles vivent, et par les temps auxquels elles mangent : les unes ne prennent de nourriture que pendant la nuit, d'autres mangent à toutes les heures du jour, d'autres le soir et le matin. Il y a des chenilles qui se cachent dans la terre pendant le jour, et qu'on ne trouve sur les plantes que pendant la nuit ; d'autres ne sortent jamais de la terre, et mangent des racines. On rencontre des chenilles qui se roulent en anneau dès qu'on les touche ; d'autres tombent à terre dès qu'on ébranle les feuilles sur lesquelles elles sont posées ; d'autres fuient avec plus ou moins de vitesse, lorsqu'on veut les prendre : il s'en trouve qui se fixent sur la partie antérieure de leur corps ou sur la postérieure, et qui agitent l'autre ; enfin il y en a d'autres qui se contournent en différents sens, et avec beaucoup de promptitude et d'agilité.

Il y a dans les insectes une matière écailleuse, analogue à la corne ou à l'écaille, qui leur tient lieu d'os. Cette matière recouvre la tête des chenilles, et forme autour des jambes écailleuses une sorte d'étui qui renferme les muscles ; ces jambes sont terminées par un seul crochet dans la plupart des chenilles. Il y a deux crochets dans quelques espèces ; ç'a été sans-doute à cause de ces crochets que l'on a quelquefois donné le nom de crochet à la jambe entière. Les jambes membraneuses s'allongent et se raccourcissent au point que dans certaines chenilles elles semblent rentrer entièrement dans le corps ; ces jambes sont terminées par une sorte de pied qui prend différentes formes, et qui est terminé par une fîle de crochets de consistance de corne ou d'écaille, et de couleur brune ; ils sont recourbés en-dedans, et rangés en demi couronne sur le bout du pied. On en a compté plus de quarante et près de soixante dans certaines chenilles. D'autres chenilles ont le bout du pied entouré par une corne entière de ces petits crochets. C'est au moyen de tous ces crochets que les chenilles se cramponnent sur différents corps ; et comme elles peuvent varier la forme de leur pied, elles peuvent aussi embrasser et saisir de petits corps de différentes figures, et faire plusieurs petites manœuvres assez singulières.

La première classe des chenilles, qui est très-nombreuse, peut être divisée en trois autres classes par les différences qui se trouvent dans les jambes intermédiaires. La première de ces classes comprendra toutes les chenilles à seize jambes, dont les huit jambes intermédiaires sont plissées, et n'ont qu'une demi-couronne de crochets. Ou rangera dans la seconde classe les chenilles dont les jambes sont encore assez mal façonnées, mais entourées d'une couronne complete ou presque complete de crochets ; et on mettra dans la troisième classe, celles qui ont les jambes bien tendues et sans plis, quoique terminées par une couronne complete de crochets.

La tête des chenilles semble tenir au premier anneau ; cependant il y a un cou, mais il est trop court et trop replié pour être vu. La tête est principalement composée de deux grandes pièces écailleuses posées de côté et d'autre en forme de calotte. Il y a une troisième pièce sur le devant de la tête qui est beaucoup plus petite que les deux autres, et de figure triangulaire. Il reste entre les deux grandes pièces en-dessous et au-devant de la tête, une ouverture dans laquelle est la bouche de l'insecte. Cette bouche a deux lèvres ; une en-haut et l'autre em-bas ; et deux dents larges et épaisses, une de chaque côté. La lèvre de dessus est échancrée par le milieu ; celle du dessous est refendue en trois parties, jusqu'auprès de sa base. C'est au moyen de ces deux dents, qui sont aux côtés de la bouche, que les chenilles coupent par petits morceaux les feuilles dont elles se nourrissent. Ces insectes ont dans l'intérieur de la bouche une convexité charnue et rougeâtre, qui s'élève du bas de la bouche jusqu'à la hauteur du milieu des dents, et qui parait tenir lieu de langue. Il y en a qui détachent seulement le parenchime des feuilles, sans prendre les fibres ; mais la plupart prennent les feuilles dans toute leur épaisseur. On a observé qu'une chenille de l'espèce connue sous le nom de ver-à-soie, mange en un jour autant pesant de feuilles de murier, qu'elle pese elle-même. Il y en a d'autres qui prennent chaque jour une quantité d'aliments pesant plus de deux fois autant que leur corps : ces chenilles croissent à proportion, et parviennent en peu de temps au dernier degré d'accroissement. Il y a une pyramide charnue qui occupe le milieu de la lèvre inférieure, et il se trouve près de la sommité de cette pyramide une filière d'où sort la soie que filent les chenilles.

On voit sur la tête, près de l'origine des dents, deux petites cornes mobiles ; et sur le devant de la tête, et un peu sur le côté, six petits grains noirs posés sur un arc de cercle, convexes et transparents : on présume que ce sont les yeux de la chenille. Il y a sur tous les anneaux des chenilles, à l'exception du second, du troisième et du dernier, deux taches ovales, une de chaque côté, placées plus près du ventre que du dos ; le grand diamètre de l'ovale suit la courbure de l'anneau, et il est transversal par rapport à la longueur du corps de la chenille. La figure de cette ovale est imprimée en creux sur la peau ; c'est pourquoi on a donné à ces cavités le nom de stigmates : ce sont des ouvertures par lesquelles l'air entre dans les poumons de l'insecte. Voyez STIGMATES.

Les chenilles changent plusieurs fois de peau avant de se transformer en chrysalide : on a observé que le ver-à-soie se défait quatre fois de la sienne ; il se dépouille pour la première fois le 10, 11, ou 12 jours après qu'il est éclos. Cinq jours et demi ou six jours après qu'il s'est dépouillé de la première peau, il quitte la seconde ; si la troisième dure plus que la seconde, ce n'est que d'un demi-jour, et la quatrième tombe six jours et demi, ou sept jours et demi après qu'elle a paru. Les chenilles quittent non-seulement leur peau, mais aussi tout ce qui parait à l'extérieur ; les poils, les fourreaux des jambes, les ongles des pieds, les parties dures de la tête, les dents, etc. de sorte qu'à voir la dépouille d'une chenille, on la prendrait pour une chenille entière. Ce dépouillement doit être pénible pour l'insecte ; aussi cesse-t-il de manger un jour ou deux auparavant, il devient languissant, ses couleurs s'affoiblissent, sa peau se desseche ; il s'agite, il gonfle quelques-uns de ses anneaux, et c'est ordinairement par l'effort de cette dilatation que la peau commence à se fendre sur le second ou le troisième anneau. La fente s'étend depuis le premier anneau jusqu'au-de-là du quatrième ; alors la chenille se courbe en-haut pour tirer sa tête de l'étui dont elle doit sortir, et ensuite elle se porte en avant pour débarrasser la partie postérieure de son corps. La dépouille reste en place, parce qu'elle est accrochée à une toîle de soie. On a remarqué que les chenilles qui n'ont pas toujours des nids de soie, en font avant que de se dépouiller. Enfin la chenille, au sortir de sa dépouille, parait avec une peau nouvelle et des couleurs toutes fraiches. La durée de ce travail n'égale pas celle d'une minute. Si on enlève la peau d'une chenille velue, lorsqu'elle est sur le point de la quitter elle-même, on trouve tous les poils de la nouvelle peau couchés sous la peau extérieure. Lorsque la chenille s'est dépouillée naturellement, on la trouve considérablement plus grosse qu'elle n'était avec la dépouille, surtout le crane, c'est-à-dire les pièces écailleuses de la tête. On a observé que la grandeur du vieux crane qu'un ver-à-soie a quitté, n'est quelquefois que le tiers ou le quart de celle du nouveau.

Lorsque les chenilles quittent leur dernière peau, elles en sortent métamorphosées en chrysalides ; on ne voit plus la figure d'une chenille. Celle de la plupart des chrysalides approche du cone, on n'y voit ni jambes ni ailes, le seul mouvement qu'elles se donnent est dans les anneaux dont la partie postérieure est composée ; c'est la seule qui paraisse animée. Au reste, la chrysalide semble n'être qu'une masse brute, et elle ne prend aucune nourriture, voyez CHRYSALIDE. Cependant c'est de cette chrysalide que sortira le papillon : il est déjà formé dans la chrysalide, il l'est même dans la chenille ; car si on enlève la peau à une chenille un jour ou deux avant celui de la métamorphose, on met le papillon à découvert, et on distingue toutes ses parties, même ses œufs. Pour cela, il faut avoir gardé la chenille pendant quelques jours dans du vinaigre ou de l'esprit de vin, afin de rendre ses parties assez fermes pour être dissequées. Il y a des chenilles qui filent des coques de soie dans lesquelles elles se transforment. Tout le monde connait celles des vers-à-soie ; mais les coques des différentes espèces de chenilles diffèrent beaucoup les unes des autres pour la figure, la structure, la façon d'être suspendues, attachées, travaillées, etc. Il y a des chenilles qui font leur coque avec de la terre et de la soie, ou de la terre seule ; elles se métamorphosent sous terre. Il y en a d'autres qui ne font point de coques, et qui ne se cachent pas dans la terre, elles se retirent seulement dans des trous de murs, dans des creux d'arbres, etc. On rencontre souvent de ces chrysalides dans différentes positions, etc. Quelques jours avant la métamorphose, on ne voit plus manger les chenilles elles rendent ce qu'elles ont dans les intestins, et même la membrane qui double l'estomac et le canal intestinal ; leurs couleurs s'affoiblissent ou s'effacent entièrement. Lorsque les chenilles ont filé leur coque et qu'on les en retire, ou les trouve très-languissantes, et cet état de langueur dure près de deux jours pour les unes, et seulement vingt-quatre heures pour les autres. Ensuite elles se courbent en ramenant la tête sur le ventre ; elles s'étendent dans certains instants ; elles s'agitent, mais sans se servir de leurs jambes ; elles se raccourcissent et se recourbent de plus en plus, à mesure que le moment de la métamorphose approche. Les mouvements de la queue, les contractions et les allongements successifs deviennent plus fréquents ; les forces semblent renaître ; enfin l'insecte commence par dégager du fourreau de chenille les deux dernières jambes et le derrière, et il les retire vers la tête, de sorte que la partie du fourreau qui est vide s'affaisse. C'est donc la chrysalide qui est dans le fourreau de chenille, qui se dégage en se portant en avant, tandis que le fourreau est porté en-arrière par la contraction des premiers anneaux et l'extension des derniers. La chrysalide se réduit peu-à-peu à n'occuper que la moitié antérieure du fourreau. Alors elle se gonfle, et le fait fendre vers le troisième anneau ; la fente s'agrandit bientôt au point que la chrysalide passe au-dehors : il y en a qui commencent à se dégager par la tête, et qui poussent la dépouille en-arrière, où on la trouve plissée en un petit paquet. La chrysalide met tout au plus une minute à se dégager de son fourreau. Il y a des chenilles qui se suspendent par les pattes de derrière, au moyen de leur soie, et dont la chrysalide se dégage dans cette situation, et se trouve ensuite suspendue la tête em-bas dans la place où était la chenille. Il y a d'autres chrysalides qui sont posées horizontalement ; d'autres sont inclinées. Dans quelques situations qu'elles soient, elles sont attachées par la queue ; mais lorsqu'elles sont couchées ou inclinées, elles ont de plus un lien de fil de soie qui passe par-dessous leur dos, car elles ont le ventre en-haut ; les deux bouts de cette sorte de courroie sont attachés au-dessus de la chrysalide, à quelque corps solide, de même que le lien par le moyen duquel la queue est suspendue.

La grandeur des coques n'est pas proportionnée à celle des chenilles qui les font ; les unes en font de grandes, et les autres de petites, relativement au volume de leur corps. Il y a des grandes différences entre les coques de différentes espèces de chenilles. Il y en a qui remplissent seulement un certain espace de fils qui se croisent en différents sens, mais qui laissent beaucoup de vide. La plupart attirent des feuilles pour couvrir leur coque, ou pour suppléer à la soie qui semble y manquer. Celles qui emploient une plus grande quantité de soie ne couvrent pas leur coque avec des feuilles ; mais il s'en trouve qui mêlent d'autres matières avec la soie. Il y a des coques de pure soie, qui semblent n'être formées que d'une toîle fine, mince, et très-serrée ; d'autres sont plus épaisses et plus soyeuses. La coque du ver-à-soie est de ce genre ; d'autres, quoiqu'assez fermes et épaisses, n'ont que l'apparence d'un réseau. On présume que certaines chenilles répandent par l'anus une liqueur gommeuse, qui rend leur coque plus ferme ; ou une matière jaune qui pénètre la coque, et devient ensuite une poudre de couleur de citron. D'autres s'arrachent des poils, et les mêlent avec la soie pour faire les coques. Il y a des chenilles qui lient ensemble des feuilles pour leur tenir lieu de coque ; d'autres recouvrent des coques de soie avec de petits grains de sable ; d'autres se font une sorte de coque avec des brins de mousse. Il y en a qui emploient de petits morceaux d'écorce pour faire des coques, auxquelles elles donnent la forme d'un bateau. On trouve aussi des coques de soie qui ont la même forme, etc.

Il y a peut-être plus de la moitié des chenilles qui font leurs coques dans la terre ; les unes s'y enfoncent sans faire des coques ; cependant la plupart en font. Elles ressemblent toutes à une petite motte de terre, arrondie pour l'ordinaire, ou un peu allongée. Les parois de la cavité qui est au-dedans sont lisses, polies, et tapissées de soie. Ces coques sont faites avec des grains de terre bien arrangés les uns contre les autres et liés avec des fils de soie. D'autres chenilles font des coques qui ne sont qu'à moitié enfoncées dans la terre, et qui sont faites en partie avec de la terre, et en partie avec des feuilles ; d'autres font au-dehors de la terre des coques qui sont entièrement de terre, et qui de plus sont polies à l'extérieur. Enfin les chenilles qui vivent en société font un grand nombre de coques réunies en un seul paquet ou en une sorte de gateau ; quelquefois ces coques ont une enveloppe commune, d'autres fois elles n'en ont point.

La plupart des chenilles restent seules ; mais il y en a qui vivent plusieurs ensemble, tant qu'elles sont chenilles, et même leurs chrysalides sont rangées les unes auprès des autres ; d'autres chenilles se séparent dans un certain temps. Toutes celles que l'on voit ensemble dans le même nid viennent d'une seule ponte. Il y en a ordinairement deux ou trois cent, et quelquefois jusqu'à six ou sept cent. Celles que l'on appelle chenilles communes, parce qu'il n'y en a que trop de leur espèce dans la campagne et dans nos jardins pour gâter les arbres, vivent ensemble jusqu'à ce qu'elles soient parvenues à une certaine grandeur.

Cette chenille est médiocre de grandeur, elle a 16 jambes ; elle est chargée de poils roux assez longs ; la peau est brune : on voit de chaque côté du corps des taches blanches rangées sur la même ligne, et formées par des poils courts et de couleur blanche. Il y a sur le dos deux mamelons rouges ; l'un sur l'anneau auquel la dernière paire de jambes membraneuses est attachée, et l'autre sur l'anneau suivant. Il y a aussi sur la peau du milieu du dos plusieurs petites taches rougeâtres, etc. Les papillons qui viennent des chenilles de cette espèce sont de couleur blanche et du nombre des papillons nocturnes.

Les femelles arrangent leurs œufs dans une sorte de nid dont elles rembourrent l'intérieur, et recouvrent le dessus avec leur poil. On trouve ces nids dans les mois de Juin et de Juillet, sur des feuilles, des branches, et des troncs d'arbres. Ce sont des paquets oblongs, de couleur rousse ou brune, tirant sur le caffé, qui ressemblent assez à une grosse chenille velue. Les œufs éclosent tous depuis la mi-Juillet jusque vers le commencement d'Aout, environ quinze jours après qu'ils ont été pondus. Ils sont toujours sur le dessus des feuilles : ainsi dès que les chenilles sortent du nid, elles trouvent la nourriture qui leur convient ; c'est le parenchime du dessus de la feuille. Elles se rangent sur cette feuille à mesure qu'elles sortent du nid, et forment plusieurs files, dans lesquelles elles sont placées les unes à côté des autres, en aussi grand nombre que la largeur de la feuille le permet, et il y a quelquefois autant de files qu'il en peut tenir dans la longueur ; tout est rempli, excepté la partie de la feuille que les chenilles du premier rang ont laissée devant elles, de sorte que chacune des chenilles des autres rangs n'a à manger sur cette feuille que l'espace qui est occupé par la chenille qui est placée devant elle, et qui se découvre à mesure que cette chenille se porte en avant en mangeant elle-même. Dès que les premières qui sont sorties du nid ont mangé, elles commencent à tendre des fils d'un bord à l'autre de la feuille qui a été rongée, et qui par cette cause est devenue concave. Ces fils sont bientôt multipliés au point de fournir une toîle épaisse et blanche, sous laquelle elles se mettent à couvert. Quelques jours après elles travaillent à faire un nid plus spacieux ; lorsqu'elles ont rongé un bouquet de feuilles, elles commencent par revêtir de soie blanche une assez longue partie de la tige qui porte ces feuilles, et elles enveloppent d'une toîle de la même soie une ou deux des feuilles qui se trouvent au bout de la tige ; ensuite elles renferment ces feuilles et la tige dans une toîle plus grande qui les rapproche les unes des autres ; enfin avec d'autres toiles elles enveloppent d'autres feuilles et grossissent leur nid. Ces différentes toiles sont à quelque distance les unes des autres, et les espaces qui restent vides sont occupés par les chenilles lorsqu'elles sont retirées dans leur nid. Il y a dans chaque toîle de petites ouvertures par lesquelles elles pénètrent jusqu'au centre du nid. Il n'y a personne qui ne connaisse ces nids que l'on voit comme de gros paquets de soie blanche et de feuilles sur les arbres en automne, et surtout en hiver, lorsque les feuilles des arbres sont tombées. Ces chenilles mangent quelquefois des fruits verts aussi bien que des feuilles. Elles rentrent dans leur nid pour se mettre à l'abri des grosses pluies et de la trop grande ardeur du soleil ; elles y passent une partie de la nuit ; elles y restent lorsqu'elles changent de peau, enfin elles y passent l'hiver. C'est avant la fin de Septembre, ou au plus tard dès le commencement d'Octobre, qu'elles s'y retirent ; elles y restent immobiles tant que le froid dure ; mais le froid de nos plus grands hivers ne peut pas les faire périr. Elles ne sortent du nid que vers la fin de Mars, ou dans les premiers jours d'Avril, lorsque la chaleur de la saison les ranime. Elles sont encore alors fort petites, elles prennent bien-tôt de l'accroissement, et elles sont obligées d'agrandir leur nid. Après avoir changé plusieurs fois de peau, elles abandonnent leur nid ; c'est dans les premiers jours de Mai qu'on les trouve dispersées. Alors différents insectes s'emparent du nid, surtout les araignées. Les chenilles n'y reviennent plus ; elles filent de la soie dans différents endroits, et y changent de peau pour la dernière fais. Enfin au commencement de Juillet elles font des coques pour se transformer en chrysalides. Ces coques sont de soie brune, d'un tissu fort lâche ; elles sont placées sur des feuilles qui les enveloppent presqu'en entier.

Il y a des chenilles qui vivent dans l'eau, et qui s'y transforment en chrysalide ; mais le papillon sort de l'eau pour n'y plus rentrer. On a trouvé de ces chenilles aquatiques qui font leur coque sur la plante appelée potamogeton, avec des feuilles de cette plante et leur soie ; quoique cette coque soit faite dans l'eau, on n'en trouve cependant pas une goutte dans son intérieur.

Plusieurs espèces de chenilles vivent dans les tiges, les branches, et les racines des plantes et des arbres ; il y en a dans les poires, les pommes, les prunes, et d'autres fruits. Lorsqu'ils sont gâtés par ces insectes, on les appelle fruits verreux, parce qu'en effet il y a au-dedans des vers ou des chenilles, etc. on n'en trouve pas dans les abricots, les pêches, les grains de raisin, etc. Les œufs des insectes sont déposés sur le fruit souvent lorsqu'il n'est encore qu'un embryon ; ainsi dès que la chenille est éclose, elle perce le fruit, et elle pénètre au-dedans : quelquefois l'ouverture extérieure se referme entièrement pendant que le fruit grossit. Il y a une espèce de chenille qui se met dans un grain d'orge ou de blé, dès qu'elle est éclose, et qui n'en sort qu'après qu'elle a été transformée en papillon. Il est difficîle de distinguer toutes ces espèces de chenilles ; mais rien ne prouve mieux que ce sont des chenilles, que le papillon qui en sort.

Il n'y a guère de gens qui n'aient de l'aversion pour les chenilles : on les regarde comme des insectes hideux et dégoutants ; cependant si on se permettait d'examiner les chenilles de près, on en rencontrerait beaucoup sur lesquelles on ne pourrait pas s'empêcher de trouver quelque chose qui mériterait d'être vu, pour les couleurs, l'arrangement, etc. D'ailleurs ce n'est que par prévention qu'on les croit plus malpropres qu'un autre insecte. Il n'y a qu'un seul risque à courir en les touchant, c'est de rencontrer certaines chenilles velues dont les poils sont si fins, si roides, si fragiles, et si legers, qu'ils se cassent aisément en petits fragments qui se répandent tout-autour de la chenille. Ces poils s'attachent sur les mains, sur le visage, sur les paupières, etc. et causent sur la peau une demangeaison assez cuisante, qui dure quelquefois pendant quatre ou cinq jours, surtout lorsqu'on irrite cette demangeaison en frottant les endroits où est la douleur. Souvent il se forme sur la peau des élevures qui semblent changer de place, parce qu'on répand en différents endroits de nouveaux poils, en y portant la main qui en est chargée. On a éprouvé qu'en se frottant avec du persil, on fait cesser la demangeaison en deux ou trois heures. Voilà ce qu'il y a à craindre de quelques chenilles velues, surtout lorsqu'elles sont prêtes à changer de peau ; celle que l'on appelle la commune est du nombre ; et je crois qu'il est à propos de se défier de toutes celles qui ont du poil. Les nids dans lesquels elles font entrer de leur poil avec leur soie sont encore plus à craindre, principalement lorsqu'ils sont desséchés, et lorsqu'on les brise ; mais on ne croit pas que les chenilles qui sont entièrement rases, puissent faire aucun mal à ceux qui les touchent, pas même à ceux qui les avaleraient. Il est certain qu'il arrive assez souvent qu'on en avale sans le savoir, et sans en ressentir aucun mauvais effet.

Fausses chenilles. On a donné ce nom à tous les insectes qui ressemblent aux chenilles, mais qui ont les jambes plus nombreuses, ou situées ou conformées différemment. Il vient des mouches au lieu de papillons de toutes les fausses chenilles : il n'y a point de crochets dans leurs jambes membraneuses, ce qui peut les faire distinguer des vraies chenilles, indépendamment du nombre des jambes. Ces fausses chenilles n'ont pas deux pièces écailleuses sur la tête ; il n'y a qu'une espèce de couronne sphérique d'une seule pièce, qui embrasse une grande partie du dessus et du dessous de la tête. On n'y voit pas ces petits points noirs que l'on croit être des yeux ; mais il parait qu'elles ont deux autres yeux, dont chacun est beaucoup plus grand que tous ces points ensemble. Mém. pour servir à l'hist. des insectes, tom. I. et II. Voyez INSECTE. (I)

CHENILLE, scorpioides, (Histoire naturelle Botanique) genre de plante à fleur papilionacée. Le pistil sort du calice qui devient dans la suite une silique composée de plusieurs pièces attachées bout-à-bout, et roulée à-peu-près comme certaines coquilles ou comme une chenille. Il y a dans chaque pièce une semence ordinairement ovale. Tournefort, Institut. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

* CHENILLE, (Rubanerie) petit ouvrage en soie dont on se sert pour broder et exécuter des ornements sur des vestes, des robes, des chasubles, etc. On prendrait la chenille, quand elle est petite et bien serrée, et que par conséquent son poil est court, pour un petit cordon de la nature du velours, et travaillé au métier comme cette étoffe, à laquelle elle ressemble parfaitement : cependant cela n'est pas, et rien n'est plus facîle que de faire de la chenille : on a une espèce de ruban, on en coupe une lisière très-étroite et très-longue avec de grands ciseaux : cette bande est effilée des deux côtés, en sorte qu'il ne reste que dans le milieu quelques fils de chaîne qui contiennent les fils de trame qui font barbe ou poil à droite et à gauche de ces fils de chaîne, au moyen de l'effilé : on prend des fils de soie qu'on met en double, en triple, ou en quadruple, etc. on accroche ces fils à un rouet, tel que celui dont les Luthiers se servent pour couvrir le fil de laiton ou d'argent des grosses cordes d'instruments : on tord un peu ces fils ensemble ; quand ils sont tordus et commis, ou avant que de l'être, on a une gomme un peu forte, on les en enduit légèrement, puis on applique la petite bande de ruban effilée à droite et à gauche au crochet du rouet qui tient l'extrémité des fils de soie commis : on continue de tourner la manivelle du rouet dans le sens dont on a commis des fils de soie ; il est évident que la petite bande de ruban effilée s'enroule sur les fils commis, qu'elle en couvre successivement toute la longueur, que les poils se redressent, et qu'ils forment sur ces fils comme un velours, surtout si le ruban est fort, si par conséquent les barbes de la bande sont serrées ; et si après avoir attaché le bout de la bande de ruban au crochet du rouet qui tenait les fils de soie, on a fait beaucoup de tours avec la manivelle, et qu'on n'ait guère laissé courir la bande le long des fils. Il est évident, 1°. que la grosseur de la chenille dépendra de la largeur de la bande de ruban, de la longueur de l'effilé, de la force du ruban, et du nombre de fils de soie qu'on aura commis, et qu'on a couvert au rouet avec la bande effilée : 2°. que sa beauté et sa bonté dépendront de la force et de la beauté du ruban, et du rapport du mouvement circulaire de la manivelle au mouvement en droite ligne de la bande de ruban le long des fils commis, ou du cordon qu'elle doit couvrir ; car plus la manivelle ira vite, et moins la bande courra le long du cordon dans le même temps. Plus la chenille sera serrée, plus elle sera fournie de poil et belle. Le ruban effilé ne tient sur le cordon que par le moyen de la gomme : ainsi la chenille n'est qu'une application, et non pas un tissu, comme on le croirait au premier coup d'oeil ; et le mécanisme selon lequel elle se travaille, est précisément le même que celui dont on couvre les grosses cordes d'instruments avec le fil d'argent ou de laiton, comme nous l'avons dit : la corde et le fil de laiton sont attachés à un crochet, le crochet fait tourner la corde sur elle-même ; l'ouvrier tient la corde de la main gauche ; il tient le fil d'argent ou de laiton de la droite, un peu élevé au-dessus de la corde, et ce fil s'enroule sur la corde : il est clair que plus l'angle de la corde et du fil sera petit, plus l'enroulement du fil sur la corde sera lâche ; et que plus cet angle sera grand, plus cet enroulement sera serré. C'est la même chose à la chenille, pour laquelle, au lieu d'un fil uni comme le laiton, il ne s'agit que d'imaginer un fil barbu comme la petite bande de ruban effilée. Ce petit ouvrage s'appelle chenille, parce qu'en effet il est velu comme l'insecte de ce nom.