S. m. (Botanique) Nous ne connaissons point la plante qui s'élève de la racine précieuse qu'on appelle ipécacuanha du Pérou, et nous ne connaissons encore qu'imparfaitement la plante qui jette en terre la racine nommée ipécacuanha brune du Brésil ; voici cependant la description qu'en a faite M. Linnaeus.

Le calice est divisé en cinq segments égaux, étroits, et terminés en pointe. La fleur a cinq découpures et cinq étamines. Le pistil est un embrion placé entre le calice et la fleur ; on ignore combien il a de styles. Cet embryon devient une baie arrondie posée sur le calice, et creusée par le haut en manière de nombril. Elle n'a qu'une cavité dans laquelle sont renfermés trois noyaux osseux, voutés d'un côté, aplatis sur les deux autres, réunis ensemble, et formant un globe. Chacun de ces noyaux qui ne renferme qu'une graine, est strié de cinq cannelures. La racine est très-longue ; la tige rarement branchue, est couchée sur terre, et n'a de feuilles que vers son extrémité : ces feuilles sont opposées, ovales, pointues de deux côtés, raboteuses, plus pâles en-dessous qu'en dessus, larges de deux pouces, longues de trois, et les intersections de la tige ont à peine un pouce de longueur.

Quant à la plante qui pousse en terre, l'espèce de racine du Brésil qu'on appelle ipécacuanha blanc de Pison, nous savons seulement que c'est une petite plante basse, assez semblable au pouliot, dont la tige qui s'élève du milieu de plusieurs feuilles velues, est chargée d'un grand nombre de petites fleurs blanches disposées par anneaux. Au reste, voyez PIGAYA. (D.J.)

IPECACUANHA, (Matière médicale) L'ipécacuanha est une racine que les Médecins ordonnent assez communément, surtout dans les formules latines, sous le nom de racine du Brésil, radix brasiliensis. Ce nom ne convient pourtant qu'à une des deux espèces dont nous allons parler : mais comme on emploie indifféremment ces deux espèces, malgré quelques différences que les bons pharmacologistes y ont observées, le nom spécifique de radix brasiliensis est devenu dans l'usage commun, synonime au mot générique ipécacuanha.

Les deux espèces d'ipécacuanha sont le gris et le brun. Voici leur description d'après M. Geoffroy.

L 'ipécacuanha gris, ipecacuanha cinerea, ipecacuanha peruviana, off. bexuquillo, et Rais de oro, Hispanorum, peut-être l'ipécacuanha blanc de Pison, est une racine épaisse de deux ou trois lignes, tortueuse, et comme entourée de rugosités, d'un brun clair ou cendré, dense, dure, cassante, résineuse, ayant dans son milieu dans toute sa longueur, un filet qui tient lieu de moèlle, d'un goût un peu âcre et amer, et une odeur faible. Les Espagnols en apportent tous les ans à Cadix du Pérou, où elle nait aux environs des mines d'or.

L 'ipécacuanha brun, ipecacuanha fusca, ipecacuanha brasiliensis, et radix brasiliensis off. ipecacuanha altera seu fusca Pisonis, est une racine tortueuse, plus chargée de rugosités que l'ipécacuanha gris, plus menue cependant, d'une ligne de grosseur, brune ou noirâtre en-dehors, blanche en-dedans, légèrement amère. On apporte cette espèce d'ipécacuanha du Brésil à Lisbonne.

L'ipécacuanha, soit gris, soit brun, contient une quantité considérable de résine qu'on en sépare par l'esprit de vin, et un extrait mucilagineux pur, c'est-à-dire soluble par les menstrues aqueux seuls.

Selon les expériences de M. Geoffroy, huit onces d'ipécacuanha gris donnent dix gros de résine, et trois onces et demie d'extrait ; neuf onces d'ipécacuanha brun donnent six gros de résine, et une once trois gros d'extrait.

Selon Cartheuser, ces principes résident entièrement dans l'écorce de ces racines ; leur partie ligneuse en est absolument dépourvue ; ce dernier auteur a retiré d'une once d'écorce d'ipécacuanha gris quatre scrupules de résine, et trois dragmes d'extrait ; et il pense que M. Boulduc père n'a pas séparé exactement ces principes, lorsqu'il n'a obtenu par l'application de l'esprit de vin, que trois grains de résine par once, de l'un et de l'autre ipécacuanha.

La résine d'ipécacuanha excite puissamment le vomissement ; l'extrait l'excite très-peu, purge doucement, et passe pour être légèrement astringent in recessu, c'est-à-dire sur la fin de son opération purgative.

Nous donnons très-rarement l'un ou l'autre de ces principes ainsi séparés, ou pour mieux dire, ils sont entièrement hors d'usage. Nous donnons seulement quelquefois la décoction non filtrée de deux gros d'ipécacuanha, ce qui est donner en effet presque toute la partie extractive de cette drogue, et la petite quantité de résine qui peut avoir été détachée par l'action mécanique de l'ébulition de l'eau. Cette décoction fait vomir très-doucement. G. Pison qui est le premier qui a publié les vertus de l'ipécacuanha dans son histoire naturelle du Brésil en 1748, préfère cette décoction à l'usage de l'ipécacuanha en substance. Cartheuser propose une correction de ce remède absolument analogue à la précédente, savoir de diminuer considérablement la proportion de la résine dans l'ipécacuanha qu'on veut donner en substance, en enlevant une partie de ce principe par une application convenable de l'esprit de vin.

Les vues de ces auteurs peuvent être très-louables, et fournir un remède plus sur, plus convenable dans certains sujets délicats, ou dans les cas où les remèdes trop actifs sont contre-indiqués ; mais assez généralement nous donnons l'ipécacuanha en substance, sans nous assujettir à ces précautions, et nous ne trouvons pas que ce soit un remède violent, et dont l'action soit suivie d'accidents graves.

C'est 1°. à titre de vomitif, de remède général que nous l'employons depuis dix grains jusqu'a vingt et à trente. On pense assez communément que son action est plus modérée que celle du tartre émétique. Ces deux remèdes sont presque les seuls vomitifs employés dans la pratique la plus reçue ; le premier dans les légères incommodités, principalement chez les femmes et chez les enfants ; le dernier dans les maladies proprement dites, et toujours même dans les sujets robustes. Voyez VOMITIF. L'ipécacuanha est le seul émétique que nous tirions aujourd'hui du règne végétal.

2°. La célébrité de cette drogue est principalement fondée sur ses effets admirables dans les dissenteries ; elle guérit infailliblement les dissenteries communes ou moins graves, et elle concourt efficacement à la guérison des dissenteries épidémiques et malignes. Voyez DISSENTERIE. On le donne dans ces maladies, premièrement à haute dose, c'est-à-dire, à quinze, vingt, trente grains ; et on réitère ce remède deux ou trois fois dans des intervalles convenables, selon l'exigence des cas ; et lorsque les symptômes commencent à s'affoiblir, ineunte morbi declinatione, c'est une pratique utîle et très-usitée à Paris, de le donner à très-petite dose, mais souvent réitérée, par exemple à deux ou trois grains dans un excipient convenable, la conserve de roses, le diascordium, etc. trois fois par jour, pendant huit, dix, douze jours. Voyez DISSENTERIE.

On trouve dans les boutiques, sous le nom d'ipécacuanha blanc, une racine qu'il n'est pas permis de confondre avec l'ipécacuanha blanc de Pison, puisque ce dernier est, selon cet auteur, émétique et purgatif, au lieu que l'ipécacuanha blanc de nos boutiques n'a point ces vertus. (b)