S. m. (Botanique) plante à tête écailleuse, du milieu de laquelle s’élève une fleur en gueule, et des fleurons avec plusieurs anneaux qui forment un long épi pendant.

Il est vraisemblable que notre dictamne, ou comme plusieurs l'écrivent, dictamne de Crète, est le même que celui des anciens. En effet d'habiles critiques ont heureusement rétabli un passage de Dioscoride, défiguré par quelques copistes, au moyen de quoi cet auteur ne dit pas que le dictamne ne porte point de fleurs ni de grains, mais il dit que ni sa fleur ni son fruit ne sont bons à rien. Pline qui compare le dictamne au pouliot, ajoute qu'on ne se sert que de ses feuilles. Théophraste est du même avis. Damocrate, dans Galien, parle aussi des fleurs du dictamne. Enfin c'était un fait si commun, et si peu revoqué en doute, que Virgile lui-même a décrit la tige et la fleur du dictamne de Crète.

Hic Venus indigno nati concussa dolore,

Dictamnam genitrix Cretaeâ carpit ab Idâ,

Puberibus caulem foliis, et flore comantem

Purpureo : Aeneid. lib. XII. Ve 412.

" Vénus touchée de voir qu'une indigne trahison avait réduit son fils dans un état déplorable, Ve cueillir, sur le mont Ida dans l'île de Crète, du dictamne, dont la tige est garnie de feuilles velues, et porte à son sommet de longs bouquets de fleurs purpurines ".

Prouvons par la description botanique de cette plante, que celle du poète est très-exacte.

Le dictamne de Crète qui vient naturellement en Grèce, et particulièrement en Candie dans les fentes des rochers, pousse des racines brunes et fibreuses, des tiges dures, et couvertes d'un duvet blanc, hautes de neuf pouces, et branchues. Les feuilles naissent deux à deux aux nœuds des tiges ; elles sont arrondies, longues d'un pouce, couvertes d'un duvet épais, blanchâtre : leur odeur est agréable, leur saveur est très-âcre et brulante. Les fleurs naissent au sommet des branches, dans de petites têtes feuillées en forme d'épi, et comme écailleuses, de couleur purpurine en-dehors. Ces fleurs sont d'une seule pièce en gueule, d'une belle couleur de pourpre, portées sur un calice en cornet cannelé, dans lequel sont renfermées quatre graines arrondies, très-menues.

Le dictamne quoique originaire des pays chauds, peut néanmoins endurer le froid de nos hivers, pourvu qu'on le plante dans un terrain sec et sablonneux. On le multiplie de boutures, qu'on met à l'abri du froid, et qu'on arrose jusqu'à ce que les rejetons aient pris racine, après quoi on les plante dans des pots. Il fleurit au milieu de l'été, mais ses graines n'acquièrent guère leur maturité que dans un climat chaud, comme en Provence, en Languedoc, et en Italie.

Nous connaissons encore une seconde espèce de dictamne appelée par les Botanistes, dictamnus mentis Sipyli, origani foliis. Flor. Bat. Origanum montis Sipyli, H. L. 463. Cette seconde espèce a été trouvée sur le mont Sipyle dans l'Asie mineure, près du Méandre, par le chevalier Georges Whecler dans ses voyages, et par lui envoyé à Oxford. C'est une très-jolie plante qui porte de grands épis de fleurs d'une beauté durable ; ce qui fait qu'elle mérite une place dans les jardins des curieux ; elle se multiplie et se cultive, à tous égards, comme la précédente.

Quelques étymologistes ont dérivé assez naturellement le nom de dictamne, de dictea, montagne de Crète dont Virgile parle si souvent ; ou, si l'on aime mieux, de dictamo, ancienne ville de l'île de Crète, territoire qui n'est plus aujourd'hui qu'une petite bourgade de la Canée dans l'île de Candie. Le lecteur curieux d'érudition sur cette matière, en trouvera dans l'ouvrage d'un Allemand nommé Geyer, dont voici le titre : Geyeri (Joh. Daniel) Thargelus Apollini sacer, Francf. 1687. 4°. Article de M(D.J.)

DICTAMNE DE CRETE, (Matière médicale) dictamnum Creticum. Dictamnus Cretica. Off. Nous trouvons sous le nom de dictamne de Crète chez les droguistes et dans les boutiques d'Apoticaires, des feuilles arrondies de la longueur d'un pouce, tirant sur le verd, couvertes de duvet et d'un poil épais, soutenues souvent sur de petites tiges, du sommet desquelles pendent des espèces d'épis formés de feuilles en manière d'écaille, de couleur de pourpre, d'une odeur pénétrante et agréable, d'un goût âcre, aromatique, brulant. Voilà les feuilles du dictamne qui sont seules d'usage en Médecine. On les apporte seches du Levant, et elles contiennent beaucoup d'huîle essentielle, avec un sel volatil, comme on peut le conjecturer par leur odeur et par leur gout. Ainsi il faut choisir celles qui sont récentes, odorantes, entières, bien nourries, pointmoisies, également velues, et d'une saveur qui brule un peu la langue. On monde ces feuilles de petits morceaux de bois, auxquels elles sont souvent attachées.

Les Médecins les prescrivent soit en poudre depuis une dragme jusqu'à trois, soit en infusion depuis deux dragmes jusqu'à six, pour plusieurs maladies, surtout pour hâter l'accouchement, pour chasser l'arriere-faix, et pour exciter les règles. On les emploie beaucoup dans plusieurs compositions officinales, en particulier dans la thériaque d'Andromaque, le mithridate de Damocrate, la confection hyacinthe, le diascordium, et autres.

Il était bien difficîle qu'une plante si célèbre parmi les anciens, manquât d'avoir des sectateurs zélés parmi les modernes, et qu'ils oubliassent de l'incorporer dans leurs prétendus antidotes. D'abord une fable de temps immémorial qui disait que les chèvres de Crète en mangeant de cette herbe, faisaient tomber les flèches dont elles étaient blessées, établit son pouvoir dans la guérison des plaies. Virgile n'a pas manqué de saisir ce conte pour en orner sa description du dictamne.

Non illa feris incognita capris

Gramina, cum tergo volucres haesere sagittae.

" Sa vertu n'est pas inconnue des chevreuils de l'ile, qui en vont brouter les feuilles lorsqu'ils sont atteints des flèches du chasseur ".

Mais d'autres auteurs accréditèrent davantage les vertus vulnéraires des feuilles du dictamne, en les vantant dans des ouvrages plus sérieux, comme ont fait par exemple, Dioscoride, Cicéron, Pline, et Tertullien même. Il est vrai que quelques-uns d'eux plus critiques et plus sages que les autres, en ont parlé simplement comme d'une histoire qu'on racontait ; cependant leur discours montre toujours que le dictamne passait généralement pour un excellent remède contre les traits empoisonnés, les blessures, et la morsure des bêtes venimeuses.

Enfin Galien ayant écrit qu'Hippocrate mettait le dictamne au rang des puissants remèdes pour chasser l'arriere-faix, a trouvé par-tout chez les modernes une entière confiance sous une autorité si respectable. Quelques expériences apparentes et fautives, telles que celles de Thaddé Dunus, rapportées par Jean Bauhin, les ont confirmés dans cette idée. Alors ils ont étendu beaucoup plus loin les vertus efficaces des feuilles du dictamne de Crète ; ils en ont fait un alexipharmaque, un emménagogue, un cordial, un souverain antidote. Cet enthousiasme a subsisté jusqu'à ce que de meilleurs esprits réduisant les propriétés de cette plante étrangère à leur juste valeur, les aient jugées simplement analogues à celles du pouliot, de la menthe, de la rue, du basilic, et autres plantes aromatiques de ce genre, avec cette réserve encore pour l'usage, que nous sommes plus surs d'avoir ces derniers réellement et sans falsification, que nous ne le sommes du dictamne que nous recevons de Grèce : les raisons ne sont pas difficiles à deviner. Article de M(D.J.)

DICTAMNE BLANC, (Botanique) voyez FRAXINELLE, car c'est la même plante, et nous nous hâtons de le remarquer en faveur de ceux qui commencent à étudier la matière medicale : ignorant que les racines du dictamne de Crète ne sont d'aucun usage, ils pensent naturellement, et ils doivent penser que ce sont les feuilles et les racines de la même plante que l'on vend et que l'on trouve dans les boutiques sous le nom de dictamne. Voilà comme les termes équivoques jettent dans mille erreurs. A l'homonymie botanique des anciens, ajoutez celle des modernes qui se multiplie tous les jours, et dont, pour combler la mesure, nous sommes les premiers à donner l'exemple, vous verrez combien l'on est peu curieux de faciliter le progrès des Sciences. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.