S. f. (Botanique) l'ivroie, en grec , en latin lolium, fait dans le système botanique de Linnaeus un genre de plante particulier, dont voici les caractères distinctifs. Le calice est un tuyau contenant les fleurs rassemblées en manière d'épis sans barbe. La fleur est formée de deux segments, dont l'inférieur est étroit, pointu, roulé, et de la longueur du calice ; le segment supérieur est plus court, droit, obtus, et creux au sommet. Les étamines sont trois fils fort déliés, et plus courts que le calice ; les bossettes des étamines sont oblongues ; le germe du pistil est d'une forme turbinée ; les styles sont au nombre de deux, chevelus et réfléchis. La fleur environne étroitement la graine ; elle s'ouvre dans le temps convenable, et la laisse tomber. La graine est une, oblongue, convexe d'un côté, aplatie et sillonnée de l'autre.

Les Botanistes comptent quatre ou cinq espèces d'ivroie ; mais nous ne décrirons que la plus commune, nommée simplement lolium ou lolium album, et par Tournefort, gramen loliaceum, spicâ longiori.

Sa racine est fibreuse avec des filaments très-fins ; sa tige est haute de deux ou trois coudées, aussi épaisse que celle du froment, un peu plus petite ; ayant quatre ou cinq nœuds qui poussent chacun une feuille, comme dans le chien-dent, et dans les autres plantes dont la tige se change en chaume. Cette feuille est plus verte et plus étroite que celle du froment, luisante, lisse, grasse, cannelée, embrassant ou enveloppant la tige par l'endroit où elle sort. Sa tige porte un épi, droit, menu, plat, long d'un demi-pié et plus, d'une figure particulière ; car il est formé par l'union de six, sept, huit grains, et quelquefois davantage, qui sortent alternativement des deux côtés du sommet de la tige en forme de petits épis sans pédicule. Chacun de ces petits épis est enveloppé d'une petite feuille. Ses graines sont plus menues que celles du blé, peu farineuses, de couleur rougeâtre et enfermées dans des cosses noirâtres, terminées par une barbe pointue qui manque quelquefois.

Cette plante ne croit que trop fréquemment dans les terres labourées parmi l'orge et le blé. C'est pourquoi la plupart des anciens et un grand nombre de modernes, ont cru que l'ivroie était une dégénération du blé ; l'on a même tâché dans ce siècle d'appuyer cette opinion, par des exemples de mélanges monstrueux de blé et d'ivroie trouvés ensemble sur une même plante.

On a vu, dit-on, une plante de froment d'un seul tuyau, de l'un des nœuds duquel sortait un second tuyau, qui portait à son extrémité un épi d'ivroie ; le tuyau commun se prolongeait et se terminait par un épi de froment ; ce tuyau commun ouvert dans sa longueur, n'avait qu'une seule cavité : voilà un fait bien fort en faveur de ceux qui admettent la dégénération du blé en ivroie. Mais plus on réfléchit sur la loi des générations, plus on étudie les caractères qui différencient les espèces, et moins on est disposé à croire qu'une plante puisse devenir une autre plante. Or les Botanistes nous indiquent bien des caractères qui distinguent le blé de l'ivroie ; la couleur des feuilles et celle de la tige, leur tissu, l'arrangement respectif des grains, leur structure, la qualité de la farine qui y est renfermée, forment autant de differences. Les proportions relatives des parties fournissent encore des caractères différents, très-marqués dans ces deux plantes. Par exemple, l'ivroie pousse ses secondes racines beaucoup plutôt que le blé ; et le nœud d'où ces racines sortent, se distingue aussi plutôt dans celles-là que dans celui-ci ; il est donc sur que le blé ne dégénere point en ivroie.

On a tenté de rendre raison du phénomène de cette plante, mi-partie blé et ivroie ; en supposant que deux plantes, l'une de blé et l'autre d'ivroie, aient cru fort près l'une de l'autre, et se sont greffées en approche. Serait-ce donc ici une espèce de greffe, une greffe par approche ? Serait-ce un effet de la confusion des poussières des étamines ? Toutes ces explications sont arbitraires ; ce qui est certain, c'est qu'on ne peut expliquer le fait rapporté ci-dessus, par la prétendue dégénération du blé en ivroie ; elle est contraire et aux vrais principes de la Physique, et à toutes les expériences. (D.J.)

IVROIE, (Matière médécin.) les anciens employaient l'ivroie en cataplasme, avec du soufre et du vinaigre contre la lepre ; avec du sel et des raves, pour consumer les bords des ulcères putrides avec de la fiente de pigeon et de la graine de lin, pour meurir les tumeurs ; mais en même temps ils ont été fort éclairés sur sa nature pernicieuse pour l'intérieur. Tous les Naturalistes, Aristote, Théophraste, Pline, Dioscoride, la plupart des historiens, des poètes, nous parlent des maladies qu'elle a causées en différentes occasions ; ils ont même cru qu'elle rendait aveugle ; car c'était chez eux un proverbe lolio victitare, pour dire devenir aveugle : Virgile appelle l'ivroie sinistre, infelix lolium. Les Modernes savent par expérience qu'elle cause des éblouissements, des vertiges, des maux de tête et des assoupissements ; que mêlée dans la dreche elle enivre, et qu'elle produit le même effet quand elle se trouve en trop grande quantité dans le pain ; de-là vient vraisemblablement son nom d'ivraye ou d'ivroie. (D.J.)