platanus, s. m. (Histoire naturelle, Botanique) genre de plante à fleur en chaton, en forme de peloton, et composé de plusieurs étamines ; cette fleur est stérîle ; le jeune fruit, qui n'est d'abord qu'un globule contenant plusieurs embryons, devient dans la suite plus gros, et renferme des semences qui ont un peu de duvet. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

PLATANE, platanus, (Jardinage) très-grand arbre qui vient naturellement en Asie et dans l'Amérique septentrionale. Après le cedre du Liban, c'est l'arbre le plus vanté de l'antiquité. Les auteurs de ces temps reculés font mention d'arbres de cette espèce, qui ont attiré l'admiration, par leur grande stature, leur prodigieuse grosseur, leur vaste étendue et la beauté de leur feuillage. Ils citent à ce sujet des faits singuliers et mémorables. Les Poètes et les Orateurs, les Historiens, les Naturalistes et les Voyageurs ont célebré le platane, et nous ont transmis des détails sur les qualités d'agrément et d'utilité qu'on lui reconnait aujourd'hui. Cet arbre était connu en Grèce dès les temps florissants de cette république, où chaque citoyen s'introduisait à la philosophie : toutes les avenues des fameux portiques où s'assemblait la jeunesse pour différents exercices étaient plantés de platanes, afin de réunir la commodité à l'agrément par la fraicheur de l'ombrage et de la beauté du feuillage. Bien-tôt après les Romains, dans l'âge éclatant de leur empire, tirèrent cet arbre de l'Asie. Ils en faisaient leurs délices et l'ornement de leurs maisons de plaisance. Ils n'épargnaient ni soins, ni dépense pour le cultiver ; jusqu'à prendre plaisir à le faire arroser avec du vin : ce qui, dit-on, accélerait considérablement son accroissement. On prétend que cet arbre fut ensuite apporté en France, où les plus grands seigneurs faisaient un si grand cas de son ombre, qu'on exigeait un tribu des gens qui voulaient s'y reposer. Mais il ne parait pas que le platane alors ait été fort répandu dans ce royaume, ni qu'il s'y soit soutenu longtemps. Quoi qu'il en sait, cet arbre est présentement assez commun en Italie, en Espagne et en Angleterre. A ce dernier égard, on croit que c'est le chancelier Bacon qui a fait planter les premiers arbres de cette espèce dans les jardins de son château de Verulam. On ne date pas de si loin en France pour la dernière époque du retour de cet arbre : le platane le plus ancien que l'on y connaisse est au Jardin du Roi à Paris, il peut avoir 60 ans ; mais ce n'est que depuis trente années environ que quelques curieux ont commencé à tirer d'Angleterre des plants de cet arbre, qui restait concentré dans le petit cercle des amateurs de collection d'arbres étrangers. M. de Buffon a été des premiers à faire usage des platanes pour l'ornement des jardins ; il a eu la satisfaction de les voir prospérer et donner des graines fécondes, dans sa terre de Montbard en Bourgogne : on a fait dans ce canton des essais pour la multiplication de cet arbre, qui ont parfaitement réussi, et donnent lieu à en répandre des plants dans le royaume. Cependant le platane n'était pas encore assez connu pour exciter une curiosité plus générale ; il a fallu l'exemple du prince. Depuis qu'on a fait venir d'Angleterre pour le roi une assez grande quantité de platanes, on voit croitre tous les jours le goût d'employer cet arbre dans toutes les parties qui peuvent contribuer à l'embellissement des jardins.

Le platane est en grande estime dans la Perse, où on le cultive avec une prédilection singulière : c'est cependant moins pour l'agrément qu'il procure, que dans des vues plus utiles et plus grandes. Les Persans prétendent que cet arbre contribue à la pureté de l'air et à la salubrité du pays. Voici ce que rapporte le chevalier Chardin dans la relation de ses voyages, édit. d'Amst. 1711. " Les arbres les plus communs de la Perse sont le platane, etc. Les Persans tiennent qu'il a une vertu naturelle contre la peste, et contre toute autre infection de l'air ; et ils assurent qu'il n'y a plus eu de contagion à Hispahan, leur capitale, depuis qu'on en a planté par-tout, comme on a fait dans les rues et dans les jardins. " Cet arbre répand en effet une odeur douce, balsamique et agréable, qui saisit légèrement quand on approche ; mais qui ne se fait pas sentir plus vivement lorsque l'on manie ses feuilles. C'est l'ensemble des parties de l'arbre qui répand cette odeur, et ce n'est que par la quantité des plants qu'elle peut se généraliser et se porter au loin.

Le platane fait de lui-même une tige droite qui s'élève à une grande hauteur. Il grossit à proportion, et sa tête prend une belle forme. L'écorce est de différente couleur dans chaque variété de cet arbre ; mais elle est toujours lisse et unie à tout âge, parce qu'elle se renouvelle chaque année pour la plus grande partie et par places inégales ; il s'en détache de temps-en-temps des lambeaux qui tombent peu-à-peu. Sa feuille est découpée en cinq parties ; elle diffère pour la forme, la grandeur et la nuance de verdure, suivant la diversité des espèces. L'arbre produit au commencement de Mai des globules qui rassemblent les fleurs mâles et les fleurs femelles ; ce sont quantité de petits filets qui n'ont nulle belle apparence ; ces filets correspondent aux graines qui sont rassemblées autour d'un noyau dur et ligneux. Il vient trois, quatre ou cinq de ces globules, le long d'un filet commun, qui a six ou sept pouces de longueur ; et chaque globule, qui a dans son état de perfection douze ou quatorze lignes de diamètre, contient cinq à six cent graines, qui ont quelque ressemblance avec celle de la scabieuse.

Cet arbre a d'excellentes qualités ; on peut le multiplier très-aisément, son accroissement est extrêmement prompt, la plupart des expositions lui conviennent, et il réussit même dans des terrains de médiocre qualité. Il est très-robuste, il résiste dans la force de l'âge à l'impétuosité des vents ; il supporte très-aisément la transplantation, et on peut le tailler dans toutes les saisons sans aucun inconvénient. Enfin, il n'est sujet à aucune maladie ; il n'occasionne point de saleté, et jamais aucun insecte que ce soit n'attaque ses feuilles, ni même ne s'y arrête.

Tous les auteurs s'accordent à assigner au platane un terrain gras et humide : il est vrai qu'il se plait dans les terres qui sont limoneuses, et dans le voisinage des eaux. Mais il ne faut pas que la terre soit trop forte, trop dure, ni mélée d'argîle ou de glaise ; j'ai éprouvé que cet arbre s'y soutient difficilement, que son accroissement y est retardé de moitié, et qu'il n'y donne pas de belles feuilles. Mais j'ai Ve au contraire qu'il réussit à souhait, et qu'il fait les plus grands progrès dans les terres meubles et douces, le long des canaux, sur le bord des ruisseaux, et particulièrement dans les coteaux exposés au nord, qui ont peu de pente, et où il y a des suintements d'eaux. Toutes les terres qui ont de la substance, de la fraicheur et de la légèreté lui conviennent, quand même elles seraient mêlées de sable et de pierrailles. Ces circonstances jusqu'ici sont préférables pour faire le mieux ; mais elles ne sont pas indispensables : on s'est assuré que le platane se contente d'un sol médiocre et élevé, qu'il ne craint pas absolument les terres légères, même un peu séches, lorsqu'elles ont de la profondeur ; qu'il vient bien partout où le tilleul réussit, et que même on l'a employé avec succès pour remplacer dans des lieux élevés ce dernier arbre qui ne pourrait y profiter ni s'y soutenir.

Il y a différents moyens de multiplier le platane. On peut le faire venir de graine, de bouture, de branches couchées, et même par les racines. La semence est la voie la plus longue, la plus difficîle et la plus désavantageuse. La bouture est le moyen le plus simple et le plus convenable quand on veut se procurer beaucoup de plants. La branche couchée est le parti le plus propre à accélerer l'accroissement. A l'égard des racines, c'est un expédient de peu de ressource. Nul moyen au reste de multiplier cet arbre par les rejetons ou par la greffe : le platane ne donne au pied aucuns rejetons enracinés, et il ne peut se greffer sur aucune autre espèce d'arbre. Dès l'âge de 7 ans, cet arbre commence à porter des graines : elles ne sont en maturité que dans le mois de Janvier ; ce qui se manifeste lorsqu'en serrant le lobule avec les doigts, les graines se détachent aisément de l'espèce de noyau qui les tient rassemblées. Cette graine lève difficilement et en bien petite quantité ; car il n'en réussit pas la dixième partie. Mais ce qu'il y a de pis, c'est qu'elle ne produit que des plants bâtards : non seulement ils ne sont pas de même feuille que l'arbre dont a tiré la graine, mais il y a tant de variété par des nuances insensibles dans la découpure des feuilles et dans la teinte de verdure, que presque tous les plants ont entr'eux de la différence. L'incertitude du succès des graines de cet arbre vient de deux circonstances ; d'abord de la configuration de la graine ; elle est enveloppée d'une gaine assez longue, qui est garnie d'un duvet tenace, ce qui l'empêche de percer aisément la terre. Ensuite les plants qu'elle produit sont si petits, si minces, si faibles dans leur première venue, qu'ils sont très-sujets à pourrir dans les terres humides, ou à être brulés par la trop grande ardeur du soleil. Ce n'est donc qu'en semant avec précaution, et en soignant les jeunes plants lorsqu'ils sont levés, qu'on peut les garantir. Il s'ensuit encore que cette graine réussit rarement en la semant en pleine terre, et qu'il y a plus d'avantage à la semer dans des terrains ou des caisses plates. Pour y parvenir, on emplira jusqu'à deux pouces du bord le vase dont on se servira, avec de la bonne terre de potager, bien meuble, et mélée d'une moitié de terreau de vieilles couches, bien consommé. On commencera par détacher les graines du noyau qui les rassemble, et qu'il faut rejeter : il faut une bonne poignée de graines pour semer une terrine : on en prendra la quantité nécessaire à proportion du nombre de terrines que l'on veut semer : ensuite on la mélera avec du terreau sec et bien consommé, que l'on aura passé dans un crible très-fin : puis on frottera ce mélange entre les mains pendant environ un quart-d'heure, tant pour mêler les graines avec la terre, que pour détacher le duvet qui les environne. Cette opération étant faite avec soin, car elle est essentielle, on mettra dans les terrines, qu'on suppose disposées comme on l'a dit, un pouce d'épaisseur environ, de ce mélange, sans qu'il soit besoin de le couvrir d'autre terre.

Le temps le plus propre à semer cette graine est du 10 au 20 Avril : elle levera au bout de trois semaines, et tout ce qui doit venir lève en 6 ou 8 jours ; après quoi il n'y a plus rien à attendre. Il faudra entretenir les terrines dans un état de fraicheur par des arrosements legers et fréquents. Dès que les graines commencent à lever, il faut redoubler d'attention en les abritant soit contre les pluies de durée, ou contre la trop vive ardeur du soleil, en les arrosant au besoin fort légèrement.

Les jeunes plants s'élèvent dès la première année à 12 ou 15 pouces. On les fera passer l'hiver dans l'orangerie, et on pourra les mettre en pepinière au printemps suivant. Si on les y soigne bien, ils seront en état au bout de quatre ou cinq ans d'être transplantés à demeure. On peut élever le platane de boutures qui réussissent très-aisément. Voyez la façon de faire ces boutures par une nouvelle méthode, au mot MEURIER. Elles s'élèvent dès la première année jusqu'à six et sept pieds, et la plupart font assez de racines pour être mises en pepinière dès l'automne suivante. Au bout de trois ans elles seront en état d'être transplantées à demeure : mais si elles peuvent rester dans leur première place sans se nuire, on gagnera encore une année.

Un grand moyen de faire venir le platane, c'est de le multiplier en couchant ses branches, sans qu'il soit besoin de les marcotter. C'est le parti le plus prompt, le plus facîle et le plus avantageux. La plupart des plants que l'on élève de cette façon prennent dès la première année jusqu'à dix pieds de hauteur sur une tige droite, forte et vigoureuse, qui souvent se trouve suffisamment enracinée pour être transplantée l'automne suivante. Mais si on les laisse en place, ils s'éleveront dans la seconde année jusqu'à 14 ou 15 pieds, sur 4 à 5 pouces de circonférence. Ensorte qu'en 18 mois de temps, car on suppose que les branches ont été couchées au printemps, on a des arbres faits, qui sont très-vigoureux, bien garnis de branches, et fort en état d'être transplantés à demeure. Il faut pour cela coucher en entier des arbres de trois ou quatre ans. Il est vrai que toutes les branches que l'on couche ne donnent pas des plants d'égale force, mais il ne faudra aux plantes faibles qu'une année de plus pour atteindre les plus forts. Sur la façon de coucher les branches, voyez le mot MARCOTTER.

Cet arbre, si petit sait-il, est robuste lorsqu'il a été élevé de graine, de branches couchées, ou par le moyen des racines. Mais il n'en est pas de même des plants qui sont venus de bouture ; comme ces boutures ne commencent à pousser vigoureusement qu'en été, et que leur seve se trouve encore en mouvement jusque bien avant dans le mois d'Octobre ; le bois ne se trouvant pas alors suffisamment saisonné, il arrive quelquefois qu'elles sont endommagées par les premières gelées d'automne, et ce qu'il y a de plus facheux, c'est que pour peu que les plants aient été gelés à la cime, il en résulte une corruption dans la seve qui les fait entièrement périr pour la plupart. Mais outre que cet accident est rare, c'est qu'il n'arrive que dans des pays montagneux, dans des vallons serrés, dans des gorges étroites, et dans le voisinage des eaux où les gelées se font sentir plus promptement et plus vivement que dans les pays ouverts. Au surplus, cet inconvénient n'est à craindre que pour la première année : dès qu'elle est passée, les plants venus de bouture sont aussi robustes que ceux qui ont été élevés d'autre façon.

Le platane réussit aisément à la transplantation, parce qu'il fait de bonnes racines qui sont bien ramifiées. Le printemps est la saison la plus convenable à cette opération, mais il faut s'y prendre le plutôt que l'on peut, et aussi-tôt que la terre est praticable, à la fin de Février ou au commencement de Mars. Ce n'est pas que cette transplantation ne puisse aussi se faire avec succès dans l'automne, pourvu que le terrain ne soit pas humide, et qu'il ne s'agisse pas de planter des arbres d'une première jeunesse, qu'un hiver rigoureux pourrait endommager : mais on peut parer ce dernier accident en enveloppant de paille la tige des jeunes plants. Le platane quoiqu'âgé, et déjà dans sa force, peut se transplanter avec succès : on en a fait l'essai sur des arbres qui étaient de la grosseur de la jambe, et qui ont bien réussi. Quant à la forme des trous et à la façon de planter, il ne faut pas d'autre précaution, que celle que l'on prend ordinairement pour les ormes et les tilleuls.

On peut tailler cet arbre autant que l'on veut, et dans toutes les saisons ; même lui retrancher de grosses branches sans le moindre inconvénient. Mais ses rameaux ne sont pas assez menus pour y appliquer le volant ; d'ailleurs la tonte que l'on fait avec cet outil dans la belle saison ne convient pas pour les arbres à larges feuilles. Il faut donc se servir de la serpette ; plus on taillera le platane, mieux il profitera : ce secours est même nécessaire pour le rendre branchu, et le faire garnir dans les commencements, parce qu'il s'élance trop dans la première fougue de la jeunesse : ainsi, soit qu'on le destine à former des allées, des quinconces, des salles, etc. il faut le tailler pendant plusieurs années sur deux faces, en arrêtant à environ six pouces ou un pied de la ligne les branches qui s'élancent ; c'est-à-dire, former ces arbres en hautes palissades sur des tiges de huit ou dix pieds. Ce soin de culture leur est extrêmement essentiel ; si on le néglige, ce sera fort aux dépens de l'agrément. Comme on est souvent obligé de mettre des bâtons aux platanes pour les dresser et les soutenir dans leur jeunesse, il arrive presque toujours deux inconvénients : les liens étranglent l'arbre promptement, et le vent qui a beaucoup de prise sur de grandes feuilles, casse la tige au-dessus du bâton. Il faut visiter et changer deux ou trois fois les liens pendant l'été, et on doit se servir de fortes et grandes perches, qui soient au moins de six pieds plus hautes que l'arbre, afin de pouvoir y attacher la maîtresse tige à mesure qu'elle s'éleve. Mais dès que les arbres peuvent se soutenir, il faut supprimer les perches ; elles ne pourraient que leur nuire.

Le platane a plus de disposition à s'élever qu'à s'étendre : et il en est tout autrement de ses racines, qui pivotent rarement. On peut régler la distance de cet arbre à 15 ou 20 pieds pour en former des avenues ou des allées, selon la qualité du terrain ou le désir de jouir. A l'égard des quinconces et des salles, il faut le serrer davantage, car le principal objet de pareilles dispositions étant de se procurer de l'ombre, on pourra restraindre la distance à 12 pieds.

Je n'ai dit qu'un mot sur la greffe du platane ; il est bon d'y revenir pour détruire les fausses notions que peuvent donner à ce sujet quelques anciens auteurs qui ont traité de l'Agriculture et qui ont été respectés par plusieurs écrivains modernes. Ils ont vanté les prodiges qu'opérait la greffe sur le platane ; à les en croire, on peut faire porter à cet arbre des pommes, des cerises et des figues : mais la nature ne se prête point à des alliances dénuées de tous rapports analogues, et bien loin que les greffes des fruitiers en question puissent réussir sur le platane, on s'est assuré par quantité d'épreuves, que c'est peut-être de tous les arbres celui qui est le moins propre à servir de sujet pour la greffe. Non-seulement les arbres fruitiers que l'on a cités n'y reprennent pas ; mais ce qu'il y a de plus surprenant, c'est que les écussons pris sur un platane et appliqués sur le même arbre ne réussissent point : de plus, un écusson de figuier posé sur un platane le fait périr entièrement l'hiver suivant, tant il y a d'oppositions entre les sucs séveux de ces deux genres d'arbres.

Il n'est guère possible encore de déterminer bien précisément la qualité du bois de platane, sa force, sa durée, ses usages : il faudrait de gros arbres pour en faire l'essai, et les avoir employés pour en pouvoir juger : tout ce qu'on en sait à présent, c'est que ce bois est blanc, assez compacte, un peu pliant, et d'une force moyenne : qu'il est d'un tissu serré et fort pesant quand il est verd ; mais qu'il perd beaucoup de son poids en sechant : que sa dureté ressemble à celle du bois d'hêtre, et que son essence tient un milieu entre celle du chêne et du hêtre. On assure que les Turcs s'en servent pour la construction de leurs vaisseaux. Ce qu'il y a de plus certain, c'est qu'en Canada on emploie avec succès aux ouvrages de charronage le bois de platane d'occident.

Les auteurs de Botanique et d'Agriculture ne font mention jusqu'à présent que de trois espèces de platane.

1. Le vrai platane du levant. C'est l'espèce la plus anciennement connue, et dont on a publié de si grands éloges ; mais il s'en faut bien que ce soit le plus beau des platanes, ni qu'il prévale par ses autres qualités : son écorce est plus brune, ses branches plus rameuses, ses feuilles plus petites, plus découpées, d'un verd plus obscur, et son accroissement plus long de moitié que dans les deux autres sortes de platane.

Le platane du levant fait une tige droite, prodigieusement grosse, s'élève à une grande hauteur, et forme une belle tête très-garnie de branches, qui s'étendent au large et donnent beaucoup d'ombrage : son écorce d'une couleur brune et rougeâtre est toujours lisse et unie, quoique l'arbre soit âgé ; elle se détache peu-à-peu du tronc et elle tombe par lambeaux, qui ressemblent à des morceaux de cuir : sa feuille est profondément découpée en cinq parties, en manière d'une main ouverte ; elle est de médiocre grandeur, épaisse, dure, et d'un verd foncé : elle a le défaut de rester sur l'arbre pendant tout l'hiver, quoique desséchée : ce platane Ve d'un peu loin a l'apparence d'un chêne.

2. Le platane d'occident ou de Virginie. Cet arbre est très-commun dans la Louisiane, dans la plupart des colonies anglaises, et dans la partie méridionale du Canada, où il parvient à une hauteur et à une grosseur prodigieuse, mais on le trouve surtout dans les lieux bas et sur le bord des rivières. C'est la plus belle espèce de platane, et l'arbre le plus apparent que l'on puisse employer pour l'ornement d'un grand jardin ; il fait naturellement une tige droite et bien proportionnée ; ses branches qui se dressent et qui se soutiennent en ligne diagonale, forment une belle tête. Son écorce lisse, unie et d'un verd jaunâtre est d'un joli aspect. Ses feuilles sont fermes, unies et luisantes, plus larges que longues, d'une forme aussi singulière qu'agréable, et de la plus belle verdure : leur largeur Ve souvent à un pied, et quelquefois jusqu'à un pied et demi ; mais elles ont communément huit à neuf pouces de largeur. L'accroissement de cet arbre est des plus prompts ; il n'y a guère que le peuplier de la Caroline qui fasse des progrès plus rapides. On voit actuellement, 1761, dans les jardins de M. de Buffon, que l'on a déjà cités, une grande allée de cette espèce de platane, plantée depuis 12 ans, dont la plupart des arbres ont trente-huit à quarante pieds de haut, sur environ deux pieds et demi de circonférence. Cependant ces jardins sont au-dessus d'un monticule, dans un terrain sec, léger, et d'une profondeur assez médiocre ; ces arbres y rapportent tous les ans des graines qui sont fécondes ; il y avait déjà en 1728 des plantes de cette force à Chelsea en Angleterre.

Ce platane est très-propre à former des avenues, des allées, des quinconces, des salles de verdure, etc. il fait un beau couvert, donne beaucoup d'ombre et de fraicheur. Il ne souffre aucun insecte, il n'occasionne point de saleté, son feuillage par sa verdure tendre, vive et brillante est du plus grand agrément pendant tout l'été et la plus grande partie de l'automne.

3. Le platane du levant à feuille d'érable. C'est une variété qui ressemble plus au platane d'Occident qu'à celui du levant, mais elle n'a pas la beauté du premier.

Comme les graines de platane lèvent très-difficilement et qu'on a Ve que bien des tentatives que l'on a faites pour le multiplier de cette façon ne réussissaient pas, on a cru pendant longtemps que c'était la faute des graines, que celles recueillies en France n'était point fécondes, et que celles qu'on tirait des pays étrangers étaient surannées ou défectueuses ; mais depuis dix ans que je fais semer des graines de différents pays, elles n'ont jamais manqué de lever, et elles ont produit une grande quantité de variétés qui sont toutes bâtardes et dégénérées pour les feuilles, l'écorce, l'accroissement, et le port des arbres. Les plants qui sont venus de graines recueillies sur le vrai platane du levant, ont l'écorce grise, le bois plus gros, et l'accroissement plus prompt : leurs feuilles sont plus grandes, moins profondément découpées, et quelquefois divisées en sept parties au lieu de cinq ; et tout cela avec presque autant de variations par nuances insensibles, qu'il est venu de plants. Les graines au contraire prises sur le platane d'Occident ont donné des plants dont l'écorce sur les jeunes branches est rousse, grise, ou rougeâtre, etc. Leur bois est plus menu, les entre-nœuds plus serrés, les boutons tantôt très-obtus, et d'autres fois très-aigus, et leur accroissement est plus lent. Leurs feuilles sont plus petites, de différentes nuances de verd, tantôt mattes, tantôt luisantes, très-souvent plus découpées et quelquefois bien moins échancrées, et divisées seulement en trois parties : enfin la graine de ce platane d'occident produit tant de nuances de variétés qu'il n'est pas possible de les détailler, et ce qu'il y a encore de particulier, c'est que chaque année en amène d'un nouveau gout. Malgré cela on reconnait toujours dans ces feuilles la forme capitale qui caractérise le platane, mais les modifications sont sans nombre, tant la nature a de ressources pour varier ses productions ; que serait-ce encore si l'on semait ces graines dans des terrains et sous des climats différents !

Parmi toutes ces variétés, il y en a trois qui m'ont paru mériter d'être multipliées par préférence.

Le platane du levant à feuille découpée en sept parties. Sa feuille est plus grande que celle du vrai platane, la forme en est agréable par la finesse des dentelures, et la verdure en est belle.

Le platane d'occident à feuille en patte d'oie. Cet arbre, sans avoir la beauté de l'espèce d'où il dérive, a une apparence singulière qui le distingue d'une façon marquée de toutes les autres variétés. Outre les différences de l'écorce qui est grise, un peu rude, et de la verdure de son feuillage qui est légère et mate, et de l'accroissement qui est moins prompt, sa feuille dont les deux côtés se recourbent en-dedans, ne laisse voir que les trois pointes de l'extrémité, ce qui a quelque apparence de la forme d'une patte d'oie.

Le platane d'occident à feuille peu découpée. C'est la plus belle de toutes les variétés qui me sont venues de semence jusqu'à présent ; il est vrai que sa feuille est plus petite et son accroissement plus lent que dans le platane d'occident ordinaire qui l'a produit ; mais cette variété ne lui cede rien pour l'agrément : son écorce est rougeâtre sur les jeunes branches ; les boutons sont obtus ; sa feuille est arrondie par le bas, les échancrures sont moins profondes, et les dentelures ou sinuosités de la bordure sont très-peu sensibles. C'est la feuille la moins échancrée de tous les platanes, et dont la verdure est la plus gaie, la plus vive, la plus brillante et la plus belle. Comme les nœuds sont plus serrés sur les branches, ce qui donne plus de rameaux, et par conséquent plus de feuillage, cet arbre réunit à la beauté du platane tout l'agrément du tilleul, attendu qu'on en peut tirer le même service, ce platane étant encore plus propre que les autres espèces, à former des quinconces, de hautes palissades, des portiques, des salles de verdure, et toutes les autres dispositions qui peuvent contribuer à l'embellissement des jardins. Article de M. D'AUBENTON, subdélégué.