S. m. (Histoire naturelle, Botanique et Jardinage) grand arbre qui croit dans les climats tempérés de l'Europe, où on le trouve dans les bois ; mais non pas en aussi grand nombre que les autres arbres forestiers, qui se plaisent sous la même température. Le cormier fait une belle tige, longue, droite, unie, et d'une grosseur bien proportionnée. Ses branches, qui se soutiennent et se rassemblent, forment une tête assez régulière. Ses racines, qui sont grosses et fortes, s'enfoncent plus qu'elles ne s'étendent. Son écorce est de couleur fauve sur les pousses d'un an ; les branches, d'un pouce de diamètre, sont marquetées de taches blanchâtres, qui s'étendent et couvrent le bois lorsqu'il devient de la grosseur du bras : mais dès qu'il prend plus de volume, son écorce rembrunit par les gersures qui la déchirent et la font tomber par filandres. Sa feuille, en façon d'aile, est composée de treize ou quinze folioles oblongues et dentelées, qui sont velues et blanchâtres en-dessous. Il donne au mois de Mai des fleurs d'un blanc sale, disposées en bouquet. Le fruit qui leur succede ressemble ordinairement à une petite poire ; cependant il varie de forme, et même de couleur et de gout, selon les différentes espèces de cet arbre, mais sa maturité s'opère différemment de celle des autres fruits ; ce n'est qu'après qu'elles sont cueillies, que les cormes s'amollissent en contractant une sorte de pourriture qui les rend supportables au gout. Aussi n'est-ce pas ce que cet arbre a de plus recommandable ; on l'estime bien plus pour l'excellente qualité de son bois, dont la solidité, la force et la durée le font rechercher pour quantité d'usages, auxquels ces conditions sont absolument essentielles.

Le bois du cormier étant donc extrêmement compacte et dur, il en résulte que son accroissement est beaucoup plus lent que celui des autres arbres. Quand on l'élève de semence, il ne parvient en quatre ans qu'à deux pieds de hauteur environ ; le saule, au contraire, le peuplier, les grands érables, le platane, etc. s'élèvent jusqu'à douze pieds dans le même espace de temps : ainsi l'accroissement du cormier est donc six fois plus lent que celui des grands arbres qui croissent promptement. Tout est conséquent dans les opérations de la nature : la lenteur de l'accroissement de cet arbre influe aussi sur le temps de la production de son premier fruit, en proportion à-peu-près égale. Ce n'est guère qu'après trente ans qu'il en rapporte, au lieu que les autres grands arbres en donnent la plupart dès l'âge de sept ans. Nul doute aussi que cette qualité de son bois ne contribue à faire résister cet arbre à toutes les intempéries des saisons. Angran, qui a donné quelques observations sur l'Agriculture, rapporte que le grand hiver de 1709 ne porta aucun préjudice au cormier. On le met, avec raison, au rang des grands arbres. Il s'élève souvent à plus de cinquante pieds, et j'en ai Ve qui avaient jusqu'à sept pieds de tour dans des terrains qui leur convenaient.

Ceux où le cormier se plait davantage, sont les terres fortes, limoneuses, substantielles, et même argilleuses, les lieux frais et humides, les places découvertes, et l'exposition du nord : il vient assez bien aussi dans tous les terrains cultivés, et il ne craint que ceux qui sont trop secs, et les situations trop chaudes : l'une ou l'autre de ces deux circonstances l'empêchent également de profiter et de fructifier, à moins pourtant qu'il n'y ait été élevé de semence.

Ce moyen est le plus sur qu'on puisse employer pour la multiplication du cormier. On pourrait aussi y parvenir en couchant ses branches ou en greffant : mais ces expédiens sont de peu de ressource, et si l'on veut se procurer des plants en certaine quantité, et même des variétés, le seul parti qui convienne est de semer. On peut s'y prendre aussi-tôt que le fruit est en maturité, c'est-à-dire lorsqu'il est suffisamment pourri ; ou bien attendre au printemps, en prenant la précaution de conserver jusqu'à ce temps les pepins des cormes dans du sable en un lieu sec. Ils ne leveront pour l'ordinaire qu'à l'autre printemps. Deux ans après qu'ils auront levé, leur hauteur sera d'environ un pied ; alors on pourra les mettre en pepinière, où il faudra les conduire comme les plants de poirier. Après y avoir passé quatre années, ils auront communément quatre pieds de haut, et il leur faudra bien encore autant de temps pour qu'ils soient en état d'être transplantés à demeurant. Ainsi en supposant même qu'on ait aidé ces plants par une culture bien suivie, on ne peut guère compter de les avoir un peu forts que dix ou douze ans après les avoir semés.

Mais comme le cormier reussit à la transplantation peut-être mieux qu'aucune autre espèce d'arbre, le plus court moyen de s'en procurer quelques plants, sera d'en faire arracher dans les bois : par-là on s'épargnera bien du temps ; car ils souffriront la transplantation quoique fort gros. J'en ai Ve réussir dans les plantations de M. de Buffon, en ses terres de Bourgogne, qui avaient plus d'un pied de tour, et au moins vingt-cinq de hauteur. Tout cet acquis de volume ne dispense pas d'attendre encore une dixaine d'années pour les voir donner du fruit. mais quoique ces arbres reprennent très-aisément à la transplantation, que l'on ne s'imagine pas pour cela qu'il n'y ait qu'à en garnir des terrains incultes, pour avoir tout à coup une forêt ; on y serait fort trompé : la première année ils y feraient des merveilles, il est vrai ; mais les deux ou trois années suivantes leur accroissement diminuerait de plus en plus, jusqu'au point qu'enfin ils ne pousseraient qu'au pied, et qu'alors il faudrait les recéper. Il faut donc à ces arbres transplantés une demi-culture, telle qu'ils peuvent la trouver dans les vignes, les enclos, les terres labourables, etc. Mais quand le cormier est venu de semence dans l'endroit même, il réussit presque par-tout sans aucune culture.

On peut greffer cet arbre sur le poirier et sur le pommier, où il reprend bien rarement ; sur le coignassier, suivant le conseil d'Evelyn ; et particulièrement sur l'aubepin, où il réussit très-bien, au rapport de Porta. Comme le cormier se trouve plus fréquemment en Italie que nulle autre part, on peut s'en rapporter à cet auteur qui était Napolitain. Cet arbre peut aussi servir de sujet pour la greffe du poirier, qui y réussit difficilement ; du coignassier et de l'aubepin, qui y prennent mieux, mais qui sont des objets indifférents.

Les cormes ne laissent pas d'avoir quelqu'utilité, on peut en manger dans le milieu de l'automne, aussitôt que la grande âpreté du suc de ce fruit a été altérée par la fermentation qui en occasionne la pourriture. Les pauvres gens de la campagne en font quelquefois de la boisson ; et même ils font moudre de ces fruits secs avec leur blé, lorsqu'il est chargé d'yvraie, pour en atténuer les mauvais effets. Voyez CORME.

Le bois du cormier est rougeâtre, compacte, pesant, et extrêmement dur ; d'une grande solidité, d'une forte résistance, et de la plus longue durée ; aussi est-il très-recherché pour quantité d'usages. Il est excellent pour la menuiserie, pour faire des poulies, des vis de pressoir, des poupées de tour, des jumelles de presse, et pour toutes les menues garnitures des moulins. Il est très-propre à recevoir la gravure en bois. Les Armuriers s'en servent pour la monture de quelques armes ; et les Menuisiers le préfèrent pour les manches et les garnitures d'affutage de leurs outils. Ce bois est rare, et fort cher ; quoiqu'on puisse employer la plus grande partie des branches du cormier, parce qu'il est sans aubier.

Voici les différentes espèces ou variétés du cormier les plus connues jusqu'à présent.

Le cormier franc. C'est celui que l'on trouve le plus communément dans les enclos et dans les héritages.

Le cormier à fruit en forme de poire.

Le cormier à fruit en façon d'œuf. Les fruits de ces deux dernières espèces sont les plus âpres et les plus austères de tous.

Le cormier à fruit rouge. Ce fruit est plus gros et d'un meilleur goût que ceux des espèces précédentes.

Le cormier à fruit rougeâtre. Ce fruit est aussi gros que celui de l'arbre qui précède, mais inférieur pour le gout.

Le cormier à petit fruit rouge. Ce fruit est moins moelleux et plus tardif que ceux des autres espèces ; aussi n'est-il pas trop bon à manger.

Le cormier à fruit très-petit. Quoique le fruit de cet arbre soit le plus petit de tous, il est assez agréable au gout.

Le cormier du Levant à feuille de frêne.

Le cormier du Levant à gros fruit jaunâtre. Ces deux dernières espèces sont si rares, qu'on ne les connait encore que sur le récit de Tournefort, qui les a trouvées dans le voyage qu'il a fait au Levant.

Le cormier sauvage ou le cormier des aiseleurs. Cette espèce est très-différente de celles qui précèdent, surtout des sept premières, qui ne sont que des variétés occasionnées par la différence des climats ou des terrains. Ce cormier ne fait pas un si grand arbre que tous les autres : il donne de bien meilleure heure au printemps de plus grandes feuilles, et d'une verdure plus tendre et plus agréable. Ses fleurs disposées en ombelle, sont plus blanches, plus hatives, et plus belles ; elles ont même une odeur qui est supportable de loin. Il y a encore plus de différence dans le fruit de cet arbre ; ce sont des baies d'un rouge vif et jaunâtre, qui se font remarquer en automne : quoiqu'elles soient desagréables au gout, et nuisibles à l'estomac, elles sont si recherchées de quelques oiseaux qui en font leurs délices, que cet arbre les attire et sert particulièrement à les piper. Il croit plus promptement, se multiplie plus aisément, et donne bien plutôt du fruit. Il résiste dans des climats froids, et jusque dans la Laponie. Il vient dans presque tous les terrains ; il se plait également dans les fonds marécageux, et sur la crête des montagnes. On peut même tirer quelque parti de cet arbre pour l'agrément : il montre tout des premiers, et dès le mois de Mars une verdure complete , qui jointe à ses fleurs en grandes ombelles qui paraissent à la fin d'Avril, et à la belle apparence de ses fruits en automne, doit lui mériter d'avoir place dans les plus jolis bosquets.

On peut le multiplier de graines qu'il faut semer au mois d'Octobre, et qui leveront au printemps suivant ; ou bien par sa greffe, que j'ai Ve réussir parfaitement sur l'aubepin, si ce n'est que par ce moyen l'arbre ne s'élève guère qu'à douze ou quinze pieds ; ce qui est fort au-dessous du volume qu'il peut acquérir lorsqu'il est venu de semence. M. Miller dit en avoir Ve dans quelques contrées D'Angleterre qui avaient près de quarante pieds de hauteur sur deux pieds de diamètre, mais que dans d'autres endroits cet arbre ne s'élevait qu'à vingt pieds. Sa tige est menue, fort droite, et d'une belle écorce unie où la couleur fauve domine. Son bois est fort estimé pour le charronage et pour d'autres usages, parce qu'il est tout de cœur, et presqu'aussi dur que celui du cormier ordinaire.

La plupart des auteurs français qui ont traité de l'Agriculture, ont souvent donné au cormier le nom de sorbier, et ont employé ces deux noms indifféremment en traitant du cormier. Ne s'entendrait-on pas mieux par la suite, si on ne donnait le nom de cormier qu'aux neuf premières espèces que j'ai rapportées, et si on appliquait particulièrement le nom de sorbier à la dernière espèce, qui se distingue des autres par des différences si sensibles ? (c)