TILLAU, s. m. (Histoire naturelle, Botanique) tilia, genre de plante à fleur en rose composée de plusieurs pétales disposés en rond ; le pistil sort du calice, et devient dans la suite une coque qui n'a qu'une seule capsule, et qui renferme des semences oblongues. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

TILLEUL, tilia, grand arbre qui vient naturellement dans les climats tempérés de l'Europe et de l'Amérique septentrionale. Il fait une belle tige, fort droite, et d'une grosseur proportionnée ; sa tête se garnit de beaucoup de rameaux, et prend d'elle-même une forme ronde et régulière ; son écorce qui est d'abord unie, mince et cendrée dans la jeunesse de l'arbre, devient brune, épaisse et gersée à l'âge de quinze ou vingt ans. Ses racines qui sont fort fibreuses s'étendent au loin près la surface de la terre ; sa feuille est grande, faite en manière d'un cœur, dentelée sur les bords, et d'une agréable verdure. Cet arbre donne ses fleurs au mois de Juin ; elles sont petites, jaunâtres, peu apparentes, mais de très-bonne odeur ; les graines qui succedent sont des coques rondes, velues, anguleuses, de la grosseur d'un pais, renfermant une ou deux amandes douces au goût ; elles sont en maturité au mois d'Aout, et elles tombent en Septembre.

Le tilleul est un arbre forestier du troisième ordre ; on le met au rang des arbres que l'on désigne par bois blancs : par conséquent on en fait assez peu de cas ; on le laisse subsister dans les bois où il se trouve, parce qu'il fait une bonne garniture dans les endroits où d'autres arbres d'une meilleure essence ne réussiraient pas si bien ; mais on ne s'avise guère d'en former de nouveaux cantons de bois ; cependant c'est l'arbre que l'on cultive le plus en France par rapport à l'agrément.

Cet arbre vient dans presque tous les terrains et à toutes expositions ; il réussit dans les vallées, le long des coteaux, même sur les montagnes. Toutes ces situations lui sont à-peu-près égales, pourvu que la première position ne soit pas trop aquatique, la seconde trop chaude, et qu'il y ait dans la dernière, ou de l'humidité ou de la profondeur, ou enfin quelque mélange de terre limoneuse ; mais le tilleul se plait particulièrement dans un terrain gras et fertile. Il fait les plus grands progrès dans la terre franche mêlée de gravier, et il réussit fort bien dans les terres legeres qui ont beaucoup de fonds ; il dépérit par la pourriture de ses racines dans un sol trop aquatique ; les Hollandais le jugent de cette qualité lorsqu'il est à moins d'un pied et demi d'épaisseur au-dessus de l'eau pendant l'hiver. Enfin, cet arbre se refuse absolument à la craie pure, au sable trop chaud et aux terrains arides, pierreux et trop superficiels.

Le tilleul se multiplie très-aisément ; on peut l'élever de graine, de rejetons, de boutures et de branches couchées ; on peut aussi le greffer, mais on n'emploie ce dernier expédient que pour multiplier quelques espèces rares ou curieuses de cet arbre. La semence est une mauvaise ressource, peu sure, et fort longue, que l'on met rarement en usage ; attendu que la graine se trouve rarement de bonne qualité, qu'elle lève difficilement, qu'elle ne parait souvent qu'au second printemps, et que les plants sont la plupart dégénérés de l'espèce dont on a tiré la graine. Les rejetons ne se trouvent pas communément pour peupler une pepinière. Ce sont presque toujours des branches éclatées, mal enracinées et défectueuses ; la bouture est un moyen difficile, incertain, et qui rend trop peu : la méthode la plus sure, la plus expéditive, et la plus usitée, est de propager cet arbre de branches couchées.

Cette opération se fait pour le mieux en automne, dès que les feuilles commencent à tomber. Les rejetons forts et vigoureux sont les plus propres à réussir. Au bout d'un an ils seront assez enracinés pour être mis en pepinière à 15 ou 18 pouces les uns des autres en rayons éloignés de deux pieds et demi. On pourra les cultiver trois ou quatre fois l'an, en ne remuant la terre qu'à deux ou trois pouces de profondeur. Il faudra les élaguer avec ménagement, se contenter d'abord de rabattre les branches latérales à deux ou trois yeux, et ne les retrancher entièrement qu'à mesure que les plants prendront du corps. Au bout de cinq ans ils auront quatre ou cinq pouces de circonférence, et seront en état d'être transplantés à demeure. On pourrait également coucher de grosses branches de tilleul qui réussiraient aussi-bien, si ce n'est qu'elles ne donneraient qu'au bout de deux ans des plants assez formés pour être mis en pepinière. On aurait encore le même succès en couchant l'arbre entier. On sait que c'est sur le tilleul qu'on a fait la fameuse épreuve qui a fait voir que de la tête d'un arbre on en peut faire les racines, et des racines la tête. Si l'on prend le parti de le semer, il faut faire amasser des graines par un temps sec dans le mois de Septembre ou d'Octobre, les conserver pendant l'hiver dans du sable ou de la terre, et les semer de bonne heure au printemps, même dès le mois de Février. Car si on laisse les graines se dessécher, ou qu'on attende trop tard à les semer, elles ne leveront qu'à l'autre printemps, et il en manquera beaucoup. Lorsqu'ils seront âgés de deux ans, on pourra les mettre en pépinière, où il faudra les soigner et les conduire comme ceux qu'on élève de branches couchées.

Le tilleul réussit facilement à la transplantation. On peut le planter fort gros avec succès quand même il aurait un pied de diamètre. On s'est assuré que des plants pris dans les bois, et éclatés sur des vieux troncs, reprennent assez communément. L'automne est la saison la plus convenable pour la transplantation de cet arbre, et on fera toujours mieux de s'y prendre dès que les feuilles commencent à tomber, à-moins qu'on eut à planter dans un terrain gras, sujet à recevoir trop d'humidité pendant l'hiver. Il vaudrait mieux dans ce dernier cas attendre le printemps, et au plus tard la fin de Février. Ce qu'il y a de plus essentiel à observer, c'est de planter ces arbres d'une bonne hauteur. Je suis obligé de répeter ici ce que j'ai déjà dit à l'article de L'ORME ; c'est que presque tous les jardiniers, surtout dans les environs de Paris, ont la fureur de couper à sept ou huit pieds tous les arbres qu'ils transplantent. Il semble que ce soit un terme absolu au-delà duquel la nature doive tomber dans l'épuisement. Ils ne voient pas que cette absurde routine de planter des arbres trop courts, retarde leur accroissement, et les prépare à une défectuosité qu'il n'est jamais possible de réparer. Ces arbres font toujours à la hauteur de la coupe un genouil difforme, une tige courbe d'un aspect très-desagréable ; il faut donc les planter à quatorze ou quinze pieds de tige. On les laisse pousser et s'amuser pendant quelques années au-dessus de dix pieds, ensuite on les élague peu-à-peu pour ne leur laisser en tête que la tige la plus propre à se dresser : c'est ainsi qu'on en jouit promptement, et qu'on leur voit faire des progrès inséparables de l'agrément.

Le tilleul peut se tailler tant que l'on veut sans inconvénient. On peut l'élaguer, le tondre, le palisser au ciseau, à la serpe, au croissant ; il souffre ces opérations dans tous les temps où la seve n'est pas en mouvement, et il se cicatrise promptement tant qu'il est au-dessous de l'âge de vingt ans ; cependant lorsqu'on est obligé de retrancher de fortes branches, on doit le faire avec la précaution d'y mettre un enduit.

On demande toujours à quelle distance il faut planter ; c'est sur la qualité du terrain, sur la grandeur des espaces, sur la sorte de plantation que l'on veut faire, et sur l'empressement qu'on a de jouir, qu'il faut régler les intervalles. Il peut être aussi convenable de planter des tilleuls à huit pieds que de leur en donner vingt de distance. Cet arbre se prête à toutes les formes qui peuvent servir à l'ornement d'un grand jardin. On en fait des avenues, des allées couvertes, des salles de verdure, des quinconces. On peut l'assujettir à former des portiques, à être taillé en palissades, et le réduire même à la régularité et à la petite stature d'un oranger. Depuis qu'on s'est dégouté du marronnier d'inde à cause de sa malpropreté, de l'orme par rapport aux insectes qui le défigurent, de l'acacia qui ne donne pas assez d'ombre, on ne plante par-tout que des tilleuls, en attendant que quantité d'arbres étrangers qui donneraient plus d'agrément soient connus et multipliés.

Si le tilleul a le mérite de former naturellement une tête régulière et bien garnie, d'avoir un feuillage d'une assez belle verdure, de donner des fleurs sinon apparentes, du-moins d'une odeur fort agréable, de n'être point sujet aux insectes, de résister au vent, de réussir assez communément dans la plupart des terrains, et de se plier aux différentes sortes d'agrément que l'art veut lui imposer ; on doit convenir aussi que son accroissement est fort lent, qu'il ne profite pas sur les hauteurs, qu'il se refuse aux terrains secs et légers, qu'il perd ses feuilles de bonne heure, et qu'il est trop sujet à se verser et à se creuser lorsqu'il se trouve exposé aux vents de midi et de sud-ouest. On tombe alors dans un inconvénient de le voir languir et périr avant d'entrer dans l'âge de sa force, qui est à vingt ans. Mais aussi quand cet arbre a bravé cet accident, et qu'il se trouve dans un terrain qui lui plait, il fait de grands progrès, s'élève et grossit considérablement, et dure très long - temps. M. Miller, auteur anglais, dit avoir Ve un tilleul qui avait trente pieds de tour à deux pieds au-dessus de terre, et il cite un autre anglais nommé Thomas Brown, qui fait mention d'un arbre de cette espèce dans le comté de Norfolk, qui avait quarante-huit pieds de tour à un pied et demi au-dessus de terre, et 90 pieds de hauteur ; il faut entendre ici le pied anglais.

Quoique le tilleul n'ait avec juste raison que la petite considération des bois blancs, il ne laisse pas de servir à différents usages, et son débit est assez étendu. Ce bois est employé par les charrons, les menuisiers, les carrossiers, les tourneurs, les ébénistes, les graveurs en bois, et particulièrement les sculpteurs qui préfèrent ce bois à tous les autres ; il a le mérite de n'être sujet ni à la vermoulure, ni à se fendre, ni à se gerser : il est blanc, léger, tendre, liant, tenace, de longue durée, et il se coupe aisément. Ces qualités le font estimer par les charpentiers de vaisseaux. Ses jeunes rejetons peuvent servir aux ouvrages de vanerie, comme les saules de petite espèce. Le charbon de bois de tilleul est plus propre qu'aucun autre pour faire la poudre-à-canon. Quoique ce bois ne soit pas des meilleurs pour le chauffage, on ne laisse pas d'en tirer assez bon parti lorsqu'il est bien sec. On peut faire des coupes réglées de la tonte et de l'élaguement des vieilles allées de tilleuls. On se sert de la seconde écorce pour faire des cordes et des câbles. On en faisait autrefois un plus noble usage avant l'invention du papier qui a remplacé pour l'écriture l'écorce intérieure du tilleul avec un avantage incomparable. Ses feuilles ramassées sont pendant l'hiver une des meilleures nourritures pour le gros bétail.

Le tilleul a peu de propriétés pour la médecine. Elle tire quelques services du suc séveux de l'écorce intérieure, et du charbon fait avec le bois de cet arbre ; mais la fleur est la partie dont elle fait le plus d'usage.

On connait différentes espèces de tilleuls dont voici les principales.

1. Le tilleul à larges feuilles ou le tilleul de Hollande, est le tilia foemina, folio majore I. R. H. 611. Sa racine descend profondément en terre, et s'étend beaucoup ; elle pousse un tronc d'arbre, grand, gros, rameux, qui se répand au large, et rend beaucoup d'ombre. Il est couvert d'une écorce unie, cendrée, ou noirâtre en-dehors, jaunâtre ou blanchâtre en-dedans, si pliante et si flexible, qu'elle sert à faire des cordes de puits et des câbles ; son bois est tendre, sans nœuds, blanchâtre ; ses feuilles sont larges, arrondies, terminées en pointe, un peu velues des deux côtés, luisantes, dentelées en leurs bords ; il sort de leurs aisselles des petites feuilles longues, blanchâtres, où sont attachés des pédicules, qui se divisent en quatre ou cinq branches ; elles soutiennent chacune une fleur à cinq pétales, et sont disposées en rose, de couleur blanche, tirant sur le jaune, d'une odeur agréable, soutenues sur un calice taillé en cinq parties blanches et grasses.

Lorsque cette fleur est passée, il lui succede une coque grosse comme un gros pais, ovale, ligneuse, anguleuse, velue, qui contient une ou deux semences arrondies, noirâtres, et douces au gout. Il fleurit en Mai et Juin ; son fruit mûrit en Aout, et s'ouvrant en Septembre, il tombe de lui-même. Ses feuilles sont couvertes lorsque la saison est un peu avancée, d'une espèce de sel essentiel, semblable à de la crême de tartre ; ce sel s'y amasse après l'extravasation du sel nourricier, qui dans les grandes chaleurs s'échappe des vaisseaux.

Cet arbre est l'ornement des avenues, des promenades, des jardins, et des bosquets, par son port gracieux, par son ombrage, et par son odeur agréable, lorsqu'il est en fleur.

Le tilleul demande une terre grasse, et prend telle figure qu'on veut, mais il ne dure pas longtemps ; son bois est utîle dans les arts ; les Sculpteurs l'emploient par préférence à d'autres, parce qu'il cede facilement sans s'éclater à l'impression du ciseau, et qu'il est moins sujet à la vermoulure que celui de l'érable ; on en fait aussi du charbon qui entre dans la composition de la poudre à canon.

C'est à cette espèce qu'on doit rapporter particulièrement ce qui a été dit ci-dessus. La largeur de la feuille fait le principal mérite de cette espèce. Mais cette qualité n'est pas uniquement propre au tilleul de Hollande ; il s'en trouve dans quelques cantons de bois aux environs de Montbard en Bourgogne, dont la feuille est aussi grande que celle du tilleul de Hollande, mais qui ont encore l'avantage d'être plus robustes, et de réussir dans des terrains élevés où celui de Hollande n'avait fait que languir. D'ailleurs ils ont la feuille d'un verd plus tendre et plus agréable.

2. Le tilleul de Hollande à feuilles panachées. Cet accident n'est pas ici d'une grande beauté.

3. Le tilleul à petites feuilles. Il a en effet la feuille beaucoup plus petite que celle du tilleul de Hollande, mais encore plus brune, plus ferme, plus lisse. Il fleurit plus tard ; sa graine n'est pas si-tôt mûre, son écorce est plus rude, son bois moins blanc, moins tendre et assez ordinairement noueux, parce que cet arbre est plus branchu.

4. Le tilleul de montagne à très-grande feuille. Cette belle espèce n'a été vue que par Gaspard Bauhin, qui en fit la découverte sur une montagne près de Bâle. Ses feuilles étaient trois ou quatre fois plus grandes que celle du tilleul de Hollande. Il eut mieux valu s'occuper à le multiplier qu'à le décrire.

5. Le tilleul à feuilles d'orme. Sa feuille est de médiocre grandeur et fort rude au toucher. Son bois est jaunâtre, noueux et moins tendre que celui des autres espèces. Sa graine a six angles au-lieu de cinq qui est le nombre le plus ordinaire.

6. Le tilleul à feuilles velues. Sa feuille est aussi grande que celle du tilleul de Hollande ; ses jeunes rejetons ont l'écorce rougeâtre, et sa graine n'a que quatre angles.

7. Le tilleul de Bohème. Ses feuilles sont petites et lisses, et sa graine qui est pointue des deux bouts n'est nullement anguleuse.

8. Le tilleul de Canada. C'est la plus belle espèce de ce genre d'arbre qui soit actuellement dans ce royaume. Ses feuilles sont d'un verd tendre fort clair, elles sont du double plus grandes que celle du tilleul de Hollande, et se terminent par une pointe fort allongée. L'arbre pousse aussi plus vigoureusement, et son écorce est plus unie, plus cendrée. Il se trouve dans la plupart des pays de l'Amérique septentrionale. Cette espèce est encore fort rare.

9. Le tilleul noir d'Amérique. Il a beaucoup de ressemblance avec le précèdent, mais ce n'est pas du côté de l'agrément. Sa feuille est aussi grande et aussi pointue, mais elle est brune, épaisse, rude ; néanmoins elle a des nervures un peu rouges qui la relèvent. Cette espèce est aussi originaire de l'Amérique septentrionale, et encore plus rare que la précédente. Article de M. D'AUBENTON le subdélégué.

TILLEUL, (Matière médicale) les fleurs de tilleul sont la seule partie de cet arbre qui soit en usage en médecine. On en prépare une eau distillée, et on en fait une conserve. L'un et l'autre de ces remèdes est regardé comme un excellent céphalique, et presque généralement ordonné dans les menaces d'apoplexie et d'épilepsie, dans les vertiges, le tremblement des membres, et dans la plupart des autres maladies qui dépendent évidemment des vices du cerveau, ou de l'origine des nerfs. L'infusion des fleurs de tilleul est employée aux mêmes usages. Elle doit être regardée comme plus faible que l'eau distillée et que la conserve, s'il est vrai que la vertu des fleurs de tilleul (si néanmoins il est permis de croire à cette prétendue vertu), réside dans leur principe aromatique, dont l'infusion est beaucoup moins chargée que l'eau distillée ou la fleur contenue en substance dans la conserve ; or il est clair par l'analyse de M. Cartheuser, que le principe fixe, ou l'extrait de cette fleur ne possède aucune vertu réelle ; cet auteur n'en a retiré par le menstrue aqueux, qu'une substance mucilagineuse, fade et sans activité.

Les fleurs de tilleul sont une des matières végétales aromatiques, qui ne contiennent point d'huîle essentielle.

Ses fleurs entrent dans l'eau générale, et dans l'eau épileptique de la pharmacopée de Paris. (b)