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Catégorie parente: Histoire naturelle
Catégorie : Botanique
S. m. fragaria, (Histoire naturelle, Botanique) genre de plante à fleurs en rose, composées de plusieurs pétales disposés en rond. Le calice est découpé ; il en sort un pistil qui devient dans la suite un fruit presque rond ou ovoïde, et pointu par le bout. Il y a plusieurs semences adhérentes à un placenta qui est charnu dans quelques espèces, et sec dans d'autres. Ajoutez aux caractères de ce genre, que les feuilles sont portées trois-à-trois à l'extrémité d'un pédicule. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

Boerhaave compte six espèces de fraisiers fertiles ; mais il nous suffira de décrire la plus commune, le fragaria vulgaris, C. B. Pin. 326.

Sa racine est vivace, roussâtre, fibreuse, chevelue, d'une saveur astringente ; elle pousse des pédicules longs d'une palme, grêles, velus, branchus à leurs sommets, et qui portent des fleurs ; elle jette aussi des queues de même longueur et de même figure, qui soutiennent des feuilles ; elle pousse encore des jets traçans et rampans sur terre, noueux, donnant de chaque nœud des feuilles et des racines, par lesquelles cette plante se multiplie. Ses feuilles, au nombre de trois sur une queue, sont oblongues, larges, semblables à celles de l'argentine : veinées, velues, dentelées à leur bord, vertes en-dessus, blanchâtres en-dessous. Ses fleurs, au nombre de quatre ou cinq sur un même pédicule, sont en rose à cinq pétales blancs placés en rond ; elles ont beaucoup d'étamines courtes, garnies de sommets jaunâtres, et un pistil sphérique, porté sur un calice découpé en dix parties ; le pistil se change en un fruit ovoïde, bon à manger, charnu, mou, rouge quand il est mûr, quelquefois blanc, rempli d'un suc doux, vineux, odorant, chargé de quantité de petites graines entassées les unes sur les autres.

Cette plante fleurit en Mai, et donne son fruit mûr au mois de Juin. Elle vient naturellement dans les forêts et à l'ombre ; on la cultive dans les jardins où elle profite davantage, et porte des fraises plus grosses et plus douces que celles des bois et des montagnes, mais bien moins odorantes et moins agréables au gout.

M. Frézier en revenant de son voyage de la mer du Sud, a le premier fait connaître en Europe le fraisier du Chili, fragaria chiliensis fructu maximo, foliis carnosis, hirsutis. Il diffère de toutes les espèces européennes par la largeur, l'épaisseur, et le velu de ses feuilles. Son fruit de couleur rouge-blanchâtre, est généralement de la grosseur d'une noix, et même quelquefois aussi gros qu'un œuf de poule ; mais sa saveur n'a pas l'agrément et le parfum de nos fraises de bois. Cette plante a produit du fruit au jardin royal de Paris, et en porte aujourd'hui dans le jardin de Chelsea par les soins de Miller. Elle réussit le mieux à l'exposition du soleil du matin, et demande de fréquents arrosements dans les temps de sécheresse.

Le fraisier, tant celui qui porte des fraises rouges, que celui qui fournit des fraises blanches, se multiplie de plan enraciné. Le plan de fraisier qu'on tire des bois, vaut mieux pour transplanter que celui des jardins ; les fruits qu'il produit sont plus odorants.

On met les fraisiers en planche ou en bordure, dans une terre bien préparée ; et pour le mieux, on les plante sur des à-dos, contre un mur exposé au midi, afin d'avoir des premières fraises ; on les espace de huit pouces en terre sablonneuse. On observe que les planches ou les bordures soient un peu plus enfoncées que les allées ou que les sentiers, pour y retenir les eaux de pluie et des arrosements.

Si on en plante dans des terres grasses et presque fraiches, comme la grande humidité pourrit les pieds, on les éloigne communément de dix à douze pouces ; et on en met deux à trois pieds dans chaque trou, que l'on fait avec un plantoir.

Le temps de les planter est au commencement de Juin, c'est-à-dire avant les sécheresses ; on en plante néanmoins tout l'été dans les temps pluvieux. Il est important d'en faire des pépinières dans quelque endroit exposé au nord, pour éviter les grandes chaleurs d'été : on les plante pour lors à trois ou quatre pouces l'un de l'autre. Lorsque ces pieds sont fortifiés, on les replante dans le mois de Septembre, pour en faire des planches ou des carrés, selon le besoin qu'on en peut avoir.

La principale culture des fraisiers consiste en premier lieu à les arroser fréquemment dans la sécheresse : on laisse en second lieu quelques montants des plus forts à chaque pied ; en troisième lieu, on ne laisse sur chaque montant que trois ou quatre fraises, qui sont les premières venues, et les plus près du pied. On pince toutes les autres fleurs de la queue des branches qui ont déjà fleuri, ou qui sont encore en fleurs ; car rarement on voit nouer et venir à bien toutes ces dernières fleurs : il n'y a que les premières qui réussissent ; et quand on est soigneux de bien pincer, on est assuré d'avoir de belles fraises.

Les fraisiers font fort bien l'année suivante qu'ils ont été plantés, si c'est au mois de Mai qu'on les a plantés ; mais médiocrement, s'ils n'ont été plantés qu'au mois de Septembre.

On doit renouveller les fraisiers au plus tard tous les 5 ans ; leur couper tous les ans la vieille fane, quand les fraises sont finies ; ce qui arrive vers la fin de Juillet. Les premières mûrissent au commencement de Juin ; ce sont celles dont les pieds ont été plantés le long d'une muraille au midi et au levant ; et les dernières mûres sont celles dont les pieds sont au nord.

Lorsque les fraisiers font leurs trainasses, il les faut soigneusement châtrer, et n'y laisser que celles qu'on destine pour avoir du plant. On fera tous les ans de nouvelles planches, et on détruira celles qui ont plus de quatre ans, parce qu'après ce temps, les fraises commencent à décheoir de leur bonté et de leur grosseur. On fumera ces planches de petit fumier un peu avant les gelées, afin de les améliorer, coupant toutes les feuilles, comme on le pratique à l'égard de l'oseille. Par rapport à la terre que les fraisiers désirent, le sablon leur est meilleur que la terre forte : on choisit pour cet effet la partie du jardin la plus sablonneuse pour les y planter. Si on veut avoir des fraises dans l'automne, on n'a qu'à couper toutes les premières fleurs qui pousseront, et les empêcher de fructifier ; elles reproduiront d'autres fleurs, qui donneront des fruits dans l'arriere-saison.

Les ennemis du plant du fraisier sont les taons, qui pendant les mois de Mai et de Juin mangent le col de la racine entre deux terres, et font ainsi périr la plante : on doit donc alors parcourir tous les jours ses fraisiers, et fouiller au pied de ceux qui commencent à se faner ; d'ordinaire on y trouve le gros ver, qui après avoir causé ce premier mal, passe, si on n'a soin de le détruire, à d'autres fraisiers, et les fait pareillement mourir.

Les Anglais, qui ont poussé plus loin que les autres peuples la culture du fraisier, sont non-seulement très-attentifs à détruire la vermine qui peut endommager cette plante, mais encore à choisir l'exposition la plus favorable ; à arracher perpétuellement toutes les mauvaises herbes ; à bêcher le terrain ; à l'arroser abondamment ; à former chaque année de nouveaux plants avant que de détruire les anciens ; à les espacer à une distance convenable, et à laisser un sentier de deux pieds de large entre les plates-bandes, pour y marcher commodément et cueillir le fruit. Ils prennent du fumier de cheval et autant de cendres de choux, qu'ils mêlent et incorporent bien ensemble ; ils en répandent sur leur terre préparée et nivellée, une quantité suffisante pour être enfouie et retournée au mois de Février ; ensuite ils forment des plates-bandes de trois pieds et demi de large, et y plantent les espèces de fraisiers qu'ils jugent à-propos, à dix, quinze, et vingt pouces de distance les uns des autres, suivant la grosseur de l'espèce de fraises qu'ils veulent avoir. Comme les fraisiers ne donnent du fruit que la seconde année dans cette même terre, ils sement la première année une récolte de fèves ; et dans ces mêmes carreaux, ils plantent encore de six en six pieds des rosiers, des groseillers blancs et rouges, des églantiers odorants, qui, indépendamment de l'ombre qu'ils donnent aux fraises, sont d'un bon rapport.

Une pièce de terre plantée en fraises, qu'on nomme écarlate (virginian strawberg), se conserve pendant cinq ou six ans ; et ils renouvellent les haut-boys (the haut-boy strawberry), et les fraises de bois, (commonwood strawberry), tous les trois ans : il renouvellent encore, comme nous, leur plant des nouveaux fraisiers, qu'ils vont chercher dans les forêts ; car ceux des jardins dégénèrent. Voyez Bradley et Miller, si vous désirez de plus grands détails.

La fraise est un petit fruit rouge ou blanc ; il ressemble au bout des mammelles des nourrices ; c'est le plus hâtif, et un des plus délicieux fruits du printemps : on connait qu'il est mûr et bon à manger quand il quitte la queue sans peine. Il y en a de plusieurs espèces, soit rouges soit blanches ; mais la plus petite et la meilleure pour le parfum, est la fraise de bois ou de montagnes. On cultive la fraise du Chily, fragaria chiliensis, par curiosité : la fraise écarlate de Virginie, fragaria virginiana fructu coccineo, est recherchée pour sa bonté ; et la fraise haut-boy des Anglais, fragaria, fructu parvi pruni magnitudine, C. B. est estimée pour la grosseur de son fruit. Voyez FRAISIER, (Matière médicale) (D.J.)

FRAISIER, et FRAISE, (Mat. med. Pharmac. et Diete.) Le suc des feuilles de fraisier rougit très-foiblement le papier bleu ; mais celui des racines donne une couleur rouge plus foncée à ce même papier. Les feuilles et les racines de cette plante paraissent contenir un sel essentiel tartareux, nitreux, mêlé de soufre et de terre astringente ; ce qui leur donne une saveur légèrement stiptique. Le fruit contient un sel alumineux, dégénéré en sel tartareux aigrelet, accompagné d'un peu d'huîle mucilagineuse et vineuse.

On se sert principalement des racines de fraisier, pour les usages médicinaux ; elles sont diurétiques et apéritives, et on les fait souvent entrer dans les tisanes, les décoctions, et les boissons qu'on donne aux personnes attaquées d'obstructions ou de jaunisse.

M. Geoffroy remarque que si on bait longtemps et en grande quantité de la racine de fraisier et d'oseille, les excréments se colorent en rouge ; de sorte qu'on croirait d'abord que le malade est attaqué d'un flux hépatique ; mais il suffit, ajoute-t-il, de changer cette boisson, pour que les excréments reprennent leur couleur naturelle.

Nobelius, misc. nat. curios. dec. IIIe ann. 3. obs. 81. attribue aux feuilles et aux racines de fraisier une grande vertu vulnéraire ; ce qu'il prouve par quelques observations d'ulcères des pieds, des jambes, et des cuisses, qui ont été guéris, et des tumeurs qui ont été résoutes par la seule application des feuilles de fraisier pilées.

Le fruit de la plante possède un suc mêlé et tempéré par beaucoup de mucilage, ou par des parties terreuses et aqueuses. Quand ce suc a fermenté, on en peut tirer un esprit ardent : mais si on le laisse fermenter trop longtemps, il s'aigrit et se corrompt.

Les fraises sont très-usitées sur nos tables ; on les sert principalement au dessert avec du sucre, et on les arrose d'eau, de lait, de creme, ou de vin ; c'est dans l'eau qu'elles se dissolvent le plus facilement, et qu'elles passent le plus vite. Il faut les choisir bien mûres ; et la prudence demande de n'en point manger sans les avoir lavées ; du-moins le cas rapporté par Hilden, cent. Ve observat. 38. justifie cette précaution ; il parle d'une femme qui, après avoir mangé des fraises à jeun, fut aussi-tôt attaquée de maux d'estomac, de lipothymies, de vertige, de l'enflure des hypochondres, etc. et ne fut guérie que par le secours d'un vomitif. Les fraises qu'avait mangé cette femme, sans les avoir lavées auparavant, avaient sans-doute été empoisonnées par l'urine, la salive, ou l'haleine de quelque bête venimeuse, comme de serpens, de viperes, de crapeaux, ou par la piqûre de quelque insecte, qui leur avait donné un suc nuisible.

Il arrive aussi quelquefois, que si l'on mange trop de fraises, leurs esprits vineux se développent par la fermentation, portent à la tête, enivrent en quelque manière, ou produisent de violentes coliques. Il y a même des personnes mobiles qui tombent en faiblesse par la seule odeur des fraises. Mais tous ces cas particuliers ne prouvent rien contre les qualités salutaires de ce fruit, qui est émollient, raffraichissant, apéritif, et propre à corriger l'acrimonie bilieuse des humeurs.

On fait pendant l'été chez les gens riches, et dans les caffés publics, avec le suc des fraises, des eaux ou des juleps excellents pour étancher la soif, soit en santé soit en maladie, surtout dans les fièvres aiguës, bilieuses, et putrides. On prend aussi du suc de fraises, du suc de limons, et de l'eau en quantité égale, mêlés ensemble, avec autant de sucre qu'il en faut pour rendre cette boisson agréable ; elle fait les délices des pays chauds. En Italie, on broye la pulpe des fraises avec de l'eau-rose, et on en fait ensuite avec le suc de citron une conserve délicieuse. Cette même pulpe de fraises appliquée toute récente en forme de cataplasme, est recommandée dans les rougeurs et inflammations extérieures.

On distille encore quelquefois chez les Parfumeurs et Apoticaires, une eau de fraise qui passe pour un bon cosmétique. Quand cette eau est tirée des fraises de bois, elle est d'un odeur charmante ; et les dames s'en servent volontiers à leur toilette, pour effacer les rousseurs et les lentilles du visage : mais Hoffman préfère avec raison pour cet usage l'eau distillée de toute la plante, comme plus efficace et plus détersive. (D.J.)