ferula, s. f. (Histoire naturelle, Botanique) genre de plante à fleurs, en rose, disposées en ombelle et composées de plusieurs pétales, rangées en rond et soutenues par un calice, qui devient dans la suite un fruit, dans lequel il y a deux semences fort grandes de forme ovoïde, aplaties et minces, qui quittent souvent leur enveloppe. Ajoutez aux caractères de ce genre, que les feuilles de la férule sont à-peu-près semblables à celles du fenouil et du persil. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

FERULE, (Jardinage) La férule vient dans les pays chauds, en Languedoc, en Provence, en Italie, en Sicile, en Espagne, en Grèce, en Afrique, à Tanger, etc. On la cultive dans les jardins de quelques curieux. On en compte quatorze à quinze espèces, parmi lesquelles il faut distinguer les férules de France ou d'Italie, de celle de la Grèce ; et la férule de Grèce, de celle d'Afrique.

La férule ordinaire se nomme ferula ; offic. ferula major, seu foemina Plini, Boerh. alt. 64. C. B. P. 148. Tourn. Inst. 321. Ses racines sont longues, un peu branchues, vivaces : elle pousse des tiges moelleuses, legeres, hautes de sept à huit pieds, garnies de leur bas de feuilles fort grandes, branchues, découpées en une infinité de lanières. Ses feuilles embrassent la tige par leur queue, qui est creusée en forme de gouttière : elles sont d'un verd foncé et plombé. L'extrémité de la tige est garnie de branches, qui sont soutenues par de petites feuilles coupées en quelques lanières. Ses branches portent des ombelles de fleurs, composées chacune de cinq petits pétales jaunâtres, soutenus par un fruit qui contient deux semences aplaties, longues d'un demi-pouce sur quatre lignes de largeur.

C'est des tiges de cette espèce de férule qui vient en Italie, en France, en Espagne, sur les côtes de la Méditerranée, dont Martial parlait quand il a dit qu'elle était le sceptre des pédagogues, à cause qu'ils s'en servaient à châtier les écoliers, ferulaeque tristes sceptra paedagogorum cessent, lib. X. épigram. et c'est de-là que le mot de férule est demeuré à l'instrument, soit de bois, soit de cuir, dont on use encore aujourd'hui dans les colléges. C'est encore de-là, suivant les apparences, que férule, en termes de Liturgie, signifiait dans l'église orientale un lieu séparé de l'église, dans lequel s'assemblaient les pénitens du second ordre, et où ils se tenaient en pénitence : Ibi stabant sub ferula ecclesiae.

Comme le bois de la férule est très-leger, et néanmoins assez ferme, les auteurs racontent que les vieillards s'en servaient ordinairement en guise de canne. On l'attribuait à Pluton, apparemment, dit Tristan (comment. hist. tom. I. pp. 46 et 47. où l'on trouvera plusieurs remarques sur la férule, en partie bonnes, en partie mauvaises), pour conduire les morts ; ou parce que Pluton était représenté sous la figure d'un vieillard ; ou plutôt, selon mon idée, parce qu'il était le roi des enfers, car la férule était, comme nous le dirons tout-à-l'heure, la marque du commandement. Pline (liv. IV. chap. xij.) rapporte que les ânes mangent cette plante avec beaucoup d'avidité et sans aucun accident, quoiqu'elle soit un poison aux autres bêtes de somme. La vérité de cette observation n'est pas justifiée par l'expérience, du moins en Italie, et ne le serait pas vraisemblablement davantage en Grèce.

On cultive cette espèce de férule assez communément dans les jardins ; elle y vient fort bien : plantée dans un bon terroir, elle s'élève à plus de douze pieds de haut et se partage en plusieurs branches qui s'étendent beaucoup ; de sorte que si on la met trop près d'autres plantes, elle les suffoque et les détruit. Elle meurt l'automne dans le bas, et pousse cependant au printemps suivant. Elle fleurit en Juin, et ses graines sont mûres en Septembre.

La férule de Grèce nommée par Tournefort, ferula glauco folio, caule crassissimo, ad singulos nodos ramoso et ombellifero. Coroll. Inst. rei herb. xxij, mérite ici sa place. Elle croit en abondance dans l'île de Skinosa, où elle y a même conservé son ancien nom parmi les Grecs d'aujourd'hui, qui l'appellent nartheca, du grec littéral narthex, dit Tournefort. Voyez Hist. du Levant, tom. I.

Elle porte une tige de cinq pieds de haut, de l'épaisseur d'environ trois pouces, noueuse ordinairement de dix pouces en dix pouces, branchue à chaque nœud, couverte d'une écorce assez dure de deux lignes d'épaisseur. Le creux de cette tige est rempli d'une moèlle blanche, qui étant bien seche, prend feu tout comme la meche : ce feu s'y conserve parfaitement bien, et ne consume que peu-à-peu la moèlle, sans endommager l'écorce ; ce qui fait qu'on se sert de cette plante pour porter du feu d'un lieu à un autre. Cet usage est de la première antiquité, et nous explique le passage de Martial, où il fait dire aux férules, Epig. lib. XIV. " Nous éclairons par les bienfaits de Prométhée ".

Clara, Promethei munere, ligna summus.

Cet usage peut aussi servir par la même raison à expliquer l'endroit où Hésiode parlant du feu que Promethée vola dans le ciel, dit qu'il l'emporta dans une férule, .

Le fondement de cette fable vient sans-doute de ce que Prométhée, selon Diodore de Sicile, Bibl. Histoire lib. V. fut l'inventeur du fusil d'acier, , avec lequel on tire, comme l'on dit, du feu des cailloux : Prométhée se servit vraisemblablement de moèlle de férule au lieu de meche, et apprit aux hommes à conserver le feu dans les tiges de cette plante.

Ces tiges sont assez fortes pour servir d'appui, et trop legeres pour blesser ceux que l'on frappe : c'est pourquoi Bacchus, l'un des grands législateurs de l'antiquité, ordonna sagement aux hommes qui boiraient du vin, de porter des cannes de férules, . Plato in Phaed. parce que souvent, dans la fureur du vin, ils se cassaient la tête avec des bâtons ordinaires. Les prêtres du même dieu s'appuyaient sur des tiges de férule : elle était aussi le sceptre des Empereurs dans le bas empire ; car on ne peut guère douter que la tige, dont le haut est plat et carré, et qui est empreinte sur les médailles de ce temps-là, ne désigne la férule. L'usage en était fort commun parmi les Grecs, qui appelaient leurs princes , c'est-à-dire porte-férules.

La férule des Grecs, qui était autrefois la marque de l'autorité des rais, et qu'on employait alors avec art en particulier, pour faire les ouvrages d'ébénistes les plus précieux, se brule à-présent dans la Pouille en guise d'autre bois, et ne sert plus en Grèce qu'à faire des tabourets. On applique alternativement en long et en large les tiges seches de cette plante, pour en former des cubes arrêtés aux quatre coins avec des chevilles : ces cubes sont les placets des dames d'Amorgos. Quelle différence, dit M. de Tournefort, de ces placets aux ouvrages auxquels les anciens employaient la férule !

Plutarque et Strabon remarquent qu'Alexandre tenait les œuvres d'Homère dans une cassette de férule : on en formait le corps de la cassette, que l'on couvrait de quelque riche étoffe, ou de quelque peau relevée de plaques d'or, de perles, et de pierreries : celle d'Alexandre était d'un prix inestimable ; il l'a trouva parmi les bijoux de Darius qui tombèrent entre ses mains. Ce prince, après l'avoir examinée, la destina, selon Pline, à renfermer les poèmes d'Homère, afin que l'ouvrage le plus parfait de l'esprit humain fût enfermé dans la plus précieuse cassette. Dans la suite, on appela narthex toute boite dans laquelle on gardait des onguents de prix. Enfin les anciens médecins donnèrent ce titre aux livres importants qu'ils composèrent sur leur art : je pourrais prouver tout cela par beaucoup de traits d'érudition, si c'en était ici le lieu ; mais je renvoye le lecteur à Saumaise, et je passe à la férule d'Arménie.

La férule d'Arménie, ferula orientalis, cachryos folio et facie. Coroll. Inst. rei herb. xxij. est décrite par M. de Tournefort dans son voyage du Levant, lett. xjx. t. III. où il en donne la figure. Sa racine est grosse comme le bras, longue de deux pieds et demi, branchue, peu chevelue, blanche, couverte d'une écorce jaunâtre, et qui rend du lait de la même couleur. La tige s'élève jusqu'à trois pieds, est épaisse de demi-pouce, lisse, ferme, rougeâtre, pleine de moèlle blanche, garnie de feuilles semblables à celles du fenouil, longues d'un pied et demi ou deux, dont la côte se divise et subdivise en brins aussi menus que ceux des feuilles de la cachrys ferulae folio, semine fungoso, laevi, de Morisson, à laquelle cette plante ressemble si fort, qu'on se tromperait si on ne voyait pas les graines. Les feuilles qui accompagnent les tiges sont beaucoup plus courtes et plus éloignées les unes des autres : elles commencent par une étamine longue de trois pouces, large de deux, lisse, roussâtre, terminée par une feuille d'environ deux pouces de long, découpée aussi menu que les autres.

Au-delà de la moitié de la tige, naissent plusieurs branches des aisselles des feuilles ; ces branches n'ont guère plus d'un empan de long, et soutiennent des ombelles chargées de fleurs jaunes, composées depuis cinq jusqu'à sept ou huit pétales longs de demi-ligne. Les graines sont tout à fait semblables à celles de la férule ordinaire, longues d'environ demi-pouce, sur deux lignes et demi de large, minces vers le bord, roussâtres, légèrement rayées sur le dos, amères, et huileuses.

Dioscoride et Pline ont attribué à la férule de Grèce et d'Italie de grandes vertus. Ils ont dit, entr'autres choses, que la moèlle de cette plante était bonne pour guérir le crachement de sang et la passion céliaque ; que sa graine soulageait la colique venteuse, et excitait la sueur ; que sa racine séchée détergeait les ulcères, provoquait l'urine et les règles. Nos médecins sont détrompés de toutes ces fadaises, et vraisemblablement pour toujours.

L'espèce de férule à laquelle la Médecine s'intéresse uniquement aujourd'hui, est celle d'Afrique, de Syrie, de Perse, des grandes Indes, non pas par rapport aux propriétés de sa moèlle, de sa racine, de ses feuilles, ou de ses graines, mais parce que c'est d'elle que découle le galbanum, ou dont il se tire : on en donnera la description au mot GALBANUM. En vain l'on incise les diverses tiges des autres espèces de férules, le lait qui en sort, de même que les grumeaux qui se forment naturellement sur d'autres tiges, ne ressemblent point à cette substance grasse, ductile, et d'une odeur forte, qui participe de la gomme et de la résine, et que nous nommons galbanum. Voyez GALBANUM. Article de M(D.J.)

FERULE, (Histoire ancienne et moderne) petite palette de bois assez épaisse, sceptre de pédant, dont il se sert pour frapper dans la main des écoliers qui ont manqué à leur devoir. Ce mot est latin, et l'on s'en est servi pour signifier la crosse et le bâton des prélats : il vient, à ce qu'on prétend, de ferire, frapper ; car anciennement on châtiait les enfants avec les tiges de ces sortes de plantes ; et c'est delà que le mot de férule est demeuré à l'instrument dont on se sert pour châtier les enfants. Voyez l'article précédent.

En termes de Lithurgie, férule signifie dans l'église d'Orient, un lieu séparé de l'église, où les pénitens ou cathécumenes du second ordre appelés auscultantes, se tenaient, et n'avaient pas permission d'entrer dans l'église. Le nom de férule fut donné à ce lieu, parce que ceux qui s'y tenaient étaient en pénitence par ordre de l'église, sub ferulâ erant ecclesiae. Voyez PENITENCE, CATHECUMENE, etc. Dict. de Trévoux et Chambers. (G)

FERULE, (Histoire ecclésiastique) bâton pastoral que les Latins appelaient pedum et caniboca, marque de dignité que portaient non-seulement les évêques et les abbés, mais même quelquefois les papes. Luitprand, hist. liv. VI. chap. XIe raconte que le pape Benait ayant été dégradé, se jeta aux pieds du Pape Léon et de l'empereur, et que rendant au premier la férule ou bâton pastoral, celui-ci le rompit et le montra au peuple. Voyez CROSSE. (G)