S. m. juniperus, (Histoire naturelle, Botanique) genre de plante à fleur en chaton, composée de plusieurs petites feuilles qui ont des sommets. Cette fleur est sterile. Le fruit est une baie qui renferme des osselets anguleux, dans lesquels il se trouve une semence oblongue. Les feuilles de la plante sont simples et plates. Tournefort, inst. rei. herb. Voyez PLANTE. (I)

Cet arbrisseau, quelquefois arbre, est connu de tout le monde ; parce qu'il croit dans toute l'Europe, dans les pays septentrionaux et dans ceux du midi, dans les forêts, dans les bruyeres, et sur les montagnes. Il est sauvage ou cultivé, plus grand ou plus petit, stérîle ou portant du fruit, domestique ou étranger.

On a autrefois confondu sous le même nom, les cedres et les genévriers. Théophraste nous dit que quoiqu'il y eut deux sortes de cedres, le licien et le phénicien, néanmoins c'étaient l'un et l'autre des arbres de même nature que le genévrier, avec cette seule différence que le genévrier s'élevait plus haut, et que ses feuilles étaient douces ; au lieu que celles du cedre étaient dures, pointues et piquantes : c'est à-peu-près le contraire, mais cette confusion de noms qui était plus ancienne que Théophraste, et qui ne changea pas de son temps s'est perpétuée d'âge en âge. Les Grecs appelaient indifféremment thion, l'un et l'autre de ces deux arbres ; de sorte que le thion, le cedre et le genévrier devinrent synonymes. Ces mêmes Grecs nommaient aussi genévrier, le cyprès sauvage ; et les Arabes à leur tour ont appelé genévrier, le cedre sauvage : non-seulement Myrespse en agit ainsi ; mais il les confond tous les deux avec le citre des Romains. Quelques auteurs depuis la découverte de l'Amérique, sont tombés dans la même faute, en donnant le nom de cedres atlantiques aux genévriers des Indes occidentales. Les Espagnols comprennent sous le nom d'énebro, toute espèce de genévrier et de cyprès. Enfin il y a plus, on appelle en anglais cedres de Virginie et des Bermudes, les genévriers de ces pays-là.

Mais heureusement les noms vulgaires ne peuvent causer des erreurs, depuis qu'on a décrit et caractérisé le genévrier d'une manière à le distinguer infailliblement du cedre, du cyprès, et de tout autre arbre. Ses feuilles sont longues, étroites et piquantes ; ses fleurs mâles sont de petits chatons qui ne produisent point de fruit ; le fruit est une baie molle, pulpeuse, contenant trois osselets qui renferment chacun une graine oblongue.

Entre les espèces de genévriers que comptent nos Botanistes, il y en a deux générales et principales ; le genévrier commun arbrisseau, et le genévrier commun qui s'élève en arbre.

Le genévrier arbrisseau se trouve par-tout ; c'est le juniperus vulgaris, fruticosa, de C. B. P. 488. J. R. H. 588. Ses racines sont nombreuses, étendues de tout côté ; et quelques-unes sont plongées profondément dans la terre. Son tronc s'élève quelquefois à la hauteur de cinq ou six pieds ; il n'est pas gros, mais branchu et fort touffu. Son écorce est raboteuse, rougeâtre, et tombe par morceaux. Son bois est ferme, un peu rougeâtre, surtout quand il est sec ; il sent bon et jette une odeur agréable de résine. Ses feuilles sont pointues, très-étroites, longues d'un pouce, souvent plus courtes, roides, piquantes, toujours vertes, placées le plus souvent trois à trois autour de chaque nœud. Ses fleurs sont des chatons qui paraissent au mois d'Avril et de Mai, à l'aisselle des feuilles ; ils sont longs de deux ou trois lignes, panachés de pourpre et de couleur de safran, formés de plusieurs écailles, dont la partie inférieure est garnie de trois ou quatre bourses plus petites que la graine de pavot, remplies d'une poussière dorée très-fine : ces sortes de fleurs sont stériles. Les fruits viennent en grand nombre sur d'autres espèces de genévriers qui n'ont pas d'étamines ; ce sont des baies ordinairement sphériques, contenant une pulpe huileuse, aromatique, d'un goût résineux, âcre et doux.

Le genévrier commun qui s'élève en arbre, ou le grand genévrier, juniperus vulgaris, arbor, de C. B. P. Tournef. juniperus vulgaris, celsior, de Clusius, ne diffère du petit genévrier qu'on vient de décrire, que par sa hauteur, qui même varie beaucoup suivant les lieux de sa naissance. On dit qu'en plusieurs pays d'Afrique, il égale en grandeur les arbres les plus élevés. Son bois dur et compact est employé pour les bâtiments. Cet arbre pousse en-haut beaucoup de rameaux, garnis de feuilles épineuses, toujours vertes. Les chatons sont à plusieurs écailles et ne laissent aucun fruit après eux ; car les fruits naissent en des endroits séparés, quoique sur le même pied qui porte les chatons ; ils sont noirs, odorants, aromatiques, d'un goût plus doux que ceux du petit genévrier. On distingue cet arbre du cedre, non-seulement par son fruit, mais encore par ses feuilles qui sont simples et plates ; au lieu que les feuilles du cedre sont différentes, et semblables à celles du cyprès. C'est ce qui prouve que les Grecs en confondant les cyprès, les genévriers et les cedres, n'ont point connu les cedres du mont Liban.

Le grand genévrier est cultivé dans les pays chauds, comme en Italie, en Espagne et en Afrique ; il en découle naturellement ou par incision faite au tronc et aux grosses branches pendant les chaleurs, une résine qu'on appelle gomme du genévrier, ou sandaraque des Arabes. Voyez SANDARAQUE DES ARABES.

Le genévrier à baie rougeâtre, juniperus major, baccâ rubescente, de C. B. et de Tournefort, est du nombre des grands genévriers. Il est commun en Languedoc, où il porte de gros fruits rougeâtres, mais peu savoureux. On distille par la cornue son bois, pour en tirer une huîle fétide, que les Maréchaux emploient pour la galle et les ulcères des chevaux : c'est-là cette huîle qu'ils nomment l'huîle de Cade. Voyez HUILE DE CADE.

Le genévrier d'Asie à grosses baies, juniperus Asiatica, latifoliae, arborea, cerasi fructu, de Tournefort, peut être une variété du genévrier précédent. On le trouve, dit-on, sur les montagnes en Asie, et il n'y croit qu'à la hauteur de sept ou huit pieds. Son fruit est gros comme une prune de damas, rouge, rempli d'une chair seche, fongueuse, de la même couleur, d'un goût doux, aigrelet, astringent, agréable, sans odeur apparente, contenant cinq ou six osselets plus gros que des pepins de raisins, durs, rouges, et oblongs.

Les genévriers de Virginie et des Bermudes sont du nombre des genévriers exotiques qu'on cultive le plus en Angleterre. On a trouvé le moyen de les élever dans cette île jusqu'à la hauteur de vingt-cinq pieds, en coupant leurs branches inférieures de temps à autre, et pas trop près, pour ne point les blesser à cause de l'abondance de leur seve qui ne manquerait pas de s'écouler. Ils font des progrès considérables au bout de quatre ans, et résistent aux plus grands froids du climat. On les multiplie de graine, qu'on retire de la Caroline ou de la Virginie. Dès que la graine est levée, ce qui n'arrive pas toujours à la première année, on a soin de nettoyer la jeune plante des mauvaises herbes, et on la transporte le printemps suivant avec de la terre attachée aux racines, dans une couche qu'on lui a préparée : on la laisse se fortifier dans cette couche deux ans entiers, en se contentant de couvrir le pied de terre et de gason retourné, pour le garantir de la gelée ; ensuite on transplante l'arbrisseau dans le lieu qu'on lui destine à demeure : ce lieu doit être une terre fraiche, légère et non fumée ; sans autre précaution, sans arrosement et sans amender cette terre, l'arbuste prospere, s'élève en arbre qui, par sa hauteur et sa verdure, ne déplait dans aucune plantation.

Le genévrier des Bermudes ne demande qu'un peu plus de soin dans les premiers temps, à cause de sa délicatesse. Le bois de l'un et de l'autre tire sur le rouge, et abonde en résine d'une odeur charmante. On honore communément leur bois, surtout celui des Bermudes, du nom de bois de cedre, quoiqu'il y ait dans la Grande-Bretagne d'autres bois de ce même nom, qui viennent d'arbres bien différents des Indes occidentales ; cependant c'est du bois de ces espèces de genévrier, qu'on fait en Angleterre des escaliers, des boiseries, des lambris, des commodes, et meubles pareils. La durée de ce bois l'emporte sur tout autre ; ce qu'il faut peut-être attribuer à l'extrême amertume de sa résine. On l'emploie dans l'Amérique à la construction des vaisseaux marchands ; c'est dommage qu'il ne convienne pas à la bâtisse des vaisseaux de guerre, parce qu'il est si cassant qu'il se fendrait au premier coup de canon.

Le bois de nos genévriers n'est d'aucun usage en charpenterie ni en menuiserie ; il ne sert qu'à être brulé à cause de sa bonne odeur, pour corriger l'air corrompu par de mauvaises exhalaisons. Voyez donc ci-après GENIEVRE. (D.J.)

GENEVRIER, (Chimie et Matière médicale) Toutes les parties du genévrier contiennent une huîle essentielle qui se manifeste par une odeur forte : cette huîle est unie dans les bois et dans les racines, à une substance résineuse qui en découle dans les pays chauds, par l'incision que l'on fait à son écorce. Cette matière abonde surtout dans le grand genévrier qui croit dans les provinces méridionales du royaume, et qui y est connu sous le nom de cade.

On retire dans ces pays de cette dernière espèce de genévrier, une huîle empyreumatique, noire et épaisse, en distillant le tronc et les branches de cet arbrisseau dans un appareil où le fourneau sert en même temps de vaisseau contenant, et qui est construit sur les mêmes principes que celui dans lequel on prépare la poix noire. Nous décrirons cette manœuvre à l'article POIX. Cette huîle empyreumatique qui est connue sous le nom d'huîle de cade, est fort usitée dans nos provinces méridionales contre les maladies extérieures des bestiaux, surtout dans la maladie éruptive des moutons, appelée petite vérole ou picote.

Cette huîle entre dans la composition du baume vert ; elle est véritablement caustique, si l'on en touche l'intérieur d'une dent creuse, elle cautérise le nerf et calme la douleur : mais si l'on continue à l'appliquer, elle fait bien-tôt tomber la dent en pièces. Quelques-uns ont osé la donner intérieurement contre la colique et les vers ; mais on ne peut avoir recours à ce remède sans témérité. C'est-là l'unique médicament que le grand genévrier fournit à la Médecine ; médicament encore dont les usages sont très-peu étendus comme l'on voit.

C'est du petit genévrier, du genévrier commun, de celui qui croit dans toute l'Europe, que nous allons parler dans le reste de cet article. Ce sont ses baies que l'on emploie principalement en Médecine.

On retire des baies de genièvre une eau distillée, une huîle essentielle ; on en prépare un vin et un rob ou extrait. Voyez EAU DISTILLEE, HUILE ESSENTIELLE, VIN, ROB et EXTRAIT.

Les Allemands emploient fréquemment dans leurs cuisines les baies de genièvre à titre d'assaisonnement. Etmuller les appelle l'aromate des Allemands. Nous en faisons un fréquent usage, mais seulement à titre de médicament. Nous les employons principalement dans les maladies de l'estomac, qui dépendent de relâchement, de faiblesse et d'un amas de glaires tenaces et épaisses. Nous les regardons comme souveraines contre les vents, les coliques venteuses, les digestions languissantes. Elles passent aussi pour déterger les reins et la vessie, pour faire chasser les glaires des voies urinaires, et pour faire sortir hors du corps les sables et les calculs. Elles sont célébrées aussi comme béchiques et comme principalement utiles dans l'asthme humide : on leur a accordé aussi la qualité sudorifique, emménagogue et alexipharmaque : c'est à ce dernier titre que quelques-uns les ont appelées la thériaque des gens de la campagne.

On prescrit les baies de genièvre à la dose d'un gros ou de deux, que l'on mange de temps en temps dans la journée, ou que l'on prend en infusion dans de l'eau ou dans du vin.

L'extrait ou le rob de genièvre, qui est aussi appelé la thériaque des Allemands, se prescrit dans les mêmes vues à la dose d'un gros dans du vin d'Espagne, dans de l'eau de genièvre, ou dans quelqu'autre liqueur convenable : on le fait entrer aussi avec d'autres remèdes dans les électuaires magistraux.

L'eau distillée des baies de genièvre est fort vantée par Etmuller pour les coliques et la néphrétique ; elle excite doucement l'excrétion de l'urine, selon cet auteur ; et elle corrige surtout la disposition au calcul, si on en bait à jeun pendant un certain temps quatre ou six onces. On ne saurait compter sur l'efficacité de l'eau distillée de genièvre, comme sur l'extrait ou sur le fruit même pris en substance.

On retire du vin de genièvre par la distillation un esprit ardent, auquel on accorde communément des vertus particulières ; mais on ne peut en attendre raisonnablement que les effets communs des esprits ardents. Voyez ESPRIT ARDENT.

L'huîle essentielle de genièvre dissoute dans l'esprit-de-vin, ou donnée sous forme d'aeleo-saccharum dans une liqueur convenable, est fort diurétique, emménagogue et carminative : mais, selon Michel Albert cité par Geoffroi, on ne doit pas en permettre trop facilement l'usage intérieur, parce qu'elle échauffe beaucoup. On peut l'employer à l'extérieur dans les onguents nervins et fortifiants.

Les auteurs de Pharmacopée recommandent de bruler le marc de la préparation du rob, et d'en retirer un sel, auquel ils attribuent plusieurs vertus particulières, et analogues pour la plupart aux propriétés du fruit dont il est retiré : mais nous ne croyons plus que les sels préparés par la combustion des végétaux, retiennent les propriétés de la matière qui les a fournis ; et nous ne reconnaissons dans ces sels que des qualités communes. Voyez SEL LIXIVIEL.

On fait un elixir de genièvre avec l'extrait délayé dans l'esprit ardent, c'est un bon stomachique et un diurétique actif. La dose est d'une cuillerée.

Le ratafia préparé par l'infusion des baies de genièvre dans de l'eau-de-vie, est un cordial stomachique fort usité, et qui produit réellement de bons effets.

M. Chomel recommande fort pour la teigne, un onguent fait avec les baies de genièvre pilées et bouillies, et le saindoux.

De toutes ces vertus du genièvre que nous venons de rapporter, les plus évidentes sont sa qualité stomachique, carminative et diurétique. M. Geoffroi observe très-judicieusement que si on l'emploie sans distinction de cas dans toutes les maladies de l'estomac et des voies urinaires, on causera quelquefois des ardeurs ou des suppressions d'urine, des distensions dans l'estomac, des rots, et une plus grande quantité de vents qu'auparavant : mais cela même est le plus grand éloge qu'on puisse faire de ce remède ; car ces médicaments innocens qui, s'ils ne font point de bien ne peuvent jamais faire du mal selon l'expression vulgaire, peuvent être très-raisonnablement soupçonnés d'être dans tous les cas aussi inutiles que peu dangereux.

Les baies de genièvre entrent dans les compositions suivantes de la pharmacopée de Paris ; savoir l'eau thériacale, l'eau générale, l'eau prophylactique, l'opiate de Salomon, l'orviétan, le trochisque de Cyphi, l'huîle de scorpion composée, le baume oppodeldoc, leur extrait dans la thériaque diatessaron, l'orviétan ordinaire, l'orvietanum praestantius ; leur huîle distillée dans la thériaque céleste, le baume de Leictoure, le baume verd de Metz, l'emplâtre stomacal, l'emplâtre styptique.

La résine de genièvre entre dans les pilules balsamiques de Stahl.

On brule dans les hôpitaux et dans les chambres des malades, le bois et les baies de genièvre, pour en chasser le mauvais air. (b)