Je crois qu'entre les sept espèces de térébinthe que compte Tournefort, il faut nous arrêter à la description de celui de Chio, dont on tire la meilleure térébenthine de la Grèce moderne. Voyez TÉRÉBENTHINE.

Ces arbres résineux naissent dans cette ile, sans culture, sur les bords des vignes et le long des grands chemins ; leur tronc est aussi haut que celui du lentisque, aussi branchu, touffu et couvert d'une écorce gersée, grisâtre, mêlée de brun. Ses feuilles naissent sur une côte, longue d'environ quatre pouces, rougeâtre, arrondie sur le dos, sillonnée de l'autre côté, et terminée par une feuille ; au lieu que les autres sont disposées par paires : toutes ces feuilles ont un pouce et demi ou deux pouces de long, sur un pouce de largeur vers le milieu, pointues par les deux bouts, relevées sur le dos d'un filet considérable, subdivisé en menus vaisseaux jusque sur les bords ; elles sont fermes, d'un verd luisant un peu foncé, et d'un goût aromatique mêlé de stipticité. Il en est du térébinthe comme du lentisque, c'est-à-dire que les pieds qui fleurissent ne portent point de fruit, et que ceux qui portent des fruits, ordinairement ne fleurissent pas. Les fleurs naissent à l'extrémité des branches sur la fin d'Avril, avant que les feuilles paraissent.

Ces fleurs sont entassées en grappes branchues, et longues d'environ quatre pouces ; chaque fleur est à cinq étamines qui n'ont pas une ligne de long, chargées de sommets cannelés, verd-jaunâtres ou rougeâtres, pleins d'une poussière de même couleur ; toutes les fleurs sont disposées par bouquets sur leurs grappes ; et chaque bouquet est accompagné de quelque petite feuille velue, blanchâtre, pointue, longue de trois ou quatre lignes.

Les fruits naissent sur des pieds différents, rarement sur le même que les feuilles : ils commencent par des embryons entassés aussi en grappes, de trois ou quatre pouces de longueur, et s'élèvent du centre d'un calice à cinq feuilles verdâtres, pointues, qui à peine ont une ligne de long : chaque embryon est luisant, lisse, verd, ovale, pointu, terminé par trois crêtes couleur d'écarlate ; il devient ensuite une coque assez ferme, longue de trois ou quatre lignes, ovale, couverte d'une peau orangée ou purpurine, un peu charnue, stiptique, aigrelette, résineuse ; la coque renferme un noyau blanc, enveloppé d'une peau roussâtre. Le bois du térébinthe est blanc.

Comme cet arbre était commun dans la Judée, qu'il donne beaucoup d'ombre, et qu'il étend ses branches fort au loin, l'Ecriture l'emploie dans ses riches comparaisons. Ainsi dans l'Ecclésiastes. xxiv. 22. la Sagesse éternelle, à cause de sa protection également grande et puissante, se compare à un térébinthe. De même, Isaïe VIe 13. voulant peindre la corruption générale de la nation juive, compare ce peuple à un térébinthe dont les branches mortes s'étendent de toutes parts. C'est sous un térébinthe, qui était derrière Sichem, que Jacob enfouit les statues des faux dieux, que ses gens avaient apportées de la Mésopotamie, afin qu'elles ne devinssent pas par la suite une occasion de scandale, Genèse xxxv. 4.

Enfin rien n'est si fameux dans l'histoire ecclésiastique, que le térébinthe sous lequel l'on a imaginé qu'Abraham reçut les trois anges ; aussi n'a-t-on pas manqué de débiter bien des fables contradictoires sur la position et la durée de ce prétendu térébinthe. Josephe le place à dix stades d'Hébron, Sozomène à quinze stades, et S. Jérôme à deux milles. Eusebe assure qu'on le voyait encore de son temps, et qu'on lui portait une singulière vénération. Les térébinthes subsistent-ils un si grand nombre de siècles, je le demande aux Botanistes ? Mais de plus, l'arbre sous lequel Abraham reçut les hôtes célestes, était-ce bien un térébinthe ? La preuve en serait d'autant plus difficile, que l'Ecriture ne nomme point cet arbre ; elle dit seulement qu'Abraham pria les anges de se reposer sous l'arbre : requiescite sub arbore. Genèse XVIIIe 4. (D.J.)

TEREBENTHINE, terebinthus, petit arbre qui se trouve dans les pays méridionaux de l'Europe, dans l'Afrique septentrionale et dans les Indes. On peut avec quelques soins, lui former une tige droite, et lui faire prendre 15 ou 20 pieds de hauteur. Son écorce est rousse sur les jeunes branches, et cendrée sur le vieux bois. Ses racines sont fortes et profondes. Sa feuille est composée de plusieurs folioles de médiocre grandeur, au nombre de cinq, de sept ou neuf, et quelquefois jusqu'à treize, qui sont attachées par couples sur un filet commun, terminé par une seule foliole : elles sont d'un verd brillant et foncé en-dessus, mais blanchâtre et mat en-dessous. Cet arbre donne au mois de Mai de grosses grappes de fleurs mousseuses et rougeâtres, qui sortent du bout des branches en même temps que les feuilles commencent à paraitre. Les fruits qui succedent sont des coques résineuses et oblongues, de la grosseur d'un pois ; elles sont rougeâtres au commencement, puis elles deviennent d'un bleu-verdâtre dans le temps de leur maturité, qui arrive vers le commencement d'Octobre : chaque coque renferme une petite amande qui a le goût et la couleur de la pistache. Toutes les parties de cet arbre ont en tout temps une odeur de térébenthine.

Les anciens auteurs d'agriculture disent que le térébinthe se plait sur les montagnes ; cependant en Provence, on ne voit pas beaucoup de ces arbres sur les lieux élevés : c'est particulièrement dans les coteaux, à l'exposition du midi, qu'on cultive le pistachier, et seulement jusqu'au tiers ou aux trois quarts de la pente des montagnes ; mais il parait qu'on peut élever cet arbre avantageusement par-tout où la vigne réussit dans les pays chauds. On prétend même qu'il n'y a point de si mauvais terrain où cet arbre ne puisse croitre, et qu'il vient entre les pierres et sur les rochers comme le pin. Mais cette facilité ne doit s'entendre que pour les provinces méridionales du royaume. A l'égard de la partie septentrionale, on ne peut guère y exposer cet arbre en plein champ sans risquer de le voir périr dans les hivers longs et rigoureux. Tout ce qu'on peut hasarder de plus, c'est de le mettre contre des murs bien exposés ; encore ne faut il en venir là que quand il est âgé de quatre ou cinq ans.

Le térébinthe se multiplie de semence, de branches couchées et par la greffe. On ne se sert de ce dernier moyen que pour perfectionner les pistaches et les avoir plus grosses. Les branches couchées sont une mauvaise ressource, parce qu'elles manquent souvent, et que celles qui réussissent ne sont suffisamment enracinées qu'au bout de deux ou trois ans. La graine est donc l'expédient le plus avantageux pour la multiplication de cet arbre. Mais pour le climat de Paris, il vaut mieux la semer dans des terrines qu'en pleine terre ; on s'y prendra de bonne heure au printemps. Il est bon de faire tremper les graines pendant deux jours : si elles sont fraiches elles leveront surement. Il sera à-propos de serrer les terrines pendant l'hiver, en sorte qu'elles soyent seulement garanties des fortes gelées. Les jeunes plants pourront rester dans les terrines pendant deux ans ; mais au printemps de la troisième année, il faudra les mettre chacun dans un pot, et au bout de quatre ou cinq ans on pourra les placer à demeure, parce qu'ils auront alors communément six à sept pieds de hauteur. En s'y prenant de cette façon, le succès est assuré ; mais lorsque le térébinthe est plus âgé, ou qu'il a été transporté de loin, sans avoir eu la précaution de lui conserver au pied une motte de terre, il reprend très-difficilement. Il souffre assez bien la taille, et il n'y faut d'autre attention que de ne retrancher les branches qu'avec ménagement et à mesure que la tige se fortifie, sans quoi on la rend effilée, et on retarde son accroissement. Cet arbre est de longue durée, et il se soutient encore plus longtemps lorsqu'on le met en espalier, où il fait une bonne garniture sans exiger aucune culture. Son bois est blanc, fort dur et assez souple ; cependant on n'en fait nul usage pour les arts.

On peut, comme on l'a déjà dit, greffer le térébinthe, soit pour se procurer les espèces de cet arbre qui sont rates, soit pour donner au fruit plus de perfection. On peut se servir pour cela de toutes les façons de greffer qui sont connues. Cependant la greffe en fente lui réussit difficilement ; celles en écusson et en flute ont plus de succès. Le mois de Juillet est le temps le plus convenable pour cette opération, et les meilleurs sujets sont ceux qui n'ont que deux ou trois ans.

La culture du térébinthe a pour objet dans les pays chauds, d'en tirer un suc résineux que l'on nomme térébinthe ; mais le climat de la Provence n'est pas assez chaud pour en donner. Garidel assure en avoir fait l'essai sans succès. Celle qui vient de Chio est la plus rare, la plus estimée et la meilleure. Cette sorte de résine est vulnéraire et balsamique ; la médecine en fait usage dans plusieurs cas : mais comme on est dans l'usage de donner le nom de térébinthe à plusieurs autres sucs résineux que l'on tire de différents genres d'arbres. Voyez le mot TÉRÉBENTHINE.

On connait plusieurs espèces de térébinthes.

1°. Le térébinthe sauvage. C'est à cette espèce que l'on doit particulièrement attribuer le détail ci-dessus. On le nomme petelin en Provence, où il vient communément dans les haies, et dans les terrains pierreux et stériles. C'est le meilleur sujet dont on puisse se servir pour greffer les autres espèces. La feuille de cet arbre est plus grande, plus arrondie et plus belle que celle du pistachier. Son fruit n'a d'autre usage en Provence que de servir d'appât pour prendre des grives qui en sont fort friandes. Les chasseurs, lors du passage de ces oiseaux, imitent le cri que fait la rouge-gorge quand elle aperçoit le faucon ; la grive reste immobîle sur la branche et se laisse approcher de très-près ; mais ce fruit peut être une nourriture dangereuse à l'homme : on a Ve en Provence des personnes mourir assez promptement pour en avoir mangé un peu abondamment. Il est de très-longue durée, parce qu'il repousse toujours de sa souche, qui devient très-grosse dans les montagnes de la Provence ; ce qui fait qu'on y voit rarement des térébinthes qui aient le port d'un arbre.

2°. Le térébinthe à gros fruit. Cet arbre se trouve dans les bois des environs de Montpellier. Il devient plus grand que le précédent ; ses fruits sont plus gros et ronds, ils ont le même goût que les pistaches ; et ses feuilles sont arrondies et assez ressemblantes à celles du pistachier, si ce n'est qu'elles sont composées d'un plus grand nombre de folioles.

3. Le térébinthe à petit fruit bleu. Cet arbre est une variété du précédent, dont il diffère en ce qu'il est plus petit dans toutes ses parties ; mais son fruit est également bon. Le menu peuple le mange avec du pain dans la Syrie, d'où cet arbre est originaire, ainsi que de quelques contrées plus orientales.

4. Le térébinthe de Cappadoce. Les branches de cet arbre sont tortues, noueuses et cassantes ; ses feuilles sont d'un verd plus brun que dans toutes les autres espèces. Ses fleurs viennent en grappe très-serrées ; elles sont d'un verd jaunâtre, mêlé de purpurin.

5. Le pistachier. Cet arbre est originaire des grandes Indes. C'est la plus belle espèce de térébinthe et la plus utile. Il s'élève à la hauteur d'un pommier en Provence, où on en cultive quelques plants dans les jardins ; mais il n'y réussit que sur les bords de la mer, et jusqu'à la hauteur d'Aix ; passé cela le climat n'est plus assez chaud. Il porte son bois droit, et il fait peu de branchage. Sa feuille n'est composée que de trois ou cinq folioles qui sont plus larges et plus rondes que celles du térébinthe commun, mais qui se recourbent en différents sens ; elles sont d'un verd blanchâtre et de la même teinte en-dessus qu'endessous. Ses fleurs sont disposées en grappes, plus longues, plus rassemblées et plus apparentes que celle du térébinthe. On multiplie aisément le pistachier en semant les pistaches que vendent les épiciers, pourvu qu'elles ne soyent pas surannées. Mais si l'on veut avoir de plus beaux et de meilleurs fruits, il faut le greffer sur le térébinthe sauvage, où on a remarqué que la greffe réussit plus surement que sur sa propre espèce, et que les pistachiers greffés étaient de plus longue durée que les autres. Les pistaches sultanes sont les plus grasses et les plus estimées. Quoique ce fruit soit agréable au gout, qu'il excite l'appétit, et qu'il soit très-stomachique, il n'est cependant guère d'usage de le manger crud et isolé : mais on en tire différents services pour la table, et on en fait des dragées, des conserves, etc. La Médecine en tire aussi quelques secours.

6. Le pistachier à trois feuilles. Cet arbre vient de Sicile. Ses feuilles ne sont composées que de trois folioles, et elles sont d'un verd brun. Les pistaches qu'il rapporte sont d'aussi bon goût que celle du pistachier ordinaire.

Il est nécessaire d'observer que dans chacune des espèces de térébinthe et de pistachier que l'on vient de détailler, il se trouve encore une différence individuelle, en ce que chaque sorte a des individus mâles et des individus femelles, et que ceux-ci ne sont d'aucun rapport et demeurent constamment dans la stérilité, s'ils ne sont fécondés par un individu mâle ; d'où il résulte que si l'on veut avoir des fruits, il faut que les deux espèces mâles et femelles soyent plantées près l'une de l'autre, c'est-à-dire à une distance peu éloignée, comme à dix, douze ou quinze pieds. Cependant les Siciliens ont un moyen de suppléer au défaut de proximité, en prenant sur un arbre mâle une branche garnie de plusieurs grappes de fleurs épanouies, qu'ils attachent à l'arbre femelle ; mais cette pratique n'est point en usage en Provence. Il est bon d'observer encore que la fécondité peut se faire entre un individu mâle et un individu femelle d'espèces différentes ; par exemple un térébinthe mâle peut servir à féconder un pistachier femelle. Article de M. d'AUBENTON le subdélégué.

TEREBINTHE, (Critique sacrée) comme cet arbre résineux était fort commun dans la Judée, qu'il fait beaucoup d'ombre et étend ses branches au loin, la sagesse dont la force et l'efficacité se répand de toutes parts, se compare à un térébinthe, Ecclésiaste xxiv. 22. D'un autre côté, Isaïe, VIe 13. compare le peuple juif à un térébinthe mort, dont les branches seches couvrent un grand espace de terrain. On prétendait par tradition (car la Gén. XVIIIe 4. ne nomme pas l'arbre) que ce fut sous un térébinthe qu'Abraham reçut les trois anges ; et Eusèbe rapporte que ce prétendu térébinthe était encore de son temps en grande vénération. La crédulité religieusement stupide peut tout adopter. (D.J.)