Thespis fut le premier qui à ce chœur très-informe mêla, pour le soulager, un déclamateur qui récitait quelqu'autre aventure héroïque ou comique. Eschyle à qui ce personnage seul parut ennuyeux, tenta d'en introduire un second, et convertit les anciens récits en dialogues. Avant lui, les acteurs barbouillés de lie, et trainés sur un tombereau, amusaient les passants : il donna la première idée des théâtres, et à ses acteurs des habillements plus majestueux, et une chaussure avantageuse qu'on nomma brodequins ou cothurne. Voyez BRODEQUIN.

Sophocle ajouta un troisième acteur, et les Grecs se bornèrent à ce nombre ; c'est-à-dire, qu'on regarda comme une règle du poème dramatique de n'admettre jamais sur la scène plus de trois interlocuteurs à la fois : règle qu'Horace a exprimée dans ce vers,

Nec quarta loqui persona laboret.

Ce qui n'empêchait pas que les troupes de comédiens ne fussent plus nombreuses : mais selon Vossius, le nombre de tous les acteurs nécessaires dans une pièce ne devait pas excéder celui de quatorze. Avant l'ouverture de la pièce, on les nommait en plein théâtre, et l'on avertissait du rôle que chacun d'eux avait à remplir. Les modernes ont quelquefois mis sur le théâtre un plus grand nombre d'acteurs pour augmenter l'intérêt par la variété des personnages : mais il en a souvent résulté de la confusion dans la conduite de la pièce.

Horace parle d'une espèce d'acteurs secondaires en usage de son temps, et dont le rôle consistait à imiter les acteurs du premier ordre, et à donner à ceux-ci le plus de lustre qu'ils pouvaient en contre-faisant les Nains. Au reste on sait peu quelles étaient leurs fonctions.

Les anciens acteurs déclamaient sous le masque, et étaient obligés de pousser extrêmement leur voix pour se faire entendre à un peuple innombrable qui remplissait les amphitéatres : ils étaient accompagnés d'un joueur de flute qui préludait, leur donnait le ton, et jouait pendant qu'ils déclamaient.

Autant les acteurs étaient en honneur à Athènes, où on les chargeait quelquefois d'ambassades et de négociations, autant étaient-ils méprisés à Rome : non-seulement ils n'avaient pas rang parmi les citoyens, mais même lorsque quelque citoyen montait sur le théâtre, il était chassé de sa tribu, et privé du droit de suffrage par les Censeurs. C'est ce que dit expressément Scipion dans Cicéron cité par Saint Augustin, liv. II. de la cité de Dieu, chap. XIIIe cùm artem ludicram scenamque totam probro ducèrent, genus id hominum, non modo honore reliquorum civium, sed etiam tribu moveri notatione censoriâ voluerunt ; et l'exemple de Roscius dont Cicéron faisait tant de cas, ne prouve point le contraire. L'orateur estime à la vérité les talents du comédien : mais il fait encore plus de cas de ses vertus, qui le distinguaient tellement de ceux de sa profession, qu'elles semblaient devoir l'exclure du théâtre. Nous avons à cet égard à-peu-près les mêmes idées que les Romains : et les Anglais paraissent avoir en partie adopté celles des Grecs. (G)