Les anciens distinguaient aussi deux sortes d'alun naturel sec ; ils le reconnaissaient aux différences de la figure et de la texture : ou il était fendu et comme la fleur de celui qui est en masse, car il était formé en mottes ou en lattes ; ou il se fendait et se partageait en cheveux blancs ; ou il était rond, et se distribuait encore en trois espèces ; en alun moins serré et comme formé de bulles ; en alun percé de trous fistuleux, et presque semblable à l'éponge ; en alun presque rond et comme l'astragale : ou il ressemblait à de la brique ; ou il était composé de croutes. Et tous ces aluns avaient leurs noms.

M. de Tournefort trouva dans l'île de Milo de l'alun naturel liquide. Voici en peu de mots ce qu'il rapporte sur les mines de ce sel. Relation d'un voyage du Levant, tome I. p. 163. " Les principales mines sont à une demi-lieue de la ville de Milo, du côté de Saint-Venerande : on n'y travaille plus aujourd'hui. Les habitants du pays ont renoncé à ce commerce, dans la crainte que les Turcs ne les inquiétassent par de nouveaux impôts. On entre d'abord dans une caverne, d'où l'on passe dans d'autres cavités qui ont été creusées autrefois à mesure que l'on en tirait l'alun. Ces cavités sont en forme de voutes, hautes seulement de quatre ou cinq pieds, sur neuf ou dix de largeur. L'alun est incrusté presque par-tout sur les parois de ces souterrains. Il se détache en pierres plates de l'épaisseur de huit ou neuf lignes, et même d'un pouce. A mesure qu'on tire ces pierres, il s'en trouve de nouvelles par-dessous. La solution de cet alun naturel est aigrelette et styptique : elle fermente avec l'huîle de tartre, et elle la coagule. Ce mélange ne donne aucune odeur urineuse. On trouve aussi dans ces cavernes de l'alun de plume ; il vient par gros paquets, composés de filets déliés comme la soie la plus fine, argentés, luisans, longs d'un pouce et demi ou deux. Ces faisceaux de fibres s'échappent à-travers des pierres qui sont très-legeres et friables. Cet alun a le même goût que l'alun en pierre dont on vient de parler, et il produit le même effet quand on le mêle avec l'huîle de tartre ".

Le nom d'alun de plume vient de ce que ces filets déliés sont quelquefois disposés de façon qu'ils ressemblent aux barbes d'une plume. On confond souvent cette sorte d'alun avec l'amiante ou pierre incombustible, parce que cette pierre est composée de petits filets déliés comme ceux de l'alun. M. de Tournefort rapporte que dans tous les endroits où il avait demandé de l'alun de plume en France, en Italie, en Hollande, en Angleterre, etc. on lui avait toujours présenté une mauvaise espèce d'amiante, qui vient des environs de Carysto dans l'île de Négrepont.

On fait encore à présent la même équivoque ; parce que l'alun de plume est si rare, que l'on n'en trouve presque plus que dans les cabinets des curieux. Il est cependant fort aisé de le distinguer de l'amiante : cette pierre est insipide. L'alun de plume au contraire a le même goût que l'alun ordinaire. " On rencontre, continue M. de Tournefort, à quatre milles de la ville de Milo vers le sud, sur le bord de la mer, dans un lieu fort escarpé, une grotte d'environ quinze pas de profondeur, dans laquelle les eaux de la mer pénètrent quand elles sont agitées. Cette grotte, après quinze ou vingt pieds de hauteur, a ses parois revêtues d'alun sublimé, aussi blanc que la neige dans quelques endroits, et roussâtres ou dorées dans d'autres. Parmi ces concrétions on distingue deux sortes de fleurs très-blanches et déliées comme des brins de soie ; les unes sont alumineuses et d'un goût aigrelet, les autres sont pierreuses et insipides. Les filets alumineux n'ont que trois ou quatre lignes de longueur, et ils sont attachés à des concrétions d'alun : ainsi ils ne diffèrent pas de l'alun de plume. Les filets pierreux sont plus longs, un peu plus flexibles, et ils sortent des rochers ". M. de Tournefort croit qu'il y a beaucoup d'apparence que c'est la pierre que Dioscoride a comparée à l'alun de plume, quoiqu'elle soit sans goût et sans astriction, comme le dit ce dernier auteur, qui la distingue de l'amiante.

Les incrustations de la grotte dont on vient de parler, ne brulent point dans le feu : il reste une espèce de rouille après qu'elles sont consumées. On trouve de semblables concrétions sur tous les rochers qui sont autour de cette grotte : mais il y en a qui sont de sel marin sublimé, aussi doux au toucher que la fleur de la farine. On voit des trous dans lesquels l'alun parait pur et comme friable ; si on le touche on le trouve d'une chaleur excessive. Ces concrétions fermentent à froid avec l'huîle de tartre.

A quelques pas de distance de cette grotte, M. de Tournefort en trouva une autre dont le fond était rempli de soufre enflammé qui empêchait d'y entrer. La terre des environs fumait continuellement, et jetait souvent des flammes. On voyait dans quelques endroits du soufre pur et comme sublimé qui s'enflammait à tout instant : dans d'autres endroits, il distillait goutte à goutte une solution d'alun d'une stypticité presque corrosive. Si on la mêlait avec l'huîle de tartre, elle fermentait vivement.

On serait porté à croire que cette liqueur serait l'alun liquide dont Pline a parlé, et qu'il dit être dans l'île de Melos. Mais on peut voir dans Dioscoride que cette espèce d'alun n'était pas liquide ; et que comme nous l'avons déjà dit, les descriptions que les anciens nous ont laissées de l'alun liquide, prouvent qu'il n'était point en liqueur.

On suit différents procédés pour faire l'alun factice ; et suivant les différentes matières dont on se sert, on a ou l'alun rouge, ou le romain, ou le citronné, auxquels il faut ajouter l'alun de plume, dont nous avons déjà fait mention, l'alun sucré, et l'alun brulé.

Les mines d'alun les plus ordinaires sont 1°. les rocs un peu résineux : 2°. le charbon de terre : 3°. toutes les terres combustibles, brunes et feuilletées comme l'ardoise. La mine de charbon de terre de Laval au Maine, a donné de l'alun en assez grande quantité, dans les essais qu'en a fait M. Hellot de l'académie royale des Sciences de Paris, et de la société royale de Londres : 4°. plusieurs autres terres tirant sur le gris-brun. Il y en a une veine courante sur terre dans la viguerie de Prades en Roussillon, qui a depuis une taise jusqu'à quatre de largeur dans une longueur de près de 4 lieues, et qui est abondante. En général, lorsque le minéral qui contient l'alun a été mis en tas, et longtemps exposé à l'air, on voit fleurir l'alun à la surface du tas. Pour essayer ces matières on en fait une lessive, comme on fait celle des pyrites calcinées par le vitriol. Cependant on ne calcine pas les mines d'alun qui ne sont pas sulphureuses. On réduit la lessive par ébullition dans la petite chaudière de plomb, et on pese l'alun qui s'y trouve, après l'avoir fait secher. Voyez de la fonte des mines, des fonderies, etc. traduit de l'Allemand de Shlutter, publié par M. Hellot, tom. I. p. 260.

L'Angleterre, l'Italie, la Flandre, et la France, sont les principaux endroits où l'on fait l'alun. Les mines où se trouve l'alun de Rome sont aux environs de Civita-Vecchia ; on les appelle l'aluminière della Tolfa. On y trouve une sorte de pierre fort dure qui contient l'alun. Pour en séparer ce sel, on commence par tirer la pierre de la mine, de même que nous tirons ici la pierre à bâtir ou le marbre de nos carrières. Après avoir brisé ces pierres, on les jette dans un fourneau semblable à nos fourneaux à chaux, et on les y fait calciner pendant douze à quatorze heures au plus. On retire du fourneau les pierres calcinées, et on en fait plusieurs tas dans une grande place. Les monceaux ne sont point élevés ; on les sépare les uns des autres par un fossé rempli d'eau. Cette eau sert à arroser les monceaux trois ou quatre fois par jour pendant l'espace de quarante jours, jusqu'à ce que la pierre calcinée semble fermenter et se couvre d'une efflorescence de couleur rouge. Alors on met cette chaux dans des chaudières pleines d'eau que l'on fait bouillir pendant quelque temps pour faire fondre le sel. Ensuite on transvase l'eau impregnée de sel, et on la fait bouillir pour la réduire jusqu'à un certain degré d'épaississement, et sur le champ on la fait couler toute chaude dans des vaisseaux de bois de chêne. L'alun se crystallise en huit jours dans ces vaisseaux ; il se forme contre leurs parois une croute de quatre à cinq doigts d'épaisseur, composée de crystaux transparents, et d'un rouge pâle ; c'est ce qu'on appelle alun de roche, ou parce qu'il est tiré d'une espèce de roche, ou parce qu'il est presqu'aussi dur que la roche.

Il y a en Italie une autre mine d'alun à une demi-lieue de Pouzzol du côté de Naples. C'est une montagne appelée le mont d'alun, ou les soufrières, ou la solfatre ; en latin sulphureus mons, forum Vulcani, campi phlegraei, la demeure de Vulcain, les campagnes ardentes ; parce qu'on voit dans cet endroit de la fumée pendant le jour, des flammes pendant la nuit. Ces exhalaisons sortent d'une fosse longue de quinze cens pieds et large de mille. On en tire beaucoup de soufre et d'alun. L'alun parait sur la terre en efflorescence. On ramasse tous les jours cette fleur avec des balais, et on la jette dans des fossés remplis d'eau, jusqu'à ce que l'eau soit suffisamment chargée de ce sel. Alors on la filtre, et ensuite on la verse dans des bassins de plomb qui sont enfoncés dans la terre. Après que la chaleur souterraine, qui est considérable dans ce lieu, a fait évaporer une partie de l'eau, on filtre de nouveau le résidu, et on le verse dans des vaisseaux de bois. Sa liqueur s'y refroidit, et l'alun s'y crystallise. Les crystaux de ce sel sont blancs transparents.

On trouve aussi dans le solfatre des pierres dures qui contiennent de l'alun. On les travaille de la même façon que celles de l'aluminière della Tolfa.

Les mines d'alun d'Angleterre qui se trouvent dans les provinces d'York et de Lancastre, sont en pierres bleuâtres assez semblables à l'ardoise. Ces pierres contiennent beaucoup de soufre : c'est une espèce de pyrite qui s'enflamme au feu, et qui fleurit à l'air : on pourrait tirer du vitriol de son efflorescence. On fait des monceaux de cette pierre, et on y met le feu pour faire évaporer le soufre qu'elle contient. Le feu s'éteint de lui-même après cette évaporation. Alors on met en digestion dans l'eau pendant vingt-quatre heures la pierre calcinée : ensuite on verse dans des chaudières de plomb l'eau chargée d'alun. On fait bouillir cette eau avec une lessive d'algue marine, jusqu'à ce qu'elle soit réduite à un certain degré d'épaississement. Alors on y verse une assez grande quantité d'urine pour précipiter au fond du vaisseau le soufre, le vitriol, et les autres matières étrangères. Ensuite on transvase la liqueur dans des baquets de sapin. Peu-à-peu l'alun se crystallise et s'attache aux parois des vaisseaux. On l'en retire en crystaux blancs et transparents, que l'on fait fondre sur le feu dans des chaudières de fer. Lorsque l'alun est en fusion, on le verse dans des tonneaux ; il s'y refroidit, et on a des masses d'alun de la même forme que les tonneaux qui ont servi de moules. On a aussi appelé cet alun, alun de roche, peut-être parce qu'il est en grandes masses, ou parce qu'il est tiré d'une pierre comme l'alun de l'aluminière della Tolfa. Dans ces mines d'alun d'Angleterre, on voit couler sur les pierres alumineuses une eau claire d'un goût styptique. On tire de l'alun de cette eau en la faisant évaporer.

On trouve en Suède une sorte de pierre dont on peut tirer de l'alun, du vitriol et du soufre. C'est une belle pyrite fort pesante et fort dure, d'une couleur d'or, brillante, avec des taches de couleur d'argent. On fait chauffer cette pierre, et on l'arrose avec de l'eau froide pour la faire fendre et éclater. Ensuite on la casse aisément ; on met les morceaux de cette pierre dans des vaisseaux convenables sur un fourneau de reverbere ; le soufre que contient la pierre se fond, et coule dans des récipiens pleins d'eau. Lorsqu'il ne tombe plus rien, on retire la matière qui reste dans les vaisseaux, et on l'expose à l'air pendant deux ans. Cette matière s'échauffe beaucoup, jette de la fumée, et même une petite flamme que l'on aperçoit à peine pendant le jour ; enfin elle se réduit en cendres bleuâtres dont on peut tirer du vitriol par les lotions, les évaporations et les crystallisations. Lorsque le vitriol est crystallisé, il reste une eau crasse et épaisse que l'on fait bouillir avec une huitième partie d'urine et de lessive de cendres de bois ; il se précipite au fond du vaisseau beaucoup de sédiment rouge et grossier. On filtre la liqueur, et on la fait évaporer jusqu'à un certain degré d'épaississement ; ensuite il s'y forme des crystaux d'alun bien transparents, que l'on appelle alun de Suède.

A Cypsele en Thrace, on prépare l'alun en faisant calciner lentement les marcassites, et les laissant ensuite dissoudre à l'air par la rosée et la pluie ; après quoi on fait bouillir dans l'eau, et on laisse crystalliser le sel. Belon, M. Rays. trav. tom. II. pag. 351.

Nous n'avons point été à portée de mettre en planches tous ces travaux ; et quand nous l'aurions pu, nous n'eussions pas été assez tentés de nous écarter de notre plan pour l'entreprendre. Nous nous contenterons de donner ici la manière de faire l'alun qu'on suit à Dange, à trois lieues de Liege, et deux lieues d'Hui, l'appliquant à des planches que nous avons dessinées sur des plans exécutés en relief par les ordres de M. le comte d'Herouville, lieutenant-général, qui a eu la bonté de nous les communiquer. Ces plans ont été pris sur les lieux. Mais avant que d'entrer dans la manufacture de l'alun, le lecteur ne sera pas fâché sans doute de descendre dans la mine et de suivre les préparations que l'on donne à la matière qu'on en tire sur le chemin de la mine à la manufacture ; c'est ce que nous allons expliquer, et appliquer en même-temps à des planches sur l'exactitude desquelles on peut compter.

Les montagnes des environs de la mine de Dange sont couvertes de bois de plusieurs sortes : mais on n'y trouve que des plantes ordinaires, des genièvres, des fougeres, et autres. Les terres rapportent des grains de plusieurs espèces et donnent des vins. L'eau des fontaines est légère, la pierre des rochers est d'un gris bleu céleste, elle a le grain dur et fin ; on en fait de la chaux. C'est derrière ces rochers qu'on trouve les bures pour le soufre, l'alun, le vitriol, le plomb et le cuivre. Plus on s'enfonce dans les profondeurs de la terre, plus les matières sont belles. On y descend quelquefois de 80 taises ; on suit les veines de rochers en rochers ; on rencontre de très-beaux minéraux, quelquefois du crystal. Il sort de ces mines une vapeur qui produit des effets surprenans : une fille qui se trouva à l'entrée de la mine fut frappée d'une de ces vapeurs, et elle changea de couleur d'un côté seulement. On trouve dans les bois sous les hauteurs à dix pieds de profondeur, plusieurs sortes de sable dont on fait du verre, du crystal, et de la fayance. Trais hommes commencent une bure ; ils tirent les terres, les autres les étançonnent avec des perches coupées en deux. Quand le percement est poussé à une certaine profondeur, on place à son entrée un tour avec lequel on tire les terres dans un panier qui a trois pieds de diamètre sur un pied et demi de profondeur. Six femmes sont occupées à tirer le panier, trois d'un côté du tour, trois de l'autre. Un brouetteur reçoit les terres au sortir du panier et les emmene. On conçoit que plus la bure avance, plus il faut de monde. Il y a quelquefois sept personnes dedans et sept au-dehors. De ceux du dedans les uns minent, les autres chargent le panier, quelques-uns étançonnent. Les hommes ont 20 sols du pays par jour, ou 28 sols de France ; les femmes 10 sols de France. Quand on est parvenu à 50 pieds de profondeur, les femmes du tour tirent jusqu'à 200 paniers par huit heures. A dix pieds on commence à rencontrer de la mine qu'on néglige. On ne commence à recueillir qu'à vingt à vingt-cinq pieds. Quand on la trouve bonne, on la suit par des chemins souterrains qu'on se fraye en la tirant ; on étançonne tous ces chemins avec des morceaux de bois qui ont six pouces d'équarrissage sur six pieds de haut ; on place ces étais à deux pieds les uns des autres sur les côtés ; on garnit le haut de petits morceaux de bois et de fascines ; quand les ouvriers craignent de rencontrer l'eau, ils remontent leur chemin.

Mais s'il arrive qu'on ne puisse éviter l'eau, on pratique un petit canal souterrain qui conduise les eaux dans une bure qui a 90 pieds de profondeur, et qui est au niveau des eaux : là il y a dix pompes sur quatre bassins, quatre au niveau de l'eau, trois au second étage, et trois au troisième. Des canaux de ces pompes, les uns ont deux pieds de hauteur, les autres quatre ou même cinq. Ces pompes vont par le moyen de deux grandes roues qui ont 46 pieds de diamètre, et qui sont mises en mouvement par des eaux qui se trouvent plus hautes qu'elles, et qui sont dans les environs. Cette machine qui meut les pompes s'appelle engin. La première pompe a 10 taises, la seconde 10, et celle du fond 10. Les trois verges de fer qui tiennent le piston ont 50 pieds, et le reste est d'aspiration. La largeur de la bure a huit pieds en carré. L'engin et les pompes font le même effet que la machine de Marly, mais ils sont plus simples.

On jette le minéral qui contient l'alun dans de gros tas qui ont vingt pieds de haut, sur soixante en carré. Voyez Minéral. Pl. II. A, A, A, sont ces tas. On le laisse dans cet état pendant deux ans, pour qu'il jette son feu, disent les ouvriers. Au bout de deux ans, on en fait, pour le bruler, de nouveaux amas, qu'on voit même Planche en B, B, B, B. Ces amas sont par lits de fagots et lits de minéral, les uns élevés au-dessus des autres, au nombre de vingt, en forme de banquettes, comme on les voit. On a soin de donner de l'air à ces amas dans les endroits où l'on s'aperçoit qu'ils ne brulent pas également ; c'est ce que fait avec son pic la fig. 1. Pour donner de l'air, l'ouvrier travaille ou pioche, comme s'il voulait faire un trou d'un pied carré : mais ce trou fait, il le rebouche tout de suite. On laisse bruler le minéral pendant huit à neuf jours, veillant à ce qu'il ne soit ni trop cuit ni pas assez cuit ; dans l'un et l'autre cas on n'en tirerait rien. Quand on s'aperçoit que la matière est rougeâtre, et qu'elle sonne ; on s'en sert d'un côté (celui où l'on a commencé de mettre le feu) tandis que de l'autre côté on continue d'ajouter à-peu-près la même quantité, en sorte que l'amas se reforme à mesure qu'il se détruit : c'est ce que font les deux fig. 2. et 3. l'une, 2. emporte la matière brulée avec sa brouette ; l'autre, 3. continue un lit avec sa hotte. Les Fêtes et les Dimanches n'interrompent point ce travail, qu'on pousse pendant 8 heures par jour. Deux hommes prennent la matière brulée pour la jeter dans les baquets d'eau ; et une douzaine de petits garçons et de petites filles refont le tas à l'autre extrémité. C, C, C, C, etc. D, D, D, D, etc. sont ces baquets. Les hommes ont trente sols de France par jour, et les enfants cinq sols.

On remarque que les arbres qui sont aux environs des tas du minéral en feu meurent, et que la fumée qui les tue ne fait point de mal aux hommes. Les baquets sont au nombre de douze, comme on les voit sur deux rangées C, C, C, C, C, C ; D, D, D, D, D, D ; six d'un côté, six d'un autre : ils ont chacun seize pieds en carré, sur un pied de profondeur. Ces douze baquets sont séparés par un espace, dans lequel on en a distribué trois petits E, E, E, qui ont chacun, sur trois pieds de long, un pied et demi de large, et deux pieds de profondeur. Il y a un petit baquet pour quatre grands ; quatre des grands, deux d'un côté C, C, et deux de l'autre D, D, communiquent avec un petit E. L'ouverture par laquelle les grands baquets communiquent avec les petits, est fermée d'un tampon, qu'on peut ôter quand on veut. Les brouetteurs portent sans cesse de la matière du tas dans les grands baquets : ces grands baquets sont pleins d'eau ; ils reçoivent l'eau par le canal F ; le canal F prolongé en G, G, G, etc. fait le tour des douze grands baquets : ces grands baquets ont des ouvertures en H, H, H, etc. par lesquelles ils peuvent recevoir l'eau qui coule dans le canal G, G, G, qui les environne. Quand la matière a trempé pendant vingt-quatre heures dans un grand baquet C 1, on laisse couler l'eau chargée de particules alumineuses dissoutes dans le petit baquet E, et on la jette de ce petit baquet E, dans le grand D 1, où elle reste encore à s'éclaircir : on continue ainsi à remplir les baquets C 1, C 2, C 3, etc. et les baquets D 1, D 2, D 3, etc. d'eau chargée de parties alumineuses, par le moyen des petits baquets E, E, E. Ces baquets sont tous faits de bois, de madriers et de planches, et le fond en est plancheyé. Quand on présume que l'eau est assez éclaircie dans les grands baquets C 1, C 2, C 3, etc. D 1, D 2, D 3, etc. on en ôte les bouchons, et on la laisse couler par le long canal E, E, E, etc. dans un réservoir F, qui est à 50 taises de-là : elle demeure deux à trois heures dans ce réservoir, puis on la laisse aller dans un autre réservoir I, qui est à deux cens taises du réservoir F, mais de sa même grandeur : ce dernier réservoir I (voyez Minéral. Planche III.) est derrière les chaudières. Quand l'eau du réservoir I est claire, on s'en sert ; si elle ne l'est pas, on la laisse reposer. Quand elle est suffisamment reposée, on la laisse couler dans les deux chaudières G, G ; ces chaudières sont de plomb, et sont assises sur les fourneaux H, H, H. K, K, escaliers qui conduisent sur les fourneaux vers les chaudières. L, L, cendriers. M, M ; portes des fourneaux par lesquelles on jette la houille. L'eau qu'on a introduite dans les chaudières G, G, y reste vingt-quatre heures ; on les remplit à mesure que l'eau y diminue, non de l'eau du réservoir I, qui est derrière elles, mais d'une autre dont nous parlerons tout à l'heure. Quand on s'aperçoit que la matière contenue dans les chaudières G, G, est cuite, ce que l'on reconnait à sa transparence et à son écume blanche, on la renvoye, soit par un canal, soit autrement, des chaudières G, G, dans huit cuves M, M, M, M, etc. où elle reste pendant trois jours : au bout de trois jours on prend avec des écopes l'eau qui lui surnage dans les cuves M, M, M, M, etc. on la jette sur les canaux r, r, r, r, qui la conduisent dans les cuves p, p, où il ne reste plus qu'un sédiment qu'on prend avec des seaux, et qu'on remet dans les deux chaudières du milieu ou d'affinage n, n. A mesure que la matière diminue dans les chaudières n, n, on les remplit avec d'autre eau claire. Quand la matière tirée des chaudières M, M, M, en une espèce de pâte, et portée dans les chaudières d'affinage n, n, est entièrement fondue ou dissoute, on la décharge par un petit canal dans les tonneaux o, o, o, o, où elle crystallise. Les chaudières G, G, ont cinq pieds de largeur, deux et demi de hauteur du côté du bouchon ; de l'autre côté deux pieds, et neuf pieds de longueur. Les tonneaux o, o, o, ont trois pieds de diamètre sur six de hauteur. On laisse la matière dans les tonneaux pendant neuf jours en automne, et pendant douze jours en hiver, sans y toucher, crainte de tout gâter. Le tonneau tient 2500. Quant aux chaudières G, G, qu'on appelle chaudières à éclaircir, on les remplit à mesure que l'eau y diminue avec de l'eau-mère : on entend par eau-mère, celle qui s'élève à la surface des cuves M, M, M, etc. pendant que l'eau y séjourne ; on prend cette eau dans les cuves p, p, avec des seaux, et on la renvoye, selon le besoin, des cuves p, p, dans les chaudières à éclaircir G, G. C'est ce que font les deux fig. 1. 2. dont l'une prend dans la cuve p, et l'autre jette sur les canaux de renvoi q, q, qui se rendent aux deux chaudières à éclaircir G, G, qu'on entretient toujours avec moitié de l'eau des cuves p, p, et moitié de l'eau du réservoir I. Les fours sont de la longueur de la chaudière ; leur hauteur est coupée en deux par un grillage dont les barres ont trois pouces d'équarrissage, et cinq pieds de longueur ; il y en a cinq en longueur, et trois en travers. Ce grillage ne s'étend qu'à la moitié de la capacité du four ; c'est sur lui qu'on met la houille ; il faut toutes les 24 heures deux tombereaux de houille pour les quatre fourneaux : ces tombereaux ont six pieds de long, sur trois de large et trois de haut.

Il est bon d'observer que les chaudières étant de plomb, il faut qu'elles soient garanties de l'action du feu par quelque rempart : ce rempart, c'est une grande plaque de fonte d'un pouce d'épaisseur H, H, H, qui couvre le dessus des fourneaux. Voyez la Planche III. de Minéralogie. On voit, Planche de la couperose, une coupe du fourneau ; A, porte du fourneau ; B, B, porte du cendrier ; C, C, la grille ; D, D, D, D, coupe de la chaudière ; H, H, la cheminée ; I, K, L, hotte et tuyau de la cheminée.

On fait aussi de l'alun en France, proche les montagnes des Pyrénées.

L'alun est composé d'un acide qui est de la nature de l'acide vitriolique, puisque quand il est joint avec l'alkali du tartre, il donne un tartre vitriolé, comme ferait l'acide tiré du vitriol même. Cet acide, pour former l'alun, est uni à une terre qui est une espèce de craie ; cette terre est particulière, et semble tenir de la nature des matières animales calcinées. L'alun donne par la décomposition quelque chose d'urineux, qui vient le plus souvent de l'urine dont on se sert pour le clarifier quand on le fabrique. D'ailleurs, l'alun pourrait donner un alkali volatil urineux, indépendamment de cette urine, parce qu'il contient un peu de bitume, qui combiné avec la terre de l'alun, peut donner un alkali volatil ; ce qu'on doit inférer des expériences que M. Malouin a rapportées à l'Académie en 1746, en donnant l'analyse des eaux minérales de Plombières. C'est de lui que nous tenons le reste de cet article.

L'alun est un remède qui, étant mis en œuvre avec les précautions et la prudence nécessaires, apaise et guérit toutes les hémorrhagies en général, tant internes qu'externes. On peut donc s'en servir dans l'écoulement du sang, causé par l'ouverture de quelques vaisseaux dans les premières voies ; dans le saignement de nez ; dans les crachements et vomissements de sang ; dans le flux des urines ensanglantées, et des hémorrhoïdes ; dans toutes les pertes de sang qui arrivent aux femmes, en quelque temps qu'elles leur surviennent, pendant leur grossesse, et après l'accouchement.

Enfin l'alun n'est pas moins efficace dans les hémorrhagies qui auraient été causées par un coup de feu, ou par quelque instrument tranchant, par quelque chute, ou quelque coup de tête violent ; et dans celles même qui seraient la suite de quelques ulcères rongeants et invétérés.

La manière dont agit l'alun est très-douce : on n'éprouve lorsqu'on en prend, d'autre changement dans le corps, que quelques maux de cœur legers : mais ils durent très-peu, et ne vont jamais jusqu'à faire vomir avec effort.

Quelques-uns prétendent qu'il est dangereux d'arrêter le sang par l'usage des astringens ; préjugé d'autant plus mal fondé à l'égard de l'alun, qu'il est détruit par l'expérience. Ce remède n'entraîne jamais de suite fâcheuse, pourvu néanmoins que les vaisseaux aient été suffisamment désemplis, ou par les pertes, ou par les saignées ; c'est au Médecin à en décider. Le Médecin ne l'emploiera jamais dans les hémorrhagies critiques, ni dans les fièvres violentes : c'est pourquoi il est toujours nécessaire de consulter le Médecin sur son usage.

Au reste, la manière d'en user doit être variée, ainsi que le régime, selon les différents tempéraments, et les différentes hémorrhagies.

La dose est depuis trois grains jusqu'à un demi-gros, incorporé avec un peu de miel rosat. M. Malouin a trouvé que le cinnabre joint à l'alun, faisait réussir mieux ce remède, surtout lorsqu'il s'agit de calmer les nausées, etc. Ce Médecin fait entrer un grain de cinnabre naturel dans chaque prise d'alun. Voyez sa Chimie médicinale. On donne l'alun dans les grandes hémorrhagies pressantes, de deux heures en deux heures, et nuit et jour. Lorsque les hémorrhagies seront moins vives, on le donnera de trois ou de quatre heures en quatre heures, et le jour seulement, si la chose n'est pas pressante.

Lorsque la perte de sang sera arrêtée, ce qui arrive ordinairement après la huitième ou dixième prise, on diminuera insensiblement pendant un mois l'usage de l'alun.

Les femmes ont quelquefois des pertes de sang extraordinaires, ou sont sujettes à en évacuer tous les mois en telle abondance, qu'elles s'en trouvent considérablement affoiblies.

Dans la vue de modérer ces pertes sans les arrêter, on leur fera prendre le matin à jeun un demi-gros d'alun sept ou huit jours de suite avant le temps de l'évacuation ; elles continueront cette pratique pendant cinq ou six mois, sans quoi elles courent risque de devenir sujettes aux pertes blanches, qui peuvent devenir d'autant plus dangereuses, qu'elles sont quelquefois suivies de skirrhes ou d'ulcères.

Deux observations générales doivent être rapportées à toutes les espèces de pertes de sang dont nous venons de parler ; la première, c'est que lorsqu'il y a des insomnies pendant la perte, on doit joindre à l'usage de l'alun, celui des narcotiques, ou du moins des calmants : la seconde, c'est que les grandes hémorrhagies sont presque toujours suivies de dégouts, d'altération, de lassitudes, d'inquiétudes et de douleurs de tête violentes, et de battements des grosses artères ; il faut aussi employer dans ces cas les calmants, et même les narcotiques, surtout lorsqu'il y a de l'insomnie. Voyez Helvetius, Traité des maladies.

On se sert extérieurement de l'alun dans les lotions astringentes ; et il entre dans différents cosmétiques, et dans plusieurs compositions pour nettoyer les dents.

C'est un des principaux ingrédiens des teintures et des couleurs, qui pour être comme il le faut, ne peuvent s'en passer. Il sert à affermir la couleur sur l'étoffe, et il a en cette occasion le même usage que l'eau gommée et les huiles visqueuses ; il dispose aussi les étoffes à prendre la couleur, et il lui donne plus de vivacité et de délicatesse, comme on voit clairement dans la cochenille et la graine d'écarlate.

Cet effet de l'alun semble être dû à sa qualité astringente, par le moyen de laquelle il bride les particules les plus fines des couleurs, les retient ensemble, et les empêche de s'évaporer. C'est par-là aussi qu'il empêche le papier, qui a été longtemps dans l'eau alumineuse, de boire lorsqu'on écrit dessus. Voyez COULEUR, TEINTURE.

L'alun sucré ressemble beaucoup au sucre ; c'est une composition d'alun ordinaire, d'eau-rose, et de blancs d'œufs cuits ensemble en consistance de pâte, à laquelle on donne ensuite la forme que l'on veut ; étant refroidie, elle devient dure comme une pierre, on l'emploie en qualité de cosmétique.

L'alun brulé, alumen ustum ; c'est un alun calciné sur le feu, et qui par ce moyen devient plus blanc, plus leger, plus facîle à pulvériser et caustique.

L'alun de plume, alumen plumosum, est une sorte de pierre minérale saline de différentes couleurs, ordinairement d'un blanc verdâtre, ressemblant au talc de Venise, excepté qu'au lieu d'écailles, elle a des filets ou fibres qui ressemblent à celles d'une plume, d'où lui vient son nom.

L'alun clarifie les liqueurs ; un peu d'alun jeté dans de l'eau divine, la clarifie de façon, qu'on n'est pas obligé de la filtrer. L'alun clarifie aussi l'encre ; on emploie l'alun dans les fabriques de sucre, pour la propriété qu'il a de clarifier : ceux qui font profession de dessaler de la morue, se servent aussi d'alun.

Les Anatomistes et les Naturalistes mettent un peu d'alun dans l'eau-de-vie blanche, dans laquelle ils conservent des animaux, etc. pour conserver les couleurs.

Il y en a qui s'imaginent que l'alun a la secrète propriété d'apaiser les douleurs de rhumatismes, lorsqu'on le porte sur soi : quelques personnes sujettes aux rhumatismes, croient s'en garantir, en portant dans leur poche, ou dans leur gousset, un morceau d'alun.

Alun purifié : on purifie l'alun comme la plupart des autres sels, par la dissolution, la filtration, et la crystallisation. On prend de l'alun de Rome, on le fait fondre dans de l'eau bouillante, après l'avoir concassé ; on filtre la dissolution ; on en fait évaporer une partie, et on le porte dans un lieu frais, où l'alun se forme en crystaux, qu'on retire de l'eau, et qu'on fait sécher ; c'est l'alun purifié.

Alun teint de Mynsicht. Il y a eu dans le siècle passé une préparation d'alun en grande réputation : Mynsicht, qui était un grand médecin d'Allemagne, en fut l'auteur. Pour purifier l'alun, il en faisait fondre deux onces dans de l'eau de chardon-bénit ; il y ajoutait une once de sang-de-dragon en poudre tamisée ; le tout ayant bouilli ensemble jusqu'à ce que l'alun fût dissous, il filtrait la dissolution, et la mettait à crystalliser : il avait par ce moyen un alun teint en rouge.

M. Helvetius qui a remis en France, comme il est encore en Allemagne, l'usage de l'alun pris en grande dose, faisait par le feu ce que Mynsicht faisait par l'eau ; c'est-à-dire, pour parler le langage de Chimie, Mynsicht employait, pour purifier l'alun, la voie humide, et M. Helvetius se servait de la voie seche. M. Helvetius faisait fondre l'alun dans une cuillière de fer sur le feu avec le sang de dragon en poudre ; il les mêlait bien ensemble, et après avoir retiré du feu la masse molle, il en formait des pilules de la grosseur des pois ronds : il faut que plusieurs personnes se mettent à faire promptement ces pilules, parce que la masse se durcit en refroidissant.