En effet, c'est une loi générale, qu'un corps pesant s'enfonce dans un fluide, jusqu'à ce qu'il occupe dans ce fluide la place d'un volume qui lui soit égal en pesanteur : de-là il s'ensuit que plus un fluide est dense, c'est-à-dire, plus il est pesant, plus la partie du fluide, qui sera égale en poids à l'aréomètre, sera d'un petit volume, et par conséquent le volume de fluide que l'aréomètre doit déplacer sera aussi d'autant plus petit, que le fluide est plus pesant : ainsi plus le fluide est pesant, moins l'aréomètre doit s'y enfoncer. Il doit donc s'enfoncer moins dans l'eau que dans le vin, moins dans le vin que dans l'eau-de-vie, etc. comme il arrive en effet.

Il y a un autre aréomètre de l'invention de M. Homberg : on en trouve la description suivante dans les Transact. philos. n°. 262. A, fig. 19. est une bouteille de verre ou matras dont le col C B est si étroit, qu'une goutte d'eau y occupe cinq ou six lignes ; à côté de ce col est un petit tube capillaire D de la longueur de six pouces, et parallèle au col C B. Pour remplir ce vaisseau, on verse la liqueur par l'orifice B, dans lequel on peut mettre un petit entonnoir : on versera jusqu'à ce qu'on voie sortir la liqueur par l'orifice D, c'est-à-dire, jusqu'à ce qu'elle soit dans le col C B, à la hauteur C ; par ce moyen on aura toujours le même volume ou la même quantité de liqueur ; et conséquemment on pourra trouver par le moyen d'une balance, quelle est, parmi les différentes liqueurs dont on aura rempli cet aréomètre, celle dont la pesanteur absolue est la plus grande, ou qui pese le plus.

Il faut avoir quelqu'égard à la saison de l'année, et au degré de chaleur ou de froid qui règne dans l'air ; car il y a des liqueurs que la chaleur raréfie, et que le froid condense beaucoup plus que d'autres, et qui occupent plus ou moins d'espace, selon qu'il fait plus ou moins chaud ou froid. Voyez PESANTEUR SPECIFIQUE, RAREFACTION, etc.

A l'aide de cet instrument, son savant auteur a construit la table suivante, qui montre, tant pour l'été que pour l'hiver, les différentes pesanteurs spécifiques des fluides, dont l'usage est le plus ordinaire en Chimie.

L'instrument vide pesait une dragme vingt-huit grains.

Une autre méthode pour connaître le degré de pesanteur d'un fluide, est de suspendre une masse de verre massif et de figure ronde à un crin de cheval, que l'on attache au-dessous d'un petit plat : cette masse ainsi suspendue dans l'air à une balance bien juste, demeure en équilibre avec un poids fait en forme de bassin, et suspendu à l'autre bras de la balance ; on plonge ensuite le corps de verre dans la liqueur dont on veut examiner la pesanteur, et sur le champ l'autre bras de la balance s'élève et devient plus leger, parce que le corps de verre a perdu dans la liqueur une partie de son poids : on met ensuite sur le petit plat auquel le crin de cheval est attaché, autant de poids qu'il en faut pour que l'équilibre soit rétabli ; et ces poids ajoutés indiquent ce que la masse de verre a perdu de son poids dans la liqueur : or le poids que ce corps a perdu est égal au poids d'un pareil volume de la liqueur ; donc on connait par-là ce que pese un volume de la liqueur égal à celui du petit corps de verre.

M. Musschenbroeck parait préférer cette dernière méthode à toutes les autres qu'on a imaginées pour poser les liqueurs. Il prétend que la méthode de M. Homberg en particulier a ses inconvéniens, parce que la vertu attractive du tuyau étroit fait que la liqueur y monte plus haut que dans le col large ; et comme les liqueurs ont une vertu attractive différente, il devra y avoir aussi une grande différence entre leurs hauteurs dans le col large, lorsqu'elles se seront élevées jusqu'à l'orifice du tuyau étroit.

Si au haut de la tige de l'aréomètre on met quelque petite lame de métal, etc. il s'enfonce plus avant, quoique dans la même liqueur. En effet, la partie plongée de l'aréomètre soulève autant de liqueur qu'il en faut, pour faire équilibre à l'instrument entier. S'il pese une once, par exemple, il soulève moins d'eau que de vin, quant au volume, parce qu'il faut plus de vin que d'eau pour le poids d'une once ; et comme il ne fait monter la liqueur qu'en s'enfonçant, il doit donc plonger plus avant dans celle qui est la plus légère. Si l'on augmente le poids de l'aréomètre par l'addition de quelque lame de métal, ou autrement, il s'enfonce plus avant, quoique dans la même liqueur ; parce qu'alors il en faut une plus grande quantité pour lui faire équilibre. M. Formey.

Cela sert à expliquer divers faits. Si tous les corps qui flottent, s'enfoncent plus ou moins, suivant la densité du fluide, une barque chargée en mer aura donc moins de parties hors de l'eau, si elle vient à remonter une rivière ; car l'eau salée pese plus que l'eau douce, et les nageurs assurent qu'ils en sentent bien la différence. On doit donc avoir égard à cet effet, et ne pas rendre la charge aussi grande qu'elle pourrait l'être, si l'on prévait qu'on doive passer par une eau moins chargée de sel, que celle où l'on s'embarque. On a Ve quelquefois des îles flottantes, c'est-à-dire, des portions de terre assez considérables qui se détachent du continent, et se trouvant moins pesantes que l'eau, se soutiennent à la surface, et flottent au gré des vents. L'eau mine peu-à-peu certains terrains, qui sont plus propres que d'autres à se dissoudre : ces sortes d'excavations s'augmentent avec le temps, et s'étendent au loin ; le dessus demeure lié par les racines des plantes et des arbres, et le sol n'est ordinairement qu'une terre bitumineuse, fort légère ; de sorte que cette espèce de croute est moins pesante que le volume d'eau sur lequel elle est reçue, quand un accident quelconque vient à la détacher de la terre ferme, et à la mettre à flot. L'exemple de l'aréomètre fait voir encore qu'il n'est pas besoin pour surnager que le corps flottant soit d'une matière plus légère que l'eau. Car cet instrument ne se soutient point en vertu du verre ou du mercure, dont il est fait, mais seulement parce qu'il a, avec peu de solidité, un volume considérable qui répond à une quantité d'eau plus pesante. Ainsi l'on pourrait faire des barques de plomb, ou de tout autre métal, qui ne s'enfonceraient pas. Et en effet, les chariots d'artillerie portent souvent à la suite des armées des gondoles de cuivre, qui servent à établir des ponts pour le passage des troupes. M. Formey.

Il faut apporter diverses précautions dans la construction et l'usage de cet instrument. 1°. Il faut que les liqueurs dans lesquelles on plonge l'aréomètre, soient exactement au même degré de chaleur ou de froid, afin qu'on puisse être sur que leur différence de densité ne vient point de l'une de ces deux causes, et que le volume de l'aréomètre même n'en a reçu aucun changement.

2°. Que le col de l'instrument, sur lequel sont marquées les gradations, soit par tout d'une grosseur égale ; car s'il est d'une forme irrégulière, les degrés marqués à égales distances ne mesureront pas des volumes de liqueurs semblables en se plongeant ; il sera plus sur et plus facîle de graduer cette échelle relativement à la forme du col, en chargeant successivement l'instrument de plusieurs petits poids bien égaux, dont chacun produira l'enfoncement d'un degré.

3°. On doit avoir soin que l'immersion se fasse bien perpendiculairement à la surface de la liqueur, sans quoi l'obliquitté empêcherait de compter avec justesse le degré d'enfoncement.

4°. Comme l'usage de cet instrument est borné à des liqueurs qui diffèrent peu de pesanteur entre elles, on doit bien prendre garde que la partie qui surnage ne se charge de quelque vapeur ou saleté, qui occasionnerait un mécompte, dans une estimation, où il s'agit de différences peu considérables. Et lorsque l'aréomètre passe d'une liqueur à l'autre, on doit avoir soin que sa surface ne porte aucun enduit, qui empêche que la liqueur où il entre ne s'applique exactement contre cette surface.

5°. Enfin malgré toutes ces précautions, il reste encore la difficulté de bien juger le degré d'enfoncement, parce que certaines liqueurs s'appliquent mieux que d'autres au verre ; et qu'il y en a beaucoup qui, lorsqu'elles le touchent, s'élèvent plus ou moins au-dessus de leur niveau. Quand on se sert de l'aréomètre que nous avons décrit, il faut le plonger d'abord dans la liqueur la moins pesante, et remarquer à quelle graduation se rencontre sa surface : ensuite il faut le rapporter dans la plus dense, et charger le haut de la tige, ou du col, de poids connus, jusqu'à ce que le degré d'enfoncement soit égal au premier. La somme des poids qu'on aura ajoutés, pour rendre cette seconde immersion égale à la première, sera la différence des pesanteurs spécifiques entre les deux liqueurs. Nous devons ces remarques à M. Formey, qui les a tirées de M. l'abbé Nollet, Lect. Phys. (O)