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Catégorie parente: Physique particulière
Catégorie : Minéralogie
ou PIERRE A PLATRE, gypsum, (Histoire naturelle, Minéralogie) on appelle gypses ou pierres gypseuses, toutes les pierres que l'action du feu change en plâtre : ainsi le gypse ou la pierre à plâtre sont la même chose, et le plâtre est le produit que donne le gypse lorsqu'il a été calciné. Voyez PLATRE.

Les gypses sont des pierres très-tendres ; leur tissu est ordinairement si peu serré, qu'on peut les égratigner avec l'ongle, les pulvériser, ou les écraser entre les doigts : ils ne donnent point d'étincelles lorsqu'on les frappe avec de l'acier ; ils ne sont point solubles dans les acides, quoique quelques auteurs prétendent qu'ils s'y dissolvent.

Les anciens ont connu différentes espèces de gypse, dont ils faisaient le même usage que nous ; l'île de Chypre en avait des carrières considérables. Ils nommaient metallum gypsinum, celui qu'ils regardaient comme le plus parfait ; c'était, suivant M. Hill, le gypse feuilleté, que nous appelons pierre spéculaire. Les naturalistes anciens parlent aussi d'une pierre qu'ils appelaient gypsum tymphaicum, qui mêlée avec l'eau sans avoir éprouvé l'action du feu, prenait corps et faisait un ciment ou plâtre. Ils s'en servaient aussi pour dégraisser les habits, comme de la terre cimolée : mais il y a lieu de croire que c'était plutôt une substance calcaire, telle que celle qu'on nomme calx nativa, et que c'est improprement qu'on lui donnait le nom de gypsum. Voyez le traité des pierres de Théophraste, avec les notes de M. Hill, pag. 209 et suiv. de la traduction franç. et Plinii hist. nat. lib. XXXVI. cap. XVIIe

Les gypses varient pour la couleur et pour la figure ; ce qui fait qu'on en compte plusieurs espèces. La plus connue et la plus ordinaire est celle qu'on nomme pierre à plâtre ; elle se divise en masses d'une figure indéterminée : au premier coup-d'oeil elle a quelque ressemblance avec de la pierre à chaux, et quelquefois avec le grès. Elle parait remplie de points luisans, qui la font en quelque sorte ressembler à du sucre brut ; elle est ou blanche ou d'un gris clair, ou semée de taches, ou rougeâtre, ou verdâtre, etc. On en trouve de cette espèce à Montmartre et dans plusieurs autres endroits des environs de Paris, où on la nomme pierre à plâtre, ou moilon de plâtre.

Le gypse feuilleté, qui s'appelle aussi pierre spéculaire et miroir des ânes, est une pierre formée par l'assemblage de plusieurs feuillets très-minces et transparents, placés les uns sur les autres, et qui se séparent aisément. Ces feuillets sont quelquefois presque aussi transparents que du verre ; quelquefois ils sont colorés, ce qui fait que leur assemblage forme une pierre jaunâtre, ou brune et luisante, sur laquelle on voit des iris ou les couleurs de l'arc-en-ciel. Ce gypse ressemble beaucoup au talc, qu'on nomme glacies mariae, ou verre de Russie : voilà pourquoi plusieurs auteurs l'ont confondu avec lui, quoiqu'il en diffère par les propriétés. Le gypse feuilleté devient blanc, et perd sa transparence dans le feu ; au lieu que le talc n'y éprouve aucun changement. Ce gypse a aussi de la ressemblance avec le spath feuilleté et rhomboïdal ; mais ce dernier est une pierre calcaire. On trouve aussi de la pierre spéculaire ou du gypse feuilleté dans les carrières de Montmartre ; on regarde le plâtre qui en est fait, comme le plus pur. Il y a du gypse dont les lames ou feuillets sont disposés confusément : quelques auteurs le nomment gypse ardoisé. Il ne diffère de l'autre que par l'arrangement de ses parties, qui font qu'il est plus ou moins opaque. Quelquefois les lames du gypse feuilleté se réunissant par une de leurs extrémités, forment différents angles plus ou moins aigus ; comme on peut le remarquer dans le gypse feuilleté de Montmartre ; souvent l'espace compris entre les deux angles, est rempli d'une substance étrangère qui est calcaire.

Le gypse strié est une pierre formée par un assemblage de filets ou d'aiguilles, parallèles les unes aux autres ; ce qui fait qu'elle ressemble parfaitement à de l'asbeste, ou à de l'amiante : quelques auteurs l'ont abusivement nommé alun de plume.

Les gypses crystallisés sont des pierres dont la figure varie ; elle est tantôt rhomboïdale, tantôt par filets, tantôt en pyramides de différentes grandeurs ; mais le plus souvent en colonnes, assez semblables aux crystaux du sel de Glauber : ces crystallisations gypseuses se reconnaissent aisément à leur peu de consistance et de dureté. C'est improprement que quelques auteurs ont donné le nom de sélénite à cette espèce de gypse.

Le gypse solide est une pierre dont les parties sont liées si étroitement, qu'on a de la peine à distinguer la figure des parties qui la composent : cette pierre a de la transparence, et ressemble assez à de la cire blanche. On en fait en Allemagne des figures assez agréables.

Un très-grand nombre de naturalistes dont l'autorité est d'ailleurs respectable, mettent l'albâtre, au rang des gypses ; mais cela demande une explication. Ces auteurs semblent avoir donné le nom d'albâtre à une pierre qui, à la vérité, lui ressemble beaucoup, tant par son tissu que par sa blancheur, par les veines et les couleurs qu'on y remarque. Cette pierre, qui est un vrai gypse, se trouve surtout en différentes parties de l'Allemagne, et c'est sur elle que M. Pott a fait toutes ses expériences pour découvrir la nature de la pierre gypseuse : mais le véritable albâtre, et surtout celui que nous connaissons sous le nom d'albâtre oriental, dont on fait des tables, des colonnes, des manteaux de cheminées, et d'autres ouvrages, doit être regardé comme une pierre calcaire, puisqu'il fait effervescence avec les acides, et se change en chaux par la calcination. Ferrante Imperato regarde l'albâtre comme une stalactite, et il y a toute apparence que c'est le marbre qui produit cette stalactite. On peut voir plusieurs de ces albâtres en stalactite, dans le cabinet du jardin du Roi à Paris. Ainsi la pierre que MM. Wallerius et Pott nomment albâtre, et qu'ils placent parmi les gypses, n'a rien de commun, sinon la ressemblance extérieure, avec ce que nous entendons par albâtre.

M. Wallerius met aussi la pierre phosphorique, appelée pierre de Bologne, au règne des gypses ; mais de son aveu même elle est calcaire, puisqu'il dit qu'elle fait effervescence avec les acides. Le même auteur dit dans ses remarques, que tous les gypses acquièrent par la calcination la propriété de luire dans l'obscurité, tout comme les pierres calcaires et les marbres ; mais M. Pott nous apprend que ses expériences lui ont fait voir le contraire. M. Wallerius met aussi la pierre néphrétique au rang des gypses, tandis qu'il lui attribue de même la propriété d'être soluble dans les acides. Voyez la minéralogie de Wallerius, tome I. pag. 98. et suiv. de la traduction française.

Le célèbre M. Pott, dans sa lithogéognosie, fait une classe particulière des gypses ; au lieu que d'autres auteurs pensent qu'on ne doit en faire qu'une soudivision des pierres calcaires ; qu'elles n'en diffèrent qu'accidentellement et par des qualités qui ne sont point de l'essence de la pierre : ainsi ils regardent le gypse comme une pierre calcaire modifiée. M. de Justi est de ce sentiment, dans son plan du règne minéral, §. 410. et suiv.

M. Macquer regarde le plâtre comme une chaux grossière, et croit que le gypse n'est point composé de parties homogènes, comme la pierre à chaux ; mais qu'il entre deux espèces de pierres dans sa composition, dont l'une est calcinable, et l'autre ne l'est point ; il dit que c'est pour cela que le plâtre prend corps avec l'eau, et se durcit avec elle sans addition de sable, parce que le plâtre est une chaux qui porte déjà son sable avec elle. Voyez les mémoires de l'académie royale des Sciences, année 1747, page 65. et suiv.

Quoi qu'il en soit de tous ces sentiments, voici les différences qui se trouvent entre le gypse et la pierre à chaux. 1°. Le gypse, soit cru, soit calciné, ne fait point d'effervescence avec les acides, tels que l'eau forte, l'esprit de sel, etc. au lieu que toute pierre calcaire s'y dissout très-promtement et avec effervescence, soit avant, soit après la calcination. Quand une pierre gypseuse fait effervescence, c'est une preuve qu'elle n'est point pure, mais mélangée avec quelque substance calcaire. Cependant M. de Justi prétend, dans sa minéralogie, que les gypses se dissolvent dans les acides lorsqu'ils ont été divisés et atténués, et qu'il y en a même qui se dissolvent avec une effervescence plus considérable que le marbre. Il faut que cet auteur ait été trompé par des pierres calcaires qui ressemblaient à du gypse, ou par des pierres gypseuses, mêlées de parties calcaires. 2°. La pierre à chaux calcinée donne une substance qui s'échauffe fortement lorsqu'on la mêle avec de l'eau, et fait avec elle un bouillonnement sensible ; au lieu que le gypse calciné ou plâtre, ne s'échauffe point, à beaucoup près, si vivement avec l'eau, et n'y cause point de bouillonnement sensible. 3°. Le gypse calciné ou le plâtre mêlé avec l'eau, prend du corps et devient en peu de temps dur comme une pierre, sans qu'on soit obligé d'y joindre du sable ; au lieu que la pierre calcaire calcinée, ou la chaux, ne prend point seule du corps avec l'eau, il faut pour cela y joindre du sable, et le mélange ne prend de la consistance et de la dureté que lentement. 4°. La chaux éteinte reprend toutes ses propriétés par une nouvelle calcination ; au lieu que le plâtre ne les reprend jamais par ce moyen, et n'est plus propre à se durcir avec l'eau. Le plâtre en se séchant augmente de volume et se gonfle ; au lieu que le mortier diminue plutôt que d'augmenter. M. Macquer rend raison de ces différences par ses conjectures, confirmées par des expériences. Voyez les mémoires de l'académie royale des Sciences, an. 1747.

Les gypses se trouvent par couches dans le sein de la terre. C'est la bute de Montmartre qui fournit presque tout le plâtre qui s'emploie dans les bâtiments de Paris. Cette petite montagne présente plusieurs phénomènes, dignes de l'attention des Naturalistes. Elle est placée au milieu d'un pays tout à fait calcaire, et composée d'un grand nombre de couches parallèles à l'horizon, dans lesquelles on assure n'avoir jamais trouvé de coquilles fossiles, quoi que toutes les pierres des environs de Paris en soient remplies, et ne soient, pour ainsi dire, formées que de leurs débris. On y trouve deux couches de gypse. La couche inférieure est d'une si grande épaisseur qu'on n'en a point encore trouvé la fin, quoique dans certains endroits on ait creusé jusqu'à 70 ou 80 pieds de profondeur. On trouve assez fréquemment au milieu de cette masse de gypse, des ossements et vertèbres de quadrupedes qui ne sont point pétrifiés, mais qui sont déjà un peu détruits, et qui sont très-étroitement enveloppés dans la pierre : on assure même qu'on y a trouvé autrefois un squelete humain tout entier ; mais comme ce dernier fait n'est point appuyé d'autorités incontestables, on n'en garantit point la vérité.

Quoiqu'on ne puisse point toujours distinguer à la simple vue les parties qui composent la pierre gypseuse, ces parties sont pourtant constamment d'une figure régulière et déterminée. Suivant M. de Jussieu, tous les gypses réduits en poussière, et considérés au microscope, présentent une infinité de petits parallelipipedes transparents, dont la longueur excède de beaucoup les autres dimensions, et dont la surface est parsemée irrégulièrement de globules très petits par rapport à eux. M. de Jussieu ayant observé que quand l'air était humide, ces globules changeaient de figure et en prenaient une ovale aplatie, et qu'ils disparaissaient quand l'humidité s'évaporait, a jugé que c'étaient des parties salines qui entrent dans la composition du gypse. Quand on observe de même la poussière de plâtras ou de plâtre desanimé et inutile, on voit encore les mêmes parallelipipedes et les globules ; mais ils sont mêlés avec beaucoup d'autres petits corps différents d'eux et de figures irrégulières. M. de Jussieu conjecture que ces corps ont été introduits par l'eau quand on a gaché le plâtre, et croit que ce sont eux qui empêchent les platras de pouvoir être recalcinés de nouveau et redevenir utiles. Voyez l'histoire de l'académie des Sciences, ann. 1719. page 13. et suiv.

Les propriétés du gypse ont depuis longtemps attiré l'attention des Chimistes et des Naturalistes ; mais jusqu'à-présent on n'a point encore pu trouver exactement ce qui le constitue, et ce qui produit sa différence d'avec les pierres calcaires. Bien des auteurs ont cru que le gypse était formé par la combinaison de l'acide vitriolique, avec la terre calcaire ; ce qui fait qu'on nomme sélénite ce qui ressemble, à quelques égards, au gypse : mais M. Pott a trouvé qu'elle en différait à beaucoup d'autres. Ce savant chimiste a fait un grand nombre d'expériences pour l'analyse du gypse : la pierre spéculaire lui a donné une quantité considérable de flegme ou d'eau d'une odeur desagréable, mais insipide, et dans laquelle il n'a pu trouver aucune trace sensible d'alkali volatil, quoique M. Henckel l'eut prétendu : il croit plutôt que la substance saline qui est contenue dans le gypse, est de la nature du sel marin. Le gypse pulvérisé et mis dans une chaudière sur le feu, aussitôt qu'il est bien séché, devient fluide comme de l'eau et bouillonne ; il ne faut pour cela qu'un degré de feu qui rougisse la matière : cela prouve qu'il est chargé d'une quantité d'eau très considérable ; c'est aussi ce qui parait être cause de la promptitude avec laquelle il s'unit avec l'eau et prend corps avec elle. Quelques auteurs regardent ce phénomène comme une preuve que le gypse est très-chargé de sel, et prétendent que son durcissement avec l'eau n'est dû qu'à une crystallisation qui se fait sur le champ. Dans la calcination du gypse à feu ouvert, il en part pendant quelque temps une fumée ou vapeur très-forte ; si le feu est continué trop longtemps, le plâtre qui en provient ne se durcit point lorsqu'on le mêle avec de l'eau, et il reste en poudre sans prendre corps.

Le gypse entre en fusion au miroir ardent ; mais à un feu ordinaire il n'entre point en fusion sans addition : voilà pourquoi il est très-propre à faire des supports pour les substances qu'on veut exposer à un feu violent. M. Port nous apprend avoir trouvé dans le gypse une portion très-petite de phlogistique et de principe colorant ; et que dans la calcination des pierres gypseuses les moins pures, on aperçoit une matière sulphureuse qui s'enflamme. Ce savant chimiste a combiné le gypse avec différentes substances, tant terreuses que salines, dans des proportions variées ; ce qui lui a donné un grand nombre de produits différents, comme on peut voir dans le II. chap. du t. I. de sa Lithogéognosie. Lorsqu'on répand de l'eau sur du gypse calciné, le mélange s'échauffe, et il en part une odeur très-desagréable. M. Rouelle a trouvé que lorsqu'on calcine le gypse il en part une odeur d'arsenic très-sensible. M. Brandt, savant chimiste suédois, a aussi examiné le gypse, et il a trouvé qu'il n'a point une terre qui par la calcination devienne caustique, comme la chaux vive. Il a mêlé du gypse avec du verre de bouteille, pour en faire une sorte de porcelaine ; il a donné un feu très-vif pendant 24 heures, et il est parti du mélange une odeur de foie de soufre très-forte qui remplit son laboratoire. Mémoires de l'académie royale de Suède, année 1749.

Suivant les observations des Minéralogistes, on n'a point encore trouvé de métaux dans le gypse.

Les anciens ont regardé le gypse comme un poison ; cependant quelques médecins en ont ordonné l'usage intérieur, qui ne peut être que très-inutîle et même dangereux, comme on peut en juger par les accidents qui résultent des plâtres neufs. Voyez PLATRE.

On contrefait le marbre avec du gypse très-pur calciné, réduit en une poudre très-fine, passée au tamis ; on l'humecte avec de l'eau gommée, et on y mêle les couleurs convenables pour former les veines : ce mélange prend de la consistance et un très-beau poli. Voyez STUC.

On voit par ce qui vient d'être dit, 1°. que les Naturalistes ont souvent regardé comme gypse des substances qui ne l'étaient point ; 2°. que les principes qui constituent cette pierre, et qui produisent les phénomènes qu'elle présente, sont encore inconnus et demandent bien des expériences pour être développés. La manière de calciner le gypse pour en faire du plâtre, se trouvera à l'article PLATRE. (-)