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Catégorie parente: Physique particulière
Catégorie : Minéralogie
S. f. pl. (Histoire naturelle, Minéralogie) lapides. Ce sont des corps solides et durs, non ductiles, formés par des particules terreuses, qui, en se rapprochant les unes des autres, ont pris différents degrés de liaison. Ces corps varient à l'infini pour la consistance, la couleur, la forme et les autres propriétés.

Il y a des pierres si dures, que l'acier le mieux trempé n'a point de prise sur elles : d'autres au contraire ont si peu de liaison, que l'on peut aisément les écraser entre les doigts. Quelques pierres ont la transparence de l'eau la plus limpide, tandis que d'autres sont opaques d'un tissu grossier, et sans nulle transparence. Rien de plus varié que la figure des pierres ; on en voit qui affectent constamment une figure régulière et déterminée, tandis que d'autres se montrent dans l'état de masses informes et sans nulle régularité. Il n'y en a qui ne sont qu'un amas de feuillets ou de lames appliquées les unes sur les autres ; d'autres sont composés d'un assemblage de filets semblables à des aiguilles ; quelques-unes en se brisant se partagent toujours, soit en cubes, soit en trapézoïdes, soit en pyramides, soit en feuillets, soit en stries ou en aiguilles, etc. d'autres se cassent en éclats et en fragments informes et irréguliers. Quelques pierres ont les couleurs les plus vives et les plus variées ; plusieurs de ces couleurs se trouvent souvent réunies dans une même pierre ; d'autres n'ont point de couleurs, ou elles en ont de très-grossières. Quelques pierres se trouvent en masses détachées ; d'autres forment des bancs ou des couches immenses qui occupent des terrains très-considérables ; d'autres forment des blocs énormes et des montagnes entières.

Telles sont les propriétés générales que nous présente le coup d'oeil extérieur des pierres. Si l'on pousse plus loin l'examen, on trouve que quelques-unes donnent des étincelles, lorsqu'on les frappe avec de l'acier, ce qui vient de la forte liaison de leurs parties, tandis que d'autres ne donnent point d'étincelles de cette manière. Quelques pierres se calcinent, et perdent leur liaison par l'action du feu, d'autres exposées au feu s'y durcissent ; d'autres y entrent en fusion ; d'autre n'y éprouvent aucune altération. Il y en a qui se dissolvent avec effervescence dans les acides, tels que l'eau forte, le vinaigre, etc. quelques-unes ne sont nullement attaquées par ces dissolvants.

Toutes ces différentes qualités que l'on vient de faire remarquer dans les pierres ; ont déterminé les naturalistes à en faire différentes classes ; chacun les a divisées suivant les différents points de vues sous lesquels il les a envisagées ; voilà pourquoi les auteurs sont très-peu d'accord sur les divisions méthodiques qu'ils nous ont données de ces substances. Quelques uns ne consultant que le coup d'oeil extérieur, ont divisé les pierres en opaques et en transparentes ; d'autres ont eu égard aux effets que les pierres produisent dans le feu : c'est ainsi que M. Wallerius distingue les pierres en quatre ordres ou classes ; savoir, 1°. en pierres calcaires ; ce sont celles que l'action du feu réduit en chaux et prive de leur liaison ; telles sont la pierre à chaux, la craie, les marbres, le spath, le gypse etc. Voyez l'article CALCAIRE. 2°. En pierres vitrescibles ; ce sont celles que l'action du feu convertit en verre. Dans ce rang il place les ardoises, les grais, le caillou, les agates, les jaspes, le quartz, le crystal de roche, les pierres précieuses. 3°. En pierres apyres ; ce sont celles sur qui l'action du feu ne produit aucune altération ; telles sont le talc, l'amiante, etc. Enfin, 4° M. Wallerius fait une quatrième classe de pierres qu'il nomme composées, et qui sont formées par l'assemblage des différentes pierres qui précédent, qui dans le sein de la terre se sont réunies pour ne faire qu'une masse.

M. Pott, qui dans sa Lithogéognosie, nous a donné un examen chimique de la plupart des pierres, les divise, 1°. en calcaires, c'est-à-dire, en pierres qui se dissolvent dans les acides, et que l'action du feu change en chaux ; 2°. en gypseuses qui ne se dissolvent point dans les acides, mais que l'action du feu change en plâtre. Cependant aujourd'hui la plupart des Physiciens regardent le gypse ou la pierre à plâtre, comme une pierre calcaire qui est saturée par l'acide vitriolique ; 3°. en argilleuses, qui ne sont point attaquées par les acides, mais qui ont la propriété de se durcir et de prendre de la liaison dans le feu ; 4°. en apyres sur lesquelles ni les acides, ni l'action du feu n'ont aucune prise.

M. Frédéric-Auguste Cartheuser dans sa Minéralogie, divise les pierres en cinq ordres ou classes ; 1°. en pierres par lames, lapides lamellosi ; elles sont composées de feuillets plus ou moins grands. Les différents genres de cette classe sont le spath, le mica, le talc. 2°. Les pierres composées de filets, lapides filamentosi ; de ce nombre sont l'amiante, l'asbeste, le gypse strié. 3°. Les pierres solides ou continues, dont les parties ne peuvent être distinguées ; de ce nombre sont le caillou, le quartz et les pierres précieuses, les pierres à chaux, les pierres à plâtre, le schiste ou l'ardoise, la pierre à pots. 4°. Les pierres par grains, lapides granulati ; telles sont le grais, et suivant lui le jaspe. 5°. Les pierres mélangées.

M. de Justi dans son plan du règne minéral, publié en allemand en 1757, divise les pierres ; 1°. en précieuses, et en communes ; 2°. en pierres qui résistent au feu ; 3°. en pierres calcaires ; 4°. en pierres vitrescibles et fusibles au feu. On voit que cette division est très-fautive, Ve que cet auteur considère d'abord les pierres relativement au prix que la fantaisie des hommes y attache, et ensuite il les divise relativement aux effets que le feu produit sur elles.

M. de Cronstedt, de l'académie de Stockholm, dans sa Minéralogie publiée en suédois en 1758, comprend les pierres et les terres sous une même classe, en quoi il semble être très-fondé, Ve que les pierres ne sont que des produits des terres, qui ont acquis plus ou moins de consistance et de dureté. Il divise ces terres ou pierres en deux genres, la première est des calcaires, la seconde est des pierres ou terres silicées, c'est-à-dire, de la nature du caillou.

Toutes ces différentes divisions que l'on a faites des pierres nous prouvent qu'il est difficîle de les ranger dans un ordre méthodique, qui convienne en même temps à leur aspect extérieur et à leurs propriétés intérieures ; au fond ces divisions sont assez arbitraires, et chacun peut en faire des classes relativement aux différents points de vue sous lesquels il les envisage. Le chimiste qui ne décide rien que d'après l'expérience, considerera les pierres relativement à leur analyse, tandis que le physicien superficiel, qui ne cherchera point à approfondir les choses, se contentera des qualités extérieures, sans s'embarrasser de la combinaison de ces corps ; cependant dans l'examen des pierres, ainsi que de toutes les substances du règne minéral, on risquera très-souvent de se tromper lorsqu'on ne s'arrêtera qu'aux apparences ; un grand nombre de pierres qui ont des propriétés fort opposées, se ressemblent beaucoup à l'extérieur, et les sciences ne devant avoir pour but que l'utilité de la société, il est certain que l'analyse nous fera beaucoup mieux connaître les usages des substances que ne fera un examen superficiel.

Comme la nature agit toujours d'une façon simple et uniforme, il y a tout lieu de conjecturer que toutes les pierres sont essentiellement les mêmes, et qu'elles sont toutes composées de terres, qui ne diffèrent entr'elles que par les différentes manières dont elles ont été modifiées, atténuées et élaborées, et combinées par les eaux ; nous allons faire voir que l'eau est le seul agent de la formation des pierres.

L'expérience prouve que les eaux les plus pures contiennent une portion de terre assez sensible ; on peut s'assurer de cette vérité en jetant les yeux sur les dépôts que font dans les vaisseaux les eaux qu'on y fait bouillir, et qu'on y laisse séjourner quelque temps. Si l'on met une goutte d'eau de pluie ou de la neige sur une glace bien nette, elle y formera une tache blanche aussi-tôt que l'eau sera évaporée ; cette tache n'est autre chose que de la terre, d'où l'on voit que l'eau tenait cette terre en dissolution, et qu'elle était si intimement combinée avec elle qu'elle ne nuisait point à sa limpidité. L'eau par elle-même doit avoir la propriété de s'unir et de se combiner avec la terre ; c'est de cette combinaison que résulte tout sei ; il y a longtemps que la Chimie a démontré que les sels ne sont qu'une combinaison de la terre et de l'eau ; c'est la différente manière dont l'eau se combine avec des terres, diversement atténuées et élaborées, qui produit la variété de ces sels. Ces vérités une fois posées, nous allons tâcher d'examiner les différentes manières dont les pierres peuvent se former.

La première de ces manières qui est la plus parfaite, est la crystallisation. On ne peut s'en former d'idée sans supposer que des eaux tenaient en dissolution des molécules terreuses avec lesquelles elles étaient dans une combinaison parfaite. L'eau qui tenait ces molécules en dissolution venant à s'évaporer peu-à-peu, n'est plus en quantité suffisante pour les tenir en dissolution ; alors elles se déposent et se rapprochent les unes des autres ; comme elles sont similaires, elles s'attirent réciproquement par la disposition qu'elles ont à s'unir, et de leur réunion il résulte un corps sensible, régulier et transparent, que l'on nomme crystal ; la régularité et la transparence dépendent de la pureté et de l'homogénéité des molécules terreuses qui étaient en dissolution dans l'eau ; ces qualités viennent encore du repos où a été la dissolution, et de la lenteur plus ou moins grande avec laquelle l'évaporation s'est faite ; dumoins est-il certain que c'est de ces circonstances que dépend la perfection des crystaux des sels, qui par leur analogie peuvent nous faire juger de la crystallisation des pierres. Ces crystaux varient en raison de la terre qui était en dissolution dans l'eau, et qui leur sert de base ; si cette terre était calcaire, elle formera des crystaux calcaires, tels que ceux du spath, etc. si la terre était silicée, c'est-à-dire de la nature du caillou ou du quartz, on aura des pierres précieuses et du crystal de roche. Comme les eaux peuvent tenir en même temps en dissolution des terres métalliques diversement colorées, ces couleurs passeront dans les crystaux qui se formeront ; de-là les différentes couleurs des crystaux et des pierres précieuses ; leur dureté variera en raison de l'homogénéité des parties dissoutes, plus elles seront homogènes et pures, plus elles s'uniront fortement, et par conséquent plus elles auront de solidité et de transparence.

Quand même les eaux n'auraient point par elles-mêmes la faculté de dissoudre les molécules terreuses, elles acquerraient cette faculté par le concours des substances salines qui souvent y sont jointes. Personne n'ignore que la terre renferme une grande quantité de sels ; c'est l'acide vitriolique qui s'y trouve le plus abondamment répandu. L'eau aidée de ces sels peut encore plus fortement dissoudre une grande quantité de molécules terreuses, avec lesquelles elle se combine, et lorsqu'elle vient à s'évaporer, il se forme divers crystaux en raison de la nature de la terre qu'elle tenait en dissolution, et de sels qui entrent dans la combinaison.

Souvent une même eau peut tenir en dissolution des terres de différente nature, dont les unes demandent plus d'eau pour leur dissolution, tandis que d'autres en exigent beaucoup moins ; alors lorsque l'évaporation viendra à se faire, il se formera d'abord des crystaux d'une espèce, et ensuite il s'en formera d'autres ; cela se fait de la même manière que des sels de différente nature se crystallisent successivement les uns plutôt, les autres plus tard dans un vaisseau et dans un laboratoire. C'est ainsi que l'on peut expliquer assez naturellement la formation de ces masses que l'on rencontre souvent dans la terre, et qui sont un mélange confus de plusieurs crystaux de différente nature.

Les molécules terreuses qui servent à former les pierres ne sont point toujours dans un état de dissolution parfaite dans les eaux, souvent elles y sont en parties grossières, qui ne sont que détrempées, et elles y demeurent suspendues tant que les eaux sont en mouvement, après avoir été charriées et entrainées pendant quelque temps, ces terres se déposent par leur propre poids, et forment peu-à-peu un corps solide ou une pierre ; c'est ainsi que se forment les incrustations, les tufs, les stalactites ; en un mot c'est de cette manière qu'on doit supposer qu'ont été formés les bancs de roches, d'ardoises, de pierres à chaux, etc. qui se trouvent par couches dans le sein de la terre, et qui paraissent des dépôts faits par les eaux de la mer. Voyez LIMON et TERRE, couches de la.

Les pierres ainsi formées n'affectent point de régularité dans leur figure, elles sont composées de tant de molécules grossières et hétérogènes, que les parties similaires n'ont point pu se rapprocher, et leur continuité a été interrompue par les matières étrangères et peu analogues qui sont venues se placer entre elles. En effet, il y a lieu de conjecturer que toutes les pierres, lorsqu'elles sont pures et lorsqu'elles sont dans un état de dissolution parfaite, doivent former des crystaux transparents et réguliers, c'est-à-dire doivent prendre la figure qui est propre à chaque molécule de la terre qui a été dissoute.

De toutes les pierres il n'y en a point dont la formation soit plus difficîle à expliquer que celle des pierres de la nature du caillou ; la plupart des naturalistes les regardent comme produites par une matière visqueuse et gélatineuse qui s'est durcie ; cependant on voit que la matière qui forme le caillou lorsqu'elle est parfaitement pure, affecte une figure régulière ; en effet, le crystal de roche ne diffère du caillou, du quartz, des agates, qui sont des pierres du même genre, que par sa transparence et sa forme pyramidale et héxagone. Il y a donc lieu de supposer que c'est la partie la plus parfaitement dissoute et la plus pure du caillou ou du quartz, qui forme des crystaux, et que c'est la partie la moins parfaitement dissoute, et qui par sa viscosité et son mélange avec des matières hétérogènes, n'a pu se crystalliser ; semblable en cela à la matière grasse et visqueuse qui accompagne les sels qu'on appelle l'eau mère, et qui n'est plus propre à se crystalliser.

Peut-être que cette idée pourrait servir à nous faire connaître pourquoi certains cailloux arrondis ont à leur centre des cavités tapissées de crystaux réguliers, semblables en tout à du crystal de roche, tandis que d'autres cailloux, qui sont précisément de la même nature que les premiers, ont leurs cavités garnies de mamelons ; on a tout lieu de présumer qu'ils renfermeraient des crystaux comme les premiers, si la crystallisation n'avait point été embarrassée par des matières étrangères qui l'ont empêchée de se faire. Voyez l'article SILEX.

Par tout ce qui précède on voit que toutes les pierres ont été originairement dans un état de fluidité indépendamment des crystallisations dont nous venons de parler, nous avons une preuve convaincante de cette vérité dans les pierres que nous voyons chargées des empreintes de plantes et de coquilles, qui y sont marquées comme un cachet sur de la cire d'Espagne ; telles sont certaines ardoises ou pierres schisteuses qui portent des empreintes de poissons, et celles qu'on voit chargées des empreintes de plantes, qui accompagnent souvent les charbons de terre. On trouve encore fréquemment des cailloux très-durs qui sont venus se mouler dans l'intérieur des coquilles et d'autres corps marins dont ils ont pris la figure. De plus, ces choses nous fournissent des preuves indubitables que les pierres se forment journellement : nous voyons cette vérité confirmée par les grottes qui se remplissent peu-à-peu, par les stalactites qui se forment assez promptement, par les crystallisations et les incrustations qui recouvrent des mines dans leurs filons, et surtout par les cailloux et les marbres que l'on trouve souvent par petits fragments, qui ont été liés et comme collés ensemble par un suc pierreux analogue, qui n'en a fait qu'une seule masse. Voyez TERRE, GLUTEN, INCRUSTATION, PETRIFICATION, etc.

Ces observations ont dû conduire naturellement à distinguer les pierres en pierres anciennes et en pierres récentes. Par les premières, on entend celles dont la formation a précédé les divers changements que notre globe a éprouvés, et qui doivent leur existence, pour ainsi dire, au débrouillement du chaos et à la création du monde. Ces sortes de pierres ne renferment jamais des substances étrangères au règne minéral, telles que des bois, des coquilles et d'autres corps marins ; c'est de pierres de cette espèce que sont formées les montagnes primitives. Voyez MONTAGNES. Les pierres récentes sont celles qui ont été produites postérieurement et qui se forment encore tous les jours. On doit ranger dans cette classe toutes les pierres qui sont par lits ou par couches horizontales ; elles ont été formées par le dépôt de la vase ou du limon des rivières et des mers qui ont occupé des portions de notre continent qui depuis s'en sont retirées ; c'est pour cette raison que l'on trouve dans ces couches de pierres des corps entièrement étrangers à la terre, qui y ont été enveloppés et renfermés lorsque la matière molle dans son origine est venue à se durcir. De cette espèce sont les schistes, les ardoises, les pierres à chaux, les grais, les marbres, etc. Parmi ces pierres récentes il y en a qui ont été produites ou mises dans l'état où la nature nous les présente, par les embrasements de la terre ; de cette espèce sont la lave, la pierre ponce, etc. On doit aussi placer au rang des pierres récentes les veines de quartz et de spath, qui sont venus quelquefois reboucher les fentes des montagnes et des rochers, qui avaient été faites antérieurement par les tremblements et les affaissements de la terre ; il est aisé de concevoir que les pierres qui remplissent ces intervalles, sont d'une formation postérieure à celle des pierres qu'elles ont, pour ainsi dire, resoudées. (-)

PIERRES DES AMAZONES, (Physique) C'est chez les Topayos, au rapport de M. de la Condamine, Mem. de l'Acad. des Sciences, année 1745, qu'on trouve aujourd'hui plus aisément que par-tout ailleurs, de ces pierres vertes, connues sous le nom de pierres des Amazones, dont on ignore l'origine, et qui ont été fort recherchées autrefois, à cause des vertus qu'on leur attribuait, de guérir de la pierre, de la colique néphrétique et de l'épilepsie. Il y en a eu un traité imprimé sous le nom de Pierre divine. La vérité est qu'elles ne diffèrent ni en couleur ni en dureté du jade oriental ; elles résistent à la lime, et on n'imagine point par quel artifice les anciens Amériquains, qui ne connaissaient pas le fer, ont pu les tailler, les creuser, et leur donner diverses figures d'animaux : c'est sans doute ce qui a fait naître une fable peu digne d'être refutée : on a débité fort sérieusement que cette pierre n'était autre chose que le limon de la rivière, auquel on donnait la forme qu'on désirait, en le pétrissant quand il était récemment tiré, et qui acquérait ensuite à l'air, cette extrême dureté. Quand on accorderait gratuitement cette merveille, dont quelques gens incrédules ne se sont désabusés qu'après que l'épreuve leur a mal réussi, il resterait un autre problème plus difficîle encore à résoudre pour nos lapidaires : comment ces mêmes Indiens ont-ils pu arrondir, polir des émeraudes, et les percer de deux trous coniques diamétralement opposés sur un axe commun ? On trouve de telles pierres encore aujourd'hui au Pérou, sur la côte de la mer du sud, à l'embouchure de la rivière de San-Jago, au nord-ouest de Quito, dans le gouvernement d'Emeraldas, avec divers autres monuments de l'industrie des anciens habitants. Les pierres vertes deviennent tous les jours plus rares, tant parce que les Indiens qui en font grand cas, ne s'en défont pas volontiers, qu'à cause du grand nombre de ces pierres qui a passé en Europe. (D.J.)

PIERRES APYRES, (Histoire naturelle, Minéralogie). Quelques Naturalistes donnent cette épithète aux pierres qui ne souffrent aucune altération par l'action du feu, c'est-à-dire, qui ne sont ni calcinées ou réduites en chaux, ni fondues ou changées en verre par un feu ordinaire, tel que celui que la Chimie emploie pour ses analyses. Les pierres de cette espèce sont le talc, l'amiante, l'asbeste, le mica, etc. Il faut observer que ces sortes de pierres ne sont point absolument apyres, puisque le miroir ardent est en état de les faire entrer en fusion. Voyez l'article MIROIR ARDENT. (-)

PIERRE A CHAUX, (Histoire naturelle, Minéralogie) lapis calcareus, nom générique que l'on donne à toute pierre que l'action du feu convertit en chaux. Plus les pierres que l'on emploie à cet usage sont dures et compactes, plus la chaux qui en résulte est d'une bonne qualité. Voyez CALCAIRE et CHAUX. (-)

PIERRE D'AUTOMNE, (Chimie) espèce de composition que préparent les Chinois. On fait bouillir dans une chaudière de fer, de l'urine d'un adulte ; lorsqu'elle commence à bouillir, on y verse, goutte à goutte, la valeur d'un gobelet d'huîle de navette. On laisse évaporer ce mélange jusqu'à consistance de colle ; on étend ensuite ce résidu sur des plaques de tôle, et on le fait sécher au point de pouvoir être pulvérisé. On humecte ensuite cette poudre avec de l'huile, et on met ce mélange dans un creuset pour le sécher. On le remet encore en poudre, et on met cette poudre dans un vaisseau de porcelaine, couvert d'une étoffe de soie et d'un papier en double ; on verse dessus de l'eau bouillante qui se filtre goutte à goutte au-travers de ces papiers, et l'on continue jusqu'à ce qu'il y en ait assez pour donner à la poudre une consistance de pâte, que l'on fait ensuite sécher au bain marie.

Les Chinois regardent cette composition comme un grand remède pour les maux de poitrine ; ils l'appellent en leur langue d'un mot qui signifie pierre d'automne, parce qu'ils sont dans l'idée que les saisons ont des influences particulières sur les différentes parties du corps. Voyez les observations sur les coutumes de l'Asie.

PIERRES DE CROIX, (Histoire naturelle, Minéralogie) lapis crucifer. C'est ainsi qu'on nomme des pierres qui se trouvent en Espagne, dans le voisinage de S. Jacques de Compostelle ; on y remarque distinctement la figure d'une croix, d'une couleur noirâtre, tandis que le reste de la pierre est d'un blanc tirant sur le gris. Boece de Boot dit que cette pierre ressemble par sa grandeur et sa figure à la corne d'un bœuf, et que lorsqu'on la coupe horizontalement, on voit une croix dans son intérieur. Cette pierre est tendre et facîle à tailler ; les Espagnols en font des chapelets ou rosaires : ce qui donne lieu de croire que ces pierres sont de la nature de la serpentine ou de la pierre ollaire, qui par une crystallisation particulière affectent la figure que l'on y remarque. Le père Feuillée a trouvé dans une rivière du Chily en Amérique, des pierres qui portaient aussi la figure d'une croix.

PIERRES DIVINES, (Histoire naturelle) nom sous lequel on a désigné quelquefois la jade. Voyez JADE.

PIERRES EMPREINTES, (Histoire naturelle, Minéralogie) ce sont les pierres qui portent les empreintes de substances étrangères au règne minéral. Voyez les articles PHYTOLITES et TYPOLITES.

PIERRES FIGUREES, (Histoire naturelle, Minéralogie) Ce sont les pierres qui ont pris dans le sein de la terre une figure étrangère au règne minéral. Voyez FIGUREES (PIERRES.)

PIERRES DE FLORENCE, (Histoire naturelle, Minéralogie) ce sont des pierres de la nature du marbre, et susceptibles, comme lui, de prendre le poli, sur lesquelles on voit des figures qui ressemblent assez à des ruines : ce qui leur a fait donner le nom de lapis ruderum ou de pierres de ruines. Ces pierres sont ordinairement grisâtres, et la partie qui représente des ruines est composée de veines plus ou moins jaunâtres ; cette partie semble, pour ainsi dire, collée à la pierre contiguë qui est d'une même couleur, et qui fait, pour ainsi dire, le fond du tableau.

PIERRES GYPSEUSES, (Histoire naturelle) ce sont celles que l'action du feu convertit en plâtre. Voyez l'article GYPSE.

PIERRES HEMATITES ou sanguines. Voyez l'article HEMATITES.

PIERRES D'HIRONDELLES, (Histoire naturelle) Voyez HIRONDELLE (Pierre d ') on l'appelle aussi pierre de sassenage.

PIERRES OLLAIRES ou PIERRES A POTS. Voyez OLLAIRES (Pierres).

PIERRE PHILOSOPHALE, (Alchimie). Si la passion des richesses, dit M. de Fontenelle, n'était pas aussi puissante, et par conséquent aussi aveugle qu'elle est, il serait inconcevable, qu'un homme qui prétend avoir le secret de faire de l'or, put tirer de l'argent d'un autre, pour lui communiquer son secret. Quel besoin d'argent peut avoir cet heureux mortel ? Cependant c'est un piège où l'on donne tous les jours, et M. Geoffroi a développé dans les mémoires de l'académie des Sciences, année 1722, les principaux tours de passe-passe que pratiquent les prétendus adeptes, enfants de l'art, philosophes hermétiques, cosmopolites, rosecroix, etc. gens qu'un langage mystérieux, une conduite fanatique, des promesses exorbitantes, devraient rendre fort suspects, et ne font que rendre plus importants. Nous ne répéterons point ce qu'a dit M. Geoffroi sur leurs différentes supercheries ; il est presque insensé d'écouter ces gens-là, du moins dans l'espérance de quelque profit. Ainsi nous transcrirons seulement un mot des observations de l'historien de l'académie des Sciences sur le fond de la chose.

Il pourrait bien être impossible à l'art de faire de l'or, c'est-à-dire d'en faire avec des matières qui ne soient pas or, comme il s'en fait dans le sein de la terre. L'art n'a jamais fait un grain d'aucun des métaux imparfaits, qui selon les Alchimistes, sont de l'or que la nature a manqué ; il n'a seulement jamais fait un caillou. Selon les apparences, la nature se réserve toutes les productions. Cependant on ne démontre pas qu'il soit impossible qu'un homme ne meure pas. Les impossibilités, hormis les géométriques, ne se démontrent guère ; mais une extrême difficulté, prouvée d'une certaine façon par l'expérience, doit être traitée comme une impossibilité, si non dans la théorie, au-moins dans la pratique.

Les Alchimistes prétendent dissoudre l'or radicalement, ou en ses principes, et en tirer quelque matière, un soufre, qui, par exemple, mêlé avec quelqu'autre minéral, comme du mercure, ou de l'argent, le change en or : ce qui en multiplierait la quantité.

Mais on n'a jamais dissous radicalement aucun métal. On les altére, on les déguise quelquefois à un tel point qu'ils ne sont plus reconnaissables ; mais on sait aussi les moyens de les faire reparaitre sous leur première forme ; leurs premiers principes n'étaient pas désunis.

Il est vrai qu'il s'est fait par le miroir ardent des dissolutions radicales, que le feu ordinaire des fourneaux n'aurait pas faites ; mais un alchimiste n'en serait pas plus avancé ; car au feu du soleil, ou le mercure, ou le souffre des métaux qui seraient les principes les plus actifs et les plus précieux, s'envolent, et le reste demeure vitrifié, et inhabîle à toute opération.

Quand même on aurait un soufre d'or bien séparé, et qu'on l'appliquât à de l'argent, par exemple ; il ne ferait que changer en or une masse d'argent, égale à celle d'or, d'où il aurait été tiré. Je suppose qu'il lui aurait donné le poids, et toutes les autres qualités originaires ; mais malgré tout cela, il valait autant laisser ce soufre où il était nécessairement ; on n'a rien gagné, si ce n'est une expérience très-curieuse, et certainement on a fait des frais.

J'avoue que les Alchimistes entendent que ce soufre agirait à la manière, ou d'une semence qui végete, et devient une plante, ou d'un feu qui se multiplie, dès qu'il est dans une matière combustible ; et c'est à cela que reviennent les contes de la poudre de projection, dont quelques atomes ont produit de grosses masses d'or ; mais quelle physique pourrait s'accommoder de ces sortes d'idées ?

J'avoue aussi que si de quelque matière qui ne fût point or, comme de la rosée, de la manne, du miel, etc. on pouvait, ainsi qu'ils le disent, tirer quelque portion de l'esprit universel, propre à changer de l'argent ou du cuivre en or, il pourrait y avoir du profit ; mais quelles propositions, quelle espérance !

Une chose qui donne encore beaucoup de crédit à la pierre philosophale, c'est qu'elle est un remède universel ; ceux qui la cherchent, comment le savent-ils ? Ceux qui la possèdent, que ne guérissent-ils tout ? Et s'ils veulent, sans découvrir leur secret, ils auront plus d'or que tous leurs fourneaux n'en pourraient faire. Quand on recherchera ce qui a fait donner à l'or des vertus physiques si merveilleuses, on verra bientôt que leur origine vient de ses vertus arbitraires et conventionnelles, dont les hommes sont si touchés. (D.J.)

PIERRES POREUSES, (Histoire naturelle) porus, undulago, incrustatum, tophus, stalactites, etc. nom générique donné par les naturalistes à toutes les pierres formées par le dépôt des eaux. De ce genre sont le tuf, les incrustations, les stalactites, etc. Voyez ces différents articles. Les pores varient par la nature et par la forme, en raison des différentes terres que les eaux ont déposées ; mais le plus communément ces pierres sont calcaires, parce que la terre calcaire a plus de facilité que toute autre à s'incorporer avec les eaux et à être mises en dissolution. Voyez CALCAIRE.

PIERRE-PONCE, (Histoire naturelle) pumices ; ce sont des pierres très-poreuses, et semblables à des éponges ; elles paraissent composées de filaments ; elles sont rudes au toucher, d'une figure irrégulière et informe : leur légéreté est si grande, qu'elles nagent à la surface des eaux.

Les pierres-ponces varient pour la couleur, et l'on en compte de blanches ou grises, de jaunâtres, de brunes et de noirâtres. Ces pierres se trouvent dans le voisinage des volcans ou montagnes qui jettent du feu, comme l'Aetna et le Vésuve ; ou dans des endroits où il y a eu autrefois des embrasements souterrains ; ou enfin dans des endroits où les pierres-ponces ont été poussées par les vents, lorsqu'elles nageaient à la surface des eaux de la mer.

MM. Stahl et Pott ont regardé la pierre-ponce, comme de l'asbeste que l'action du feu a mis dans l'état où nous le voyons ; mais M. Wallerius croit que sa formation est due à une espèce de charbon de terre consommé, et devenu spongieux par l'action du feu. Quoi qu'il en soit de ces différentes opinions, M. Henckel a observé que la pierre-ponce entrait en fusion à un feu violent, et formait une scorie ou un verre assez dur pour faire feu, lorsqu'on le frappe avec l'acier ; ce fait a été confirmé par l'expérience de M. Pott. C'est pour cette raison que quelques auteurs ont mis la pierre-ponce au rang des pierres que l'on nomme vitrifiables.

On trouve la pierre-ponce, comme nous l'avons fait observer, dans le voisinage des volcans, et l'on en rencontre dans toutes les parties du monde ; en Europe, près du mont Hecla en Islande, en Sicile, et au royaume de Naples ; en Asie, dans l'île d'Ormus où il y a eu anciennement un volcan, dans l'île de Ternate, etc. Les voyageurs nous apprennent avoir quelquefois Ve la mer toute couverte de pierres-ponces dans des endroits souvent fort éloignés des volcans qui les ont produits ; ce sont les vents qui les poussent alors au loin ; en se heurtant les unes les autres, et étant roulées par les eaux contre le rivage, elles s'arrondissent et s'usent, comme on le remarque sensiblement à de certaines pierres-ponces.

Les anciens ont cru que la pierre-ponce était formée de l'écume de la mer ; et ils l'appelaient pumex du mot spuma.

Cette pierre est d'un grand usage dans les arts et métiers ; elle sert à polir les pierres et les métaux. On l'a vantée autrefois dans la Médecine ; mais aujourd'hui l'on sait que l'usage en est très-inutile. (-)

PIERRES, (Matière médicale) on a attribué des vertus médicinales à un grand nombre de pierres, qui ne diffèrent point à cet égard des terres, et auxquelles convient par conséquent ce que nous avons dit des remèdes terreux. Voyez TERREUX, (Matière médicale)

Les pierres méritent cependant cette considération particulière, que celles qui ont une vertu médicamenteuse réelle ; savoir, les calcaires et les argilleuses, sont très-inférieures dans l'usage, aux terres proprement dites, en ce qu'elles sont d'un tissu plus compacte, plus serré que ces dernières substances. D'où l'on peut prononcer définitivement que les pierres simples ou homogènes des autres espèces primitives sont destituées de toute vertu médicamenteuse ; que celles qui ont quelques vertus ne la possèdent que dans un degré plus faible que des substances analogues, tout aussi communes qu'elles ; et par conséquent, que les pierres doivent être bannies de la liste des remèdes.

Ces pierres qui sont ainsi inutiles, et que les pharmacologistes ont mis au rang des médicaments, sont outre les pierres précieuses, et principalement celles qu'on trouve dans les pharmacies, sous le nom de fragments précieux, sont, dis-je, le crystal, le caillou, le bol, le talc, la pierre néphrétique ou le jade, la pierre-ponce, l'ochre, l'ardoise, la pierre d'aigle, la pierre d'aimant, etc. toutes substances absolument dépourvues de vertus médicinales ; et la belemnite, la pierre judaïque, la pierre d'éponge, l'ostéocol, le glossopetre ou langue de serpent, etc. toutes matières qui, quoique possédant en effet la vertu absorbante, étant composées en tout ou en partie de terre calcaire, doivent être pourtant rejetées, par les considérations que nous venons d'exposer ci-dessus.

Mais outre ces pierres inutiles, on trouve encore dans les listes des remèdes, deux pierres dangereuses ; savoir, la pierre d'azur, et la pierre d'Arménie, l'une et l'autre recommandées par les anciens, comme purgatives. Voyez PIERRE D'ARMENIE, ERRE D'AZURAZUR.

La pierre hématite qui n'est presque qu'une substance ferrugineuse, doit être renvoyée à la classe des remèdes martiaux. Voyez MARS et MARTIAUX, (Matière médicale)

Au reste, la principale célébrité de la plupart de ces pierres leur est venue de l'opinion qu'on a eue de leur efficacité, à titre d'amulete ; on a cru, par exemple que la pierre néphrétique portée dans une ceinture, calmait les douleurs des reins ; et j'ai Ve un homme de beaucoup d'esprit qui employait ce remède, véritablement avec un léger degré de confiance. La langue de serpent est regardée comme très-propre à faire sortir les dents des enfants, lorsqu'on la leur suspend au col. La pierre d'aigle passe pour faciliter l'accouchement, si les femmes la portent attachée à la cuisse, et pour agir même avec tant d'énergie, que si on n'a soin de la détacher d'abord après l'accouchement, elle entraîne la matrice ; fait attesté par des observations rapportées par de très-graves auteurs de Médecine ; mais qui parait si chimérique, que la plus sévère méthode du doute ne saurait ce semble autoriser à le discuter par de nouvelles expériences. (b)

PIERRE INFERNALE, (Chimie Mat. méd.) on nomme ainsi le sel formé par l'union de l'acide nitreux, et de son agent dépouillé par la fusion de toute son eau de crystallisation. Voici comme on le prépare d'après Lémery, Cours de chimie.

Faites dissoudre dans une phiole telle quantité d'argent de coupelle qu'il vous plaira, avec deux ou trois fois autant d'esprit de nitre ; mettez votre phiole sur le feu de sable, et faites évaporer environ les deux tiers de l'humidité : renversez le restant tout chaud dans un bon creuset d'Allemagne assez grand, à cause des ébullitions qui se feront. (Une capsule de verre est préférable à un creuset, parce qu'une grande quantité de la matière pénètre le creuset, et s'imbibe dedans ; et souvent passe à travers, surtout si c'est la première fois qu'on le fait servir à cette opération ; note de M. Baron.) Placez-le sur un petit feu, et l'y laissez jusqu'à ce que la matière qui sera beaucoup rarefiée, s'abaisse au fond du creuset : augmentez alors un peu le feu, et elle deviendra comme de l'huîle ; versez-la dans une lingotière un peu graissée et chauffée, elle se coagulera ; après quoi vous pourrez la garder dans une phiole bien bouchée. C'est un caustique qui dure toujours, pourvu qu'on ne le laisse pas exposé à l'air : on peut faire cette pierre avec un mélange de cuivre et d'argent ; mais elle ne se garde pas tant, parce que le cuivre étant fort poreux, l'air s'y introduit facilement, et la fond. Si vous avez employé une once d'argent, vous retirerez une once et cinq dragmes de pierre infernale.

On moule la pierre infernale en petits crayons pour l'usage.

Ce caustique n'attaque point la peau, mais il ronge très-promptement et très-efficacement les chairs découvertes, en les touchant seulement plus ou moins légèrement. Les chirurgiens n'en emploient presque point d'autre aujourd'hui pour consumer les bords calleux des ulcères, ou les chairs qui poussent trop pendant le traitement des plaies : elle peut servir encore aussi-bien que les caustiques préparés avec le mercure, à détruire les chancres et autres excraissances vénériennes qui viennent aux parties de la génération de l'un et l'autre sexe, etc.

Les chirurgiens portent leur pierre à cautère montée sur un porte-crayon qui se visse dans un étui d'argent, pour la préserver de l'humidité de l'air qui l'attaque cependant assez médiocrement. (b)

PIERRE A CAUTERE, (Chimie, Mat. méd.) on appelle ainsi l'alkali fixe du tartre, ou commun, rendu plus caustique par la chaux. Voyez TARTRE et CHAUX COMMUNE. Voici comme on la prépare, d'après la description de Lémery.

Mettez dans une grande terrine une partie de chaux vive, et deux parties de cendre gravelée ; versez dessus beaucoup d'eau chaude, et les ayant laissé tremper cinq ou six heures, faites-les un peu bouillir : passez ensuite ce qui sera clair, par un papier gris, et le faites évaporer dans une bassine de cuivre, ou dans une terrine de grais : il vous restera un sel au fond, qu'il faut mettre dans un creuset sur le feu ; il se fondra et bouillira jusqu'à ce qu'il se soit fait évaporation de l'humidité qui était restée : quand vous verrez qu'il sera réduit au fond en forme d'huile, jetez-le dans une bassine, et le coupez en pointe, pendant qu'il sera encore chaud : mettez promptement ces caustiques dans une bouteille de verre fort que vous boucherez avec de la cire et de la vessie, car l'air les resoud facilement en liqueur : il faut encore observer de les mettre en un lieu bien sec pour les garder. Lémery, Cours de chimie.

Il est très-vraisemblable qu'on n'emploie par préférence les cendres gravelées, que parce qu'elles sont d'un moindre prix que le sel de tartre ; car il parait (contre l'opinion, et malgré la théorie de M. Baron, Notes sur le cours de chimie de M. Lémery), que le tartre vitriolé qui se trouve dans les cendres gravelées, nuit à la perfection de la pierre à cautère, plutôt qu'elle n'y sert : car le tartre vitriolé n'est point caustique, et le tartre vitriolé ne dispose point la chaux à la causticité.

La pierre à cautère est le plus actif des caustiques employés dans la Chirurgie, puisqu'il attaque même la peau entière, ce que ne font point les autres caustiques usités. Son usage chirurgical est d'être employée à établir ces ulcères ou égouts artificiels connus sous le nom de cautère, voyez CAUTERE, Méd. et d'ouvrir des abscès. Voyez ABSCES.

PIERRE D'AZUR, (Matière médicale) lapis lazuli, elle a la vertu de purger par haut et par bas. Des auteurs la recommandent fort contre la mélancolie, la fièvre quarte, l'apoplexie et l'épilepsie : Dioscoride et Galien lui reconnaissent une vertu corrosive avec un peu d'astriction. Il ne faut pas douter que la couleur bleue de cette pierre ne vienne de quelque partie de cuivre, d'où dépendent aussi ses vertus corrosives, purgative et émethique ; mais on demande pourquoi on fait entrer ce remède acre et violent purgatif dans la confection alkermès, qui est une composition cordiale et fortifiante.

Comme l'on a beaucoup de remèdes plus surs pour produire les effets dont on vient de parler, on se sert rarement de cette pierre ; et à-présent, on n'a coutume de l'employer que dans la composition alkermès. Geoffroi, Mat. méd.

On est plus avancé aujourd'hui que du temps de M. Geoffroi, car on ne fait plus entrer la pierre d'azur dans la confection alkermès.

PIERRE DIVINE ou OPHTALMIQUE, (Pharmacie, Mat. méd.) prenez vitriol bleu, nitre et alun, de chacun trois onces ; mettez-les en poudre subtile, mêlez-les exactement et placez-les dans un matras, et les exposez à une chaleur simplement suffisante pour les faire fondre ; lorsque le mélange sera liquide, mêlez-y exactement un gros de camphre en poudre, et lorsque la masse sera figée par le refroidissement, cassez le matras, retirez-la, et gardez-la pour l'usage.

C'est ici un simple mélange de drogues. Le vitriol, l'alun et le nitre sont du genre des sels qui contiennent assez d'eau dans leur crystallisation pour être capables de la liquidité aqueuse par l'action d'une légère chaleur. Or dans cet état l'acide vitriolique n'agit point sur le nitre, et chacun de ces trois sels reste inalteré dans le mélange.

Une liqueur appropriée, chargée d'une légère teinture de cette pierre, est un bon collyre. Voyez COLLYRE et OPHTALMIQUE. (b)

PIERRE médicamenteuse de Crollius, PIERRE médicamenteuse de Lémery. PIERRE admirable, (Pharmacie et Matière médicale) on trouve dans presque toutes les pharmacopées, et les chimies médicinales sous le nom de pierre médicamenteuse, admirable, divine, des philosophes, etc. divers mélanges d'alun, de vitriol, de nitre, de sel marin, de sel ammoniac, d'alkalis fixes, de litarge, de bol, le tout pulvérisé, exactement mêlé, humecté avec du vinaigre, ou quelqu'autre liqueur saline ; ensuite calciné ou fortement desséché jusqu'à ce que le mélange ait pris la consistance d'une pierre.

Ces pierres sont recommandées comme vulnéraires, détersives, dessicatives, styptiques, ophtalmiques ; mais elles ont éminemment le défaut des remèdes très-composés, qui sont d'autant plus graves, comme nous l'avons observé à l'article COMPOSITION (voyez cet article), qu'une réaction chimique non prévue ou mal estimée, a été plus excitée dans leur préparation. Aussi toutes ces pierres sont-elles fort peu employées, et ne devraient point l'être absolument, surtout puisqu'on ne manque point de remèdes plus simples et mieux entendus qui possèdent éminemment les vertus attribuées à ces pierres. (b)

PIERRE CALAMINAIRE, (Matière médicale) voyez ZINC.

PIERRE, (Architecture) corps dur qui se forme dans la terre, et dont on se sert pour la construction des bâtiments. Il y a deux sortes de pierres, de la pierre dure, et de la pierre tendre. La première est sans contredit la meilleure. La pierre tendre a cependant quelques avantages : c'est qu'elle se taille aisément, et qu'elle résiste quelquefois mieux à la gelée que la pierre dure. Mais ceci n'est pas assez recommandable pour mériter de la confiance à la pierre tendre. Il faut un froid très-rigoureux pour endommager la pierre dure, parce que ce n'est qu'en congelant l'eau que la pierre contient qu'il peut lui nuire. Aussi la plupart des carriers craignent bien davantage la lune, dont les rayons détruisent, à ce qu'ils disent, les matières les plus compactes ; mais il y a dans ce propos plus de méchanceté que de bonne foi. Comme la pierre se détruit facilement quand l'ouvrier n'en a pas bien ôté le bousin, voyez ce mot, et que par cette mal-façon la pierre se gâte, en attribuant ce déchet à la lune, on couvre sa négligence pour ne rien dire de plus. Mais laissons-là les défauts qui peuvent provenir aux pierres de la part des ouvriers et de la lune. Disons quelque chose de plus utîle ; c'est la manière de connaître la qualité d'une pierre.

Lorsqu'une pierre est bien pleine, d'une couleur égale, qu'elle est sans veine, qu'elle a un grain fin et uni, que les éclats se coupent net, et qu'ils rendent quelque son, elle est certainement bonne. On connait encore cette qualité, en exposant la pierre, nouvellement tirée des carrières, à l'humidité pendant l'hiver. Si elle résiste à la gelée, elle est bonne, et on peut l'employer avec confiance.

Voici les espèces, les qualités, les usages et les défauts de ce corps.

De la pierre dure suivant ses espèces. Pierre d'Arcueil, près de Paris. Cette pierre porte de hauteur de banc nette et taillée, depuis 14 jusqu'à 21 pouces ; et le bas appareil d'Arcueil, 9 à 10 pouces.

Pierre de Belle-hache. C'est la plus dure de toutes les pierres, quoique moins parfaite que le liais ferant, voyez ci-après pierre de liais, à cause des cailloux qui s'y rencontrent : aussi s'en sert-on rarement. On la tire vers Arcueil d'un endroit appelé la Carriere-royale. Elle porte de hauteur 18 à 19 pouces.

Pierre de Bonbanc. Cette pierre qui se tire vers Vaugirard, porte depuis 15 jusqu'à 24 pouces de hauteur.

Pierre de Caèn, en Normandie. Espèce de pierre noire, qui tient de l'ardoise, voyez ARDOISE, mais qui est beaucoup plus dure. Elle reçoit le poli, et sert dans les compartiments de pavé.

Pierre de la chaussée, près Bougival, à côté de S. Germain-en-Laye, pierre qui porte 15 à 16 pouces.

Pierre de cliquart, près d'Arcueil. Cette pierre, qu'on appelle aussi bas-appareil, porte 6 à 7 pouces.

Pierre de S. Cloud, pierre qu'on tire au lieu du même nom, près Paris, et qu'on trouve nette et taillée, depuis 18 jusqu'à 24 pouces de hauteur.

Pierre de Fécamp. On trouve cette pierre dans la vallée de ce nom, près Paris, elle a 15 à 18 pouces de hauteur.

Pierre de Lambourde. Cette pierre se trouve près d'Arcueil. Elle porte depuis 20 pouces jusqu'à 5 pieds, mais on la délite. Il y a aussi de la lambourde, qu'on trouve hors du fauxbourg S. Jacques, à Paris, qui a depuis 18 jusqu'à 24 pouces.

Pierre dure de S. Leu. On tire cette pierre aux côtes de la montagne d'Arcueil.

Pierre de liais. Il y a plusieurs espèces de cette pierre. Le franc-liais et le liais-ferant, qui est plus dur que le franc, se tirent tous deux de la même carrière, hors de la porte S. Jacques, près Paris. Le liais-rose, qui est le plus doux, et qui reçoit un beau poli au grès, se tire vers S. Cloud ; et on prend le franc-liais de S. Leu, le long des côtes de la montagne. Toutes ces espèces de liais portent depuis 6 jusqu'à 8 pouces de hauteur.

Pierre de Meudon près Paris. Cette pierre est depuis 14 pouces jusqu'à 18. Il y a une autre sorte de pierre de Meudon, qu'on appelle rustique de Meudon, qui est plus dure et plus trouée, mais qui a la même hauteur.

Pierre de Montosson, près Nanterre, à deux lieues de Paris. Pierre qui porte 9 à 10 pouces.

Pierre de Saint-Nom, au bout du parc de Versailles. Cette pierre a depuis 18 jusqu'à 22 pouces de hauteur.

Pierre de Senlis. On prend cette pierre à S. Nicolas-lès-Senlis, à 10 lieues de Paris. Elle porte depuis 12 jusqu'à 16 pouces.

Pierre de Souchet. On trouve cette pierre hors du fauxbourg S. Jacques de Paris. Elle porte depuis 12 jusqu'à 16 pouces.

Pierre de Tonnerre, en Bourgogne. Cette pierre a depuis 16 jusqu'à 18 pouces.

Pierre de Vaugirard. Pierre qui est dure et grise, et qui porte 18 à 19 pouces.

Pierre de Vergeté. On tire cette pierre de S. Leu, à 10 lieues de Paris. Elle porte 18 à 20 pouces.

Pierre de Vernon, à 12 lieues de Paris. Cette pierre porte depuis 2 jusqu'à 3 pieds.

De la pierre tendre suivant ses espèces. Pierre de S. Leu, à 10 lieues de Paris. Pierre qui porte depuis 2 pieds jusqu'à 4.

Pierre de Maillet et de Trocy. On tire ces pierres de S. Leu, et elles n'ont rien de particulier, si ce n'est que le trocy est de toutes les pierres celle dont le lit est le plus difficîle à connaître. On ne le découvre que par de petits trous.

De la pierre suivant ses qualités. De la pierre à chaux. Sorte de pierre grasse, qui se trouve ordinairement aux côtés des montagnes, et qu'on calcine pour faire de la chaux. Voyez CHAUX.

Pierre à plâtre. Sorte de pierre qu'on cuit dans les fours, et qu'on pulverise ensuite pour faire du plâtre. Voyez PLATRE.

Pierre de couleur. Pierre qui étant rougeâtre, grisâtre ou noirâtre, cause une variété agréable dans les bâtiments.

Pierre de taille. On appelle ainsi toute pierre dure ou tendre, qui peut être équarrie et taillée avec parements, ou même avec architecture, pour la solidité ou décoration des bâtiments.

Pierre fière. Pierre difficîle à travailler, à cause qu'elle est seche, comme la plupart des pierres dures, mais particulièrement la belle hache et le liais, voyez ces mots.

Pierre franche. On appelle ainsi toute pierre parfaite en son espèce, qui ne tient point de la dureté du ciel, ni du tendre du moilon de la carrière.

Pierre fusilière. Espèce de pierre dure et seche, qui tient de la nature du caillou. Il y a de ces pierres qui sont grises ; une partie du pont Notre-Dame est bâtie de cette pierre, et de petites qui sont noires, ce sont les pierres à fusil. On pave de celles-ci les terrasses et les bassins des fontaines.

Pierre gelise verte. Pierre qui est nouvellement tirée de la carrière, et qui n'a pas encore jeté son eau.

Pierre pleine. C'est toute pierre dure qui n'a point de cailloux, de coquillages, de trous ni de moie. Tels sont les plus beaux liais et la pierre de Tonnerre.

Pierre trouée ou poreuse. Pierre qui a des trous comme le rustique de Meudon, le tuf, et toutes les pierres de meulière. On l'appelle aussi choqueuse.

De la pierre selon ses façons. Pierre au binard. C'est tout gros bloc de pierre qui est apporté de la carrière sur un binard, attelé de plusieurs couples de chevaux (voyez BINARD), parce qu'il ne le peut être par les charrais ordinaires.

Pierre bien faite. C'est un quartier de voie, ou un carreau de pierre, qui approche beaucoup de la figure carrée, et qu'on équarrit presque sans déchet.

Pierre de bas appareil. Pierre qui porte peu de hauteur de banc, comme le bas appareil d'Arcueil, par exemple, le liais, etc.

Pierre débitée. C'est une pierre qui est sciée. La pierre dure se débite à la scie sans dents, avec l'eau et le grès ; et la pierre tendre, comme le S. Leu, le tuf, la craie, etc. avec la scie à dents.

Pierre d'échantillon. C'est un bloc de pierre de certaine mesure déterminée, commandée exprès aux Carriers.

Pierre d'encoignure. Pierre qui ayant deux parements, cantonne l'angle d'un bâtiment de quelqu'avant-corps.

Pierre ébousinée. Pierre dont on a ôté le bousin ou le tendre.

Pierre en chantier. C'est une pierre qui est callée par le tailleur de pierre, et qui est disposée pour être taillée.

Pierre en débord. On nomme ainsi une pierre que les Carriers font voiturer près de leurs ateliers, quoiqu'elle ne soit pas commandée, et que l'attelier ait même cessé.

Pierre esmillée. Pierre qui est équarrie et taillée grossièrement avec la pointe du marteau, pour être seulement employée dans le garni des gros murs, et le remplissage des piles, culées de pont, etc.

Pierre faite. Pierre qui est entièrement taillée, et prête à être enlevée pour être mise en place.

Pierre fusible. C'est une pierre qui, par l'opération du feu, change de nature, et devient transparente.

Pierre hachée. Pierre dont les parements sont dressés avec la hache du marteau bretelé, pour être ensuite layée ou rustiquée.

Pierre layée. Pierre qui est travaillée à la laie ou marteau avec brételures.

Pierre louvée. Pierre où l'on fait un trou pour recevoir la louve. Voyez LOUVE et LOUVEUR.

Pierre nette. Pierre qui est équarrie, et atteinte jusqu'au vif.

Pierre parpaigne. C'est une pierre qui traverse l'épaisseur d'un mur, et qui en fait les deux parements.

Pierre piquée. Pierre dont les parements sont piqués à la pointe, et dont les ciselures sont relevées.

Pierre polie. Pierre dure qui prend le poli avec le grès, en sorte qu'il n'y parait aucun coup d'outil.

Pierre ragréée au fer. Pierre qui est passée au riflard, espèce de ciseau large, avec des dents.

Pierre retaillée. On appelle ainsi non-seulement une pierre qui, ayant été coupée, est retaillée avec déchet, mais encore toute pierre tirée d'une démolition, et refaite pour être derechef mise en œuvre.

Pierre retournée. Pierre dont les parements opposés les uns aux autres, sont d'équerre et parallèles.

Pierre rustiquée. Pierre qui, après avoir été redressée et hachée, est piquée grossièrement avec la pointe.

Pierre statuaire. Pierre qui, étant d'échantillon, est propre et destinée pour faire une statue. On dit aussi marbre statuaire.

Pierre tranchée. Pierre où l'on fait une tranchée dans sa hauteur avec le marteau pour en couper.

Pierre traversée. Pierre où les traits des brételures sont croisés.

Pierre velue. Nom qu'on donne à toute pierre brute, telle qu'on l'amène de la carrière.

Pierres à bossages ou de refend. Pierres qui étant en œuvre, sont séparées par des canaux, et sont d'une même hauteur, parce qu'elles représentent les assises de pierre, et dont les joints de lit doivent être cachés dans le haut des refends. Lorsque ces pierres sont en liaison, les joints montants sont dans l'un des angles du refend.

Pierres artificielles. Ce sont, selon Palladio, Arch. liv. I. ch. IIIe les différentes espèces de briques, carreaux et tuiles paitries et moulées, cuites ou crues.

Pierres feintes. Ornements de mur de face, dont les crépis et enduits sont séparés et compartis en manière de bossages en liaison.

Pierres fichées. Pierre dont le dedans des joints est rempli de mortier clair et de coulis.

Pierres jointoyées. Ce sont des pierres dont le dehors des joints est bouché et regréé de mortier serré, de plâtre ou de ciment.

De la pierre par rapport à ses usages. Première pierre. On nomme ainsi un gros quartier de pierre dure ou de marbre, qu'on met dans les fondements d'un édifice, et où l'on enferme dans une entaille de certaine profondeur, quelques médailles, et une table de bronze sur laquelle est gravée une inscription. Cette coutume, qui est très-ancienne, à en juger par les médailles qu'on a trouvées, et qu'on trouve encore dans les recherches et démolitions des bâtiments antiques : cette coutume, disons-nous, ne s'observe que pour les édifices royaux et publics, et non pour les bâtiments particuliers.

On appelle dernière pierre, une table où est une inscription qui marque le temps auquel un bâtiment a été achevé.

Pierre à laver. Espèce d'auge plate, qui sert à laver de la vaisselle dans une cuisine.

Pierre d'attente. C'est toute pierre en bossage pour recevoir quelques ornements ou inscription. On appelle aussi pierre d'attente les harpes et arrachements. Voyez HARPES et ARRACHEMENS.

Pierre de touche. Espèce de marbre noir que les Italiens appellent pietra di paragone, pierre de comparaison, parce qu'elle sert à éprouver les métaux ; c'est pourquoi Vitruve l'appelle index. C'est de cette pierre qu'ont été faites la plupart des divinités, les Sphinx, les Fleuves, et autres figures des Egyptiens.

Pierre incertaine. Pierre dont les pans et les angles sont inégaux. Les anciens employaient cette pierre pour paver. Les ouvriers la nomment pierre de pratique, parce qu'ils la font servir, de quelque grandeur qu'elle sait.

Pierre percée. Dale de pierre avec des trous, qui s'encastre en feuillure dans un châssis aussi de pierre sur une voute pour donner de l'air et un peu de jour à une cave, ou pour donner passage dans un puisard aux eaux pluviales d'une cour.

On nomme aussi pierre à châssis une dale de pierre ronde ou carrée, sans trous, qui s'encastre comme la pierre percée, et qui sert de fermeture à un regard, ou à une fosse d'aisance.

Pierre précieuse. Nom général qu'on donne à toute pierre rare, dont on enrichit les ouvrages de marbre et de marqueterie, comme l'agathe, le lapis, l'avanturine, etc. Parmi ces ouvrages, on estime surtout le tabernacle de l'église des Carmélites de Lyon, qui est de marbre et de pierres précieuses, et dont les ornements sont de bronze.

Pierre spéculaire. C'était, chez les anciens, une pierre transparente, qui se débitait par feuilles, comme le talc, et qui leur servait de vitres. La meilleure venait d'Espagne, selon Pline. Le poète Martial fait mention de cette sorte de pierre dans ses épigrammes, liv. II. épig. 14. voyez PIERRE spéculaire.

Pierre de rapport. Petite pierre de diverses couleurs, qui sert aux compartiments de pavé, aux ouvrages de mosaïque, et aux meubles précieux.

Pierres jectices. Ce sont toutes pierres qui peuvent être jetées avec la main, comme les gros et menus cailloux qui servent à affermir les aires des grands chemins, et à paver les grottes, fontaines et bassins, et qui étant sciées, entrent dans les ouvrages de rapport et de mosaïque.

Pierre milliaire. On appelait ainsi chez les Romains certains dez ou bornes de pierre espacées à un mille l'une de l'autre, sur les grands chemins, pour marquer la distance des villes de leur empire. Ces pierres se comptaient depuis le milliaire doré de Rome. C'est ce que nous apprenons des mots des historiens : primus, secundus, tertius, etc. ab urbe lapis. L'usage des pierres milliaires est aujourd'hui pratiqué dans toute la Chine.

Pierres perdues. Pierres qui sont jetées à plomb dans la mer ou dans un lac pour sonder, et que l'on met ordinairement dans des caissons. On nomme aussi pierres perdues, celles qui sont jetées à bain de mortier pour bloquer.

De la pierre selon ses défauts. Pierre coquillaire. Pierre dans laquelle il y a de petites coquilles qui rendent son parement troué. Telle est la pierre de Saint-nom.

Pierre coupée. C'est une pierre qui est gâtée, parce qu'étant mal taillée, elle ne peut servir où elle était destinée.

Pierre délitée. Pierre qui est fendue à l'endroit d'un fil de lit, et qui taillée avec déchet, ne sert qu'à faire des arrases.

Pierre de soupré. C'est dans les carrières de S. Leu, la pierre du banc le plus bas, dont on ne se sert point, parce qu'elle est trouée et défectueuse.

Pierre de souchet. On nomme ainsi en quelques endroits la pierre du banc le plus bas, qui n'étant pas plus formée que le bousin, est de nulle valeur.

Pierre en délit. Pierre qui n'est pas posée sur son lit de carrière dans un cours d'assises ; mais sur son parement, ou délit enjoint.

Pierre félée. Pierre qui est cassée par un fil ou veine courante ou traversante ; et pierre entière, c'est le contraire. Le son que la pierre rend en la frappant avec le marteau, fait connaître ces deux qualités.

Pierre feuilletée. Pierre qui se délite par feuillets ou écailles à cause de la gelée. La lambourde, entr'autres pierres, a ce défaut.

Pierre gauche. Pierre dont les parements et les côtés opposés ne se bornoyent pas, parce qu'ils ne sont pas parallèles.

Pierre grasse. Pierre qui est humide, et par conséquent sujette à se geler. Telle est, par exemple, la pierre appelée cliquart.

Pierre moyée. Pierre dont la moie ou le tendre, est abattu avec perte, parce que son lit n'est pas également dur. Cela arrive très-souvent à la pierre de la chaussée.

Pierre moulinée. Pierre qui est graveleuse, et qui s'égrene à l'humidité. C'est un défaut particulier à la lambourde. Daviler. (D.J.)

PIERRE D'AIGLE, espèce de pierre connue dans l'histoire naturelle : les Grecs l'appellent aetites, et les Italiens pietra d'aquila ; parce qu'on la trouve quelquefois dans des nids d'aigles. La tradition veut qu'elle ait une vertu merveilleuse, qui est d'avancer ou d'empêcher les accouchements, selon qu'on l'applique au-dessus ou au-dessous de la matrice.

Mathiole dit que les oiseaux de proie n'écloraient jam ais leurs petits sans cette pierre, et qu'ils la vont chercher jusqu'aux Indes orientales. Bausez a fait un traité latin qui parle expressément de l'aetites ou pierre d'aigle. Voyez l'article AETITES, et l'article PIERRE en général.

PIERRE D'ARMENIE, lapis armenius , sorte de pierre ou terre minérale, de couleur bleue, mêlée de verd, de blanc, et de rouge ; on l'apportait anciennement d'Arménie : aujourd'hui elle vient d'Allemagne et du Tyrol.

La pierre d'Arménie a beaucoup de ressemblance avec le lapis lazuli, dont elle ne parait distinguée que par le degré de maturité : la principale différence qu'il y a entre l'une et l'autre, consiste en ce que la Pierre d'Arménie est plus molle, et qu'au lieu de paillettes d'or, elle a des taches vertes.

Boerhaave met cette pierre au rang des demi-métaux, et la croit composée de terre et de métal. Woodward dit que la couleur qu'elle a vient du cuivre qui y est mêlé. Voyez METAL.

On l'emploie principalement dans les ouvrages en mosaïque, et on en fait aussi quelque usage en Médecine. Voyez AZUR et MOSAÏQUE.

PIERRE DE BOULOGNE, espèce de pierres qu'on trouve près de Boulogne en Italie, et qui moyennant une certaine préparation, deviennent lumineuses. Ces pierres sont de petites pierres blanchâtres en-dehors, beaucoup plus pesantes que nos pierres communes, de la grosseur d'un œuf médiocre, et ordinairement plus petites. Ces pierres étant cassées, le dedans est un brillant, semé de rayons qui tendent à une espèce de centre, et fort semblable au talc qui est parmi les pierres de plâtre. On trouve aussi beaucoup de marcassites aux endroits où il y a de ces pierres, savoir vers le bas du mont Paterno, et encore en d'autres contrées d'Italie.

La préparation qui les rend lumineuses, consiste à les limer à l'entour, à les mouiller dans de l'eau-de-vie, ou de l'eau commune, ou du blanc d'œuf, et à les plonger ou rouler dans leur poudre ou limaille, pour les en couvrir de l'épaisseur d'environ un quart de ligne. Ayant allumé des charbons ou braise, il en faut mettre à la hauteur de quelques doigts sur une grille de terre d'un petit fourneau ordinaire, placer les pierres sur ces charbons, et mettre encore d'autres charbons dessus environ de la hauteur de deux doigts, et laisser le tout jusqu'à ce que le charbon soit brulé, éteint, et refroidi. Enfin, il faut conserver chacune de ces pierres dans une petite boite de bois avec du coton ou de la laine tout-autour.

Si on les expose pendant un moment à la lumière du jour, ainsi préparées, et si on les porte promptement dans un lieu obscur, on les voit comme en feu, et semblables à un charbon ardent, cependant sans chaleur sensible : elles ne paraissent pas ainsi, avant que de les avoir exposées à la clarté du jour.

Le soufre contenu dans cette pierre, est la principale cause du phénomène.

En effet, la pierre de Boulogne contient beaucoup de soufre, de même que les marcassites. Pendant sa préparation une partie de ce soufre est dissipée par le feu ; ce qui en reste dans la pierre, est beaucoup dilaté et principalement celui qui est resté dans les pores vers la surface, est devenu fort subtil et semblable à une légère teinture de couleur jaunâtre. Ce soufre est si inflammable, qu'étant exposé à la lumière du jour il s'allume, parce que la lumière du jour est un véritable feu dispersé dans l'air ; une multitude de ces fort petites flammes étant disposées aux ouvertures des pores de la surface de cette pierre, la rendent lumineuse, quand même le ciel serait couvert de nuages ; il suffit seulement que le soleil soit levé. Il sort continuellement de cette pierre ainsi préparée, une odeur semblable à celle du soufre ordinaire, et encore plus semblable à l'odeur de l'orpiment dissous en eau de chaux. Cette vapeur soufreuse est jointe à un peu d'acide rongeant, semblable à de l'esprit de soufre commun, mais beaucoup plus actif ; puisque cette vapeur, de même que celle d'un peu de soufre ordinaire enflammé, tache les métaux ; elle noircit la surface de l'argent, et de plus elle blanchit celle du cuivre, etc. Cette dernière remarque fait croire qu'il y a de petites parties d'arsenic ou d'orpiment mélées dans cette vapeur. Au reste, la pierre de Boulogne préparée, n'est lumineuse que pendant quelques années ; parce qu'enfin ces particules actives et sulphureuses se dissipent. On prétend que pour lui rétablir cette propriété, il faut encore la mettre au feu, comme auparavant, après l'avoir couverte de la poudre de semblables pierres, de même que la première fais.

Il y a bien d'autres pierres qui ont la propriété de s'imbiber de la lumière, et de la conserver pendant longtemps.

Il suffit d'en mettre dans un creuset qu'il faut couvrir, et de faire chauffer le tout par un feu augmenté peu-à-peu, jusqu'à ce qu'il égale celui qui fond l'argent, et de les laisser en cet état, environ une demi-heure. Si ces pierres ne deviennent point lumineuses, ou le sont peu, il faut les chauffer une seconde, ou une troisième fais, et elles le paraitront. Si pourtant on ne réussissait pas en les faisant chauffer ainsi, comme il arrive avec la craie, la marne, le moilon, la pierre de taille de Paris, etc. il faut broyer de ces pierres tendres, et les mettre dissoudre dans des liqueurs acides, par exemple, dans de l'eau forte, ou dans de l'esprit de salpêtre, en les y jetant peu-à-peu jusqu'à ce que la fermentation ait cessé ; alors cette liqueur étant versée par inclination dans une terrine de grès, il faut l'y faire évaporer jusqu'à ce qu'il reste une matière seche. Un peu de cette matière est mise dans un creuset, qui n'en soit qu'à demi-plein et découvert ; après l'avoir placé parmi des charbons ardents à un feu qui ne soit que comme pour fondre du plomb, cette matière se fond, bouillonne, et devient seche. Le creuset étant refroidi, il est exposé à la lumière ; ensuite porté dans un lieu obscur, la matière qu'il contient parait lumineuse et rougeâtre comme un charbon ardent, et s'éteint après quelques minutes. Cette propriété y est remarquée pendant quelques semaines : on prétend que les cendres dissoutes dans l'eau forte, et préparées comme les pierres tendres, deviennent lumineuses. Il y a lieu de croire que toutes les pierres qui peuvent être dissoutes par l'eau forte peuvent devenir lumineuses ; et que celles qui ne peuvent être dissoutes par l'eau forte, peuvent devenir lumineuses, après avoir été chauffées fortement, même par un feu de forge. Enfin, toutes les chaux différentes s'imprègnent facilement d'une lumière de diverses couleurs. Concluons par une remarque qui regarde généralement tous les phosphores ; c'est que pour les voir dans leur beauté, il faut avoir fermé les yeux pendant un peu de temps, afin que la prunelle se dilate ; ensuite les ouvrant, elle reçoit plus de cette lumière, dont l'impression devient plus forte. Article de M. FORMEY.

PIERRE DENTALE, dentalis lapis, ou dentalium ; sorte de coquille, que les Apothicaires pulvérisent, et qu'ils emploient dans différents médicaments, comme un excellent alkali.

Le vrai dental, décrit par M. Tournefort, est fait en forme du tuyau ou de cône, et d'environ trois pouces de long : sa couleur est éclatante, et d'un blanc verdâtre. Cette pierre est creuse, légère, et divisée dans toute sa longueur par des lignes parallèles qui vont depuis le bas jusqu'en haut. Elle est environ de la grosseur d'une plume, et a quelque ressemblance avec la dent d'un chien.

Elle est fort rare ; c'est pour cela qu'on emploie souvent à sa place une sorte de coquille de diverses couleurs qu'on trouve dans le sable quand la mer est retirée, mais qui n'est point cannelée comme le dental.

M. Lister, dans les Transact. philosoph. parle de deux espèces de dental : la première se trouve assez facilement aux environs de l'île de Guernesey ; elle est longue, mince, ronde, et creuse à chaque extrémité : d'où lui est venu le nom de dentalium, ou pierre semblable à la dent d'un chien. L'autre est proprement appelée entalium ; elle est plus longue et plus épaisse que la première, et outre cela rayée et sillonnée ; d'où est venu le mot italien intaglia.

PIERRE A FEU, est une sorte de pierre qui est utile, et dont on se sert pour les cheminées, les âtres, les fours, les étuves, etc. Voyez PIERRE.

PIERRES FIGUREES, chez les Naturalistes ; ce sont de certains corps, que l'on trouve en terre, lesquels n'étant purement que de pierre, de caillou, ou de spath, ont néanmoins beaucoup de ressemblance avec la figure extérieure des muscles, des pétoncles, des huitres, ou d'autres coquilles, plantes, ou animaux.

Les auteurs ne s'accordent guère sur l'origine de ces pierres figurées. Voyez leurs différentes opinions aux articles FOSSILE, COQUILLE, PIERRE, BARRE DE BOIS.

PIERRE A FUSIL, (Lythologie) les paroisses de Meunes et de Coussy dans le Berry, à deux lieues de Saint-Aignan, et à demi-lieue du Cher, vers le midi, sont les endroits de la France qui produisent les meilleures pierres à fusil, et presque les seules bonnes. Aussi en fournissent-ils non-seulement la France, mais assez souvent les pays étrangers. On en tire delà sans relâche depuis longtemps, peut-être depuis l'invention de la poudre ; et ce canton est fort borné ; cependant les pierres à fusil n'y manquent jamais ; dès qu'une carrière est vide on la ferme, et plusieurs années après on y trouve des pierres à fusil, comme auparavant.

On sait comment ces pierres font du feu ; en les battant avec un morceau d'acier, on détache de petites particules d'acier, qui se fondent en globules par la collision ; c'est ce que l'on voit évidemment en faisant l'expérience sur une feuille de papier blanc, et en regardant par le microscope ce qui y tombe. M. Hook fut le premier qui fit cette expérience, et il trouva qu'une particule noire, qui n'était pas plus grosse que la tête d'une épingle, paraissait comme une balle d'acier poli, et réfléchissait fortement l'image de la fenêtre voisine. Il est aisé de séparer les particules de fer fondu, d'avec les particules de la pierre, par un couteau aimanté. (D.J.)

PIERRE DE FLORENCE, (Lythologie) les pierres de Florence, qu'on trouve dans le voisinage de cette ville, et qui représentent des ruines, des paysages, des arbres, sont entre les mains de tout le monde ; les agates appelées dendrites, et sur lesquelles on voit des espèces de buissons et de végétations, sont très-connues. Toutes ces pierres sont naturelles ; l'art n'a pu jusqu'à présent parvenir à les imiter ; mais il n'en est pas de même de toutes les autres agates et pierres figurées qui représentent des animaux, des fleurs, des desseins réguliers, des veines bizarres ; on les imite si aisément, que la plupart de celles dont la singularité nous étonne, ne sont que le fruit d'un travail très-court et très-facile. (D.J.)

PIERRE JUDAÏQUE, judaïcus lapis, est une pierre blanche, tendre et friable, en forme de gland, sur laquelle il y a des lignes si industrieusement travaillées, qu'elles paraissent avoir été faites au tour.

Elle passe en Médecine pour posséder une vertu lithontriptique ; ce qui fait qu'on s'en sert pour rompre la pierre dans la vessie. Voyez LITHONTRIPTIQUE.

PIERRE DE LAIT, (Lithologie) pierre tendre, tantôt verte, tantôt noire, tantôt jaune, qui rend une liqueur laiteuse ; on la trouve en Saxe dans les carrières ; les Allemands l'appellent milchstein, et la recommandent pour arrêter les crachements de sang, pour resserrer les pores, et pour adoucir les douleurs de la vessie. Ils l'emploient en collyre pour dessécher les petits ulcères des paupières, et pour arrêter le flux des larmes involontaires. En un mot, ils donnent à leur milchstein toutes les propriétés que Dioscoride attribue à son morochtus d'Egypte, comme s'il était certain que ce fussent les mêmes pierres, et que Dioscoride eut accusé juste sur les vertus de la sienne. On ne voit que des erreurs de cette nature en Médecine. (D.J.)

PIERRE NOIRE, (Histoire moderne superst.) c'est une pierre noire enchâssée dans de l'argent qui est assujettie dans la muraille, au S. E. de la Caaba, ou du temple de la Meque. Les anciens Arabes ont eu dès l'antiquité la plus reculée, une très-grande vénération pour cette pierre ; Mahomet qui était venu mettre à profit les erreurs de ses compatriotes, ne crut point devoir rien changer à l'égard de la pierre noire, elle est encore jusqu'à ce jour l'objet des respects de tous les Musulmants qui vont en pélerinage à la Meque ; ils croient qu'elle est tombée du ciel du temps d'Adam, et qu'elle est devenue noire pour avoir été touchée par une femme dans le temps menstruel.

PIERRE DE S. PAUL, (Histoire naturelle) en italien pietra di S. Paulo, nom que l'on donne à une espèce de craie, qui se trouve abondamment dans l'île de Malte, elle est d'un blanc sale, seche et rude au toucher. C'est un absorbant, et on lui attribue un grand nombre de vertus, surtout contre la morsure des bêtes venimeuses ; effet que l'on croit être dû à l'apôtre saint Paul, lorsqu'il fit naufrage dans l'île de Malte ; on en fait de petits gâteaux avec des empreintes de saint Paul, et d'autres Saints. Voyez MALTE. (terre de)

PIERRE DE PERIGORD, (Histoire naturelle des Fossiles) c'est une substance fossile, ferrugineuse, noire, dure et pesante, qui parait contenir quelques particules de fer. On en tire des montagnes du Dauphiné, et elle ne sert qu'aux Potiers de terre et aux Emailleurs. Geoffroy. (D.J.)

PIERRE-PONCE, s. f. on trouve une prodigieuse quantité de ces pierres répandues dans toutes les Antilles, principalement dans les terrains voisins des Soufrières : le canton de la Ravine seche, situé dans l'île de la Martinique, au pied de la montagne pelée, en est tellement rempli, qu'on pourrait pour ainsi dire en bâtir une ville ; on rencontre beaucoup de ces pierres plus grosses qu'un demi-boisseau ; elles ne diffèrent de celles dont se servent les Orfèvres et les Doreurs, que par un peu moins de légèreté et un peu plus de dureté, elles peuvent être facilement taillées avec une serpe, c'est de cette façon qu'on en forme des voussoirs de dix à douze pouces de clavée, dont on construit des voutes extrêmement légères, très-solides, et qui n'ayant point ou très-peu de poussée, n'exigent pas des murs fort épais ; on fait avec les pierres-ponce, des tuyaux de cheminées incomparablement meilleurs et plus légers que ceux de brique, ces pierres aspirent très-bien le mortier, et se lient si parfaitement que ces joints ne se séparent jamais ; les murailles qui en sont construites ne sont point sujettes à s'écrouler comme celles de moilons ; et si l'on réfléchit sur les qualités de la pierre-ponce, on s'étonnera que messieurs les Ingénieurs en Amérique, n'en fassent pas plus d'usage pour la construction des parapets, des guérites, et autres ouvrages exposés au canon ; ils auraient moins à craindre les éclats, ainsi que cela arrive dans les murs de pierre ordinaire, et même dans ceux de brique.

Quoique la pierre-ponce paraisse devoir son existence et sa porosité aux feux souterrains, elle ne résiste pas longtemps à la chaleur d'un feu excité par le vent des soufflets ; je l'ai expérimenté dans des fourneaux de fusion, qui se fendirent de toute leur hauteur dans différents endroits.

PIERRES SCHISTEUSES, (Histoire naturelle, Minéralogie). Voyez SCHISTE.

PIERRE SPECULAIRE, (Histoire naturelle ancienne) lapis specularis. C'était une pierre transparente dont les Romains faisaient leurs fenêtres et les glaces de leurs litières. Les savants sont fort partagés sur ce que c'était que cette pierre ; les uns soutiennent que la pierre speculaire des Romains, est celle que les Grecs nommaient , d'autres veulent que ce soit l', à cause qu'elle résiste à la violence du feu ; quelques-uns prétendent que c'est la pierre , à laquelle les Romains ont donné le nom de pierre spéculaire, eu égard à sa transparence. M. Saumaise soutient que le lapis specularis, et le sont la même chose. Comme cette diversité de sentiments marque que le lapis specularis n'est pas aujourd'hui trop connu, M. de Valais panche à croire que ce n'est autre chose que ce que l'on appelle talc en Allemagne et en France, non pas ce talc commun qui se trouve dans la plupart de nos carrières, mais ce talc parfaitement blanc et transparent, dont il y a encore aujourd'hui une si grande quantité en Moscovie.

Le principal usage auquel le lapis specularis était employé par les Romains, c'était à fermer leurs fenêtres. Seneque fait mention de ces sortes de fenêtres, comme d'une chose établie de longue main, ce qui donne lieu de présumer qu'elle était déjà en vogue dès le temps de la République ; c'était de la même pierre spéculaire que se faisaient les glaces des litières couvertes des dames romaines.

A l'égard des fenêtres de verre, telles que sont maintenant les nôtres ; elles étaient déjà en usage dans le Ve siècle, puisque saint Jérôme en fait mention. (D.J.)

PIERRES VITRESCIBLES, ou vitrifiables, (Histoire naturelle, Minéralogie et Chimie) c'est ainsi que l'on nomme les pierres que l'action du feu convertit en verre. Cette dénomination à parler strictement, ne convient à aucune pierre, Ve qu'il n'y en a point qui sans addition soit propre à se vitrifier ; celles qui se changent en verre, contiennent quelque substance étrangère qui facilite la fusion, telle que du métal ou quelqu'autre terre qui jointe à celle qui fait la base de la pierre, la fait entrer en fusion, et y entre elle-même. D'un autre côté, au feu du soleil rassemblé par le miroir ardent, il n'y a aucune pierre qui en plus ou moins de temps ne se convertisse en verre. Voyez FONDANT, MIROIRS ARDENTS, PIERRES PRECIEUSES, TRESCIBILITELITE.

PIERRE, (Médecine) on n'a rien de plus grave en Médecine que la formation de la pierre dans le corps humain, et les observations particulières en ce genre, méritent d'être recueillies. Je n'en citerai pour exemple que quelques-unes.

1°. En ouvrant le corps d'un gentil-homme mort en Angleterre en 1750, on lui a trouvé 42 pierres dans les reins, 14 dans la vésicule du fiel, et 10 dans la vessie, qui pesaient 8 onces 1/2.

2°. On ne connait que trop les pierres contenues dans la capacité de la vessie, mais qu'il s'en puisse trouver dans sa substance, dans ses parais, entre les membranes dont elle est formée, et des pierres qui soient dangereuses, c'est un accident assez extraordinaire en Médecine ; cependant M. Litre en dissequant le corps d'un jeune homme, a Ve deux pierres, qui ayant percé l'uretère dans sa partie comprise entre les parois de la vessie, avaient passé par ce trou, s'étaient faites chacune un petit conduit dans la substance de la vessie et entre ses membranes, depuis le trou jusqu'à l'endroit où elles s'étaient arrêtées, et même avaient dû grossir en cet endroit, parce qu'elles étaient plus grandes que le trou par où elles avaient passé. Histoire de l'acad. année 1702.

3°. M. Dodart a fait voir à l'acad. des Sciences 12 pierres de diverses formes et grosseurs, toutes tirées d'un cadavre ; la plus grosse était du diamètre d'un petit œuf, et la plus petite de celui d'une noix.

4°. Un chirurgien de Brest, trouva dans le cadavre d'un homme de 28 ans, un rein qui renfermait une grosse pierre du poids de six onces et demie ; le corps de la pierre formé à l'ordinaire par couches, remplissait la capacité du bassin, et par son bout inférieur enfilait la route de l'uretère. Histoire de l'acad. année 1730.

5°. Un enfant de trois ans ne pouvant uriner par un étrange phimosis, le même M. Litre fit faire une incision au prépuce par le côté, et ensuite en fit retrancher la partie qui excédait l'extrémité du gland. D'une grande cavité que ce prépuce formait, il en sortit un peu d'urine et un nombre incroyable de pierres, les plus petites, grosses comme des têtes d'épingles, et les plus grosses étaient comme des pais, unies, grisâtres et friables. Il n'y a presque pas de doute, qu'elles ne se fussent formées des parties les plus grossières de l'urine qui était retenue, tandis que la petite ouverture du prépuce, ne permettait qu'aux plus subtiles de sortir, et ce qui le confirme encore, c'est qu'après l'opération, l'enfant ne rendit plus de pierres. Histoire de l'acad. année 1706.

6°. Passons en Italie, Dominica B. fille de basse condition, âgée d'environ 20 ans, couchait avec une autre fille, qui aurait voulu faire avec elle les fonctions dont elle était incapable. Elle se servait donc d'une grosse aiguille d'os à tête, de la longueur d'un doigt, qui dans une action particulière entre les deux compagnes, entra par l'uretère de Dominica, et tomba dans la vessie. Dominica commença à n'uriner que goutte à goutte, et avec douleur. La honte de déclarer son aventure, lui fit cacher son mal pendant cinq mois ; mais enfin maigrissant et ayant de la fièvre, elle eut recours à un chirurgien, qui ayant introduit le doigt dans le vagin, et ayant senti une dureté, découvrit avec un instrument un bout de l'aiguille, emporta les matières pierreuses qui étaient à l'endroit, et crut avoir fait une belle opération ; mais la malade continuant d'être dans le même état, et n'ayant eu par cette manœuvre aucun soulagement, un autre chirurgien fut appelé.

Celui-ci introduisit la sonde dans la vessie qui était déchirée et ulcérée du côté du vagin, et il sentit un corps dur ; pour soulager les vives douleurs, il fit prendre à la malade beaucoup d'huîle d'olive, et s'en tint là ; quelques jours après, la pierre qui s'était formée autour de l'aiguille, parut à l'orifice du vagin, par le trou fait à la vessie, et on la tira avec la main sans l'aide d'aucun instrument. La jeune fille se rétablit, mais il lui en est resté une incontinence d'urine, et de temps en temps de légères inflammations dans ces parties. Histoire de l'acad. année 1735. Je laisse aux gens de l'art à recueillir un grand nombre d'autres observations semblables qui ne sont pas quelquefois sans utilité. (D.J.)

PIERRE, (Critique sacrée) un rocher. La pierre de division ; c'est le rocher du désert de Maton ; la pierre d'Ethan, est le rocher où Samson se retirait, lorsqu'il faisait la guerre aux Philistins. La pierre d'Ezel est un rocher auprès duquel David devait attendre la réponse de son ami Jonathas. La pierre du secours indique le lieu où les Philistins prirent l'arche du Seigneur.

La pierre sur laquelle Notre-Seigneur dit qu'il édifiera son Eglise, Matth. XVIe 18. est expliquée par S. Augustin, de la doctrine du Sauveur lui-même, dans S. Luc. VIIIe 6. se prend pour un lieu pierreux ; ce mot désigne un fort, une forteresse dans le IV. liv. des Rais, xiv. 17. La pierre du désert, c'est la ville de Pétra.

Pierre au figuré, se prend pour asile, II. Reg. xxij. 2. Il se trouve au propre pour les poids d'une balance. Il veut dire encore un monument, au Deut. xxvij. 4. parce que dans les premiers temps, ceux qui avaient fait ensemble quelque traité, élevaient des monceaux de pierres pour en conserver la mémoire, au défaut de l'Ecriture.

La pierre de Zohaleth, III. Reg. j. 9. était une de ces pierres rondes, fort pesantes, que les jeunes gens pour éprouver leurs forces tâchaient de lever. Pierre signifie l'idolatrie. Juda, sœur d'Israèl, s'est corrompue avec la pierre et le bois, Jérém. IIIe 5. il se met pour la grêle dans Josué : le Seigneur fit tomber du ciel de grosses pierres, c'est-à-dire de la grêle d'une grosseur et d'une dureté prodigieuse. Le psalmiste, ps. lxxx. 17. dit, que Moïse a rassasié les Hébreux du miel qui sortait de la pierre, c'est-à-dire du miel que les abeilles avaient fait dans les trous des rochers. (D.J.)

PIERRES FINES, graveur en, (Gravure) artiste qui grave en creux ou en relief sur les pierres fines, et même jusque sur les diamants. MM. Vasari, Vettori et Mariette, ont donné l'éloge ou la vie des maîtres qui s'y sont le plus distingués. Voyez aussi le mot PIERRE GRAVEE.

PIERRE GRAVEE, s'il est vrai que les inventions qui ont le besoin pour principes, ont dû précéder celles qui n'ont pour objet que le plaisir, et qu'elles sont de toute antiquité ; l'on peut faire remonter assez haut l'origine de la gravure. Bientôt l'industrie jointe au besoin, imagina l'art de s'exprimer, prit le ciseau, traça des figures, des traits qui devinrent autant d'expressions et d'images de la parole ; telle fut l'origine de cet art.

On doit présumer que les Egyptiens qui gravaient avec tant de facilité sur des matières aussi dures que sont le granite, le basalte, et tous les autres marbres des carrières de l'Egypte, n'ignorèrent pas longtemps l'art de graver en creux sur les métaux, et singulièrement en petit sur les pierres fines et sur les pierres précieuses. Moïse, Exode xxv. 30. et ch. xxxix. Ve 6. 14. parle avec éloge de Beséléel, de la tribu de Juda, qui grava les noms des douze tribus sur les différentes pierres précieuses dont étaient enrichies l'éphod, et le rational du grand prêtre.

On ne peut contester que l'art de la gravure sur les pierres fines qui avait pris naissance dans l'Orient, n'y ait été toujours cultivé depuis sans interruption, moins pour satisfaire à un vain appareil de luxe, que par la nécessité où se trouvaient les peuples de ces pays-là, d'avoir des cachets : car aucun écrit, aucun acte n'y étaient tenus pour légitimes et pour authentiques, qu'autant qu'ils étaient revêtus du sceau de la personne qui les avait dictés. L'Ecriture sainte le dit positivement ; Esther, ch. IIIe Ve 10. c. VIIIe Ve 8. et les auteurs ont décrit l'anneau de Gigès, Plato in Politic. et celui de Darius. Enfin, qu'on ouvre encore les livres saints, Daniel VI. ch. XVIIe qu'on consulte Hérodote, liv. I. l'on y verra qu'à Babylone, les grands avaient chacun leurs cachets particuliers.

Les Egyptiens et les principales nations de l'Asie, conservèrent toujours leur attachement pour les pierres gravées. On sait que Mithridate en avait fait un amas singulier, comme le dit Pline, liv. XXXVII. ch. j. et lorsque Luculle, ce romain si célèbre par sa magnificence et par ses richesses, aborda à Aléxandrie, Ptolomée uniquement occupé du soin de lui plaire, ne trouve rien dans son empire de plus précieux à lui offrir qu'une éméraude montée en or, sur laquelle le portrait de ce prince égyptien était gravé. Celui de Bacchus l'était sur la bague de Cléopatre, et leur graveur s'y montra aussi fin courtisan, que supérieur dans son art. On connait la jolie épigramme qui courut alors, et la charmante traduction en vers qu'en a donné M. Hardion ; c'est la neuvième du liv. IV. ch. XVIIIe de l'Anthologie.

Le commerce maritime des Etrusques les ayant liés avec les Egyptiens, les Phéniciens, et quelques autres peuples de l'Orient ; ils apprirent les mêmes arts et les mêmes sciences que ces nations professaient, et ils les apportèrent en Italie. Ce n'est guère que le commerce qui forme en quelque façon de différents peuples, une seule nation. Les Etrusques commencèrent donc à se familiariser avec les arts, heureux fruits de la paix et de l'abondance ! Ils cultivèrent la sculpture, la peinture, l'architecture, et ils ne montrèrent pas moins de talents pour la gravure sur les pierres fines.

Le commencement des arts ne fut point différent en Grèce de ce qu'il avait été en Etrurie. Ce furent encore les Egyptiens qui mirent les instruments des arts entre les mains des Grecs, en même temps qu'ils dictaient à Platon les principes de la sagesse qu'il était venu puiser chez eux, et qu'ils permettaient aux législateurs grecs de transcrire leurs lois pour les établir ensuite dans leur pays.

Cette nation toute ingénieuse qu'elle était, demeura dans l'ignorance de la gravure jusqu'à Dédale, qui le premier sut animer la sculpture, en donnant du mouvement à ses figures. Il vivait vers les temps de la guerre de Troie, environ douze cent ans avant J. C. Ce ne fut cependant que dans le siècle d'Alexandre, que les progrès des arts parurent en Grèce dans tout leur éclat. Alors se montrèrent les Apelles, les Lysippes et les Pyrgotèles, qui partageant les faveurs et les bienfaits de cet illustre conquérant, disputèrent à qui le représenterait avec plus de grâce et de dignité. Le premier y employa son pinceau avec le succès que personne n'ignore, et Lysippe ayant été choisi pour former en bronze le buste de ce prince ; Pyrgotele fut seul jugé digne de le graver.

La Nature ne produit point des hommes si rares, sans leur donner pour émules d'autres hommes de génie ; ainsi l'on vit se répandre par toute la Grèce une multitude d'excellents artistes ; et pour me renfermer dans mon sujet, il y eut dans toutes les villes des graveurs d'un mérite distingué. L'art de la gravure en pierres fines eut entre les mains des Grecs les succès que promettent des travaux assidus et multipliés ; il ne fallut plus chercher de bons graveurs hors de chez eux, et ces peuples se maintinrent dans cette supériorité. Cronius, Apollonide, Dioscoride, Solon, Hyllus, et beaucoup d'autres dont les noms se sont conservés sur leurs gravures, se rendirent très-célèbres dans cette profession. En un mot, on ne trouve gueres sur les belles pierres gravées d'autres noms que des noms grecs.

Les romains ne prirent du goût pour les beaux Arts, que lorsqu'ayant pénétré dans la Grèce et dans l'Asie, ils eurent été témoins de la haute estime qu'on y faisait des grands artistes dans les arts libéraux, ainsi que de leurs productions. Alors ils se livrèrent à la recherche des belles choses, et ne mettant point de bornes à la curiosité des pierres gravées, non-seulement ils en dépouillèrent la Grèce, mais ils attirèrent encore à Rome pour en graver de nouvelles ; les Dioscorides, les Solon, et d'autres artistes aussi distingués. On para les statues des dieux de ces sortes d'ornements, et on monta des bagues à l'usage de toutes les conditions. Et qui le pourrait croire ! il se rencontra des voluptueux assez délicats pour ne pouvoir soutenir pendant l'été le poids trop pesant de ces sortes de bagues, Juven. Sat. I. Ve 38. il fallut en faire de plus légères et de plus épaisses pour les différentes saisons.

Quand les personnes moins riches n'avaient pas le moyen de se procurer une pierre fine, ils faisaient seulement monter sur leurs anneaux un morceau de verre colorié, gravé ou moulé, sur quelque belle gravure ; et l'on voit aujourd'hui dans plusieurs cabinets de ces verres antiques, dont quelques-uns tiennent lieu d'excellentes gravures antiques qu'on n'a plus.

Leurs anneaux, leurs bagues, leurs pierres gravées, servaient à cacheter ce qu'ils avaient de plus cher et de plus précieux, en particulier leurs lettres ou leurs tablettes. Cette coutume a passé de siècle en siècle, et est venue jusqu'à nos jours, sans avoir souffert presque aucune variation. Elle subsiste encore dans toute l'Europe, et jusques chez les Orientaux ; et c'est ce qui a mis ces derniers peuples, si peu curieux d'ailleurs de cultiver les arts, dans la nécessité d'exercer celui de la gravure en creux sur les pierres fines, afin d'avoir des cachets à leur usage.

Comme tous les citoyens, au-moins les chefs de chaque famille, devaient posséder un anneau en propre ; il n'était pas permis à un graveur de faire en même temps le même cachet pour deux personnes différentes ; l'histoire nous a décrit les sujets de plusieurs de ces cachets. Jules-César avait fait graver sur le sien l'image de Vénus armée d'un dard ; gravure dont les copies se sont multipliées à l'infini. Le célèbre Dioscoride avait gravé celui d'Auguste. Le cachet de Pompée représentait un lion, tenant une épée. Apollon et Marsias étaient exprimés sur le cachet de Néron. Scipion l'Afriquain fit représenter sur le sien le portrait de Syphax qu'il avait vaincu.

Les premiers chrétiens qui vivaient confondus avec les Grecs et les Romains, avaient pour signes de reconnaissance des cachets sur lesquels étaient gravés le monogramme de Jesus-Christ, une colombe, un poisson, une anchre, une lyre, la nacelle de S. Pierre, et autres pareils symboles.

Le luxe et la mollesse Asiatique qui s'accrurent chez les Romains avec leurs conquêtes, ne mirent plus de bornes au nombre et aux usages des pierres gravées. Ces maîtres du monde crurent en devoir enrichir leurs vétements, et en relever ainsi la magnificence. Les dames Romaines les firent passer dans leurs coiffures ; les bracelets, les agraffes, les ceintures, le bord des robes en furent parsemés, et souvent avec profusion. L'empereur Eliogabale porta cet excès si loin, qu'il faisait mettre sur sa chaussure des pierres gravées d'un prix inestimable, et qu'il ne voulait plus revoir celles qui lui avaient une fois servi ; Lampride, in vitâ Eliogabal. ch. xxiij.

Il y avait sans doute des pierres gravées, faites uniquement pour la parure, et l'on peut regarder comme telles ces émeraudes, ces saphirs, ces topases, ces améthystes, ces grenats, et généralement toutes ces autres pierres précieuses de couleur, sur la surface desquelles sont des gravures en creux, mais dont la superficie, au lieu d'être plate, est convexe, et fait appeler la pierre, un cabochon. Il faut encore ranger dans cette classe toutes ces pierres gravées qui passent une certaine grandeur, et qui n'ayant jamais pu être portées en bagues, ne paraissent avoir été travaillées que pour l'ornement, ou pour satisfaire la curiosité de quelques personnes de gout. Il n'est pas douteux que les pierres gravées en relief, ou ce que nous nommons des camées, n'entrassent aussi dans les ajustements dont elles étaient propres à relever la richesse et l'éclat.

Le Christianisme s'étant établi sur les ruines du paganisme, l'univers changea de face, et présenta un spectacle nouveau ; les anciennes pratiques furent la plupart abandonnées, et l'on cessa par conséquent d'employer les pierres gravées à une partie des usages auxquels on les avait fait servir jusqu'alors, elles ne servirent plus qu'à cacheter ; mais quand la barbarie vint à inonder toute l'Europe, l'on ne cacheta plus avec les pierres gravées ; l'on se soucia encore moins d'en porter en bagues, l'on n'était plus en état d'en connaître le prix. Elles se dissipèrent ; plusieurs rentrèrent dans le sein de la terre pour reparaitre dans un siècle plus éclairé et plus digne de les posséder. D'autres furent employées à orner des châsses, et à divers ouvrages d'orfèvrerie à l'usage des églises, car c'était le goût dominant ; c'était à qui ferait plus de dépenses en reliquaires, et à qui en enrichirait les autels d'un plus grand nombre. Plusieurs de ces anciennes gravures inestimables, plusieurs de ces précieux camées que les empereurs d'Orient avaient emportés de Rome, ne sortirent du lieu où ils avaient été transférés, et ne repassèrent dans l'Occident, que pour venir y occuper des places dans les chapelles, et y tenir rang avec les reliques. Les Vénitiens en remplirent le fameux trésor de l'église de S. Marc, et les François en apportèrent plusieurs en France durant les croisades. Depuis très-longtemps, la belle tête de Julia, fille de Titus, et plusieurs gravures représentant des sujets profanes, sont confondues avec les reliques dans le trésor de l'abbaye de S. Denis.

On ne peut sans doute excuser un si grand fonds d'ignorance de ces siècles barbares, et c'est cependant à ce défaut de lumières, que nous sommes redevables de la conservation d'une infinité de précieux morceaux de gravures antiques, qui autrement auraient couru le risque de ne point arriver jusqu'à nous ; car enfin si ceux qui vivaient dans ces siècles barbares eussent été plus éclairés, le même zèle de religion qui leur faisait rechercher toutes sortes de pierres gravées pour en parer nos autels et les reliques des saints, leur eut fait rejeter toutes celles qui avaient rapport au paganisme, et les eut peut-être portés à les détruire.

On sent bien que cette perte eut été grande, quand on réflechit sur l'utilité qu'on peut retirer des pierres gravées ; je ne parle pas de leurs vertus occultes, ce ne sont que des idées folles ; je ne prétends pas non plus relever le prix et la beauté de la matière, mais je parle d'abord du plaisir que fournit à l'esprit le travail que l'art y sait mettre. Ces précieux restes d'antiquité sont la source d'une infinité de connaissances, ils perfectionnent le gout, et meublent l'imagination des idées les plus nobles et les plus magnifiques. C'est de deux pierres gravées antiques qu'Annibal Carrache a emprunté les pensées de deux de ses plus beaux tableaux du cabinet du palais Farnese à Rome. L'Hercule qui porte le ciel est une imitation d'une gravure antique qui est chez le roi.

Quoique les pierres gravées ne soient pas des ouvrages aussi sublimes que les admirables productions des anciens sculpteurs, elles ont cependant quelques avantages sur les bas-reliefs et les statues. Ces avantages naissent de la matière même des pierres gravées et de la nature du travail, comme cette matière est très-dure, et que le travail est enfoncé (il n'est ici question que des gravures en creux), l'ouvrage est à l'abri de l'usure (qu'on me permette d'employer ce mot), et se trouve en même temps garanti d'un nombre infini d'autres accidents, que les grands morceaux de sculpture en marbre n'ont que trop souvent éprouvés.

Comme il n'est rien de si satisfaisant que d'avoir des portraits fidèles des hommes illustres de la Grèce et de Rome, c'est encore dans les pierres gravées qu'on peut le trouver ; c'est où l'on peut s'assurer avec le plus de certitude de la vérité de la ressemblance. Aucun trait n'y a été altéré par la vétusté ; rien n'y a été émoussé par le frottement comme dans les médailles et dans les marbres. Il est encore consolant de pouvoir imaginer que ces statues et ces grouppes qui firent autrefois le sujet de l'admiration d'Athènes et de Rome, et qui sont l'objet de nos justes regrets, se trouvent sur les pierres gravées. Ce n'est point ici une vaine conjecture ; l'on a sur des pierres gravées indubitablement antiques la représentation de plusieurs belles statues grecques qui subsistent encore : sans sortir du cabinet du roi de France, l'on y peut voir sur des Cornalines la statue d'Hercule de Farnese, un des chevaux de Monte-Cavallo, et le grouppe de Laocoon.

Indépendamment de tous les avantages qu'on vient d'attribuer aux pierres gravées, elles en ont encore un de commun avec les autres monuments de l'antiquité ; c'est de servir à éclairer plusieurs points importants de la Mythologie, de l'Histoire et des Coutumes anciennes. S'il était possible de rassembler en un seul corps toutes les pierres gravées qui sont éparses de côté et d'autre, on pourrait se flatter d'y avoir une suite assez complete de portraits des grands hommes et des divinités du Paganisme, presque toutes caractérisées par des attributs singuliers qui ont rapport à leurs cultes ; combien n'y verrait-on point de différents sacrifices ? Combien de sortes de fêtes, de jeux et de spectacles qui sont encore plus intéressants, lorsque les anciens auteurs nous mettent en état de les étendre par les descriptions qu'ils en ont laissées ?

Cette belle pierre gravée du cabinet de feu S. A. R. madame, où est représenté Thésée levant la pierre sous laquelle étaient cachées les preuves de sa naissance ; cette autre du cabinet du roi, où Jugurtha prisonnier est livré à Sylla, ne deviennent-elles pas des monuments curieux, par cela même qu'elles donnent une nouvelle force au témoignage de Plutarque, qui a rapporté ces circonstances de la vie de ces deux grands capitaines (vie de Thésée et de Marius) ?

Il faut pourtant avouer que de cette abondance de matière il en résulterait la difficulté insurmontable de donner des explications de la plus grande partie de ces pierres gravées. Mais quoique ces sortes d'explications ne soient point susceptibles de certitude, quoique nous n'ayons souvent que des conjectures sur ces sortes de monuments que nous possédons, cependant ces conjectures mêmes conduisent quelquefois à des éclaircissements également utiles et curieux.

La chute de l'empire romain entraina celle des beaux-arts ; ils furent négligés pendant très-longtemps, ou du-moins ils furent exercés par des ouvriers qui ne connaissaient que le pur mécanisme de leur profession, et ils ne se relevèrent que vers le milieu du XVe siècle. La Peinture et la Sculpture qui ne vont jamais l'une sans l'autre, reparurent alors en Italie dans leur premier lustre, et l'on recommença à y graver avec goût tant en creux qu'en relief. Le célèbre Laurent de Médicis, surnommé le magnifique et le père des lettres, fut le principal et le plus ardent promoteur de ce renouvellement de la gravure sur les pierres fines. Comme il avait un amour singulier pour tout ce qui portait le nom d'antique, outre les anciens manuscrits, les bronzes et les marbres, il avait encore fait un précieux assemblage de pierres gravées qu'il avait tirées de la Grèce et de l'Asie, ou qu'il avait recueillies dans son propre pays, la vue de ces belles choses qu'il possédait, autant pour en jouir que pour avoir le plaisir de les communiquer, anima quelques artistes qui se consacrèrent à la Gravure ; lui-même, pour augmenter l'émulation, leur distribua des ouvrages. Le nom de ce grand protecteur des arts, j'ai presque dit ce grand homme, se lit sur plusieurs pierres qu'il fit graver ou qui lui ont appartenu.

Alors parut à Florence Jean, qu'on surnomma Delle-Corniuole, parce qu'il réussissait à graver en creux sur des cornalines, et l'on vit à Milan Dominique, appelé De'Camei, à cause qu'il fit de fort beaux camées. Ces habiles gens formèrent des élèves, et eurent bientôt quantité d'imitateurs. Le Vasari en nomme plusieurs, entre lesquels je me contenterai de rappeler ceux qui ont mérité une plus grande réputation ; Jean Bernardi de Castel-Bolognese, Matthieu del Nasaro (ce dernier passa une grande partie de sa vie en France au service de François I.) ; Jean-Jacques Caraglio de Vérone, qui n'a pas moins réussi dans la gravure des estampes ; Valério Belli de Vicence, plus connu sous le nom de Valerio Vicentini ; Louis Anichini, et Alexandre Césari, surnommé le Grec. Les curieux conservent dans leurs cabinets des ouvrages de ces graveurs modernes, et ce n'est pas sans raison qu'ils en admirent la beauté du travail. Qu'on n'y cherche pas cependant ni cette première finesse de pensée, ni cette extrême précision de dessein qui constituent le caractère du bel antique ; tout ce qu'ils ont fait de plus beau, n'est que bien médiocre mis en parallèle avec les excellentes productions de la Grèce.

Ce n'est peut-être pas tant à l'incapacité qui jusqu'à-présent a empêché les graveurs modernes d'approcher de ceux de l'antiquité, qu'à l'ingratitude de la profession, à laquelle il en faut attribuer la cause ; du-moins jamais nos artistes ne montrèrent plus de talents ni plus d'ardeur. Lorsqu'ils ont eu à graver des pierres en relief, travail aussi long et presque aussi difficîle que celui de la gravure en creux, ils ont fait de très-belles choses. Tels sont les portraits qu'ils ont exécutés dans ce genre ; il y en a tel qu'on pourrait ranger à la suite du bel antique. Tels sont quelques autres ouvrages soignés et exécutés dans ces derniers temps par l'habîle Sirlet.

2°. De la matière sur laquelle on grave. Les anciens graveurs qui en cela ont été suivis par tous les modernes, paraissent n'avoir excepté aucune des pierres fines, ni même des pierres précieuses pour graver dessus, hormis que ces pierres ne se soient trouvées si recommandables par elles-mêmes, que c'eut été un meurtre de les faire servir à la gravure. Encore aujourd'hui l'on a pour de telles pierres précieuses les mêmes égards. Du reste, on rencontre tous les jours des gravures sur des améthystes, des saphirs, des topases, des chrysolites, des péridots, des hyacintes et des grenats. On en voit sur des bérylles ou aigues-marines, des primes d'émeraudes et d'améthystes, des opales, des turquaises, des malachites, des cornalines, des chalcédoines et des agates. Les jaspes rouges, jaunes, verts et de diverses autres couleurs, et en particulier les jaspes sanguins, le jade, des cailloux singuliers, des morceaux de lapis ou lyanée, et des tables de crystal de roche ont aussi servi de matière pour la gravure, mais d'assez belles émeraudes et des rubis y ont servi. Mais de toutes les pierres fines, celles qu'on a toujours employées plus volontiers pour la gravure en creux, sont les agates et les cornalines ou sardoines, tandis que les différentes espèces agates-onix semblent avoir été réservées pour les reliefs.

C'est à la variété des couleurs dont la nature a embelli les agates, que nous devons ces beaux camées, qu'un savant pinceau n'aurait pu peindre avec plus de justesse, et qui presque tous sont des productions de nos graveurs modernes.

Ne passons pas ici sous silence des gravures singulières et qui peuvent marcher à la suite des pierres gravées. Ce sont des agates ou d'autres pierres fines sur lesquelles des têtes ou des figures en basse-taille et ciselées en or ont été rapportées et incrustées, de façon qu'à la différence près de la matière elles font presque le même effet que les véritables camées. On en voit une à Florence, qui appartenait à l'électrice palatine Anne-Marie-Louise de Médicis, en qui tout est fini. Cette belle gravure doit se trouver dans le cabinet du grand-duc : c'est peut-être un Apollon vainqueur du serpent Pithon ; il y en a une représentation dans le Musaeum Florent. t. I. tab. 66. n °. 1. En 1749, un Italien a distribué à Paris plusieurs pierres semblablement incrustées ; et comme il en avait nombre et qu'elles étaient trop bien conservées pour n'être pas suspectes, les connaisseurs sont persuadés que c'étaient des pièces modernes.

Le diamant, la seule pierre précieuse sur laquelle on n'avait pas encore essayé de graver, l'a été dans ces derniers siècles. Il est vrai que M. André Cornaro, venitien, annonça en 1723 une tête de Néron gravée en creux sur un diamant, et pour relever le prix de cette gravure qu'il estimait douze mille sequins, il assurait qu'elle était antique. Mais on ne peut guère douter du contraire, et peut-être son diamant était un ouvrage de Constanzi qui a longtemps travaillé à Rome avec distinction. Lorsque Clément Birague, milanais, que Philippe II. avait attiré en Espagne, et qui se trouvait à Madrid en 1564, fit l'essai de graver sur le diamant, personne n'avait encore tenté la même opération. Cet ingénieux artiste y grava pour l'infortuné dom Carlos le portrait de ce jeune prince, et sur son cachet qui était un autre diamant, il mit les armes de la monarchie espagnole. L'on a fait voir à Paris un diamant où étaient gravées ou plutôt égratignées les armes de France ; l'on dit qu'il y en a un semblable dans le trésor de la reine d'Hongrie à Vienne, et que le cachet du feu roi de Prusse était pareillement gravé sur un diamant. Au reste, ces gravures ne peuvent être ni bien profondes, ni fort arrêtées, ni faites sur des diamants parfaits. Ajoutez que souvent l'on montre des gravures qu'on dit être faites sur des diamants, et qui ne le sont réellement que sur des saphirs blancs.

3°. De la distinction des pierres antiques d'avec les modernes. Comme il règne beaucoup de ruse, de fraude et de stratagème pour tromper au sujet des pierres gravées, on demande s'il y a des moyens de distinguer l'antique du moderne, les originaux des copies ; quelques curieux se sont fait là-dessus des règles qui, toutes incertaines qu'elles sont, méritent cependant d'être rapportées.

Ils commencent par examiner l'espèce de la pierre : si cette pierre est orientale, parfaite dans sa qualité, si c'est quelque pierre fine dont la carrière soit perdue, telles que sont, par exemple, les cornalines de la vieille roche ; si le poli en est très-beau, bien égal et bien luisant, c'est, selon eux, des preuves de l'antiquité d'une gravure. Il est certain que l'examen de la qualité d'une pierre gravée et de son beau poli ne sont point des choses indifférentes ; mais l'on a Ve plus d'une fois nos graveurs effacer d'anciennes mauvaises gravures, retoucher des antiques, apporter dans le poliment une grande dextérité pour mieux tromper les connaisseurs. D'ailleurs ce serait peut-être une preuve encore plus certaine de l'antique d'une pierre gravée, si la surface extérieure d'une telle pierre était dépolie par le frottement ; car les anciens gravaient pour l'usage, et toute pierre qui a servi doit s'en ressentir.

Les curieux croient encore reconnaître certainement si les inscriptions gravées en creux sur les pierres sont vraies ou supposées, et cela par la régularité et la proportion des lettres, et par la finesse des jambes ; mais il n'y a guère de certitude dans ces sortes d'observations ; tout graveur qui voudra s'en donner la peine et qui aura une main légère, tracera des lettres qui imiteront si bien celles des anciens, même celles qui sont formées par des points, que les plus fins connaisseurs prendront le change ; et ce stratagème connu en Italie pour se jouer de certains curieux nourris dans la prévention, n'a que trop bien réussi. Ils ont corrompu jusqu'aux pierres gravées antiques, en y mettant de fausses inscriptions ; et c'est ce qu'ils exécutent avec d'autant plus de sécurité qu'il leur est plus facîle alors d'en imposer. Qui pourra donc assurer que plusieurs de ces noms d'artistes qui se lisent sur les pierres gravées, et même auprès de fort belles gravures, n'y auront pas été ajoutées dans des siècles postérieurs ? surtout depuis que M. Gori a fait observer que le nom Cléomenes écrit en grec, qu'on voit sur le socle de la fameuse et belle statue de la Vénus de Médicis, est une inscription postiche.

Il n'est pas plus difficîle d'ajouter sur les pierres gravées, de ces cercles et de ces bordures en forme de cordon, qui suivant le sentiment de M. Gori, caractérisent les pierres étrusques, et sont un signe certain pour les reconnaître.

D'autres curieux prétendent que les anciens n'ont jamais gravé que sur des pierres de figures rondes ou ovales ; et lorsqu'on leur en montre quelques-unes d'une autre forme, telles que sont des pierres carrées ou à pans, ils ne balancent pas à dire que la gravure en est moderne, ce qui n'est pas toujours exactement vrai.

Quelques négligences qui se seraient glissées dans des parties accessoires au milieu des plus grandes beautés, ne doivent pas non plus faire juger qu'une gravure n'est pas antique : on en devrait peut-être conclure tout le contraire, d'autant que les gravures modernes sont en général assez suivies, et que celles des anciens ont assez souvent le défaut qu'on vient de remarquer. On peut citer pour exemple l'enlevement du palladium gravé par Dioscoride : le Diomède qui est la maîtresse figure, réunit toutes les perfections, presque tout le reste est d'un travail si peu soigné, qu'à peine serait-il avoué par des ouvriers médiocres. Cet habîle artiste aurait-il prétendu relever l'excellence de sa production par ce contraste, ou aurait-il craint que l'oeil s'arrêtant sur des objets étrangers, il ne se portât pas assez entièrement sur la principale figure ?

Mais une pierre gravée qui serait enchâssée dans son ancienne monture ; une autre qu'on saurait, à n'en pouvoir douter, avoir été trouvée depuis peu à l'ouverture d'un tombeau, ou sous d'anciens décombres qui n'auraient jamais été fouillés, mériterait d'être reçue pour antique. Il parait aussi qu'on ne devrait pas moins estimer une pierre gravée qui nous viendrait de ces pays où les arts ne se sont point relevés depuis leur chute : par exemple, des pierres gravées qui sont tirées et apportées du Levant, ne sont pas susceptibles d'altérations par le défaut d'ouvriers, comme le sont celles qu'on découvre en Europe ; enfin outre la certitude de l'antiquité pour la pierre gravée, il faut encore qu'elle soit réellement belle pour mériter l'estime des curieux. Concluons donc que la connaissance du dessein, jointe à celle des manières et du travail, est le seul moyen pour se former le gout, et devenir un bon juge dans les arts, et en particulier dans la connaissance du mérite des pierres gravées, tant antiques que modernes.

4°. Des illustres graveurs en pierres fines. Il semble qu'il manque quelque chose à l'histoire des arts, si elle ne marche accompagnée de celle des artistes qui s'y sont distingués. C'est ce qui a engagé Mrs Vasari, Vettori, et Mariette, à faire la vie de ces illustres artistes ; il nous suffira néanmoins d'indiquer les noms des principaux parmi les modernes qui ont paru depuis la renaissance des arts.

Tout le monde sait que la chute du bon goût suivit de fort près celle de l'empire Romain ; des ouvriers grossiers et ignorants prirent la place des grands maîtres, et semblèrent ne plus travailler que pour accélérer la ruine des beaux-arts. Cependant dans le temps même qu'ils s'éloignaient à si grands pas de la perfection, ils se rendaient, sans qu'on y prit garde, utiles, et même nécessaires à la postérité ? En continuant d'opérer, bien ou mal, ils perpétuèrent les pratiques manuelles des anciens ; pratiques dont la perte était sans cela inévitable, et n'aurait peut-être pu se retrouver. Il est donc heureux que l'art de la gravure en pierres fines n'ait souffert aucune interruption, et qu'il y ait eu une succession suivie de graveurs qui se soient instruits les uns les autres, et qui se soient mis, pour ainsi dire, à la main, les outils, sans lesquels cet art ne saurait se pratiquer.

Ceux d'entr'eux qui abandonnèrent la Grèce dans le quinzième siècle, et qui vinrent se chercher un asîle en Italie, pour se soustraire à la tyrannie des Turcs leurs nouveaux maîtres, y firent paraitre pour la première fois quelques ouvrages, qui un peu moins informes que les gravures qui s'y faisaient journellement, servirent de prélude au renouvellement des arts, qui se préparait. Les pontificats de Martin V. et de Paul II. furent témoins de ces premiers essais ; mais Laurent de Médicis, le plus illustre protecteur que les arts aient rencontré, fut le principal moteur du grand changement qu'éprouva celui de la gravure. Sa passion pour les pierres gravées et pour les camées, lui fit rechercher, ainsi que je l'ai déjà remarqué, les meilleurs graveurs ; il les rassembla auprès de sa personne ; il leur distribua des ouvrages ; il les anima par ses bienfaits, et l'art de la gravure en pierres fines reprit une nouvelle vie.

Jean delle' Cornivole fut regardé comme le restaurateur de la gravure en creux des pierres fines, et Dominique de Camei de la gravure en relief. Ces deux artistes furent bien-tôt surpassés par Pierre-Marie de Pescia, et par Michélino. L'art de la gravure en pierres fines, s'étendit rapidement dans toutes les parties de l'Italie. Cependant il était réservé à Jean Bernardi, né à Castel-Bolognèse, ville de la Romagne, d'enseigner aux graveurs modernes à se rendre de dignes imitateurs de ceux des anciens. Entr'autres ouvrages de gravure de ce célèbre artiste, on vante beaucoup son Titius, auquel un vautour déchire le cœur, gravé d'après le dessein de Michel-Ange : comblé d'honneurs et de biens, il expira en 1555. Dans ce temps-là François I. avait attiré en France le fameux Matthieu del Nassaro, qui s'occupa à former parmi nous des élèves qui fussent en état de perpétuer dans le royaume l'art qu'il y avait fait connaître.

Pendant le même temps, Luigi Anichini, et surtout Alexandre Cesari, surnommé le Grec, gravait à Rome avec éclat toutes sortes de sujets sur des pierres fines : le chef-d'œuvre de ce dernier est un camée représentant la tête de Phocion l'athénien. Jacques de Trezzo embellissait alors l'Escurial par ses ouvrages en ce genre.

Quand l'empereur Rodolphe II. monta sur le trône il protégea les arts, fit fleurir celui de la Gravure en Allemagne dans le dix-septième siècle, et employa particulièrement Gaspard l'Héman, et Miseroni ; mais aucun de ces graveurs n'a pu soutenir le parallèle du Coldoré, qui fleurissait en France vers la fin du seizième siècle, et qui a vécu jusque sous le règne de Louis XIII. Cependant parmi les graveurs français, personne n'a mérité cette brillante réputation dont Flavius Sirlet a joui dans Rome jusqu'à sa mort, arrivée le 15 Aout 1737 ; on ne connait aucun graveur moderne qui l'égale pour la finesse de la touche : il nous a donné sur des pierres fines des représentations en petit des plus belles statues antiques qui sont à Rome : le grouppe de Laocoon est son chef-d'œuvre.

Celui qui se distinguait dernièrement le plus dans cette ville, est le chevalier Charles Costanzi ; il a gravé sur des diamants, pour le roi de Portugal, une Léda, et une tête d'Antinous.

Je n'ai point parlé des graveurs qu'a produit l'Angleterre, parce que la plus grande partie sont demeurés fort au-dessous du médiocre ; il faut pourtant excepter Charles Chrétien Reisen qui a mérité une des premières places parmi les graveurs en creux sur les pierres fines, et qui a eu pour élève un nommé Claus, mort en 1739, ensuite Smart, et enfin Seaton, qui était de nos jours le premier graveur de Londres.

Mais nous avons lieu de regretter un de nos graveurs français, mort en 1746, et qui faisait honneur à la nation ; je parle de M. Français-Julien Barier, graveur ordinaire du roi en pierres fines, homme de gout, né industrieux, et qui a fait dans l'un et dans l'autre genre de gravure, des ouvrages qui ont assuré sa réputation ; il ne lui manquait qu'une plus parfaite connaissance du dessein.

M. Jacques Guay qui lui a succédé, ne doit point craindre d'essuyer un pareil reproche ; il dessine très-bien, et modèle de même ; il a visité toute l'Italie pour se perfectionner, et a retiré de grands fruits de ses voyages. Il a jeté beaucoup d'esprit sur une cornaline, où il a exprimé en petit, d'après le dessein de M. Bouchardon, le triomphe de Fontenoy.

5°. De la pratique de la gravure en pierres fines. Quand on examine avec attention ce que Pline a dit de la manière de graver sur les pierres précieuses, on demeure pleinement convaincu que les anciens n'ont point connu d'autres méthodes, que celles qui se pratiquent aujourd'hui. Ils ont dû se servir comme nous du touret, et de ces outils d'acier ou de cuivre, qu'on nomme scies et bouterolles ; et dans l'occasion ils ont pareillement employé la pointe du diamant. Le témoignage de Pline est formel, liv. XXXVII. ch. iv. et ch. XIIIe ce qui mettra cette vérité dans tout son jour, sera de donner ici la description détaillée de notre manière de graver ; mais il faut la laisser faire à cet habîle auteur notre collègue, qui après avoir puisé chez les artistes tout ce qui concerne les arts, sait les décrire dans cet ouvrage avec des talents au-dessus de mes éloges.

6. Des pierres gravées factices. L'extrême rareté des pierres précieuses, et le vif empressement avec lequel on les recherchait dans l'antiquité, ne permettant qu'aux personnes riches d'en avoir, firent imaginer des moyens pour satisfaire ceux qui manquant de facultés, n'en étaient pas moins possédés du désir de paraitre. On employa le verre, on le travailla, on lui allia divers métaux, et en le faisant passer par différents degrés de feu, il n'y eut presque aucune pierre précieuse dont on ne lui fit prendre la couleur et la forme. On a retrouvé ce secret dans le quinzième siècle, et on est rentré en possession de faire de ces pâtes ou pierres factices, que quelques-uns appellent des compositions. Voyez PATE DE VERRE ou PIERRE GRAVEE FACTICE.

7°. De la manière de tirer les empreintes. Pour ce qui regarde les diverses manières de tirer des empreintes sur les plus belles pierres gravées, voyez le mot EMPREINTE.

8°. De la conservation des pierres gravées. Un amateur tâche de conserver ses pierres gravées, et a pour cet effet des écrains ou baguiers. Voyez ÉCRAIN.

9°. Des auteurs sur les pierres gravées. Entre un si grand nombre d'auteurs, qui depuis Pline jusqu'à nous ont traité des pierres gravées, nous ne nous proposons ici que de donner les principaux ; les curieux peuvent recourir à la partie si intéressante du livre de M. Mariette, qui concerne la Bibliothèque Dactyliographique : une matière si seche a pris entre ses mains les grâces et les ornements qu'on ne trouve point ailleurs.

On connait assez, sur les anneaux des anciens, les ouvrages de Kitschius, de Longus, de Kirchman, de Kornman, et de Liceti ; ils ont tous été réimprimés ensemble à Leyde en 1672 ; le livre de Liceti imprimé à Udine en 1645, in-4°. n'est à la vérité qu'une misérable compilation, et ne peut être lu sans dégoût ; mais en échange on sera fort content de la brochure de Cazalius sur les anneaux et leurs usages.

Antoine de Pais a donné un discours sur les médailles et gravures antiques, Paris 1579, in-4°. avec figures, livre très-curieux, très-bien imprimé, et d'un auteur qui a le premier rompu la glace sur cette matière. Ce livre estimé n'est pas fort commun ; mais il faut prendre garde s'il se trouve à la page 126 une figure du dieu des jardins, qui en a été arrachée dans plusieurs exemplaires.

Baudelot le Dorival a mis au jour un livre de l'utilité des voyages, etc. Paris 1686, 2 vol. in-12. avec figures, et Rouen 1727, livre utile, intéressant, et dont on ne peut se passer.

Nous avons indiqué au mot GRAVURE, les ouvrages où l'on enseigne la pratique de cet art : passons aux plus beaux recueils et cabinets de pierres gravées ; voici ceux de la plus grande réputation, publiés en Italie.

Agostini (Leonardo) ; le Gemme antiche figurate, colle annotazioni di Pietro Bellori, in Roma 1657, in-4°. fig. secunda parte in Roma 1669, in-4°. seconde édition, in Roma 1686, 2 Ve in-4°. fig. troisième édit. mise en latin par Jacques Gronovius. Amstaelod. 1685, 2 vol. in-4°. et à Franeker 1694, 2 vol. In-4°. fig.

Léonard Agostini, né à Boccheggiano, dans l'état de Sienne, était un connaisseur d'un goût exquis, et il avait vieilli parmi les antiques ; son recueil est excellent de même que son discours historique qui sert de préliminaire : il fait joindre l'utilité à l'agréable, le goût avec l'érudition. Il eut encore l'avantage de trouver un dessinateur et un graveur habîle dans la personne de Jean-Baptiste Gallestruzzi florentin ; la 2me édition, préférable à la première pour l'ordre qui y a été observé et l'amélioration des discours, lui sera toujours inférieure par rapport aux planches. Il n'est pas inutîle d'avertir qu'on a employé dans cette édition deux sortes de papiers, et qu'on doit donner la préférence au plus grand papier, car outre que le petit est fort mauvais, l'impression des planches y est trop négligée : l'édition de Hollande a les planches gravées assez proprement, mais sans gout.

De la Chausse, romanum Musaeum, etc. Romae, 1690, in-fol. editio secunda, Romae 1707, in-fol. editio tertia, Romae 1746 ; 2 vol. in-fol. item en français, Amsterdam 1706, fol. fig.

Michel Ange de la Chausse, parisien, savant antiquaire, était allé assez jeune à Rome, et son caractère, autant que son gout, l'y avait fixé. Le corps d'antiquités qu'il intitula Musaeum romanum, est une collection qui réunit les plus singulières antiquités qui se trouvaient dans les cabinets de Rome au temps où l'auteur écrivait. Les figures sont accompagnées d'explications aussi curieuses qu'instructives. Jamais ouvrage ne fut mieux reçu ; Graevius l'inséra tout entier dans son grand recueil des Antiquités romaines. Il fut traduit en français, et imprimé à Amsterdam en 1706 ; mais l'édition originale fut suivie d'une seconde, à tous égards préférable à la première, pareillement faite à Rome en 1707, et considérablement augmentée par l'auteur même ; on en donna tout-de-suite une troisième édition à Rome en 1746, en 2 vol. in-fol. fort inférieure à la seconde, et dans laquelle le libraire n'a cherché qu'à induire le public en erreur, et à abuser de sa confiance.

La première partie du recueil de M. de la Chausse, comprend une suite assez nombreuse de gravures antiques, qui presque toutes sont des morceaux d'élite, dont le public n'avait point encore joui dans aucun ouvrage.

M. de la Chausse a encore publié à Rome, en 1700, in-4°. fig. un recueil de pierres gravées antiques, avec ses observations : le choix des pierres est fait avec discernement ; les explications écrites en italien sont judicieuses et pleines d'érudition ; les planches, au nombre de deux cent, gravées par Bartholi, ne sont qu'au trait.

Musaeum florentinum, cum observ. Ant. Franc. Goti, Florentiae, 1731, 1732, 2. vol. fol. maj. cum fig. etc.

Qui ne connait pas le prix de cette rare et immense collection ? jusqu'à présent on n'en a vu, je crois, que six volumes, mais c'en est assez pour admirer le plus beau cabinet de pierres gravées qu'il y ait au monde. Les deux premiers volumes donnés en 1731 et 1732, contiennent toutes les pierres gravées du grand duc, qui méritent quelque considération. Le premier volume contient plus de huit cent pierres gravées, qui occupent cent grandes planches ; et le second quatre cent dix-huit pierres gravées, rangées comme dans le premier sur cent planches ; les éditeurs n'ont point craint d'excéder, ni par rapport à la largeur des marges, ni pour la grosseur des caractères, ni dans la disposition des titres : l'épaisseur du papier répond à sa grandeur ; aucun des ornements, dont on a coutume d'enrichir les livres d'importance, n'ont été épargnés dans celui-ci ; en un mot c'est un ouvrage d'apparat, et qui remplit parfaitement les vues de ceux qui l'ont fait naître ; ce livre coute fort cher, même aux souscrivants, et pour comble de malheur, la grande inondation de l'Arno, qui a fait périr sur la fin de 1740, une partie de l'édition mise dans le palais Corsini, n'en a pas fait baisser le prix.

1°. Des collections de pierres gravées. Non-seulement l'antiquité nous fournit des exemples de passions pour les pierres gravées, mais elle nous fournit des génies supérieurs, et les plus distingués dans l'état, qui formaient de ces collections. Quels hommes que César et Pompée ! Ils aimèrent passionnément l'un et l'autre les pierres gravées, et pour montrer l'estime qu'ils en faisaient, ils voulurent que le public fût le dépositaire de leurs cabinets. Pompée mit dans le Capitole les pierres gravées, et tous les autres bijoux précieux qu'il avait enlevés à Mithridate, et César consacra dans le temple de Vénus, surnommé genitrix, celles qu'il avait recueillies lui-même avec des dépenses infinies ; car personne n'égalait sa magnificence, quand il s'agissait de choses curieuses. Marcellus, fils d'Octavie, et neveu d'Auguste, déposa son cabinet de pierres gravées dans le sanctuaire du temple d'Apollon, sur le mont Palatin. Martin Scaurus, beau-fils de Sylla, homme vraiment splendide, avait formé le premier un semblable cabinet dans Rome. Il fallait être bien puissant pour entreprendre alors de ces collections. Le prix des belles pierres était monté si prodigieusement haut, que de simples particuliers ne pouvaient guère se flatter d'y atteindre. Un revenu considérable suffisait à peine pour l'achat d'une pierre précieuse. Jamais nos curieux, quelques passionnés qu'ils soient, ne pousseront les choses aussi loin que l'ont fait les anciens. Je ne crois pas qu'on rencontre aujourd'hui des gens, qui semblables au sénateur Nonius, préfèrent l'exil, et même la proscription, à la privation d'une belle bague.

Il est pourtant vrai que depuis le renouvellement des beaux arts, les pierres gravées ont été recherchées par les nations polies de l'Europe avec un grand empressement ; et ce goût semble même avoir pris de nos jours une nouvelle vigueur. Il n'y a presque point de prince qui ne se fasse honneur d'avoir une suite de pierres gravées. Celles du roi et celles de l'impératrice reine de Hongrie, sont considérables. Le recueil de M. le duc d'Orleans est très-beau. On vante en Angleterre les pierres gravées recueillies autrefois par le comte d'Arundel, présentement entre les mains de mylady Germain, celles qu'avait rassemblées mylord Pembrock, et la collection qu'en avait fait le duc de Dévonshire, l'un des plus illustres curieux de ce siècle.

C'est néanmoins l'Italie qui est encore remplie des plus magnifiques cabinets de pierres gravées. Celui qui avait été formé par les princes de la maison Farnèse, a fait un des principaux ornements du cabinet du roi des deux Siciles ; la collection du palais Barberin, tient en ce genre un des premiers rangs dans Rome, qui de même que Florence et Venise, abondent en cabinets particuliers de pierres gravées. Mais aucune de ces collections n'égale celle que possédait le grand duc, qui parait être la plus singulière et la plus complete qu'on ait encore vu, puisque le marquis Maffei assure qu'elle renferme près de trois mille pierres gravées. On sait que les plus remarquables se trouvent dans le musaeum florentinum ; aussi faut-il convenir que les peuples d'Italie sont à la source des belles choses. Fait-on la découverte de quelque rare monument, de ceux d'une ville même, d'un Herculanum, par exemple, elle se fait pour eux : ils sont les premiers à en jouir ; ils peuvent continuellement étudier l'antique qui est sous leurs yeux ; et comme leur goût en devient plus sur et plus délicat que le nôtre, ils sont aussi généralement plus sensibles que nous aux vraies beautés des ouvrages de l'art.

2°. Des belles pierres gravées. Pour avoir des pierres gravées, exquises en travail, il faut remonter jusqu'au temps des Grecs ; ce sont eux qui ont excellé en ce genre, dans la composition, dans la correction du dessein, dans l'expression, dans l'imitation, dans la draperie, en un mot en tout genre. Leur habileté dans la représentation des animaux, est encore supérieure à celle de tous les autres peuples. Ils étaient mieux servis que nous dans leurs modèles, et ils ne faisaient absolument rien sans consulter la nature. Ce que nous disons de leurs ouvrages au sujet de la gravure en creux, doit également s'appliquer aux pierres gravées en relief, appelées camées ou camayeux. Ces deux genres de gravure ont toujours chez les Grecs marché d'un pas égal. Les Etrusques ne les ont point égalés ; et les Romains qui n'avaient point l'idée du beau, leur ont été inférieurs à tous égards. Quoique curieux à l'excès des pierres gravées, quoique soutenus par l'exemple des graveurs grecs qui vivaient parmi eux, ils n'ont eu en ce genre que des ouvriers médiocres de leur nation, et la nature leur a été ingrate. Les arts illustraient en Grèce ceux qui les pratiquaient avec succès ; les Romains au contraire n'employaient à leurs sculptures que des esclaves ou des gens du commun.

12°. De la plus belle pierre gravée connue. La plus belle pierre gravée sortie des mains des Grecs, et qui nous est restée, est je pense la cornaline, connue sous le nom de cachet de Michel-Ange. C'est le plus beau morceau du cabinet du roi de France, et peut-être du monde. On dit qu'un orfèvre de Bologne en Italie, nommé Augustin Tassi, l'eut après la mort de Michel-Ange, et la vendit à la femme d'un intendant de la maison des Médicis. Le sieur de Bagarris qui a été garde du cabinet des antiques d'Henri III. l'acheta huit cent écus, au commencement du dernier siècle, des héritiers de cette dame qui étaient de Nemours : le sieur Lauthier le père l'eut après la mort de ces antiquaires ; et ce sont les enfants dudit sieur Lauthier, qui l'ont vendue à Louis XIV. Voyez CACHET de Michel-Ange.

13°. Des pierres gravées de l'ancienne Rome. Il semble par ce que nous avons remarqué tout-à-l'heure, qu'il y avait parmi les Romains une sorte d'insuffisance pour la culture des arts. J'ajoute, que ce n'est pas la seule nation qui pour avoir possédé les plus belles choses, et les avoir en apparence aimées avec passion, n'a pu fournir ni grands peintres, ni grands sculpteurs. Je n'ai plus qu'un mot à dire au sujet de certaines gravures sur le crystal par les modernes.

14°. Des gravures des modernes sur le crystal en particulier. Les graveurs modernes ont gravé en creux sur des tables de crystal, d'assez grandes ordonnances d'après les desseins des Peintres, et l'on enchâssait ensuite ces gravures dans des ouvrages d'orfèvrerie, pour y tenir lieu de bas-reliefs.

Il faut lire, dans le Vasari, les descriptions qu'il fait d'un grand nombre de ces gravures, qui enrichissaient des croix et des chandeliers destinés pour des chapelles, et de petits coffres propres à serrer des bijoux. Valerio Vicentini en avait exécuté un qui était entièrement de crystal, et où il avait représenté des sujets tirés de l'histoire de la passion de Notre-Seigneur. Clément VII. en fit présent à François I. lors de l'entrevue qu'il eut avec ce prince à Marseille, à l'occasion du mariage de Catherine de Médicis, sa nièce ; et c'était, au rapport du Vasari, un morceau unique et sans prix. (D.J.)

PIERRE GRAVEE factice, (Gravure) Voici la manipulation usitée pour faire des pierres gravées factices. On prend du blanc qui se trouve chez les Epiciers-Droguistes en gros pains, qu'ils appellent blanc d'Espagne ou de Rouen (Voyez BLANC, couleur en Peinture) ; on l'humecte avec de l'eau, et on le paitrit pour le former en gâteau, à-peu-près de la consistance que se trouve la mie de pain frais lorsqu'on la paitrit entre les doigts ; on emplit de ce blanc humecté un anneau de fer de deux ou trois lignes d'épaisseur, et du diamètre qui convient à la pierre que l'on veut mouler ; si l'on ne veut pas faire forger des anneaux de fer exprès, ceux qui se trouvent tout faits dans les ciseaux y sont très-propres, on n'a besoin que de les en détacher avec la lime. On emplit l'anneau de cette pâte dans lequel on la presse avec le doigt ; on met ensuite dessus une couche de tripoli en poudre seche, au-moins assez épaisse pour suffire au relief que l'on veut tirer. On se sert pour cela d'un couteau à couleur, pareil à ceux des Peintres ; on presse légérement le tripoli avec le couteau, et on met dessus, du côté de la gravure, la pierre que l'on veut mouler, sur laquelle on appuie fortement avec le pouce, ou pour mieux faire encore, avec un morceau de bois tel que le manche d'un outil.

Il est essentiel alors de soulever un peu tout de suite la pierre par un coin, avec la pointe d'une aiguille enchâssée dans un petit manche de bois ; et après l'avoir laissée encore un instant, on la fera sauter totalement de dessus son empreinte avec la pointe de l'aiguille, ou on l'en détachera en prenant le moule avec les deux doigts, et en le renversant brusquement. Il faut beaucoup d'adresse et d'usage pour bien faire cette dernière opération. Si la pierre ne reste pas assez longtemps sur le moule après avoir appuyé dessus, et qu'on vienne à l'en faire sauter avant que l'humidité de la pâte du blanc d'Espagne ait atteint la surface du tripoli, le renversement de la pierre causera du dérangement dans l'empreinte. Si la pierre reste trop longtemps sur le moule après avoir appuyé dessus, l'humidité de la pâte du blanc d'Espagne gagne tout à fait les creux de la gravure, dans lesquels il reste infailliblement des parties du tripoli. Il faut donc pour réussir que le renversement de la pierre se fasse dans le moment où l'humidité de la pâte du blanc d'Espagne vient d'atteindre la surface du tripoli, qui touche à toute la surface de la gravure de la pierre que l'on veut mouler.

Si l'on ne saisit pas ce moment, on manque une infinité d'empreintes ; il y a même des pierres que la profondeur de la gravure rend si difficiles à cet égard, qu'on est obligé, après les avoir imprimées sur le tripoli de les laisser en cet état jusqu'à ce que le tout soit parfaitement sec, avant de tenter de séparer la pierre de l'empreinte : quoique cette pratique soit plus sure, il faut cependant convenir qu'elle ne laisse pas l'empreinte aussi parfaite que l'autre quand elle est bien exécutée.

Le choix du tripoli est encore une chose de la dernière importance. M. Homberg, dans le mémoire qu'il a donné parmi ceux de l'académie des Sciences en 1712, veut que l'on se serve de tripoli de Venise qui est ordinairement jaune ; mais il s'en trouve en France de rougeâtre qui fait le même effet : il faut seulement le choisir tendre et doux au toucher comme du velours, en rejetant tout celui qui serait dur et qui contiendrait du sable. Il ne faut pas tenter d'en ôter le sable par les lavages, on ôterait en même temps une onctuosité qui fait que lorsqu'on le presse, ses parties se joignent et se collent ensemble, et par ce moyen en font une surface aussi polie que celle du corps avec lequel on le presse. Il faut donc se contenter, après avoir passé le tripoli par un tamis de soie très-fin, de le broyer encore dans un mortier de verre ou de porcelaine avec un pilon de verre, sans le mouiller.

Le renversement de la pierre que l'on vient d'imprimer étant fait, il faut en considérer attentivement la gravure, pour voir s'il n'y serait pas resté quelques petites parties du tripoli ; dans lequel cas, comme ces parties manqueraient à l'empreinte, il faut recommencer l'opération en remettant de nouveau blanc d'Espagne dans l'anneau et de nouveau tripoli dessus.

Lorsque l'on est content de l'empreinte, on la met à secher ; et quand elle est parfaitement seche, on peut avec un canif égaliser un peu le tripoli qui déborde l'empreinte, et prenant bien garde qu'il n'en tombe pas sur l'empreinte.

Lorsqu'on sera assuré que l'empreinte est bien faite et le moule bien sec, on choisira le morceau de verre ou de composition sur lequel on veut tirer l'empreinte ; plus les verres seront durs à fondre, plus le poli de l'empreinte sera beau. On taillera le morceau de verre de la grandeur convenable en l'égrugeant avec des petites pinces, et on le posera sur le moule, en sorte que le verre ne touche en aucun endroit la figure imprimée, qu'il pourrait gâter par son poids.

On aura un petit fourneau pareil à ceux dont se servent les peintres en émail (Voyez ÉMAIL), dans lequel il y aura une moufle ; on aura eu soin de remplir ce fourneau de charbon de bois, de façon que la moufle en soit environnée dessus, dessous, et par ses côtés. Lorsque le charbon sera bien allumé et la moufle très-rouge, on mettra le moule, garni du morceau de verre sur lequel on veut tirer l'empreinte, sur une plaque de tôle, et on l'approchera ainsi par degrés de l'entrée de la moufle, au fond de laquelle on le portera tout à fait lorsqu'on le jugera assez chaud pour que la grande chaleur ne fasse pas casser le morceau de verre ; on bouchera alors l'entrée de la moufle avec un gros charbon rouge, de façon cependant qu'il se trouve un petit intervalle par lequel on puisse observer le verre. Lorsque le verre paraitra luisant, et que ses angles commenceront à s'émousser, on retirera d'une main avec des pincettes la plaque de tôle ; et avec l'autre main, sur le bord même du fourneau, sans perdre de temps on pressera fortement le verre avec un morceau de fer plat que l'on aura tenu chaud.

L'impression étant finie, on laissera le tout à l'entrée du fourneau, afin que le verre refroidisse par degrés, sans quoi il serait sujet à casser.

Si l'on veut copier en creux une pierre qui est en relief, ou en relief une pierre qui est en creux ; il faut en prendre une empreinte exacte avec de la cire d'Espagne, ou avec du soufre fondu avec un peu de minium. Il faut abattre avec un canif et une lime ce qui aura débordé l'empreinte, et on se servira de cette empreinte de cire d'Espagne ou de soufre pour imprimer sur le tripoli.

Comme par le procedé que l'on vient de donner, on voit que l'on ne peut avoir que des pierres d'une couleur, on Ve donner celui qu'il faut suivre pour imiter les variétés et les différents accidents que l'on voit dans les camées.

Les agates onix dont on forme les camées, étant composées de couches de différentes couleurs, et n'étant point transparentes, on a pris pour les imiter des morceaux du verre colorié dont on se servait pour composer les vitres des églises ; on a rendu ces verres opaques en les stratifiant dans un creuset avec de la chaux éteinte à l'air, du plâtre, ou du blanc d'Espagne, c'est-à-dire, en mettant alternativement un lit de chaux ou de plâtre, et un lit de verre. En exposant ce creuset au feu augmenté par degrés pendant trois heures, et finissant par un feu assez fort, ces verres deviennent opaques en conservant leurs couleurs ; et ceux qui n'en avaient point deviennent d'un blanc de lait comme l'émail ou la porcelaine.

Si le feu a été bien ménagé dans le commencement, et qu'on ne l'ait point poussé trop fort sur la fin, ces verres opaques sont encore susceptibles d'entrer en fonte à un plus grand feu ; on peut donc souder les uns sur les autres ceux de différentes couleurs, et par ce moyen imiter les lits de différentes couleurs que l'on rencontre dans les agates onix. On rencontre même dans les vitrages peints des anciennes églises, des morceaux de verres dans lesquels la couleur n'a pénétré que la moitié de leur épaisseur ; les pourpres ou couleur de vinaigre sont tous dans ce cas ainsi que plusieurs bleus. Lorsque ces verres sont devenus opaques, ainsi qu'on l'a dit, la partie qui n'a point été pénétrée de la couleur, se trouve blanche et forme avec celle qui était coloriée deux lits différents, comme on en voit dans les agates onix : lorsqu'on ne veut point souder ensemble les verres de différentes couleurs, il faut travailler sur ceux-là. Avant que de se servir de ces verres qui ont des couches de différentes couleurs, il faut les faire passer sur la roue du lapidaire, et manger de la surface blanche qui est destinée à représenter les figures du relief du camée, jusqu'à ce qu'elle soit réduite à une épaisseur plus mince, s'il est possible, qu'une feuille de papier.

On pose ce verre du côté de la surface blanche que l'on a rendue si mince, sur le modèle dans lequel est l'empreinte de la gravure qu'on veut imiter ; on le fait chauffer dans la moufle, et on l'imprime de la manière que l'on a dit ci-devant.

Les verres que l'on a rendus opaques, en suivant le procedé ci-dessus, étant alors susceptibles d'être travaillés au touret, on y applique la pierre dont on vient de parler, et avec les mêmes outils dont on se sert pour la gravure en pierres fines, on enlève aisément le blanc du champ qui déborde le relief, et les figures paraissent alors isolées sur un champ d'une couleur différente comme dans les camées.

Si l'on ne voulait imiter qu'une simple tête, qui ne fût pas trop difficîle à chantourner, on pourrait se contenter, après avoir moulé cette tête, de l'imprimer ensuite sur un morceau de verre opaque blanc. On ferait ensuite passer ce verre imprimé sur la roue du lapidaire, et on l'userait par-derrière avec de l'émeril et de l'eau, jusqu'à ce que toute la partie qui fait un champ à la tête, se trouvât détruite, et qu'il ne restât absolument que le relief. S'il se trouve après cette opération qu'il soit encore demeuré quelque petite partie du champ, on l'enlève avec la lime ou avec la pointe des ciseaux ; on applique cette tête ainsi découpée avec soin sur un morceau de verre opaque d'une couleur différente ; on l'y colle avec de la gomme ; et quand elle y est bien adhérente, on pose le verre du côté de la tête sur un moule garni de tripoli, et on l'y presse comme si on l'y voulait mouler : mais au lieu de l'en retirer, comme on fait quand on prend une empreinte, on laisse secher le moule toujours couvert de son morceau de verre ; et lorsqu'il est sec, on l'enfourne sous la moufle, et on le presse avec la spatule de fer lorsqu'il est en fusion, ainsi qu'il a été expliqué ci-devant. La gomme qui attachait la tête sur le fond se brule ; ainsi les deux morceaux de verre, celui qui forme le relief et celui qui lui doit servir de champ, n'étant plus séparés, s'unissent étroitement en se fondant, sans qu'on puisse craindre que dans cette fonte le relief puisse souffrir la moindre altération, puisque le tripoli, en l'enveloppant de toutes parts, lui sert comme d'une chape, et ne lui permet pas de s'écarter. Si on voulait que quelques parties du relief, comme les cheveux, fussent d'une couleur différente, il suffit d'y mettre au bout d'un tube de verre un atome d'une dissolution d'argent par l'esprit de nitre, et faire ensuite chauffer la pierre sous la moufle, jusqu'à ce qu'elle soit très-chaude sans rougir. Il faut seulement prendre garde que la vapeur de l'esprit de nitre ne colore le reste de la figure.

Les verres tirés des anciens vitrages peints des églises, sont ce qu'il y a de meilleur pour faire ces espèces de camées : il est vrai qu'ils ont besoin d'un très-grand feu pour les mettre en fonte quand ils ont été rendus opaques, comme on l'a dit ; mais ils prennent un très-beau poli, et ne sont pas plus susceptibles d'être rayés que les véritables agates.

PIERRES PRECIEUSES, (Histoire naturelle, Minéralogie) C'est ainsi que l'on nomme des pierres à qui leur dureté, leur transparence, leur éclat, leurs couleurs et leur rareté ont fait attacher un prix considérable dans le commerce ; c'est suivant toutes ces circonstances que l'on a assigné divers rangs aux pierres précieuses.

Les vraies pierres précieuses doivent avoir de la transparence et de la dureté ; c'est surtout par cette dernière qualité qu'elles diffèrent du crystal. Cette dureté suppose des parties plus denses et plus rapprochées, ce qui doit produire nécessairement un plus grand poids sous un même volume. L'homogénéité des parties doit encore produire dans les pierres précieuses la transparence et l'éclat : c'est ce qu'on appelle eau en langage de lapidaire ; et c'est le plus ou le moins de transparence ou de netteté de ces pierres qui avec leur dureté augmente ou diminue considérablement le prix qu'on y attache.

Les vraies pierres précieuses sont le diamant, le rubis, le saphire, la topase, l'émeraude, la chrysolite, l'amethyste, l'hyacinthe, le péridot, le grenat, le berille ou aigue-marine. Voyez ces différents articles.

Toutes ces pierres se trouvent ou dans le sein de la terre, ou dans le lit de quelques rivières, au sable desquelles elles sont mêlées ; elles ne peuvent pour l'ordinaire être reconnues que par ceux qui sont habitués à les chercher. C'est surtout dans les Indes orientales que l'on trouve les pierres précieuses les plus dures et les plus estimées ; les îles de Borneo, les royaumes de Bengale, de Golconde, de Visapour et de Pégu, ainsi que l'île de Ceylan, en fournissent assez abondamment. Quant à celles que l'on trouve dans les autres parties du monde, elles n'ont communément ni la dureté, ni l'éclat, ni la transparence des pierres précieuses qui viennent de l'orient. C'est-là ce qui a donné lieu à la distinction que font les Jouailliers et les Lapidaires de ces pierres en orientales et en occidentales ; distinction qui n'est fondée que sur leur plus ou moins de dureté. Ainsi quand un lapidaire dit qu'une pierre précieuse est orientale, il ne faut point imaginer pour cela qu'elle vienne réellement d'orient, mais il faut entendre par-là que sa dureté est la même que celle des pierres de la même nature qui viennent de ces climats. Cette observation est d'autant plus vraie, qu'il s'est trouvé en Europe même et dans l'Amérique, des pierres précieuses qui avaient la dureté et l'éclat de celles des Indes orientales.

Il est très-difficîle de rendre raison pourquoi les Indes sont plus disposées que d'autres pays à produire des pierres précieuses ; il parait en général que les climats les plus chauds sont plus propres à leur formation que les autres, soit que la chaleur du soleil y contribue, soit que la nature du terrain y soit plus appropriée, et les sucs lapidifiques plus atténués et plus élaborés. Quoi qu'il en sait, il parait certain que toutes les pierres précieuses ont la même origine que les crystaux ; lorsqu'on les trouve dans leurs matrices ou minières, elles affectent toujours une figure régulière et déterminée qui varie, étant tantôt prismatiques, tantôt cubiques, tantôt en rhomboïde, etc.

A l'égard des pierres précieuses qui se trouvent dans le lit des rivières, et mêlées dans le sein de la terre avec le sable, on sent aisément que ce n'est point-là le lieu de leur formation ; ces pierres qui sont roulées et arrondies comme les cailloux ordinaires, doivent avoir été apportées d'ailleurs par les torrents et les eaux, qui les ont arrachées des roches et des montagnes où elles avaient pris naissance. On a remarqué que c'est à la suite des fortes pluies que l'on trouvait plus communément les pierres précieuses, les topases et les grenats dans le lit des rivières de l'île de Ceylan. On assure qu'il se trouve en Bohème des cailloux au centre desquels on voit des rubis lorsqu'on vient à les casser. Ce fait prouve que ces rubis ne sont autre chose que la matière la plus épurée de ces cailloux qui s'est rassemblée à leur centre.

Les pierres précieuses varient pour la couleur ; les rubis sont rouges, les topases sont jaunes, les émeraudes sont vertes, les saphirs sont bleus, etc. L'on ne peut douter que ces différentes couleurs ne soient dû.s aux métaux, qui seuls dans le règne minéral ont la propriété de colorer. Comme ces substances sont différentes de celles qui constituent les pierres précieuses, il n'est point surprenant que les pierres colorées n'aient point communément la même dureté que le diamant, qui est pur, transparent, et composé de parties purement homogènes.

Une des choses qui contribuent le plus au prix des pierres précieuses, c'est leur grandeur. En effet, si ces pierres sont rares par elles-mêmes, celles qui sont d'une certaine grandeur sont moins communes encore. On pourrait en rendre une raison assez naturelle, en disant que les pierres précieuses sont pour ainsi dire l'extrait ou l'essence d'une grande masse de matière lapidifique, dont la partie la plus pure et la plus parfaite ne peut former qu'un très-petit volume lorsqu'elle a été concentrée et rapprochée par l'évaporation insensible qui lui a donné la consistance d'une pierre.

Le grand prix des pierres précieuses n'avait point permis jusqu'à-présent aux Chymistes d'en tenter les analyses par le moyen du feu : une entreprise si couteuse était réservée à des souverains ; elle a été tentée à Vienne depuis quelques années, par l'empereur François I. actuellement régnant, dont le goût pour le progrès des Sciences est connu de tout le monde. Par les ordres de ce prince on mit plusieurs diamants et rubis dans des creusets terminés en pointe, que l'on eut soin de lutter avec beaucoup d'exactitude ; on les tint au degré de feu le plus violent pendant vingt-quatre heures ; au bout de ce temps, lorsqu'on vint à ouvrir les creusets, on vit avec surprise que les diamants étaient totalement disparus, au point de n'en retrouver aucuns vestiges. Quant aux rubis, on les retrouva tels qu'on les avait mis ; ils n'avaient éprouvé aucune altération : sur quoi on exposa encore un rubis pendant trois fois vingt-quatre heures au feu le plus violent, qui n'y produisit pas plus d'effet que la première fois ; il sortit de cette épreuve sans avoir rien perdu ni de sa couleur, ni de son poids, ni de son poli.

L'empereur a fait faire la même expérience de la même façon, sur plus de vingt pierres précieuses de différentes espèces ; de deux heures en deux heures on en retirait une du feu, afin de voir les différents changements qu'elles pouvaient successivement éprouver. Peu-à-peu le diamant perdait son poli, devenait feuilleté, et enfin disparaissait totalement ; l'émeraude était entrée en fusion, et s'était attachée au fond du creuset ; quelques autres pierres s'étaient calcinées, et d'autres étaient demeurées intactes. Avant de faire ces expériences, on avait eu la précaution de prendre des empreintes exactes de toutes ces pierres, afin de voir les altérations qu'elles éprouveraient.

Le grand duc de Toscane avait déjà antérieurement fait faire des expériences sur la plupart des pierres précieuses, en les exposant au foyer d'un miroir ardent de Tschirnhausen. Ces opérations peuvent servir de confirmation à celles qui ont été rapportées ci-dessus faites au feu ordinaire. On trouva donc que le diamant résistait moins à l'action du feu solaire que toutes les autres pierres précieuses ; il commençait toujours par perdre son poli, son éclat et sa transparence ; il devenait ensuite blanc et d'une couleur d'opale ; il se gersait et se mettait en éclats, et en petites molécules triangulaires, qui s'écrasaient sous la lame d'un couteau, et se réduisaient en une poudre dont les parties étaient imperceptibles, et qui considérées au microscope avaient la couleur de la poudre de la nacre de perle. Tous les diamants subissaient ces mêmes changements, les uns plus tôt, les autres un peu plus tard.

Enfin on essaya de joindre au diamant différents fondants ; on commença par du verre, qui ne tarda point à entrer en fusion au miroir ardent, mais le diamant nageait à sa surface, sans faire aucune union avec lui ; on chercha à l'enfoncer dans la matière fondue, mais ce fut inutilement : le diamant diminua peu-à-peu, et se dissipa à la fin comme dans les expériences dans lesquelles on n'avait point employé de verre.

On ne réussit pas mieux à faire entrer le diamant en fusion, en le mêlant soit avec de la fritte de verre, soit avec du sel de tartre, soit avec du soufre, soit avec du plomb ; il repoussa constamment tous ces fondants ; il ne fit non plus aucune union ni avec les métaux, ni avec les pierres, de quelque nature qu'elles fussent, ni avec le vitriol, l'alun, le nitre, le sel ammoniac ; en un mot, jamais le diamant ne marqua la moindre disposition à entrer en fusion.

Le rubis résista beaucoup mieux que le diamant à l'action du feu solaire, qui ne fit que changer sa couleur et le ramollir, sans lui rien faire perdre de son poids. On trouvera ces expériences à l'article RUBIS.

Des émeraudes exposées à cette même chaleur, ne tardèrent pas à entrer en fusion ; elles commencèrent par devenir blanches, et par former des bulles ; la couleur et la transparence disparurent, et ces pierres passèrent par différentes nuances, suivant le temps qu'elles furent exposées à l'action du feu. Ces pierres deviennent par-là très-cassantes et très-tendres, au point de pouvoir en détacher des parties avec l'ongle. Voyez giornale dé litterati d'Italia, tom. IX. (-)

PIERRES PUANTES, lapides faetidi, lapis suillus, lapis felinus, (Histoire naturelle, Minéralogie) On a donné ces différents noms à des pierres qui répandent une odeur désagréable qu'elles ont contractée dans le sein de la terre ; cette odeur varie en raison des différentes substances qui l'ont occasionnée. En Suède, dans la province d'Oeland, on trouve une pierre à chaux qui a une odeur très-forte d'urine de chat ; on a quelquefois trouvé des empreintes d'insectes sur ces pierres. En Westphalie, aux environs d'Hildesheim, on a trouvé de la pierre qui sentait la corne brulée. Près de Wigersdorf, dans le comté de Hohnstein en Thuringe, on trouve une espèce de schiste ou de pierre feuilletée grise, très-poreuse, qui frottée avec une autre pierre, répand une odeur semblable à celle de la fiente de porc. Près du couvent d'Ilefeld, qui est aux environs de Nordhausen, près du Hartz, on rencontre une montagne qui n'est composée que d'une pierre très-puante, dont on se sert comme de castine ou de fondant dans les forges du voisinage, où elle facilite la fusion de la mine de fer. Voyez Bruckmann, epistol. itinerariae, centur. IIe epist. 13.

On a trouvé près de Villers-Coterets une pierre calcaire d'un blanc sale, qui lorsqu'on la frotte répand une odeur d'urine de chat. Il y a tout lieu de croire que les odeurs qui se sont communiquées à ces sortes de pierres, viennent de substances animales ou végétales qui sont entrées en putréfaction ; quelques-unes même peuvent venir des bitumes et matières inflammables qui se trouvent dans le sein de la terre. Voyez ODORANTES, pierres. (-)

GRAVURE, auteurs sur l'art de la Gravure. Pomponii Gaurici neapolitani de sculptura, seu statuaria, libellus, Florentiae 1504, in-8°. Item (secunda editio emendatior, curante Cornelio Grapheo), Antverpiae 1528, in-8°. Le même ouvrage dans le tom. IX. du recueil des antiquités grecques.

Aldus Manutius de celaturâ et picturâ veterum, dans le tome IX. du recueil des antiquités grecques.

Ludovici Demontiosii Gallus Romae hospes, ubi multa antiquorum monumenta explicantur. Romae 1585, in-4°. cum fig. Item. La partie de cet ouvrage qui traite des Arts ayant le Dessein pour objet, à la suite de la dactyliotheca de Gorlée ; et dans le tom. IX. de la collection des antiquités grecques, sous ce titre : Lud. Demontiosii de veterum sculpturâ, caelaturâ gemmarum, sculpturâ et picturâ, libri duo.

Julii Caesaris Bullengeri de picturâ, plastice, et staturariâ, libri duo. Lugduni 1627, in-8°. et dans le tome IX. du recueil des antiquités grecques.

De la gravure sur les pierres précieuses et sur les crystaux, chap. VIIIe du liv. II. des principes de l'Architecture, de la Sculpture et de la Peinture, par André Félibien ; seconde édition augmentée. Paris 1690, in-4°.

De modo caelandi gemmas, chap. xxviij. du livre intitulé : Dissertatio Glyptographica. Romae 1739, in-4°.

Manière de copier sur le verre les pierres gravées, par Guillaume Homberg, dans les mémoires de l'académie royale des Sciences, année 1712. Paris, in-4°.

Vie des Graveurs. Vasari Giorgio nous a donné les vies des illustres peintres, graveurs et architectes, à Boulogne 1647, trois volumes in-4°. On en trouvera la suite dans un ouvrage du chevalier Vettori, dans une dissertation latine sur les pierres gravées. A Rome 1739, in-4°.

Nous avons quantité de cabinets de pierres gravées, publiées en Italie, dans les Pays-Bas, en Allemagne, en Angleterre, et en France.

Gaurici (Pomponii, &c.), Pomponio Gaurico, né à Gifoni, bourg dans le royaume de Naples, avait écrit ce traité sur la Sculpture, dont la première édition est de Florence 1504. Quoiqu'il dise qu'il maniait lui-même le ciseau, il parait qu'il le maniait fort mal. Son livre mis en dialogue est aussi inutîle que mal écrit.

Minutius Albus, etc. Son livre ne peut intéresser tout au plus que des grammairiens.

Bullengerii (Julii Caesaris, &c.) Ce qui a été dit par le jésuite Jules-César Boulenger, dans son traité sur la peinture et la sculpture des anciens, est encore beaucoup plus superficiel.

Demontiosii (Ludovici) ; Louis de Monjosieu, loué dans M. de Thou, était un habîle antiquaire ; et à l'occasion de la Sculpture, il parla des pierres gravées ; mais il n'a presque fait que transcrire à la fin de sa dissertation latine sur la sculpture des anciens, le peu de chose qu'il avait lu dans Pline concernant l'art de la gravure en pierres fines.

Si tous ces auteurs avaient eu bien sérieusement le dessein d'instruire, ils devaient s'en rapporter moins à leurs propres lumières, et consulter davantage les gens de l'art ; ils se seraient exprimés plus pertinemment. C'est le parti sage qu'ont pris M. Félibien et M. le chevalier Vettori, et qui leur a réussi lorsqu'ils nous ont exposé sous les yeux toutes les différentes opérations manuelles de la gravure en pierres fines ; le premier dans ses principes des Arts, et le second dans une dissertation sur les pierres gravées, dont j'aurai occasion de parler plus d'une fais. On peut aussi se fier à M. Homberg, quand on voudra faire des copies sur verre des pierres gravées. La méthode qu'il enseigne dans un mémoire qui fait partie de ceux de l'académie royale des Sciences, est fondée sur l'expérience ; le savant académicien ne rapporte rien qu'il n'ait pratiqué lui-même.

Taille du DIAMANT, (Art du Lapidaire) la taille du diamant est le poli, le brillant et la forme qu'on donne aux diamants bruts par le secours de l'art.

C'est une découverte moderne, qui n'est point le produit de la recherche des gens qu'on nomme dans le monde gens d'esprit, ni même des philosophes spéculatifs. Ce n'est pas à eux que nous en sommes redevables, non plus que des inventions les plus étonnantes ; mais au pur hasard, à un instinct mécanique, à la patience, au travail et à ses ressources. Nous indiquerons bientôt d'après M. Mariette, la manière dont cette découverte a été faite il n'y a pas encore 300 ans, suivie et conduite au point de perfection où elle est aujourd'hui. L'Encyclopédie, s'il m'est permis de répéter ici les paroles des éditeurs de cet ouvrage : " L'Encyclopédie fera l'histoire des richesses de notre siècle en ce genre ; elle la fera et à ce siècle qui l'ignore, et aux siècles à venir qu'elle mettra sur la voie pour aller plus loin. Les découvertes dans les arts n'auront plus à craindre de se perdre dans l'oubli ".

Personne n'ignore que le diamant est la plus compacte, et par conséquent la plus dure de toutes les productions de la nature. Il entame tous les autres corps, et ne peut l'être que par lui-même ; et s'il a sur eux de l'avantage, il en est redevable à cette extrême dureté, puisque c'est elle qui lui procure ce feu étincelant dont il parait pénétré. Le diamant se tire de la mine ordinairement brut, et ressemble alors à un simple caillou ; on n'en rencontre point communément auxquels la nature ait elle-même donné la taille, c'est-à-dire qui soient polis, que la nature y ait concouru, et dont les faces soient régulièrement formées ; mais il s'en présente cependant quelquefois où la taille parait indiquée, et qui ayant roulé parmi les sables dans le lit des rivières rapides, se trouvent polis naturellement, et tout à fait transparents : quelques-uns même sont facetés. Ces sortes de diamants bruts se nomment bruts ingénus ; et lorsque leur figure est pyramidale et se termine en pointe, on les appelle pointes naïves.

Il n'y a pas d'apparence que les anciens aient reconnu et recherché d'autres diamants que ces derniers ; les quatre qui enrichissent l'agraphe du manteau royal de Charlemagne, qu'on conserve au trésor de S. Denis, ne sont que ces pointes naïves. Tout imparfaits qu'étaient les diamants que la nature avait ainsi formés, on ne laissa pas de les regarder comme ce qu'elle offrait de plus rare ; et Pline, l. XXXVII. ch. iv. remarque que pendant longtemps il n'appartint qu'aux rais, et même aux plus puissants, d'en posséder quelqu'un. On soupçonnait Agrippa dernier roi des Juifs, d'entretenir un commerce incestueux avec Bérénice sa sœur ; et le précieux diamant qu'il mit au doigt de cette princesse, réalisa presque ces soupçons (Voyez Juvenal, Satyre vj. vers 155.), tant on avait conçu une haute idée de cette pierre inestimable ! Je laisse à penser de quel oeil les Romains auraient regardé nos diamants brillans, eux dont la magnificence allait jusqu'à la prodigalité la plus outrée, quand il s'agissait de satisfaire leur luxe.

Pline nous débite que pour avoir de la poudre de diamant, dont les Graveurs se servent lorsqu'ils gravent les autres pierres fines, on fait tremper le diamant dans du sang de bouc tout chaud ; et que devenant par ce moyen plus tendre, la pierre se réduit aisément en petits éclats, et se divise même en portions si menues, que l'oeil peut à peine les discerner. Quoique rien ne soit plus ridicule que ce conte du naturaliste romain, on aperçoit néanmoins au-travers de son récit fabuleux, que les anciens broyaient comme nous le diamant ; et sans doute que ceux qui en avaient le secret, et qui faisaient négoce de poudre de diamant, n'avaient inventé un pareil mensonge qu'afin de donner le change, et demeurer plus surement en possession d'un commerce qui aurait cessé de leur être lucratif s'il eut été partagé.

Ce qui doit paraitre assez surprenant, c'est que les anciens ayant reconnu dans le diamant la force d'entamer toutes les autres pierres fines sans exception, ils n'aient pas aperçu qu'il faisait le même effet sur lui-même : cela les conduisait tout naturellement à la taille de cette pierre précieuse, pour peu qu'ils y eussent fait attention. Mais c'est le sort de toutes les découvertes, que plus on semble près de les faire, plus on en est éloigné ; ce n'est presque toujours que le hasard qui en décide.

La taille du diamant, comme je l'ai dit ci-dessus, ne doit elle-même son origine qu'à un coup de hasard. Louis de Berquen, natif de Bruges, qui le premier la mit en pratique, il n'y a pas trois siècles (en 1476), était un jeune homme qui sortait à peine des classes ; et qui né dans une famille noble, n'était nullement initié dans l'art du lapidaire. Il avait éprouvé que deux diamants s'entamaient si on les frottait un peu fortement l'un contre l'autre ; il n'en fallut pas davantage pour faire naître dans un sujet industrieux et capable de méditation, des idées plus étendues. Il prit deux diamants bruts, les monta sur le ciment, et les égrisant l'un contre l'autre, il parvint à y former des facettes assez régulières ; après quoi à l'aide de certaine roue de fer qu'il avait imaginée, et de la poudre qui était tombée de ces mêmes diamants en les égrisant, et qu'il avait eu soin de recueillir, il acheva en promenant ces diamants sur cette poudre, de leur donner un entier poliment. On vit paraitre pour lors le premier diamant devenu régulier, poli et brillant par le secours de l'art ; mais qui n'eut pour cette fois d'autre forme qu'une pointe naïve. Voyez les merveilles des Indes, par Robert de Berquen son petit-fils.

C'en était assez pour une première tentative ; il suffisait d'avoir pu réduire le diamant à recevoir une forme et un poliment, sans lequel il continuait de ne faire aucun effet, de n'avoir ni jeu ni brillant, et demeurait une pierre morte et absolument inutile. Le premier essai eut les suites les plus heureuses à l'exception d'un très-petit nombre de diamants revèches, auxquels on a donné le nom de diamants de nature, et qui quelqu'effort qu'on fasse, ne peuvent point acquérir le poliment dans certaines parties, ce qui vient de ce que le fil en est tortueux, tous les autres diamants se sont prêtés à l'art du lapidaire, qui s'y est pris de différentes façons pour donner la taille, suivant que la forme du diamant brut le permettait et le demandait.

On est aux Indes dans cette persuasion, qu'il est important de ne rien perdre d'un diamant, et l'on y est moins curieux en le taillant de lui faire prendre une forme régulière, que de le conserver dans toute son étendue. Les pierres qu'on reçoit toutes taillées de ce pays-là, ont presque toujours des formes bizarres, parce que le lapidaire indien s'est réglé pour le nombre et l'arrangement de ses facettes, sur la forme naturelle du diamant brut, et qu'il en a suivi scrupuleusement le contour. Le plus grand diamant du grand-mogol, qui est une rose, présente une infinité de facettes toutes extrêmement inégales. Notre goût est sur cela fort différent ; il ne souffre point de ces figures baroques, et comme il veut du régulier, celui qui taille un diamant brut tâche, autant qu'il est possible, de donner une forme aimable à la pierre qu'on lui a mise entre les mains. Je vais décrire les différentes espèces de taille qui se pratiquent le plus fréquemment en Europe.

Lorsque la pierre s'étend en superficie, sans être épaisse, on se contente d'en dresser les deux principales faces, et l'on en abat les côtés ou tranches en talus, ou pour me servir des termes de l'art, on y forme sur chaque côté un biseau. Ces diamants ont assez souvent la figure d'un carré parfait, ou d'un carré long ; on en voit aussi de taillés à pans : et quelle que soit leur forme, on les appelle pierres taillées en table, ou pierres faibles ; ceux qui ont commencé à tailler les diamants, leur ont souvent donné cette taille.

Les diamants nommés pierres épaisses, sont taillés en-dessus comme les pierres faibles, c'est-à-dire que la partie qui doit se présenter, lorsque le diamant sera mis en œuvre, est en table ; mais il n'en est pas ainsi de la face opposée, au-lieu d'être plate elle est en culasse, ayant à-peu-près le double d'épaisseur de la partie supérieure, et formant un prisme régulier. C'est encore ainsi qu'étaient taillés dans les commencements presque tous les diamants, pour peu qu'ils eussent d'épaisseur.

Mais depuis qu'on a perfectionné l'art de la taille, on ne forme plus guère les diamants autrement qu'en rose, ou en brillant. La première de ces deux espèces de taille est assez ancienne parmi nous, et elle est presque la seule qui soit admise chez les Orientaux ; ils prétendent que tout diamant taillé autrement, n'a point le jeu qu'il doit avoir, ou qu'il papillote trop. Autrefois quand un diamant brut était trop épais, on le clivait, c'est-à-dire qu'on le séparait en deux, pour trouver deux diamants dans la même pierre ; et encore aujourd'hui il y a des occasions où l'on est obligé d'user de cette pratique. Elle consiste à tracer dans tout le pourtour ou circonférence du diamant, un sillon ou ligne de partage, en observant de suivre le vrai fil de la pierre ; et lorsque cette ligne a acquis assez de profondeur, on prend une lame de couteau d'acier bien aiguisée et bien trempée, on la présente sur cette raye, et d'un seul coup sec et frappé juste sur la pierre, posée droite et bien à-plomb, on la divise net en deux parties à-peu-près égales.

Les diamants ainsi clivés, sont très-propres pour faire des roses ; car le diamant-rose doit être plat pardessous comme les pierres faibles, tandis que le dessus qui s'élève en dôme, est taillé à facettes. Le plus ordinairement on y exprime au centre six facettes qui décrivent autant de triangles, dont les sommets se réunissent en un point, et les bases vont s'appuyer sur un autre rang de triangles, qui posés dans un sens contraire aux précédents, viennent se terminer à leur sommet sur le contour tranchant de la pierre, qu'on nomme en terme de l'art le feuilletis, laissant entr'eux des espaces qui sont encore coupés chacun en deux facettes. Cette distribution donne en tout le nombre de 24 facettes. La superficie du diamant-rose étant ainsi partagée en deux parties, la plus éminente s'appelle la couronne, et celle qui fait le tour du diamant, prend le nom de dentelle.

Le diamant rose darde de fort grands éclats de lumière, et qui sont même à proportion, plus étendus que ceux qui sortent du diamant brillant, ou brillanté ; mais il est vrai que celui-ci joue infiniment davantage, ce qui est l'effet de la différence de la taille. Les pierres épaisses ont nécessairement dû faire naître l'idée du diamant brillant ; car ce dernier est divisé dans son épaisseur en deux parties inégales, de la même manière, et dans la même proportion que les pierres épaisses ; c'est-à-dire qu'environ un tiers est pour le dessus du diamant, et les deux autres tiers pour le dessous, nommé la culasse. Mais au lieu que la table de la pierre épaisse n'est environnée que de simples biseaux ; dans le brillant, le pourtour de la table qui est à huit pans, est taillé en facettes, les unes triangulaires et les autres losangées, et le dessous de la pierre qui n'était qu'un prisme renversé, est encore taillé à facettes, appelées pavillons, précisément dans le même ordre que les facettes de la partie supérieure ; car il est essentiel que tant les facettes de dessus, que celles de dessous, se répondent les unes aux autres, et soient placées dans une symétrie parfaite, autrement le jeu serait faux.

Il n'y a guère plus d'un siècle qu'on a commencé à brillanter ainsi les diamants, ce qui les a mis en bien plus grande faveur qu'ils n'étaient : on ne les a que pour la parure, ainsi quiconque veut paraitre préférera toujours ce qui attirera davantage les regards. On comprend facilement que comme il est aisé de faire un brillant d'une pierre épaisse, il ne doit presque plus rester de celles qui avaient reçu anciennement cette dernière taille ; et il ne me parait pas moins superflu de faire observer que c'est de la multiplicité des facettes, et de l'arrangement régulier de ces mêmes facettes, qui étant en opposition se réfléchissent et se mirent les unes dans les autres, que nait tout le jeu du diamant brillant, et l'extrême vivacité qui en sort.

Il est encore plus à la connaissance de tout le monde que les diamants les plus parfaits, les plus chers et les plus rares, sont les plus gros, qui joignent à une belle forme, de la hauteur et du fond ; ceux de la plus belle eau, c'est-à-dire les diamants les plus blancs, et dont la couleur extrêmement vive, ne souffre aucune altération, et ne participe d'aucune couleur étrangère et sourde, comme celle du feu, de l'ardoise, etc. ceux enfin qui sont les plus nets, et exempts de taches, de points et de glaces : on a donné ce dernier nom à de petits interstices ou vides, remplis de globules d'air ; qui s'étant logés dans la pierre lors de sa formation, ont empêché la matière de se lier également par-tout, et y font paraitre des déchirures, si je puis me servir de ce terme, dont les facettes multiplient encore le nombre par la réflexion. Il ne faut qu'un choc, qu'un coup donné inconsidérément et à faux sur un diamant, non seulement pour l'entonner et y découvrir une glace cachée, ou en étendre une autre qui n'occupait qu'un petit espace, mais pour fendre même la pierre. Le seul mouvement du poinçon, appuyé trop fortement en sertissant, a causé plus d'une fois de pareils dommages. Quant aux points ou dragons, ce sont des parties métalliques qui pareillement engagées dans le corps du diamant, se montrent comme autant de petites taches, ou du moins une partie, et se dissipent en mettant le diamant dans un creuset, et le poussant à un feu violent ; mais on n'est pas toujours sur de réussir, et il arrive même que les parties métalliques venant à se dissoudre, la couleur du diamant en souffre, et en est singulièrement altérée.

Personne n'ignore qu'à l'égard des diamants sales, noirs, glaceux, pleins de filandres et de veines, en un mot de nature à ne pouvoir être taillés, les Diamantaires les mettent au rebut pour être pulvérisés dans un mortier d'acier fait exprès, et les emploient ainsi broyés à scier, tailler et polir les autres diamants.

Enfin ils ont donné le nom de diamant parangon, aux diamants qui sont d'une beauté, d'une grosseur et d'un prix extraordinaire. Tel est, par exemple, celui du grand-mogol, celui que possédait le grand-duc de Toscane, et celui qu'on appelle en France le diamant de sancy, corrompu de cent-six, qui est le nombre de karats qu'il pese.

Voilà le lecteur instruit de la taille du diamant, et même de la langue du lapidaire ; il sait présentement ce que c'est que pointes naïves, diamants bruts ingénus, diamants de nature, diamants brillans, diamants rose, diamants parangon, diamants d'une belle eau, diamants glaceux ou gendarmeux, pierres épaisses, pierres faibles ou pierres taillées en table : il entend les mots de biseau, couronne, culasse, dentelle, dragons, feuilletis, pavillon. En un mot, en s'éclairant de la taille du diamant, il a ici passé en revue la plus grande partie des termes de l'art ; mais les Planches de cet ouvrage rempliront complete ment sa curiosité, et dévoileront à ses yeux toute la manœuvre du lapidaire sur cette pierre, qui, grâce à notre luxe, ne perd rien de sa valeur en devenant tous les jours plus commune.

Si l'on désire de plus grands détails, on les trouvera dans quelques ouvrages particuliers, entr'autres dans celui de Robert de Berquen, maître orfèvre ; intitulé les merveilles des Indes orientales et occidentales, ou, traité des pierres précieuses ; Paris 1661, in-4°. et dans Jefferies (David), à treatise of diamonds and pearls London 1750, in-8°. avec figures : ce dernier est traduit en français.

Je ne dois pas oublier de remarquer en finissant, que la mine abondante découverte au Brésil, en 1728, et qui fait un des beaux revenus du roi de Portugal, fournit l'Europe de magnifiques diamants, qui ne diffèrent en rien de ceux des Indes orientales, et méritent, à tous égards, la même estime : c'est un fait qu'on ne révoque plus en doute ; et c'est une découverte de notre siècle. (D.J.)

Machine pour forer dans toutes sortes de pierres dures et précieuses, consiste en une cage de bois, composée de deux montants N P, O P, de six pieds de haut, qui sont de fortes planches de bois posées verticalement et parallèlement ; elles sont affermies en cette situation par d'autres planches 1, 2, 3, posées horizontalement ; ces planches sont arrêtées par des clavettes qui traversent leurs tenons, après que ceux-ci ont traversé les montants. Voyez nos Planches et leur explic. Les Pl. II. et III. peuvent, au moyen de cette construction, se lever ou s'abaisser à volonté, et se fixer où l'on veut, dans les coulisses x x x x des faces latérales. Les trois planches 11, 22, 33, sont chacune percées d'un trou carré d'environ six ou sept pouces de large, au-travers desquels passe le foret E B. Ce foret est composé de plusieurs pièces. E est un crochet mouflé qui laisse tourner le foret sans tourner lui-même, au moyen de la boucle que son tenon traverse ; vers le milieu de la tige du foret est une bobine ou cuivrot, qui peut se mouvoir le long de la tige sur laquelle on se fixe par le moyen de la clavette qui fixe tout à la fois la bobine et la tige, qui pour cet effet est percée de trous de distance en distance, cette bobine est appuyée contre une autre D, dont l'essieu est horizontal et fixé dans les parois latérales de la cage ; la corde qui donne le mouvement au foret, passe sur ces deux bobines. Voyez la fig. 2 qui est le profil de toute la machine. A la partie inférieure du foret est une boète B, qui reçoit la queue de la fraise qui y est retenue par une clavette qui la traverse, et la boète dans laquelle elle est entrée ; cette fraise appuie par sa partie inférieure sur l'ouvrage que l'on veut creuser, qui dans la figure est un étui de poche.

Mais comme le poids de la monture du foret est trop considérable, et que le laissant appuyer sur l'ouvrage on courait risque de la briser, on allege ce poids par le moyen d'un contrepoids G suspendu à une corde qui passe par dessus une poulie F ; comme ce poids se peut augmenter ou diminuer à discrétion, on fait appuyer la fraise sur l'ouvrage, autant que l'on veut.

Pour faire mordre la fraise sur la pièce que l'on veut creuser, on se sert d'une poudre convenable à la matière que l'on veut creuser, soit de l'émeri ou de la poudre de diamant. Voyez DIAMANTAIRE et nos Pl.

PIERRES FOIBLES ou EPAISSES, (terme de Lapidaires) lorsque la pierre de diamant s'étend en superficie, sans être épaisse, on se contente d'en dresser les deux principales faces, et l'on abat les côtés ou tranches en talus, ou comme disent les artistes, en biseau. Ces diamants ont assez souvent la figure d'un carré parfait ou d'un carré long. On en voit aussi de taillés en pans ; mais quelle que soit leur forme, on les appelle pierres taillées en table ou pierres faibles. Les diamants nommés pierres épaisses, sont taillés en dessus comme les pierres faibles ; mais la face opposée, au lieu d'être plate, est en culasse, ayant à peu près le double d'épaisseur de la partie supérieure, et formant un prisme régulier. (D.J.)

PIERRE-PONCE, sorte de pierre spongieuse, poreuse, et friable. Voyez PIERRE. Les naturalistes ne s'accordent pas sur la nature et l'origine de la pierre-ponce : quelques-uns croient que ces pierres ne sont autre chose que des pièces de rocher à moitié brulées et calcinées, que les éruptions des volcans, particuliérement l'Aetna, et le Vesuve, jettent dans la mer, lesquelles étant imprégnées du sel et lavées par l'eau de la mer, perdent un peu de cette couleur blanche que les feux souterrains leur avaient donnés, et deviennent d'une couleur plus foncée, et quelquefois grise, selon le temps qu'elles ont séjourné dans la mer. Le Docteur Woodward ne regarde la pierre-ponce que comme une espèce de slag ou de frasil, et soutient que cette pierre ne se trouve qu'aux endroits où il y avait anciennement des forges de métaux, ou proche des volcans et des montagnes qui vomissent du feu ; d'autres auteurs croient que la pierre ponce vient dans le fond de la mer, d'où ils supposent que les feux souterrains la détachent, et que c'est de-là que vient sa légéreté, sa porosité et son goût de sel ; ils alleguent, pour confirmer cette opinion, que l'on trouve la pierre-ponce en mer dans des lieux très-éloignés des volcans ; et ils ajoutent que les rivages de l'Archipel en sont couverts toutes les fois que les flots ont été un peu agités, d'où ils conjecturent qu'elle s'élève du fond de la mer. Le commerce de la pierre-ponce est très-considérable, et on s'en sert beaucoup dans les manufactures et dans les arts, pour polir et adoucir différents ouvrages. Voyez POLIR.

Les morceaux de la pierre-ponce sont de différente forme ; les Parcheminiers et les Marbriers se servent de la plus grande et de la plus légère espèce, les Corroyeurs, de la plus pesante et de la plus unie, et les Potiers d'étain de la plus petite.

Pline remarque que les anciens employaient beaucoup la pierre-ponce en Médecine ; mais on ne s'en sert plus à présent.

PIERRE SANGUINE, outil d'Arquebusier, cette pierre sanguine est un peu grosse, ressemble et est montée comme celle des Orfèvres avec laquelle ils brunissent ; les Arquebusiers s'en servent pour bronzer les canons de fusils, pistolets, etc.

PIERRE, en terme de Batteurs d'or, c'est une pierre de marbre fort polie et emboitée dans une espèce de table à rebords assez hauts sur le derrière, mais qui diminuent jusqu'à un certain point sur les côtés ; il n'y en a point sur le devant, ils empêcheraient le Batteur de travailler. Voyez les fig. Pl. du Batteur d'or.

PIERRE A L'HUILE, en terme de Bijoutier, est une pierre dure et douce qui sert à aiguiser et à émoudre les échopes ou les burins, en la frottant d'huîle ; on en tire de Lorraine, dont la couleur est grise rougeâtre, et qui sont opaques, et du levant, qu'on estime les meilleures, qui sont d'un blanc tirant sur le blond, et un peu transparentes : on les monte sur un bois plus large et plus long qu'elles, pour les conserver plus longtemps. Voyez Pl. du Graveur.

PIERRE A POLIR, en terme de Bijoutier, est une pierre avec laquelle on adoucit les traits que la lime ou l'outil ont faits sur une pièce. Il y en a de vertes, de rouges, de bleues, de douces, demi-douces et de rudes. Voyez POLIR.

Toutes ces pierres approchent beaucoup de la nature de l'ardoise.

PIERRE, en terme de Cardier, c'est un caillou de grès que l'on passe à force sur les pointes fichées sur le feuillet, soit pour émousser ces pointes, soit pour les conserver toutes également. Voyez FICHER.

PIERRE ou CUVE, c'est une espèce de demi-tonneau à un fond, fait de douves de bois, et cerclé de fer, dans lequel entre l'arbre tournant et ses couteaux, pour broyer et delayer la pâte avec laquelle les cartonniers fabriquent le carton. Voyez les fig. Pl. du cartonnier.

PIERRE BLANCHE, sert aux Charpentiers pour blanchir leur cordeau, lorsqu'ils veulent jeter quelques lignes sur une pièce de bois. Voyez CRAIE.

PIERRE NOIRE, sert à tracer les pièces.

PIERRES A BRUNIR, en terme de Doreur sur bois, sont des cailloux, ou des pierres à fusil taillées en coude, et montées sur des bois un peu longs, dont on se sert pour donner le poli à l'or dans les parties unies et sans ornements d'une pièce dorée. Les sanguines ne peuvent être d'aucun usage ici ; elles sont trop douces.

PIERRE servant aux Fondeurs de caractères d'imprimerie, pour donner aux lettres une façon qu'on appelle frotter ; cette pierre est une meule de grès de quinze à vingt pouces de diamètre, de même nature que celles dont se servent les Couteliers pour remoudre les outils. Pour rendre ces grès à l'usage des fondeurs de caractères, on en prend deux que l'on met l'une sur l'autre sur le plat ; on met entre-deux du sable de rivière, puis on les tourne circulairement, en mettant de temps en temps de nouveau sable, jusqu'à ce que ce sable ait grugé les petites éminences qui sont sur ces pierres, et en ait rendu la surface droite et unie. Ce sable en dressant ces grès, ne les polit pas, mais les pointille et y laisse de petits grains propres à enlever aux corps des lettres, certaines superfluités ou bavures avec lesquelles elles sortent du moule ; ce qui se fait en frottant les lettres les unes après les autres sur cette pierre ; cela sert à les polir et dresser des deux côtés seulement, où elles se joignent à côté les unes des autres en les composant. Voyez FROTTER, et les fig. Pl. du Fondeur de caractères d'imprimerie.

PIERRE A L'HUILE, outil de Fourbisseur : cette pierre est la même que celle des Orfèvres, Horlogers, etc. et sert aux Fourbisseurs pour aiguiser leurs poinçons et outils.

PIERRE A L'HUILE, (Gravure) pierre qui sert à affuter les outils. (Voyez AFFUTER), et qu'on appelle ainsi, parce qu'elle est mouillée d'huîle : elle est ordinairement ajustée sur une planche de bois qu'on appelle sa boète. Voyez les figures, Planche de la Gravure, qui représentent la manière d'aiguiser les burins sur la pierre.

PIERRE A PARER, outil de Gainier, c'est une pierre de lierre de la largeur de deux pieds en carré, sur laquelle les gainiers diminuent l'épaisseur des cuirs qu'ils emploient. Voyez l'article RELIEURE.

PIERRES DURES, parmi les Lapidaires, sont proprement les pierres fines qui en effet sont infiniment plus dures que les fausses.

PIERRE A PAPIER, terme de Marbrier, morceau de marbre rond, ovale ou carré, au-dessus duquel il y a un bouton de marbre pour le prendre, et dont on se sert pour mettre sur le papier, afin de le tenir fixe. (D.J.)

PIERRES DE RAPPORT, (Marqueterie) nous avons expliqué à l'article OUVRAGES DE MOSAÏQUE, comment les anciens se servaient de petites pièces de pierres de verre et d'émail pour faire des ouvrages de mosaïque ; mais nos ouvriers modernes en pratiquent encore une autre avec des pierres naturelles, pour représenter des animaux, et généralement des fruits, des fleurs, et toutes autres sortes de figures, comme si elles étaient peintes. Il se voit de ces sortes d'ouvrages de toutes les grandeurs : un des plus considérables et des plus grands, est ce beau pavé de l'église cathédrale de Sienne, où l'on voit représenté le sacrifice d'Abraham. Il fut commencé par un peintre nommé Duccio, et ensuite achevé par Dominique Beccafumi. Il est composé de trois sortes de marbres, l'un très-blanc, l'autre d'un gris un peu obscur, et le troisième noir ; ces trois différents marbres sont si bien taillés et joints ensemble, qu'ils représentent comme un grand tableau peint de noir et de blanc. Le premier marbre sert pour les ressauts et les fortes lumières, le second pour les demi-teintes, et le troisième pour les ombres : il y a des traits en hachures remplis de marbre noir ou de mastic qui joignent les ombres avec les demi-teintes ; car pour faire ces sortes d'ouvrages, on assemble les différents marbres, les uns auprès des autres, suivant le dessein que l'on a ; et quand ils sont joints et bien cimentés, le même peintre qui a disposé le sujet, prend du noir, et avec le pinceau, marque les contours des figures, et observe par des traits et des hachures, les jours et les ombres, de la même manière que s'il dessinait sur du papier : ensuite le sculpteur grave avec un ciseau tous les traits que le peintre a tracés : après quoi l'on remplit tout ce que le ciseau a gravé, d'un autre marbre, ou d'un mastic composé de poix noire ou d'autre poix qu'on fait bouillir avec du noir de terre. Quand ce mastic est refroidi et qu'il a pris corps, on passe un morceau de grès ou une brique par-dessus, et le frottant avec de l'eau et du grès ou du ciment pilé, on ôte ce qu'il y a de superflu, et on le rend égal et au niveau du marbre. C'est de cette manière qu'on pave dans plusieurs endroits de l'Italie, et qu'avec deux ou trois sortes de marbres, on a trouvé l'art d'embellir de différentes figures, les pavés des églises et des palais.

Mais les ouvriers dans cet art ont encore passé plus avant ; car comme vers l'année 1563, le duc Côme de Médicis eut découvert dans les montagnes de Pietra sancta, un endroit dont le dessus était de marbre très-blanc, et propre pour faire des statues, l'on rencontra dessous un autre marbre mêlé de rouge et de jaune ; et à mesure qu'on allait plus avant, on trouvait une variété de marbres de toutes sortes de couleurs, qui étaient d'autant plus durs et plus beaux, qu'ils étaient cachés dans l'épaisseur de la montagne. C'est de ces sortes de marbres que les ducs de Florence, depuis ce temps-là, ont fait enrichir leurs chapelles, et qu'ensuite on a fait des tables et des cabinets de pièces de rapport, où l'on voit des fleurs, des fruits, des oiseaux, et mille autres choses admirablement représentées. On a même fait avec ces mêmes pierres, des tableaux qui semblent être de peinture ; et pour en augmenter encore la beauté et la richesse, on se sert de lapis, d'agate, et de toutes les pierres les plus précieuses. On peut voir de ces sortes d'ouvrages dans les appartements du Roi, où il s'en trouve de plus beaux.

Les anciens travaillaient aussi de cette manière, car il y avait autrefois à Rome au portique de S. Pierre, à ce que dit Vassari, une table de porphyre fort ancienne, où étaient entaillées d'autres pierres fines qui représentaient une cage ; et Pline parle d'un oiseau fait de différents marbres, et si bien travaillé dans le pavé du lieu qu'il décrit, qu il semblait que ce fût un véritable oiseau qui but dans le vase qu'on avait représenté auprès de lui.

Pour faire ces sortes d'ouvrages, on scie par feuilles le bloc ou le morceau d'agate, le lapis, ou d'autres pierres précieuses qu'on veut employer. On l'attache fortement sur l'établi, puis avec une scie de fer sans dents, on coupe la pierre en versant dessus de l'émeril mêlé avec de l'eau, à mesure que l'on travaille : il y a deux chevilles de fer aux côtés de la pierre, contre lesquelles on appuie la scie, et qui servent à la conduire. Quand ces feuilles sont coupées, si l'on veut leur donner quelque figure pour les rapporter dans un ouvrage, on les serre dans un étau de bois ; et avec un archet qui est une petite scie faite seulement de fil de laiton, de l'eau et de l'émeril qu'on y jete, on la coupe peu-à-peu, suivant les contours du dessein que l'on applique dessus, comme l'on fait pour le bois de marqueterie. Voyez MARQUETERIE.

On se sert dans ce travail, des mêmes roues, tourets, platines d'étain et autres outils dont il est parlé dans la gravure des pierres précieuses, selon l'occasion et le besoin qu'on en a, tant pour donner quelque figure aux pierres, que pour les percer et pour les polir : on a des compas pour prendre les mesures, des pincettes de fer pour dégarnir les bords des pierres, des limes de cuivre à main et sans dents, et d'autres limes de toutes sortes.

PIERRE A BROYER les couleurs des Peintres, sont des pierres qui sont ordinairement de porphyre, d'écaille de mer, ou autres pierres très-dures. Voyez nos planches.

PIERRE DE CRAIE, dont les Peintres se servent pour dessiner. Voyez CRAYON.

PIERRE DE MINE DE PLOMB, servant à dessiner. Voyez CRAYON.

PIERRE NOIRE, servant à dessiner. Voyez CRAYON.

PIERRE SANGUINE, servant à dessiner. Voyez CRAYON.

PIERRE A RASOIR, (Barbier) est une sorte de pierre polie et dont le grain est très-fin : on s'en sert pour aiguiser les rasoirs en y répandant de l'huile, et passant obliquement le rasoir par-dessus de côté et d'autre. Ces pierres sont ordinairement ajustés sur un morceau de bois qui leur sert de manche, au moyen duquel on se sert plus commodément de ces pierres.

PIERRE, outil de Vernisseur, c'est une pierre de lierre, carrée, épaisse de quatre à cinq pouces, longue et large d'un bon pied, sur laquelle les Vernisseurs broyent leurs différentes couleurs avec la molette, et les délaient avec du vernis au lieu d'huile.

PIERRE ou STEEM, s. f. (Commerce) sorte de poids plus ou moins fort, suivant les lieux où il est en usage.

A Anvers la pierre est de huit livres, qui en font sept de Paris, d'Amsterdam, de Besançon et de Strasbourg, y ayant égalité de poids entre ces quatre villes. A Hambourg la pierre est de dix livres, qui font à Paris, à Amsterdam, etc. neuf livres douze onces et six gros, un peu plus. A Lubeck la pierre est aussi de dix livres, mais ces dix livres ne font que neuf livres huit onces trois gros de Paris. A Dantzick et à Revel, il y a la petite et la grosse pierre, la première qui sert à peser les marchandises fines, est de vingt-quatre livres, qui font à Paris, Amsterdam, &c., vingt-une livres cinq onces cinq gros, et la seconde qui est en usage pour les grosses marchandises, comme cire, amandes, ris, &c, est de trente-quatre livres, qui rendent à Paris trente livres quatre onces un gros. A Stettin il y a aussi une petite et une grosse pierre, la petite est de dix livres, qui font neuf livres quatorze onces de Paris, et la grosse est de vingt-une livres qui reviennent à vingt livres onze onces, peu plus, poids de Paris. A Konigsberg la pierre est de quarante livres, qui en font trente-deux de Paris. Dictionnaire du commerce.

PIERRE-BUFFIERE, (Géographie moderne) bourg que Piganiol qualifie de petite ville de France, dans le Limousin, à 4 lieues de Limoges, sur le chemin de Brive. (D.J.)

PIERRE, FORT SAINT ; (Géographie moderne) fort de l'Amérique septentrionale, dans l'île de la Martinique, à 7 lieues au N. O. du fort Royal. C'est à présent une ville où il y a un intendant, un palais de justice, et deux paroisses, une desservie par les Jésuites, et l'autre par les Dominicains. (D.J.)

PIERRE, ISLE DE SAINT, (Géographie moderne) île de France en Provence, à une lieue au levant d'été de la ville d'Arles ; cette île n'est formée que par les canaux qui ont été creusés à l'orient du Rhône, depuis la Durance jusqu'à la mer ; mais elle est remarquable par l'abbaye de Monte-Majour, ordre de S. Benait, dont on attribue la fondation à saint Trophime. (D.J.)

PIERRE LE MOUSTIER, SAINT, (Géographie moderne) petite ville de France, la seconde du Nivernais, avec un bailliage et une sénéchaussée. Elle est dans un fonds entourée de montagnes, près d'un étang bourbeux, à 7 lieues au midi de Nevers, 8 au N. O. de Moulins, 60 S. de Paris. Long. 21. 45. latit. 46. 47. (D.J.)

PIERRE-PERTUIS, (Géographie moderne) en latin du moyen âge, petra-pertusa, chemin de Suisse, percé au-travers d'un rocher. Le val de saint Imier, avec les terres en deçà, sont dans l'enceinte de l'ancienne Helvétie : les autres au-delà, sont le véritable pays des Rauraques. Ces deux parties sont séparées par une chaîne de montagnes et de rochers, qui sont une branche du mont Jura. Dans ce quartier-là pour avoir un passage libre d'un pays à l'autre, on a percé un rocher épais, et on a taillé un chemin à travers. Il a quarante-six pieds de longueur dans l'épaisseur du rocher, et quatre taises de hauteur. Ce passage appelé Pierre-pertuis, est à une grande journée de Bâle, et à une demi-journée de Bienne, près de la source de la Bris. Ce chemin n'est pas nouveau ; une inscription romaine qu'on voit au-dessus de l'ouverture, mais que les passants ont mutilée, nous apprend qu'il a été fait par les soins d'un Paterius ou Paternus duumvir, de la Colonie Helvétique établie à Avenche, sous l'empire des deux Antonins. (D.J.)