CRYSTAUX, ou CRYSTALLISATIONS. (Histoire naturelle, Minéralogie) Dans l'histoire naturelle on nomme crystal ou crystaux, toutes les substances minérales qui prennent d'elles-mêmes et sans le secours de l'art, une figure constante et déterminée : il y a donc autant de différentes espèces de crystaux, qu'il y a de substances qui affectent une figure régulière : un grand nombre de pierres calcaires, gypseuses, vitrifiables, réfractaires de métaux, de demi-métaux ; les pyrites, le soufre, etc. sont dans ce cas, et prennent une forme distinctive à laquelle il est aisé de les reconnaître.

Il y a tout lieu de croire que ce phénomène s'opère dans la nature, de la même manière et suivant les mêmes lois que la crystallisation des sels se fait dans le laboratoire du chimiste. Voyez l'art. CRYSTALLISATION. On ne trouvera rien d'étonnant à ce phénomène, si on fait attention qu'il y a dans la nature un dissolvant généralement répandu, qui est propre à mettre en dissolution une infinité de substances terreuses, pierreuses, métalliques, etc. et qui peut former avec ces substances un grand nombre de combinaisons différentes : ce dissolvant est l'acide vitriolique. La Chimie nous fournit dans le sel, vulgairement appelé séléniteux, un exemple très-frappant de ces combinaisons, qui peut nous faire juger d'un grand nombre d'autres.

Ce sel est, comme on sait, formé par l'union de l'acide vitriolique avec une terre absorbante ; il donne par la crystallisation, des crystaux très-difficiles à dissoudre, au point que, suivant les observations de M. Rouelle, ils exigent cinq ou six cent fois leur poids d'eau pour être mis en dissolution.

Outre l'acide vitriolique qui est propre au règne minéral, l'acide nitreux du règne végétal peut encore être porté accidentellement dans le sein de la terre, et y produire différents effets. L'acide du sel marin se trouve aussi dans certains endroits de la terre, comme on peut en juger par le sel gemme qui se trouve dans les mines. On pourra croire aussi qu'il s'y trouve du sel animal, si l'on fait attention à la prodigieuse quantité d'animaux, de quadrupedes et de poissons qui ont été engloutis dans la terre, soit par les déluges, soit par d'autres révolutions arrivées à notre globe.

Il y a tout lieu de croire que la nature, dont les voies sont variées à l'infini, trouve les moyens de faire agir ces différents dissolvants sur une infinité de différentes substances, et de produire par-là une variété prodigieuse de phénomènes et de combinaisons que l'art ne peut point imiter. Ces phénomènes dépendent peut-être du plus ou du moins de force de ces dissolvants, de la quantité d'eau dont ils ont été étendus, de la base ou matière à laquelle les acides s'unissent, de l'évaporation plus ou moins lente, et même de la nature du filtre au-travers duquel la matière en dissolution a passé ; circonstances qui semblent toutes concourir à la formation des différents crystaux. Une chose qui prouve incontestablement que les crystaux ont été d'abord dans un état de fluidité, ce sont les matières étrangères, telles que les gouttes d'eau, des insectes, des plantes, etc. qui s'y trouvent souvent renfermés. Cette conjecture est confirmée par l'expérience de M. Rouelle, qui, ayant trouvé de l'eau dans l'intérieur de quelques pierres, l'a recueillie avec soin ; et après l'avoir mise en évaporation, a obtenu des crystaux parfaitement semblables à ceux qui se forment naturellement.

La figure des crystaux varie considérablement dans le règne minéral, et il serait trop long d'en faire ici l'énumération. En parlant de chaque substance susceptible de crystallisation, on indiquera la figure que ces crystaux affectent le plus ordinairement. Les Naturalistes ont été partagés sur la cause de ces variétés. M. Linnaeus a prétendu que les crystaux en étaient redevables aux différents sels qui entraient dans leur composition, et qui, selon lui, en déterminent la figure. Sur ce principe il appelle chaque crystal du nom du sel avec lequel il a le plus d'analogie. C'est ainsi, par exemple, qu'il nomme le crystal de roche, nitrum quartzosum album, à cause de la conformité de sa figure avec celle des crystaux du nitre.

Ce système est réfuté par M. Wallerius, qui soupçonne que c'est la base, c'est-à-dire la substance terreuse ou métallique à laquelle l'acide s'est uni, qui détermine la figure des crystaux. Il s'appuie dans sa conjecture sur ce que la plupart des métaux mis en dissolution dans les différents acides, donnent constamment des crystaux d'une figure uniforme, et propres au métal avec lequel l'acide a été combiné. Ce même naturaliste se fonde encore sur ce qu'un grand nombre de métaux affectent toujours dans leur minéralisation une figure certaine et déterminée. C'est ainsi que le plomb dans sa mine prend toujours une forme cubique, l'étain une forme polygone, etc. voyez la minéralogie de Wallerius, tome I. pag. 228. et suiv.

Sans entrer dans la discussion de ces différents sentiments, il parait que l'on a point encore fait assez d'observations pour décider la question ; il suffit de remarquer qu'il y a lieu de croire que c'est souvent l'une de ces causes, souvent l'autre, quelquefois toutes les deux à la fais, quelquefois enfin des accidents, qui semblent concourir à la figure des différents crystaux.

De même que les crystaux diffèrent les uns des autres par la figure, on y remarque aussi une grande variété par les couleurs. Les Naturalistes appellent communément fluores, les crystaux colorés, de quelque nature qu'ils soient ; c'est ainsi qu'ils appellent les crystaux de spath colorés, fluores spathici, etc. Il n'est point douteux que les couleurs que nous voyons dans les différents crystaux, ne viennent de substances métalliques mises en dissolution dans le sein de la terre et entrainées par les eaux, ou élevées sous la forme de vapeurs, qui sont venues se joindre à la matière encore liquide dont les crystaux doivent être formés. En effet, la Chimie suffit pour nous convaincre que la plupart des métaux fournissent des couleurs qui leur sont propres : c'est ainsi que le cuivre dissous dans quelques dissolvants, donne du verd, et du bleu dans d'autres ; le plomb donne du jaune, le fer donne du rouge, etc. Souvent la couleur pénètre entièrement les crystaux, quelquefois elle n'y est attachée que superficiellement, et elle forme une espèce d'enduit qui les couvre ; d'autres fois n'ayant pas été en quantité suffisante pour colorer tout le crystal, il y en a une partie qui est restée blanche et transparente, tandis qu'une autre est parfaitement colorée. Souvent on trouve des pyrites et des particules terreuses ou métalliques attachées à la surface des crystaux ; il y a lieu de croire que ces substances sont venues s'y joindre après que les crystaux ont été tous formés, ou avaient déjà acquis une consistance trop solide pour que les parties colorantes pussent pénétrer jusques dans leur intérieur.

Par ce qui vient d'être dit dans cet article, on voit qu'il y a autant de crystaux différents, qu'il y a de pierres et de substances minérales propres à prendre une figure régulière et déterminée. Ces crystaux conservent toujours les propriétés des pierres de leur genre. C'est ainsi que, par exemple, les crystaux calcaires ont la propriété de se changer en chaux par la calcination, et de se dissoudre dans les acides ; les pierres gypseuses crystallisées sont changées en plâtre par l'action du feu, et ainsi des autres espèces. La crystallisation leur fait prendre seulement une figure déterminée, sans rien changer à leurs qualités essentielles.

Les différentes espèces de crystaux se forment dans presque toutes les parties de la terre, et particulièrement dans les mines, dans les cavités des montagnes, où la matière dont ils ont été formés a été entrainée par les eaux qui ont trouvé passage par les fentes de la terre ; on en rencontre dans les creux de quelques pierres, qui en sont quelquefois entièrement tapissées ; dans les cornes d'Ammon et autres coquilles fossiles, dont souvent ils remplissent la capacité, etc. Quelquefois les crystaux sont solitaires, mais plus ordinairement il y en a plusieurs qui forment un grouppe, et partent d'une base ou racine commune : quelquefois il y en a deux ou plusieurs qui se confondent, et présentent par-là une figure extraordinaire qui leur est purement accidentelle. (-)

CRYSTAL D'ISLANDE, (Histoire naturelle, Minéralogie) On donne ce nom à une espèce de spath calcaire, transparent comme du crystal de roche, dont la figure est rhomboïdale : c'est un parallélipipede composé de 6 parallélogrammes et de 8 angles solides, dont 4 sont aigus et 4 obtus, et à quelques degrés de petitesse qu'on réduise les parties de cette pierre, on y remarque constamment cette figure à l'aide d'un microscope. Le crystal d'Islande parait formé d'un assemblage de lames ou de feuillets, semblable à ceux du talc ou de la pierre spéculaire ; il se dissout dans l'eau-forte et les autres acides ; quand on le calcine dans un creuset, il pétille et se divise en une infinité de petits rhomboïdes ; après quoi il s'échauffe avec l'eau comme toutes les pierres calcaires, après qu'elles ont été calcinées à un feu violent. Après la calcination il fait phosphore, et répand une odeur d'hepar sulphuris assez sensible. Mais la propriété la plus remarquable du crystal d'Islande, c'est de faire paraitre doubles les objets qu'on voit au travers.

Cette pierre est nommée crystal d'Islande, parce qu'elle se trouve en plusieurs endroits de cette ile, et surtout au pied d'une montagne proche de Roer-Floerde. C'est Erasme Bartholin qui l'a fait connaître le premier, en en donnant un traité particulier. Quelques auteurs ont cru que c'était une pierre talqueuse, à cause de son tissu feuilleté ; d'autres l'ont regardé comme une espèce de sélénité : ce qu'il y a de constant, c'est que le vrai crystal d'Islande est un spath calcaire ; et il ne faut point le confondre avec d'autres substances qui lui ressemblent par la figure rhomboïdale et par la transparence, mais qui en diffèrent par d'autres propriétés. Voyez la continuation de la Lithogéognosie de M. Pott, pag. 226. et suiv. (-)

* CRYSTAL D'ISLANDE, (Physique) MM. Huygens et Newton ont examiné ses phénomènes avec une attention particulière. Voici les principaux : 1°. Le raiyon de lumière qui le traverse, souffre une double réfraction, au lieu qu'elle est simple dans les autres corps transparents. Ainsi on voit doubles les objets qu'on regarde au-travers.

2°. Le raiyon qui tombe perpendiculairement sur la surface des autres corps transparents, les traverse sans être rompu, et le raiyon oblique est toujours divisé ; mais dans le crystal d'Islande tout raiyon, soit oblique, soit perpendiculaire, est divisé en deux, en conséquence de la double réfraction. De ces deux raiyons, l'un suit la loi ordinaire ; et le sinus de l'angle d'incidence de l'air dans le crystal est au sinus de l'angle de réfraction comme cinq à trois : quant à l'autre raiyon, il se rompt selon une loi particulière. La double réfraction s'observe aussi dans le crystal de roche, mais elle y est beaucoup moins sensible.

Lorsqu'un raiyon incident a été divisé en deux autres, et que chaque raiyon partiel est arrivé à la surface la plus ultérieure, celle au-delà de laquelle il sort du crystal, celui des deux qui, en entrant, souffre une réfraction ordinaire, souffre aussi en sortant une réfraction ordinaire ; et celui qui en entrant souffre une réfraction extraordinaire, souffre aussi en sortant une réfraction extraordinaire : et ces réfractions de chaque raiyon partiel sont telles, qu'ils sont tous les deux en sortant parallèles au raiyon total.

De plus, si l'on place deux morceaux de ce crystal l'un sur l'autre, en sorte que les surfaces de l'un soient exactement parallèles aux surfaces de l'autre, les raiyons rompus selon la loi ordinaire en entrant, à la première surface de l'un, sont rompus selon la loi ordinaire à toutes les autres surfaces. L'on observe la même uniformité, tant en entrant qu'en sortant, dans les raiyons qui souffrent la réfraction extraordinaire, et ces phénomènes ne sont point changés, quelle que soit l'inclination des surfaces ; supposé que leurs plans, considérés relativement à la réfraction perpendiculaire, soient exactement parallèles.

Newton conclut de ces phénomènes, qu'il y a une différence essentielle entre les raiyons de la lumière, en conséquence de laquelle les uns sont réfractés constamment selon la loi ordinaire, et les autres selon une loi extraordinaire. Voyez RAIYON et LUMIERE.

En effet, s'il n'y avait pas une différence originelle et essentielle entre les raiyons, mais que les phénomènes résultassent de quelques modifications nouvelles, qu'ils recevraient à leur première réfraction ; de nouvelles modifications qu'ils recevraient aux trois autres réfractions, les altéreraient comme à la première ; au lieu qu'elles ne sont point altérées.

Ou plutôt le même auteur en prend occasion de soupçonner, que les raiyons de lumière ont des côtés doués de différentes qualités physiques, en effet il parait par les phénomènes, qu'il n'y a pas deux sortes de raiyons différents en nature, les uns constamment et en toute position réfractés selon la loi ordinaire, et les autres constamment et en toute position réfractés selon une loi extraordinaire ; la bizarrerie qu'on remarque dans l'expérience n'étant qu'une suite de la position des côtés des raiyons, relativement au plan de la réfraction perpendiculaire : car un même raiyon est quelquefois rompu selon la loi accoutumée, et quelquefois selon la loi extraordinaire, selon la position relative de ses côtés au crystal. La réfraction est la même dans les deux cas, lorsque les côtés des raiyons ont la même position dans l'un et l'autre ; et la réfraction est différente dans les deux cas, lorsque la position des côtés des raiyons n'est pas la même.

Ainsi chaque raiyon peut être considéré comme ayant quatre côtés ou portions latérales, dont deux opposées l'une à l'autre, déterminent le raiyon à se rompre selon une loi extraordinaire, et dont les deux autres pareillement opposées, le déterminent à se rompre selon la loi accoutumée : ces principes déterminans, étant dans le raiyon avant qu'il parvienne à la seconde, à la troisième, à la quatrième surface, et ne souffrant aucune altération, comme il parait, à la rencontre de ses surfaces, il faut qu'ils soient essentiels et naturels au raiyon. Voyez RAIYON, LUMIERE, FRACTIONTION. Chambers.

CRYSTAL DE ROCHE, (Histoire naturelle, Minéralogie) crystallus montana : on nomme crystal de roche ou crystal par excellence, une pierre figurée, transparente, non colorée, qui a la forme d'un prisme à six côtés, terminée à ses deux extrémités par une pyramide hexagone, quand la formation est parfaite.

Dans la définition du crystal de roche, nous venons de dire que c'était un prisme ou une colonne à six côtés, terminée par deux pyramides : cependant cette règle souffre des exceptions. En effet il y a du crystal de roche dans lequel on ne remarque que la pyramide supérieure, sans qu'on aperçoive de prisme ou de colonne. On en voit d'autre qui n'est composé que de deux pyramides, qui se réunissent par la base sans prisme ni colonne intermédiaires : on en trouve très-fréquemment qui a le prisme et une pyramide hexagone, sans qu'on puisse apercevoir la pyramide inférieure, qui souvent est cachée et confondue dans la pierre qui lui sert de matrice ou de base. Quand on remarque dans le crystal de roche une autre figure que celle d'un prisme hexagone, il y a lieu de croire que cela vient de ce que deux ou plusieurs crystaux sont venus à se joindre, et se sont confondus dans leur formation.

Il y a des crystaux de roche dont les parties sont si étroitement unies, qu'il est impossible d'en remarquer le tissu, tandis que dans d'autres on peut voir distinctement qu'ils sont composés de lames ou de couches, qui ont été successivement appliquées les unes sur les autres, en conservant la régularité de leur figure.

En général, c'est toujours le quartz qui sert de base ou de matrice au crystal de roche, et c'est dans cette pierre qu'il se forme constamment ; d'où l'on pourrait conjecturer avec beaucoup de vraisemblance que le crystal de roche n'est autre chose qu'un quartz plus épuré, qui par différentes circonstances qui concourent à la crystallisation, a été disposé à prendre une figure régulière et déterminée. V. l'article précédent CRYSTAL ou CRYSTAUX.

La transparence du crystal de roche et sa ressemblance avec de la glace, ont fait croire aux anciens Naturalistes que c'était une eau congelée à qui le froid continuel avait fait prendre à la longue la consistance solide que l'on y remarque ; c'est sur ce principe que quelques auteurs ont cru qu'il ne se trouvait que dans les pays froids : mais il y déjà longtemps que les Naturalistes sont revenus de ces préjugés ; d'ailleurs les relations des voyageurs nous ont convaincu qu'il y a du crystal de roche dans les pays les plus chauds, tels que l'île de Madagascar, de Sumatra, etc.

Le crystal de roche se trouve dans toutes les parties du monde : en Europe c'est la Suisse, et surtout le mont Saint-Gothard qui en fournit la plus grande quantité. Suivant le rapport de Scheuchzer, il s'est trouvé des crystaux qui pesaient jusqu'à 250 livres. Ce savant naturaliste observe que plus le lieu d'où on le tire est élevé, plus le crystal est parfait, pur et précieux. Voici, suivant lui, les signes auxquels ceux qui recueillent le crystal en Suisse reconnaissent les endroits où ils pourront en trouver. 1°. On fait attention aux veines de quartz blanc qui, si on les suit, conduisent à des roches dont les cavités sont remplies de crystaux. 2°. Les grosses roches ou pierres remplies de bosses, en contiennent très-fréquemment. 3°. Les ouvriers font attention au son que rendent ces roches ou pierres creuses, lorsqu'on les frappe avec le marteau ; ce son est différent de celui des pierres pleines et sans cavités. 4°. On reconnait encore à la simple vue les pierres qui contiennent du crystal de roche ; elles sont blanchâtres, très-dures, et ne sont jamais calcaires.

On trouve quelquefois du crystal de roche en pleine campagne, et presque à la surface de la terre ; mais ce n'est point le lieu de sa formation, il y a été porté par les torrents ou par d'autres accidents : pour lors très-souvent on y remarque plus de figure régulière ; et il ressemble pour la forme aux caillous ordinaires. On en a Ve de cette espèce en Angleterre qui étaient d'une dureté extraordinaire. On en trouve encore dans le lit des rivières ; celui-là est quelquefois arrondi, parce que le roulement et le mouvement des eaux lui ont fait prendre cette figure. Les caillous de Medoc paraissent être dans ce cas. Le crystal de roche varie extrêmement pour la grandeur ; quelquefois il est en colonnes détachées, d'autres fois il est en grouppes, et ne présente qu'une infinité de pyramides hexagones, placées les unes à côté des autres. Souvent en brisant des caillous, on y trouve des cavités remplies de crystaux ; d'autres fois on rencontre des prismes hexagones, ou des pyramides détachées : mais il y a tout lieu de croire que c'est par quelque accident qu'elles ont été séparées de la matrice dans laquelle elles ont été formées. Il se trouve de grandes masses de crystal de roche dans l'île de Madagascar : si l'on en croit les relations de quelques voyageurs, on en a tiré des morceaux de six pieds de long, de quatre de large, sur autant d'épaisseur. Voyez l'histoire générale des voyages, tom. VIII. pag. 620. Il y a lieu de penser, si ce fait est vrai, que ces masses ne sont autre chose que du quartz transparent, dans lequel les colonnes de crystal se sont formées. On peut dire la même chose du crystal de roche, dans lequel quelques auteurs disent qu'on rencontre une cavité hexagone, qui y a été faite par une colonne de crystal hexagone, qui en ayant été arrachée par quelque accident, y a laissé son empreinte. Le crystal que Langius appelle crystallus cariosa, et qui est rempli de trous, n'est probablement que du quartz qui a servi de base à des crystaux.

Pour que le crystal de roche soit parfait, on exige qu'il soit clair et transparent comme de l'eau, et qu'il n'ait ni couleur, ni tache, ni crevasse : celui qui a toutes ces qualités était très-estimé des anciens, qui en faisaient différents vases dont le prix était très-considérable. Aujourd'hui l'usage en est moins commun parmi nous ; cependant on admire encore les beaux lustres de crystal de roche : mais ceux que l'on fait à présent sont ordinairement de verre de Bohême. On leur donne la préférence, à cause que le prix en est moins haut.

Les curieux en histoire naturelle recherchent par préférence, pour orner leurs cabinets, des morceaux de crystal de roche, accompagnés d'accidents, c'est-à-dire qui renferment des corps étrangers, tels que du bois, des plantes, des gouttes d'eau, etc.

Un grand nombre de Naturalistes ont cru que le crystal de roche était la base des pierres précieuses ; et ce sentiment n'a rien que de très-probable, puisque réellement il n'en diffère que par la dureté : d'ailleurs il est susceptible de recevoir comme elles différentes couleurs dans le sein de la terre. Quand le crystal de roche est coloré, on lui donne souvent le nom de fausse pierre précieuse (pseudo gemma) ou bien on l'appelle du nom de la pierre précieuse à laquelle il ressemble par la couleur, en y ajoutant l'épithète de faux ; c'est ainsi qu'on nomme faux rubis le crystal de roche rouge ; faux saphir, celui qui est bleu ; fausse émeraude, celui qui est verd, etc. Il y a aussi du crystal brun et noir ; ce dernier est assez rare : mais tous ces crystaux ne diffèrent du crystal de roche ordinaire que par la couleur qui leur est purement accidentelle.

On peut aussi colorer le crystal de roche par art : en voici le procédé, suivant Neri. On prend d'orpiment et d'arsenic blanc de chacun deux onces, d'antimoine crud et de sel ammoniac de chacun une once ; on pulvérise ces matières, on les mêle bien exactement, et on les met dans un creuset assez grand ; on place par-dessus ce mélange des morceaux de crystal de roche ; on couvre le creuset d'un autre creuset renversé, au fond duquel est une petite ouverture pour laisser passage à la fumée qui est dangereuse ; on les lutte avec soin ; ensuite on place le creuset qui contient les matières dans un fourneau au milieu des charbons ; on laisse le feu s'allumer peu-à-peu ; et quand il sera une fois allumé, on le laissera continuer jusqu'à ce qu'il s'éteigne de lui-même : on laissera refroidir le tout ; pour lors on retirera du creuset les morceaux de crystal qui seront de différentes couleurs, de topase, de rubis, de chrysolite, etc. mais Kunckel prétend avec raison que cette couleur ne pénètre point le crystal, et ne s'y attache que superficiellement. Voyez l'art de la Verrerie de Neri, page 167.

Les propriétés du crystal de roche sont les mêmes que celles de toutes les pierres qu'on nomme vitrifiables, c'est-à-dire de donner des étincelles lorsqu'on les frappe avec un briquet d'acier, et d'entrer en fusion lorsqu'on y mêle une certaine quantité d'alkali fixe : on s'en est quelquefois servi pour imiter les pierres précieuses ; pour lors on y joint deux ou trois parties de plomb pour en faciliter la fusion, avec quelque substance métallique propre à donner au mélange la couleur qu'on demande.

Becher prétend avoir connu un dissolvant, au moyen duquel il réduisait le crystal en une masse gélatineuse transparente, propre à recevoir toutes sortes de formes comme la cire. Voyez Beccheri, Physica subterranea, pag. 65. Il y a encore des gens qui ont prétendu avoir le secret de faire avec le crystal une liqueur, dont une partie jointe avec deux parties d'eau commune, avait la propriété de la changer au bout d'un certain temps en une véritable pierre. L'art de la Verrerie nous fournit les moyens d'imiter par art le crystal de roche ; on pourra les voir dans l'article suivant. Voyez CRYSTAL FACTICE.

Il s'est trouvé des médecins ou plutôt des charlatants, qui ont attribué des vertus merveilleuses au crystal de roche dans certaines maladies ; ils en recommandaient l'usage interne, prétendant qu'il était propre à guérir les obstructions, la pierre, etc. et que réduit en poudre il faisait les mêmes fonctions qu'une terre absorbante. Cette prétention est si absurde, que nous ne nous arrêterons point à la réfuter : nous nous contenterons de remarquer que le crystal de roche ne peut pas faire plus de bien en Médecine, que des cailloux ou du verre pilés. Nous nous dispenserons donc de parler des préparations puériles du crystal de roche, que l'on rencontre dans quelques auteurs. (-)

CRYSTAL FACTICE, (Chimie) Pour faire un beau crystal, qui n'est proprement qu'un beau verre blanc, il est important de commencer par bien purifier la potasse qu'on veut y faire entrer ; ce qui se fait en la dissolvant dans de l'eau bien claire, en laissant tomber au fond du vase, où l'on fait dissoudre ce sel, toutes les saletés qui peuvent s'y trouver : on décante ensuite l'eau, on la filtre, on la met ensuite évaporer à siccité, on casse en morceaux le sel qui reste, et on le fait calciner doucement ; on le dissout de nouveau dans de l'eau, et on la filtre de nouveau ; plus on réitère ces opérations, plus le crystal qu'on veut faire sera blanc et clair : mais lorsqu'on veut donner une couleur au crystal, une seule purification suffira.

L'on prend ensuite des caillous (les meilleurs sont les pierres à fusil noires), on les fait rougir au fourneau, et lorsqu'elles sont bien rouges, on les éteint dans l'eau froide : cette opération les rend plus tendres et plus friables ; on la fait donc à plusieurs reprises, après quoi on les réduit en une poudre impalpable dans un mortier de marbre ; car ceux qui sont de métaux ne valent rien pour cet usage, parce qu'il se détache toujours quelques particules métalliques qui contribuent à ternir l'éclat et la blancheur du crystal. Par la même raison, le pilon doit être de bois. Lorsque les caillous calcinés sont réduits en une poudre bien fine, et nettoyés de toute saleté par de fréquentes lotions, on met cette poudre sécher, en observant de la ranger à l'abri de toute ordure.

Les choses ainsi disposées, on prend 60 livres de ces caillous en poudre, et 46 livres de sel alkali fixe purifié comme il a été dit ci-dessus ; on les mêle ensemble bien exactement sur une table de marbre, et on les met en fusion dans un creuset ou pot placé au fourneau de verrerie : plus le mélange y reste, plus le crystal devient beau ; cependant en général quatre jours suffisent, pourvu que le feu soit violent ; et au bout de ce temps, le crystal est en état d'être travaillé.

Outre cette méthode qui est de Neri, dans son art de la Verrerie, le célèbre Kunckel en donne quelques autres dans son commentaire sur le même ouvrage ; on a cru les devoir joindre ici. Voici la première.

Prenez du sable blanc très-fin et bien purifié, ou, ce qui vaut encore mieux, de caillous préparés comme on l'a dit ci-dessus, 150 livres ; de potasse bien purifiée, 100 livres ; de craie, 20 livres ; de bonne maganese, 5 onces : on mêle exactement ces matières, on les laisse longtemps en fusion ; on aura par ce moyen un crystal très-beau. Si les matières dont on s'est servi ont été bien purifiées, le crystal sera toujours fort blanc et transparent. On peut s'en servir pour contrefaire toutes sortes de pierres précieuses transparentes, en y portant les matières colorantes propres à chaque pierre précieuse qu'on veut imiter.

Si on veut préparer un crystal propre à contrefaire les pierres précieuses non transparentes, telles que les turquaises, les agates, les jaspes, etc. voici la méthode que Kunckel indique.

On prendra 60 livres de sable ou de caillous blancs pulvérisés et préparés comme nous avons dit, 40 livres de potasse, 10 livres d'os ou de corne de cerf calcinée ; on aura soin de bien mêler ces différentes matières, qu'on mettra en fusion : ce crystal au sortir du fourneau est clair et transparent ; mais lorsqu'on l'a travaillé, si on le remet au feu, il devient opale ou d'un blanc de lait, à proportion du plus ou du moins de corne de cerf ou d'os calcinés qu'on y aura fait entrer, et suivant qu'on le met au feu plus ou moins souvent.

Voici une autre manière qui est plus couteuse, mais qui fournit un crystal encore plus beau : c'est de prendre de caillous blancs ou de pierres à fusil calcinés et préparés, 130 livres ; de salpetre purifié et pulvérisé, 70 livres ; de borax, 12 livres ; tartre purifié, 12 livres ; d'arsenic, 5 livres ; d'os ou de corne de cerf, 15 livres plus ou moins à volonté : c'est-à-dire que si on ne veut qu'une couleur opale, 12 liv. suffiront ; si on veut le crystal d'un blanc d'ivoire ou de lait, on peut y en faire entrer davantage ; c'est-à chacun à en faire l'épreuve en petit. Cette dernière manière est la meilleure pour contrefaire toutes sortes de pierres précieuses non transparentes : ces différentes recettes sont tirées de l'art de la Verrerie de Neri, Merret, et Kunckel, pag. 100. et suiv. et pag. 149. de la traduction française. Voyez à l'article VERRERIE, le travail plus détaillé du crystal artificiel et des fourneaux de cette branche curieuse de la Verrerie. (-)

CRYSTAL MINERAL, (Pharmacie) Le crystal minéral, ou le sel de prunelle, est le produit d'une opération chimique, qui consiste à jeter sur une livre de nitre en fonte et commençant à rougir, environ un gros de fleur de souffre, qui détonne avec une petite portion de ce sel et qui la convertit en tartre vitriolé.

Le soufre détonné avec du nitre, n'étant capable d'en convertir en sel polychreste ou tartre vitriolé, qu'une quantité à-peu-près égale à son propre poids, il doit se trouver dans la livre de crystal minéral dont nous venons de parler, environ un gros de nitre (c'est-à-dire la cent vingt-huitième partie du tout), changé en tartre vitriolé ; tout le reste de la masse doit être du nitre parfait. L'usage medicinal de cette préparation doit donc être le même que celui du nitre. Voyez NITRE. (b)

CRYSTAL, (cieux de) en Astronomie, étaient deux orbes que les anciens astronomes avaient imaginés entre le premier mobîle et le firmament, dans le système de Ptolomée, où les cieux étaient supposés solides, et n'être susceptibles que d'un mouvement simple. Les Astronomes anciens s'en servaient pour expliquer différents mouvements apparents de la sphère céleste. Voyez CIEL et COPERNIC.

Mais les modernes expliquent tous ces mouvements d'une manière plus naturelle et plus aisée. Il leur suffit pour cela de supposer dans l'axe de la terre un petit mouvement ; et la plupart des phénomènes célestes, que les anciens n'expliquaient qu'à force de cieux de crystal, s'expliquent aujourd'hui avec une facilité surprenante, dans l'hypothèse du mouvement de la terre ; ce qui prouve que cette hypothèse est bien plus simple et plus conforme à la vraie philosophie. L'embarras de tous ces cieux de crystal était si grand, pour les anciens mêmes, que le roi Alphonse qui était obligé d'en imaginer de nouveaux, parce qu'il ne connaissait rien de meilleur, disait que si Dieu l'eut appelé à son conseil quand il fit le monde, il lui aurait donné de bons avis. Ce grand prince voulait seulement dire par-là qu'il lui paraissait difficîle que Dieu eut fait le monde ainsi. Voyez LIBRATION, NUTATION, etc. (O)

CRYSTAL, (Gravure sur Crystal), voyez l'article GRAVURE.

CRYSTAL, (Horlogerie) signifie aussi un petit verre circulaire et bombé qui s'ajuste dans la lunette d'une boite de montre ou de pendule. Il doit être approchant d'égale épaisseur par-tout, afin qu'il n'y ait point de réfraction. Avant qu'on eut pensé à en faire, les boites de montre avaient deux fonds, et l'on était obligé d'ouvrir la boite pour voir l'heure. On a commencé à en faire vers la fin du siècle passé : les meilleurs viennent d'Angleterre : on prétend qu'ils se percent sur le touret des Graveurs en pierres fines. Voyez GRAVURE EN PIERRES FINES. (T)