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Catégorie parente: Physique particulière
Catégorie : Gymnastique
LA (Orchestique grecque) danse de gens armés, voici la description de cette danse si célèbre dans les écrits des poètes et des historiens.

Les danseurs étaient vêtus de tuniques d'écarlate, sur lesquelles ils portaient des ceinturons garnis d'acier, d'où pendaient l'épée et une espèce de courte lance. Les musiciens outre cela, avaient le casque, orné d'aigrettes et de plumes.

Chaque bande était précédée par un maître de ballet, qui marquait aux autres les pas et la cadence, et qui donnait aux musiciens le ton et le mouvement, dont la vitesse représentait l'ardeur et la rapidité des combats.

Cette danse de gens armés s'appelait la pyrrhique, soit qu'elle eut été inventée par Minerve, lorsque pour célébrer la victoire remportée sur les Titants, elle institua les danses, et dansa la première avec ses armes ; soit que remontant encore plus haut, les Curètes en soient les auteurs, dans le temps que par le cliquetis de leurs armes et les mouvements de leurs cors, ils calmaient selon le témoignage de la fable, les cris de Jupiter au berceau.

Les auteurs donnent diverses interprétations de l'origine du terme pyrrhique. Les uns assurent qu'elle fut ainsi nommée de Pyrrhus de Cydon, qui le premier apprit aux Crétais cette manière de danser avec leurs armes sur la cadence du pied pyrrhique, c'est-à-dire d'une cadence précipitée, parce que le pied pyrrhique étant composé de deux breves, en désigne la vitesse. D'autres prétendent que Pyrrhus fils d'Achille, fut l'inventeur de cette danse, et qu'il fut le premier qui dansa armé devant le tombeau de son père. Aristote en fait Achille même l'auteur.

Quoi qu'il en sait, cette danse était fort ancienne dans la Grèce, comme Homère le justifie par sa description du bouclier d'Achille. Il y place deux villes ; l'une jouissant d'une profonde paix ; l'autre accablée des malheurs de la guerre. Dans la première qu'il élève au-dessus de la seconde, et dont il représente l'heureuse destinée, il n'y fait voir que des jours de fêtes, que nôces et que festins, suite naturelle de la prospérité ; et il dit :

Dans ces lieux fortunés la charmante jeunesse

Au son des instruments signale son adresse ;

Et sur leurs doux accords réglant ses mouvements,

Du beau sexe à l'envi fait les amusements.

Dans ce même bouclier, il décrit une danse de Crète, ciselée avec le même artifice ; il la compose de jeunes garçons et de jeunes filles, dont il parle ainsi :

Là sur l'acier poli par une main divine,

Brillait de mille traits une troupe enfantine,

Dont le pas animé et le port gracieux,

Fait l'objet le plus doux des hommes et des dieux.

Quand il vient au récit de leurs habillements, il remarque que les filles portaient des couronnes en dansant, et les garçons des épées.

Les filles en dansant, se couronnent de fleurs ;

Les garçons du plaisir, l'âme moins occupée,

D'un riche ceinturon font briller leur épée.

Il n'oublie pas ceux qui menaient la danse, et qui marquaient aux autres l'air et les pas, sur lesquels ils devaient se régler.

Tandis qu'à cette fête on court de toutes parts,

Contenter à loisir ses curieux regards ;

Les acteurs enchantés d'une telle affluence,

Redoublent leur ardeur, et raniment la danse ;

Deux maîtres en cet art, du geste et de la voix,

Mettent la troupe en branle, et prescrivent les lois.

Mais laissons le bouclier d'Achille pour décrire cet exercice militaire qu'on nommait la danse pyrrhique.

Les jeunes soldats n'ayant que des armes et des boucliers de bouis, faisaient en dansant plusieurs tours, et divers mouvements qui représentaient les différentes évolutions des bataillons. Ils exprimaient aussi par leurs gestes tous les devoirs des soldats dans la guerre ; comment il fallait attaquer l'ennemi, manier l'épée dans le combat, lancer un dard, ou tirer une flèche ; voilà l'objet de la danse pyrrhique. Cependant plusieurs joueurs animaient ces soldats par le son de leurs flutes, et réjouissaient le peuple qui était présent à ce spectacle. Celui qui présidait à ces jeux était une personne d'autorité qui avait droit de châtier ceux qui manquaient à leur devoir. Quelquefois la pyrrhique était composée de deux partis ; l'un d'hommes et l'autre de femmes, comme on le voit par cette ancienne épigramme :

In spatio veneris simulantur praelia Martis

Cum sese adversum sexus uterque venit.

Faemineam manibus nam confert pyrrhica classem,

Et velut in mortem militis, arma movet ;

Quae tamen haud ullo chalybis sunt tecta rigore,

Sed solum reddunt buxea tela sonum.

Souvent aussi les enfants nobles se divertissaient à ces jeux que l'on appelait castrenses, parce qu'ils se faisaient ordinairement dans le camp, pour l'exercice et pour le divertissement des soldats : c'étaient là les jeux pyrrhiques.

Les Lacédémoniens furent ceux d'entre les Grecs qui s'adonnèrent le plus à cette danse ; et au rapport d'Athénée, ils y exerçaient leur jeunesse dès l'âge de cinq ans.

Xénophon rapporte qu'on donna une fête à un ambassadeur des Paphlagoniens, dans laquelle on le régala de toutes sortes de danses guerrières ; ensuite un mysien pour lui plaire davantage, fit entrer une baladine, qui étant armée d'un leger bouclier, dansa la pyrrhique avec tant de perfection, que les Paphlagoniens demandèrent si les femmes grecques allaient à la guerre ; on leur répondit que oui, et qu'elles avaient chassé le roi de Perse de son camp.

Le même historien dans la description du festin que Seuthe, prince de Thrace, fit aux Grecs, parle encore d'une autre espèce de pyrrhique : " Après le repas, dit-il, entrèrent des cérasontins qui sonnèrent la charge avec des flutes, et des trompettes de cuir de bœuf crud, sur lesquelles ils imitaient la cadence de la lyre ; et Seuthe lui-même se levant, se mit à danser avec autant de vitesse et de légéreté, que s'il eut tâché d'éviter un dard. "

Comme cette ancienne pyrrhique était une danse pénible, elle reçut dans la suite divers adoucissements ; il parait que du temps d'Athénée, la pyrrhique était une danse consacrée à Bacchus, où l'on représentait les victoires de ce dieu sur les Indiens, et où les danseurs, au lieu d'armes offensives, ne portaient que des thyrses, des roseaux et des flambeaux. C'est sans doute cette seconde espèce de pyrrhique dont le même auteur veut parler, lorsqu'il en fait une des trois sortes de danses qui appartenaient à la poésie lyrique. La pyrrhique décrite par Apulée dans le X. livre de ses Milésiades, porte aussi le caractère d'une danse tout à fait pacifique.

Néron aimait beaucoup la pyrrhique ; l'histoire rapporte qu'au sortir d'un spectacle qu'il venait de donner au peuple, il honora de la bourgeoisie romaine tous les éphebes étrangers qui y avaient dansé cette danse. (D.J.)