S. f. (Physiologie) c'est en deux mots l'action de remâcher, qui est propre à quelques animaux ; mais on peut la définir plus exactement un mouvement naturel de l'estomac, de la bouche, et des autres parties, qui succede à une autre action des mêmes parties ; en sorte que par le moyen de ces deux actions, l'aliment avalé d'abord à la hâte, est de nouveau rapporté à la bouche, où il est remâché, puis avalé une seconde fais, le tout pour le bien et l'avantage de l'animal.

Les bêtes qui ruminent sont les bœufs, les moutons, les cerfs, les chèvres, les chameaux, etc. Les animaux qui semblent imiter la rumination, et qui ne ruminent pas effectivement, ruminantia spuria, sont les taupes, les grillons-taupes, les abeilles, les escarbots, les crabes, les écrevisses de mer, les surmulets, le perroquet, et plusieurs oiseaux. Tous ces animaux ont leur estomac composé de fibres musculaires, par le moyen desquelles les aliments sont broyés différemment que dans les animaux ruminans. Moïse a confondu les uns et les autres. Il était occupé de plus grandes choses que de nos petites études. Nous savons aujourd'hui que l'action de ruminer est particulière à certains animaux ; que son appareil dépend de plusieurs ventricules appropriés à cet usage ; et que c'est un artifice curieux pour achever entièrement la mastication, pendant que les animaux ruminans se reposent.

Il faut d'abord remarquer la première préparation que la nourriture reçoit des dents des animaux qui ruminent, elle consiste simplement à prendre sur la terre et aux arbrisseaux les herbes, et les bourgeons que les dents de devant jointes avec la langue coupent, ou plutôt arrachent ; car la plupart des ruminans n'ont de dents coupantes qu'à la mâchoire d'enhaut, en sorte qu'ils avalent leur nourriture toute entière.

La mécanique de ce premier apprêt de nourriture, ne parait pas fort fine, cependant elle mérite notre attention ; c'est par cette structure d'organes que les animaux ruminans peuvent arracher plus aisément les herbes tendres, de manière qu'aucun brin ne leur échappe. Les dents dures appliquées contre la langue molle, serrent et retiennent plus surement toute l'herbe qu'ils arrachent, que si leurs dents étaient appliquées contre d'autres dents, parce qu'elles ne pourraient alors toucher par-tout ; il y aurait beaucoup de brins d'herbes qui se trouveraient dans les entre-deux des dents ; par cette même raison si la main de l'homme n'était composée que d'os, elle ne pourrait pas tenir si fortement beaucoup de choses, comme elle le fait, ayant des parties molles, de la chair musculeuse revêtue de peau mise entre les os, et que la main empoigne. L'art imite souvent cette mécanique, comme quand pour serrer une chose bien fermement dans un étau d'acier trempé, on met du bois entre l'étau et la chose qu'on veut serrer fortement.

La nourriture conservée de cette façon sans perte, et sans avoir été mâchée dans la bouche des animaux ruminans, est portée dans leurs ventricules, où après l'avoir gardée quelque temps elle revient dans leur bouche, et ils la mâchent alors pour l'avaler une seconde fais.

On distingue quatre ventricules dans les animaux qui ruminent ; le premier se nomme la panse : il est fort grand, d'une structure particulière, et très-propre à l'usage auquel il est destiné. Sa tunique interne est couverte d'une infinité de petites éminences de différente figure, serrées les unes contre les autres, et douées d'une fermeté qui empêche que des herbes non mâchées ne blessent la substance du ventricule ; car les herbes soutenues pour ainsi-dire sur ces éminences, reçoivent la chaleur de la tunique, et sont humectée par une abondance d'humeur qui les attendrit et les dispose à la coction. Les chevaux, qui ne sauraient si bien mâcher le foin ou la paille, qu'il ne reste, dans ce qu'ils avalent, beaucoup de parties dures et piquantes, ont la tunique interne du ventricule forte et calleuse, à-peu-près de même que celle du gésier des oiseaux, non-seulement afin qu'elles ne soient pas blessées par la dureté du foin, mais aussi afin que par sa compression elle acheve de broyer cette nourriture.

Le second ventricule des animaux qui ruminent s'appelle le réseau ou le bonnet, il est marqué en-dedans de plusieurs lignes éminentes et élevées, qui forment des figures, les unes carrées, les autres pentagones, les autres hexagones. Ces éminences sont crenelées, étant comme chaperonnées de quantité de pointes, qui les peuvent encore faire comparer à de petits rateaux qui amassent et retiennent les parties des herbes que n'ont pu dissoudre ni ce ventricule ni le premier, pour les garder autant de temps qu'il est nécessaire, et laisser couler entre les dents de ces rateaux, ce qui est broyé, fondu et dissous.

Le troisième ventricule porte le nom de millet, et le quatrième celui de caillette. Ces deux ventricules sont remplis de plusieurs feuillets, entre lesquels la nourriture est serrée, pressée, et touchée par beaucoup plus de surfaces que si ce n'était qu'une simple cavité.

La structure des feuillets du troisième ventricule est surtout d'une mécanique admirable dans une partie où il fallait que le ventricule entier fut rempli de membranes, disposées de manière que le passage ne laissât pas d'être libre. Pour cet effet ces membranes sortent en façon de feuillets, qui viennent de la circonférence vers le centre, à-peu-près comme dans les têtes de pavots ; mais pour éviter que ces feuillets ne fussent trop serrés vers le centre, et que d'un autre côté ils ne laissassent pas de trop grands espaces vides vers la circonférence, ainsi qu'aux pavots, ces feuillets sont ici de grandeur différente ; d'abord les grands qui vont jusqu'au centre, sont en petit nombre ; ensuite il y en a d'autres entre deux qui ne vont pas si loin ; et enfin d'autres plus courts remplissent les intervalles qui sont proche de la circonférence. Les feuillets dont le quatrième ventricule est rempli, renferment entre les membranes dont ils sont composés, un grand nombre de glandes qui ne se trouvent point dans les trois autres ventricules.

L'oesophage des animaux qui ruminent, a dans son entrée vers l'estomac, une structure toute particulière, car il produit comme un demi-canal creusé dans les membranes du second ventricule, et ce demi-canal est la suite du canal de l'oesophage ; il a des rebords, lesquels étant joints plus ou moins avant, allongent le canal de l'oesophage jusque dans le second ventricule, et même jusque dans le troisième.

Cette conformation peut avoir plusieurs usages ; elle peut servir premièrement à faire retourner dans la bouche les herbes qui y doivent être remâchées, et à composer les pelotons que l'on voit remonter le long du cou, aux bœufs, quand ils ruminent ; ce demi-canal avec ces rebords, étant comme une main ouverte qui prend les herbes, et qui en se renfermant les serre et les pousse en-haut. En second lieu cette conformation peut servir à faire descendre les herbes remâchées et les conduire dans le second ou dans le troisième ventricule. En troisième lieu, cette conformation peut être propre à conduire la boisson dans le deuxième et troisième ventricule.

La nourriture dissoute et digérée dans les ventricules que nous avons décrits, passe dans les intestins, qui achevent de la convertir en chyle. Les intestins ont pour cet effet plusieurs feuillets en-dedans et en-travers qui retiennent le chyle et le compriment à plusieurs reprises, en quoi concourt l'action du diaphragme et des muscles du bas-ventre.

La situation transversale des feuillets des intestins est fort propre à retenir le chyle, et le perfectionner, à le laisser passer insensiblement, et à l'empêcher de couler trop vite. Pour cela chaque feuillet n'occupe que les deux tiers de la rondeur, que forme la cavité de l'intestin, laissant l'autre tiers vide, et ce tiers ne laisse pas d'être comme formé par un autre feuillet, qui occupe aussi deux tiers de rondeur, parce qu'ils sont tous mis alternativement, suivant des espaces égaux ; d'ailleurs ces feuillets sont larges par leur milieu, en s'étrécissant vers la fin, de manière que le large d'un feuillet se rencontre au droit du vide de l'autre.

Dans quelques animaux il n'y a qu'un feuillet, conduit d'un bout de l'intestin à l'autre, en ligne spirale ; cette structure fait que le chyle est obligé de tenir un long chemin en tournant en rond, au-lieu de couler tout droit. Entre les poissons, le renard marin, le lièvre parmi les animaux terrestres, et l'autruche dans le genre des oiseaux, ont les intestins de cette forme. En d'autres animaux, il n'y a qu'une large membrane roulée comme un cornet de petit métier ; tel est l'intestin du poisson appelé morgast, qui est le galeus glaucus de Ray.

Le perroquet est un des oiseaux qui semble imiter la rumination, en ce qu'il fait remonter dans le haut de son gosier sur sa langue, ce qu'il a mangé, pour l'avaler une seconde fois ; mais le grillon-taupe, insecte des plus grands et des plus voraces, approche beaucoup des animaux ruminans par la structure de ses ventricules.

Trais physiciens ont traité expressément la matière de la rumination ; Aemilianus (Johannes), médecin de Ferrare est le premier. Son ouvrage intitulé naturalis de ruminantibus historia, Venet. 1584, in-4°. était le seul qu'on eut sur cette matière avant ceux de Perrault et Peyer.

Perrault (Claude), dans ses œuvres imprimées à Paris en 1680, a approfondi ce sujet et a donné de bonnes figures de la structure des ventricules et des intestins des animaux ruminans.

Peyerus (Joh. Conrad.), Myrecologia, sive de ruminantibus et ruminatione commentarius, Basileae 1685, in 4°. cum fig. Cet ouvrage qui laisse peu de choses à désirer, est un ample et savant commentaire sur les différentes espèces d'animaux ruminans, les causes, l'usage de cette action, et la description de toutes les parties qui y concourent ; enfin l'auteur y donne l'histoire de la rumination de quelques hommes, espèce de maladie qui procede du délabrement de l'estomac, et qui demande des remèdes particuliers, appropriés aux différentes causes du mal. (D.J.)