S. f. (Physiologie et Médecine) en grec , inflexion contre nature de l'épine du dos qui promine au-dehors.

Cette difformité du corps arrive lorsque l'épine se courbe, se jette ou latéralement, ou en-dedans ou en-dehors, ou en-dedans et en-dehors tout ensemble. Quand le déjettement se fait en-dehors, nous le nommons bosse ; quand il se fait en-dedans, c'est ce qu'on peut appeler enfoncement ; quand il se fait en-dehors et en-dedans tout ensemble, c'est tortuosité, et il a pour-lors la forme d'une S, soit directe, soit renversée.

La gibbosité est de naissance ou accidentelle ; de naissance, par quelque mouvement violent de l'enfant dans le ventre de sa mère ; ou accidentelle après sa naissance. Laissons sans autre examen la première espèce de gibbosité, puisqu'elle est incurable, et considérons la seconde, dans laquelle un enfant naturellement bien formé, peut ensuite par diverses causes devenir bossu en grandissant : ce cas arrive lorsqu'une partie des vertèbres du dos, et des ligaments qui réunissent ces vertèbres, ne pouvant croitre en proportion au reste du corps, forcent l'épine à se vouter. C'est donc du mécanisme général de l'épine, qu'on déduira sans peine toutes les différentes courbures contre nature dont cette colonne osseuse est susceptible. Voyez ÉPINE DU DOS.

L'indication du remède est de tâcher d'affoiblir la puissance courbante, en augmentant la compression sur la partie convexe de la courbure, et en la diminuant sur la partie concave. Pour y parvenir, on doit varier la méthode suivant la différence des cas, et les diverses causes du déjettement de l'épine.

Ces causes sont externes ou internes, et les premières plus fréquentes que les dernières. Les enfants sont plus sujets à devenir bossus que les adultes, ou plutôt c'est dans l'enfance que cette difformité commence presque toujours : la raison en est évidente ; il est difficîle que les of tendres, mous, cartilagineux, flexibles, ne viennent à se courber par des causes externes qui les auront offensés, comme par une mauvaise manière d'emmaillotement précédente, par des corps mal faits, par des chutes, par des coups violents, par de mauvaises attitudes répétées, et autres événements semblables.

Lorsque des nourrices portent sur leur bras des enfants au maillot, dont les jambes ne sont pas bien étendues ou bien placées, dont le corps n'est pas bien assujetti, il peut arriver que les of se courbent par leur flexibilité ; et si le corps de l'enfant penchant et s'inclinant d'un côté reste longtemps dans cet état, la colonne vertébrale en souffrira, pourra se déranger, et contracter une tendance à la courbure, qui croit insensiblement et se manifeste avec l'âge. Les chutes et les corps roides qui difforment la taille, produisent le même accident. Je dis enfin que la gibbosité peut arriver à l'occasion de certaines attitudes et habillements négligés.

M. Winslow, dans l'hist. de l'Académ. année 1740, cite l'exemple d'une jeune dame de grande taille, bien droite, qui avait pris l'habitude de s'habiller négligemment dans sa maison, dont elle sortait rarement, et d'être assise toute courbée, tantôt en-avant, tantôt de côté et d'autre ; bientôt elle eut de la peine à se tenir droite debout, comme elle faisait auparavant. Insensiblement l'épine du dos devint de plus en plus courbée latéralement en deux sens contraires, à-peu-près comme une S romaine.

La gibbosité reconnait aussi plusieurs causes internes, comme, 1°. lorsque les ligaments qui soutiennent les vertèbres du dos, sont devenus trop flasques et trop lâches ; 2°. dans toutes les maladies qui attaqueront les vertèbres, particulièrement la carie de ces os, et le rachitisme ; 3°. s'il se trouve une contraction contre nature dans les muscles du bas-ventre. Nous avons dans la chirurgie de Goucy une preuve singulière de la possibilité de la distorsion et de l'incurvation de l'épine du dos par ce dernier phénomène.

J'ai dit ci-devant que la methode curative de la gibbosité demandait à être variée suivant les diverses causes du déjettement de l'épine. J'ajoute à-présent que pour se flatter d'y réussir, on ne saurait s'y prendre de trop bonne heure. Comme les of et les vertèbres du dos acquièrent tous les jours de la solidité, et se confirment dans la figure et l'attitude qu'ils prennent ; si l'on n'apporte un prompt secours aux personnes menacées de la courbure de l'épine, il ne faut pas se promettre de succès.

Ceux qui entendent la physiologie de l'économie du corps humain, conçoivent sans peine que les bosses un peu invétérées sont absolument incurables ; ce n'est qu'en employant des moyens prompts et éclairés, qu'on parvient quelquefois à la guérison de cette difformité, ou du-moins à rendre ce défaut plus leger. Les vaines promesses que font les charlatants de redresser le déjettement enraciné de l'épine du dos, prouvent peut-être moins leur ignorance et leur témérité, que la crédulité des hommes, toujours dupes des fausses espérances qu'on leur donne, toujours plus enclins à se laisser séduire par des affronteurs, qu'à se tendre aux lumières des maîtres de l'art.

Dès qu'on voit des enfants ménacés de cette difformité par quelque cause externe, on ne négligera rien pour tenir leur épine droite, et la garantir de l'inflexion. On observera que le lit de l'enfant soit dur, sans oreiller et qu'il couche dans ce lit sur le dos, de manière que la tête et l'épine soient le plus qu'il sera possible en ligne droite ; on réitérera souvent une douce compression du dos ou du devant de la poitrine, pour disposer les vertèbres, les épaules, les côtes et le sternum à la flexion qu'on désire. On fera toujours asseoir l'enfant dans des sièges faits exprès pour tenir l'épine droite ; on lui donnera des corsets ou des corps mollets de baleine ou de carton faits artistement et qui puissent se retourner.

La dame dont nous avons parlé d'après M. Winslow, aurait peut-être prévenu l'augmentation de son infirmité, si de bonne-heure elle eut fait usage d'un corset particulier, et d'un dossier proportionné à son siège ordinaire.

On préférera dans d'autres occasions des bandages qui portent dans des endroits où la bosse promine. On pourra se servir d'un instrument en forme de croix, qui s'attache autour du ventre, s'applique sur le dos, maintient l'épine droite, ou la garantit d'une plus grande inflexion ; on en imaginera de semblables, suivant la taille, le caractère et le lieu de la courbure.

Il faut avoir soin en même temps de frotter fréquemment la partie qui se déjette, avec quelque liqueur spiritueuse, eau de la reine d'Hongrie, de mélisse, de lavande, spiritus matricalis, ou tout autre esprit corroboratif : on peut employer quelqu'emplâtre de la même nature ; celui de Vigo pour les nerfs, l'oxicroceum, et autres pareils. On n'omettra pas, dans certains cas, les exercices propres à fortifier les membres faibles ; et les remèdes internes, s'il s'agit de corriger, d'évacuer des humeurs peccantes et superflues.

Si la taille fait un creux, en sorte que l'épine du dos voute en-dedans, ce qui est le contraire de la gibbosité du dos, on engagera l'enfant à se courber, par quelque jeu qu'on imaginera ; en lui jetant, par exemple, sur le plancher, des cartes, de l'argent, des épingles, ou autres bagatelles qu'il se fasse un plaisir de ramasser ; la situation qu'il sera forcé de prendre pour en venir à bout portera insensiblement l'endroit de l'épine qui se courbe, à reprendre sa disposition droite.

Si l'épine tendait à se déjeter en manière d'S, on doit alors, en quelque sens que la tortuosité vienne à se manifester, recourir à des corsets rembourrés, de façon que les endroits rembourrés répondent aux petites excédences qui doivent être repoussées. A mesure que ces petites excédences diminueront, il faudra nécessairement grossir les rembourrures, y veiller avec attention, et renouveller ces corsets tous les deux ou trois mois.

Dans la gibbosité qui tire son origine de causes internes, il s'agit de diriger les remèdes aux diverses causes dont elle émane ; humeurs scrophuleuses, carie, rachitisme, etc.

Si la courbure de l'épine provenait par hasard du raccourcissement, de la contraction des muscles du bas-ventre, on pourrait tenter sur tout le devant du corps les oignements nervins émolliens, pour assouplir ces muscles. On connaitra que la courbure de l'épine procede de trop grand raccourcissement des muscles obliques et droits de l'abdomen, si le ventre se trouve toujours roide et tendu ; mais si cette contraction contre nature est un vice de naissance, le mal est incurable.

On voit ordinairement par les squeletes des bossus, la tournure singulière que prennent alors les of de l'épine du dos, des vertèbres lombaires et de la poitrine. L'auteur de la description du cabinet du Roi, tom. III. in-4°. présente aux yeux deux figures de squeletes de bossus, l'un d'une femme, et l'autre d'un homme, qui en sont des démonstrations.

Dans le squelete de la femme bossue, n°. 126. la plus grande tortuosité est dans la colonne vertébrale ; la portion qui compose les vertèbres des lombes et les dernières vertèbres du dos, est inclinée à droite : la dixième, la neuvième et la huitième vertèbre dorsale, forment une courbure qui retourne à gauche ; la septième, la sixième, la cinquième et la quatrième, suivent la même direction sur une ligne horizontale. Les trois premières vertèbres forment un contour opposé. Le point de la gibbosité était à l'endroit de la huitième, neuvième et dixième vertèbre du dos. On conçoit combien la poitrine était déformée par les sinuosités qu'avait l'épine. Le côté gauche du squelete est plus saillant que le droit, et l'épaule droite beaucoup plus élevée que la gauche. Enfin les vertèbres des lombes, en s'inclinant du côté droit, font baisser le bassin du même côté.

Dans le squelete de l'homme, n°. 127. les vertèbres des lombes sont renversées en-arrière, et un peu à gauche ; de sorte que la colonne qu'elles forment, au lieu d'être verticale, est presqu'horizontale au-dessus de l'os sacrum. Les trois dernières vertèbres du dos forment une autre sinuosité qui retourne à droite. Les quatre premières vertèbres du dos, avec celles du cou, reprennent la ligne verticale. L'endroit le plus saillant de la gibbosité était sur les dixième et onzième vertèbres du dos. L'extrémité postérieure des quatre dernières fausses-côtes contribuait aussi à former la bosse ; car les vertèbres sont tournées à droite dans cet endroit.

Palfin a remarqué dans les squeletes d'ensans dont les vertèbres étaient courbées pendant leur vie, que les corps de ces vertèbres, à l'endroit de leur courbure, étaient fort aplatis, et que les cartilages qui sont entre-deux, étaient fort minces. C'est ce qui s'est aussi trouvé dans le squelete qu'on vient de décrire, et c'est vraisemblablement ce qui se rencontre dans la plupart des squeletes de bossus.

J'ai vu, comme bien d'autres, dans le cabinet de Ruysch, huit vertèbres du dos attachées ensemble, qui étaient tellement courbées en-dedans, que la supérieure touchait l'inférieure : la gibbosité devait être prodigieuse.

Quelques personnes ont observé dans des sujets qui avaient longtemps vécu avec cette sorte d'incommodité, que plusieurs vertèbres étaient réunies en une seule masse osseuse, les cartilages se trouvant ossifiés dans les intervalles ; mais cette observation n'est point particulière aux squeletes des bossus morts âgés, elle est toujours l'effet de la vieillesse. Dans cette dernière saison, ligaments, cartilages, vaisseaux, tout s'ossifie, tout annonce le passage de la vie à la mort ; l'intervalle qui les sépare n'est qu'un point : accoutumons-nous à le penser. (D.J.)