S. f. (Pharmacie et Thérapeutique) absolument décidé tel par le bon usage, qui ne peut être que celui qui est consacré par les gens de l'art à qui cet objet appartient, c'est-à-dire, dans le cas présent par les médecins.

La thériaque est une des plus anciennes et des plus célèbres compositions de la pharmacie ; elle est dû. à Andromachus l'ancien ou le père, médecin célèbre, archiatre de l'empereur Néron. Galien prétend que la theriaque est un très-noble et très-ancien remède, que plusieurs médecins célèbres avaient travaillé à la perfectionner ; et qu'Andromachus y mit la dernière main, en y ajoutant les viperes. Mais il y a apparence que ç'a été une affaire plus simple que la production de cet antidote, c'est qu'Andromachus ne fit qu'imiter l'antidote de Mithridate, ou le mithridat. Voyez MITHRIDAT, dont la recette avait été apportée à Rome longtemps auparavant par Pompée.

Ce nouvel antidote fut appelé d'abord par son inventeur galené, c'est-à-dire, tranquille ; et il prit ensuite le nom de thériaque du mot grec , bête vénimeuse, tant parce qu'elle contenait une espèce de ces bêtes, savoir les viperes ; que parce qu'elle était regardée comme utîle contre les morsures des bêtes vénimeuses.

La composition de la thériaque a varié en divers temps, tant par le nombre et l'espèce de drogues, que par rapport au modus conficiendi. Les pharmaciens modernes se sont surtout appliqués à la reformer, depuis que la chimie éclairant la pharmacie a découvert les vices énormes de cette composition, qui ne put qu'être barbare dans sa naissance, comme l'art qui la produisait. Mais et les soins que se sont donnés ces réformateurs pour rectifier cette composition, et les prétentions de ceux qui ont cru qu'il n'était point permis de toucher à une composition si précieuse, annoncent également un respect aveugle et superstitieux pour la célebrité, assurément très-précaire de ce remède, qu'on peut justement appeler un monstre pharmaceutique. La meilleure réforme était donc assurément de chasser la thériaque des dispensaires et des boutiques ; car elle est certainement pire encore que le mithridat duquel Pline a écrit avec raison qu'il était manifestement dû à l'ostentation de l'art et à un monstrueux étalage de science : ostentatio artis, et portentosa scientiae, venditatio manifesta.

Mais le vice essentiel de la thériaque ne consiste pas seulement dans l'amas bizarre d'une foule de drogues de différentes vertus, stomachiques, cordiales, astringentes, narcotiques, purgatives, et même des poisons ; mais encore en ce que tout cela est réduit sous une forme peu propre à la conservation, à la durée, ou plutôt sous une forme destinée à faire subir à ce mélange une altération prévue et inévitable, de laquelle on attend des corrections et de nouvelles vertus ; en sorte que la perfection de la thériaque, quant à ses qualités médicamenteuses, doit dépendre de l'imperfection même de sa préparation.

On a beau dire que ce remède une fois formé par le mélange de tant de choses diverses, et même par l'altération dont nous venons de parler, produisant constamment un grand nombre d'effets utiles, peu importe qu'il ait été fait ou non, suivant les règles de l'art ; qu'il soit dû à la charlatanerie ou à l'ignorance, ou qu'il ait une origine plus honnête : car 1°. il faudrait sans-doute que la thériaque fût plus efficace dans les mêmes cas, que plusieurs remèdes beaucoup plus simples, et préparés selon les règles d'un art qui a des principes très-surs. 2°. Il faudrait au-moins encore que les vertus absolues attribuées à la thériaque fussent réelles quant au plus grand nombre : or assurement cela n'est point ; la prétendue vertu contre le venin lui est absolument refusée depuis que les médecins connaissent mieux la nature et les vrais remèdes des poisons ; on se souvient à peine de sa vertu fébrifuge ; elle possède la vertu calmante à un degré très-inférieur ; on ne s'en sert point pour les maladies de poitrine, pour les ulcères internes, pour l'hydropisie, la jaunisse, etc. toutes maladies contre lesquelles elle fut célebrée d'abord comme un spécifique ; on ne connaissait pas même les usages que Galien lui attribue pendant la santé ; enfin elle partage avec un très-grand nombre de remèdes, et ne possède qu'à un degré très-commun les vertus stomachique, cordiale, nervine, emménagogue, sudorifique, etc.

Cependant comme la thériaque est un remède si fameux, qu'on doit le faire connaître, ne fût-ce que pour satisfaire la curiosité du lecteur, en voici la description d'après Andromachus lui-même, et telle qu'elle est rapportée dans Galien, lib. de theriacâ ad Pisonem.

Pastillorum theriacorum drachmas viginti-quatuor. Pastillorum scilliticorum drachmas xlviij. piperis longi, succi papaveris, spinamenti hedychroi, singulorum drachmas xxiiij. rosarum siccarum, iridis illyricae, glycyrrhizae, seminis napi sylvestris, graeci buniada appelant, scordii, opobalsami, cinnamomi, agarici, singulorum drachmas XIIe myrrhae, costi, croci, casiae, nardi, schoeni, id est, junci odorati floris, thuris, piperis albi et nigri, dictamni, marrubii, rhei, stoechados, petroselini macedonici, calaminthae, terebinthinae, zingiberis, quinque folii radicis, singulorum drachmas VIe polii, chamaepithyos, styracis, amomi racemosi, meu, nardi Celticae, sigilli lemnii, phu pontici, chamaedryos creticae, foliorum malabathri, chalcitidis tostae, gentianh, anisi, hypocystidis succi, balsami fructus, gummi, foeniculi seminis, cardamomi, siseleos, succi acaciae, thlaspeos, hyperici, sagapeni, ammeos singulorum drachmas iiij. castorei, aristolochiae tenuis, dauci seminis, bituminis judaici, opopanacis, centaurii tenuis, galbani, singulorum drachmas duas, mellis libras decem, vini falerni quod satis est. (b)

Thériaque céleste, composition moderne bien plus parfaite que la thériaque ancienne, même la plus reformée ; et qui n'est composée que de corps chymiquement homogènes, la plupart séparés et purifiés par la chimie, tels qu'extraits, résines, huiles essentielles, etc. Nous ne donnerons point ici la description de ce remède, parce qu'il est presque inusité ; et qu'encore qu'on ne puisse lui refuser de posséder en un degré éminent les vertus ranimante, tonique, cordiale, stomachique, emménagogue, sudorifique, etc. et cela dans un volume concentré, rapproché, efficace, à petite dose, etc. que malgré ces avantages, dis-je, c'est un reproche très-grave que celui qu'on déduit de sa trop grande composition. Voyez COMPOSITION, Pharmac. Car il faut toujours en revenir au précepte : frustra (& au-moins frustra, si ce n'est pis) fit per plura quod potest fieri per pauciora.

Thériaque diatessaron, ou de quatre drogues de Mesue ; prenez racines de gentiane et d'aristoloche ronde, baies de laurier, et myrrhe choisie, de chacun deux onces, miel choisi écumé deux livres ; faites un électuaire, selon l'art. Il ne manque à celle-ci que l'opinion pour posséder les principales des vertus réelles de la grande thériaque. C'est un bon cordial, stomachique, anticolique, etc. qui a d'abord été ainsi simplifié pour les chevaux, en cela mieux traités que les hommes pour qui on réservait la grande thériaque. La dose pour les adultes peut être portée sans inconvénient jusqu'à demi-once.

Thériaque des Allemands ; c'est un des noms du rob ou extrait de genièvre. (b)