S. m. (Histoire naturelle et Médecine pratique) c'est le nom que les habitants du Brésil ont donné à un insecte assez semblable à la puce par la couleur et par la manière dont il saute, mais communément beaucoup plus petit, égalant à peine en grosseur un grain de sable. Jean Heurnius le père, pour exprimer sa petitesse, l'appelle une idée d'animal ; le Brésil n'est pas le seul pays où l'on en trouve, il est répandu dans presque toutes les îles d'Amérique ; et c'est avec raison que Lerins pense que c'est le même insecte qui est connu dans les îles espagnoles sous le nom de nigua. (Histoire du Brésil, chap. ij.) Les tons habitent ordinairement les terrains sablonneux, et surtout ceux qui sont plantés en canne à sucre, et de-là s'élancent sur les passants, attaquent principalement ceux qui ont les pieds nuds, se nichent dans la peau et entre les ongles, et y excitent une maladie que les naturels du pays appellent aussi ton. Les François ont donné à ces insectes le nom de chiques ; c'est sous ce nom que M. de Rochefort les décrit et détaille les effets de leur piquure dans son histoire naturelle et morale des îles Antilles. Voyez CHIQUES. Pour le completer, nous ajouterons ici quelques particularités sur l'espèce d'affection qui suit l'entrée de ces animaux dans la peau, et sur les remèdes que l'expérience a consacrés comme plus efficaces.

Les pieds ne sont pas les seules parties du corps qu'ils attaquent ; souvent ils se glissent entre les ongles des doigts de la main ; et Lerins assure avoir Ve aux aisselles et dans d'autres parties molles des marques de leur invasion ; deux jours après que cet insecte a pénétré la peau, le malade y ressent une démangeaison qui dans quelques heures devient si insupportable, qu'il ne peut s'empêcher de se gratter continuellement et avec force, ce qui vraisemblablement contribue à accélerer la formation d'une petite pustule livide ; elle est accompagnée d'une tumeur de la grosseur de la tête d'une épingle, qui bientôt augmente avec des douleurs très-vives jusqu'à celle d'un pois ; on aperçoit alors l'insecte au milieu de la tumeur, qui s'étend quelquefois tout-à-l'entour. Si dans ces entrefaites on n'apporte pas au mal un remède efficace, la tumeur se termine par la gangrene qui fait des progrès plus ou moins rapides ; l'insecte multiplie prodigieusement, et se répand par ce moyen dans les diverses parties du corps où il occasionne les mêmes symptômes ; on a Ve des personnes qui faute de secours avaient perdu totalement l'usage des pieds et des mains. Thomas Vander Guychten, dont Otho Heurnius donne l'histoire, qu'on trouve dans le quatrième volume de la Bibliothèque de Médecine pratique de Manget, liv. XVII. p. 643 et suiv. fut obligé par la maladresse des chirurgiens qui le traitaient, de se faire couper un ou deux doigts du pied qui étaient entièrement gangrenés ; et ce ne fut que par les soins longtemps continués de Heurnius, célèbre médecin, que les progrès de la gangrene furent arrêtés, et que ce malade obtint une guérison complete.

Le secours le plus approprié et dont l'effet est le plus prompt, est, suivant tous les Historiens, l'extraction du ton. Cette opération est très-douloureuse, mais en même temps immanquable ; les Brésiliens et les Nègres la font avec une adresse singulière et un succès constant, dès qu'ils s'aperçoivent par la tumeur de l'entrée de l'insecte. On tire dans le pays une huîle rouge, épaisse, d'un fruit qu'on appelle couroy, qui passe aussi pour très-propre à guérir cette maladie ; on l'applique en forme de baume sur les parties où l'insecte est entré ; on vante encore beaucoup l'efficacité des feuilles du tabac, surtout imbibées de suc de citron très-acide ; mais quels que soient les effets de ces différents remèdes, il est beaucoup plus prudent de ne pas se mettre dans le cas de les éprouver, et il ne faut que peu d'attention pour y parvenir ; on n'a qu'à ne jamais marcher pieds nuds, porter des bas et des gants de peau, se laver souvent et observer en un mot une très-grande propreté. M. de Rochefort conseille aussi dans la même vue d'arroser les appartements qu'on occupe, avec de l'eau salée.

TON, (Prose et Poésie) couleurs, nuances du style, langage qui appartient à chaque ouvrage.

Il y a 1°. le ton du genre : c'est par exemple, du comique ou du tragique ; 2°. le ton du sujet dans le genre : le sujet peut être comique plus ou moins ; 3°. le ton des parties ; chaque partie du sujet a outre le ton général, son ton particulier : une scène est plus fière et plus vigoureuse qu'une autre : celle-ci est plus molle, plus douce : 4°. le ton de chaque pensée, de chaque idée : toutes les parties, quelque petites qu'elles soient, ont un caractère de propriété qu'il faut leur donner, et c'est ce qui fait le poète ; sans cela, cur ego poèta salutor. On bat souvent des mains, quand dans une comédie on voit un vers tragique, ou un lyrique dans une tragédie. C'est un beau vers, mais il n'est point où il devrait être.

Il est vrai que la comédie élève quelquefois le ton, et que la tragédie l'abaisse ; mais il faut observer que quelque essor que prenne la comédie, elle ne devient jamais héroïque. On n'en verra point d'exemple dans Moliere. Il y a toujours quelque nuance du genre qui l'empêche d'être tragique. De même quand la tragédie s'abaisse, elle ne descend pas jusqu'au comique. Qu'on lise la belle scène où Phèdre parait désolée, le style est rompu, abattu, si j'ose m'exprimer ainsi ; c'est toujours une reine qui gémit.

Ce que nous venons de dire du ton en poésie, s'applique également à la prose. Il y a chez elle le ton simple ou familier, le ton médiocre et le ton soutenu, selon le genre de l'ouvrage, le sujet dans le genre et les parties du sujet. Enfin le ton ou le langage d'un conte, d'une lettre, d'une histoire, d'une oraison funèbre, doivent être bien différents. Voyez STYLE. (D.J.)

TON, (Art oratoire) inflexion de voix : on a parlé des différentes qualités du ton dans la prononciation et la déclamation, aux mots PRONONCIATION et DECLAMATION. (D.J.)

TON, s. m. (Mus.) Ce mot a plusieurs sens en Mus. 1°. Il se prend d'abord pour un intervalle qui caractérise le système et le genre diatonique. Voyez INTERVALLE. Il y a deux sortes de tons ; savoir le ton majeur dont le rapport est de 8 à 9, et qui résulte de la différence de la quarte à la quinte ; et le ton mineur dont le rapport est de 9 à 10, et qui est la différence de la tierce mineure à la quarte. La génération du ton majeur et celle du ton mineur se trouve également à la seconde quinte ré en commençant par ut ; car la quantité dont ce ré surpasse l'octave du premier ut, est justement dans le rapport de 8 à 9, et celle dont ce même ré est surpassé par le mi tierce majeure de cette octave, est dans le rapport de 9 à 10.

2°. On appelle ton, le degré d'élévation que prennent les voix, ou sur lequel sont montés les instruments pour exécuter de la musique. C'est en ce sens qu'on dit dans un concert que le ton est trop haut ou trop bas. Dans les églises, il y a le ton du chœur pour le plein-chant ; il y a, pour la musique, ton de chapelle et ton d'opéra ; ce dernier n'a rien de fixe, mais est ordinairement plus bas que l'autre qui se règle sur l'orgue.

3°. On fait encore porter le même nom de ton à un instrument qui sert à donner le ton de l'accord à tout un orchestre : cet instrument, que quelques-uns appellent aussi choriste, est un sifflet, qui, au moyen d'une manière de piston gradué, par lequel on allonge ou raccourcit le tuyau à volonté, vous représente toujours à-peu-près le même son sous la même division. Mais cet à-peu-près qui dépend des variations de l'air, empêche qu'on ne puisse s'assurer d'un ton fixe qui soit toujours le même. Peut-être, depuis que le monde existe, n'a-t-on jamais concerté deux fois exactement sur le même ton. M. Diderot a donné les moyens de perfectionner le ton ; c'est-à-dire, d'avoir un son fixe avec beaucoup plus de précision, en remédiant aux effets des variations de l'air. Voyez SON FIXE.

4°. Enfin, ton se prend pour le son de la note, ou corde principale qui sert de fondement à une pièce de musique, et sur lequel on dirige l'harmonie, la mélodie et la modulation sur les tons des anciens. Voyez MODE.

Comme notre système moderne est composé de douze cordes ou sons différents, chacun de ces sons peut servir de fondement à un ton, et ce son fondamental s'appelle tonique. Ce sont donc déjà douze tons ; et comme le mode majeur et le mode mineur sont applicables à chaque ton, ce sont vingt-quatre modes dont notre musique est susceptible. Voyez MODE.

Ces tons diffèrent entr'eux par les divers degrés d'élévation du grave à l'aigu qu'occupent leurs toniques. Ils diffèrent encore par les diverses altérations produites dans chaque ton par le tempérament ; de sorte que sur un clavessin bien accordé, une oreille exercée reconnait sans peine un ton quelconque dont on lui fait entendre la modulation, et ces tons se reconnaissent également sur des clavessins accordés plus haut ou plus bas les uns que les autres ; ce qui montre que cette connaissance vient du-moins autant des diverses modifications que chaque ton reçoit de l'accord total, que du degré d'élévation que sa tonique occupe dans le clavier.

De-là nait une source de variétés et de beautés dans la modulation. De-là nait une diversité et une énergie admirable dans l'expression. De-là nait, en un mot, la faculté d'exciter des sentiments différents avec des accords semblables frappés en différents tons. Faut-il du grave, du majestueux ? l'f ut fa, et les tons majeurs par bémol l'exprimeront noblement. Veut-on animer l'auditeur par une musique gaie et brillante, prenez a-mi la majeur, d-la ré, en un mot, les tons majeurs par dièse. C-sol ut mineur porte la tendresse dans l'âme, f-ut fa mineur Ve jusqu'au lugubre et au désespoir. En un mot, chaque ton, chaque mode a son expression propre qu'il faut savoir connaître ; et c'est-là un des moyens qui rendent un habîle compositeur, maître en quelque manière des affections de ceux qui l'écoutent ; c'est une espèce d'équivalent aux modes anciens, quoique fort éloigné de leur énergie et de leur variété.

C'est pourtant de cette agréable diversité que M. Rameau voudrait priver la musique, en ramenant, autant qu'il est en lui, une égalité et une monotonie entière dans l'harmonie de chaque mode, par sa règle du tempérament, règle déjà si souvent proposée et abandonnée avant lui. Selon cet auteur, toute l'harmonie en serait plus parfaite : il est certain cependant qu'on ne peut rien gagner d'un côté, par sa méthode, qu'on ne perde tout autant de l'autre. Et quand on supposerait que la pureté de l'harmonie y profiterait de quelque chose, ce que nous sommes bien éloignés de croire, cela nous dédommagerait-il de ce qu'elle nous ferait perdre du côté de l'expression ? Voyez TEMPERAMENT. (S)

TONS DE L'EGLISE, (Musique) ce sont des manières déterminées de moduler le plein-chant sur divers sons fondamentaux, et selon certaines règles admises dans toutes les églises où l'on pratique le chant grégorien.

On compte ordinairement huit tons réguliers, dont il y en a quatre authentiques et quatre plagaux. On appelle tons authentiques, ceux où la finale occupe à-peu-près le plus bas degré du chant ; mais si le chant descend jusqu'à trois degrés plus bas que la finale, c'est-à-dire, jusqu'à ce qu'on appelle en Musique la dominante ; alors le ton est plagal : on voit qu'il n'y a pas grand mystère à ces mots scientifiques.

Les quatre tons authentiques ont leur finale à un degré l'un de l'autre, selon l'ordre des quatre notes ré, mi, fa, sol ; ainsi le premier ton de ces tons répondant au mode dorien des Grecs, le second répond au phrygien, le troisième à l'éolien, et non pas au lydien, comme a dit M l'abbé Brossard, et le dernier au mixo-lydien. C'est S. Miroclet, évêque de Milan, ou selon l'opinion la plus reçue, S. Ambraise qui vers l'an 370, choisit ces quatre tons pour en composer le chant de l'église de Milan, et c'est à ce qu'on croit le choix et l'approbation de ces deux grands hommes qui ont fait donner à ces quatre tons le nom d'authentiques.

Comme les sons employés dans ces quatre tons n'occupaient pas tout le disdiapason ou les quinze cordes de l'ancien système, S. Grégoire forma le projet de les employer toutes par l'addition des quatre nouveaux tons qu'on appelle plagaux, qui ont les mêmes finales que les précédents, et qui reviennent proprement à l'hypodorien, à l'hypophrygien, à l'hypoéolien et à l'hypomixolydien ; d'autres attribuent à Guy d'Arezzo l'invention de ce dernier.

C'est de-là que ces quatre tons authentiques ont chacun un ton plagal pour leur servir de collatéral ou supplément ; de sorte qu'après le premier ton qui est authentique, vient le second qui est son plagal, le troisième authentique, le quatrième plagal, et ainsi de suite. Ce qui fait que ces modes ou tons authentiques s'appellent aussi impairs et les plagaux pairs, eu égard à leur ordre dans la série des tons.

La connaissance du ton authentique ou plagal est essentielle pour celui qui donne le ton du chœur ; car s'il a à entonner dans un ton plagal, il doit prendre la finale à-peu-près dans le medium de la voix ; mais si le ton est authentique, la même finale doit être prise dans le bas. Faute de cette observation, on exposerait les voix à se forcer, ou à n'être pas entendues.

Quelquefois on fait dans un même ton des transpositions à la quinte ; ainsi au-lieu de ré dans le premier ton, on aura pour finale le si pour le mi, l'ut pour le fa, et ainsi de suite ; mais si l'ordre de ces sons ne change pas, le ton ne change pas non plus, et ces transpositions ne se font que pour la commodité des voix : ce sont encore des observations à faire par l'organiste ou le chantre qui donne le ton.

Pour approprier autant qu'il est possible, l'intonation de tous ces tons à l'étendue d'une seule voix, les Organistes ont cherché les tons de la musique les plus propres à correspondre à ceux-là. Voici ceux qu'ils ont établis : on aurait pu les réduire encore à une moindre étendue, en mettant à l'unisson la plus haute corde de chaque ton, ou si l'on veut, celle qu'on rebat le plus, et qu'on appelle dominante, en terme de plein-chant. Mais on n'a pas trouvé que l'étendue de tous ces tons ainsi réglés excédait celle de la voix humaine ; ainsi on n'a pas jugé à-propos de diminuer encore cette étendue par des transpositions qui se seraient trouvées à la fin plus difficiles et moins harmonieuses que celles qui sont en usage.

Au reste, les tons de l'église ne sont point asservis aux lois des tons de la Musique ; il n'y est point question de médiante ni de note sensible, et on y laisse les semi- tons où ils se trouvent dans l'ordre naturel de l'échelle, pourvu seulement qu'ils ne produisent ni tri- tons ni fausse-quintes sur la tonique. (S)

TON, (Lutherie) instrument dont les Musiciens se servent pour trouver et donner le ton sur lequel on doit exécuter une pièce de musique ; c'est une espèce de flute à bec représentée, Planche de Lutherie, figure 27. 8. laquelle n'a point de trous pour poser les doigts, mais seulement une ouverture E par laquelle on souffle, et une autre ouverture D qui est la lumière et par où le son de l'instrument sort ; on fait entrer par le trou de la patte C une espèce de piston A B C ; la partie A B de ce piston sert de poignée pour la pouvoir tenir et enfoncer à volonté : la tige B C est graduée par de petites marques ou lignes c d e f g, a b c qui répondent aux notes de la musique ; en sorte que si on enfonce le piston jusqu'à une de ces marques, par exemple, jusqu'à 9 qui répond à sol, l'instrument rendra alors un son qui sera la quinte du premier son qu'il rend, lorsque la première marque c ou c sol ut est à l'extrémité du corps D C de l'instrument. La formation du son dans le ton se rapporte à celle du son dans les tuyaux bouchés de l'orgue. Voyez l'article BOURDON DE 16 PIES et les figures.

TON, (Marine) c'est la partie du mât qui est comprise entre les barres de hune et le chouquet, et où s'assemblent par en-haut le bout du tenon du mât inférieur avec le mât supérieur, et cela par le moyen du chouquet ; et par en-bas, le pied du mât supérieur avec le tenon du mât inférieur, par le moyen d'une cheville de fer appelée clé.

TON, (Peinture) nom qui convient en peinture à toutes sortes de couleurs et à toutes sortes de teintes, soit qu'elles soient claires, brunes, vives, etc. Voyez TEINTE. On dit tons clairs, tons bruns, tons vifs ; ces couleurs ne sont pas de même ton.

Ce terme a néanmoins une acception particulière lorsqu'on y joint l'épithète de beau, de bon. Alors il signifie que les objets sont bien caractérisés par la couleur, relativement à leur position, et que de la composition de leurs tons résulte une harmonie satisfaisante. Vilains, mauvais tons, signifient que de leur assemblage résulte le contraire.

TON, s. m. (Rubanerie) c'est une grosse noix percée de plusieurs trous dans sa rondeur, et traversée de deux cordes qui tiennent de part et d'autre au métier, elle sert à bander ces deux cordes par une cheville ou bandoir qu'on enfonce dans un de ces trous, et qui mène la noix à discrétion. (D.J.)