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Catégorie parente: Physique particulière
Catégorie : Chimie
S. m. (Histoire naturelle, Minéralogie et Chimie) en latin succinum, ambra citrina, karabe chryselectrum, smatternium, etc. c'est une substance résineuse, dure mais cassante, qui s'enflamme en répandant une odeur agréable ; elle est d'un jaune plus ou moins foncé ; il y en a d'opaque et de transparente : on la trouve en masses plus ou moins grosses.

Cette substance est la même que celle qu'on appelle ambre jaune ; elle a été décrite dans le premier volume de ce Dictionnaire sous ce nom ; cependant on a cru devoir suppléer ici à ce qui peut manquer à cet article, afin de présenter aux lecteurs quelques observations sur cette substance, qui parait avoir été méconnue de la plupart des naturalistes.

Le succin se trouve par couches suivies en plusieurs endroits de la terre, et surtout dans le royaume de Prusse, sur les bords de la mer Baltique. Aux endroits où il se rencontre on voit d'abord à la surface de la terre une couche de sable, il vient ensuite une couche de glaise qui couvre une couche de bois résineux, presque entièrement pourri et réduit en terre, mais qui a encore la propriété de s'enflammer. Au-dessous de ce bois se trouve une couche de terre alumineuse et vitriolique ; enfin on rencontre une nouvelle couche de sable, dans laquelle le succin est répandu par masses détachées, et en morceaux plus ou moins gros. M. Hellwing, qui a eu occasion d'observer par lui - même la situation de cette substance dans le sein de la terre, remarque dans son ouvrage qui a pour titre Lithographia angerbrugica, que l'on trouve toujours du bois bitumineux, de la terre bitumineuse noire, et du gravier, dans le voisinage du succin, et que l'on y rencontre aussi du vitriol et du soufre ; d'où il conclud, avec beaucoup de raison, que c'est un bois fossîle et bitumineux qui doit être regardé comme la source d'où est venu le succin, qui se tire du sein de la terre, et que l'on nomme succin fossile, pour le distinguer de celui qui se tire de la mer ; cependant cette distinction est mal fondée, Ve que le succin qui se pêche avec des filets dans la mer, et que pour cette raison l'on nomme succinum haustile, est précisément de la même nature que celui qui se tire de la terre. En effet, il ne se trouve dans la mer que parce que ses eaux poussées par les vents ont été frapper avec violence les côtes, ont miné le terrain, et en ont arraché des masses de succin qu'elles ont entrainées plus loin dans la mer. Ce qui prouve cette vérité, c'est qu'on ne trouve le succin en grande abondance dans la mer qu'à la suite des fortes tempêtes, et surtout de celles qui ont porté les flots avec violence contre les côtes qui contiennent des couches de cette substance : ainsi c'est une erreur de croire que le succin ait été produit dans le lit de la mer, ses eaux ne font que la détacher, et souvent on en trouve des morceaux qu'elles ont rejeté sur les bords.

En 1731, on découvrit une mine de succin en Saxe, dans le voisinage de Pretsch. Le terrain où l'on fit cette découverte est assez uni, quoique l'on y rencontre quelques butes ou inégalités ; il est composé d'un sable rougeâtre, mêlé de cailloux et de galets. Le sable rougeâtre peut avoir environ deux taises d'épaisseur, et couvre une couche de terre noire, qui est elle-même composée de deux bancs ; le premier est un limon mêlé de sable et de parties talqueuses ; en la portant sur la langue, on lui trouve un goût de vitriol, et en en jetant sur le feu il en part une fumée épaisse, et une odeur de bitume. Le second banc est une glaise grise, dans laquelle on trouve des morceaux de bois et des racines ; elle est aussi vitriolique, mais moins que le banc précédent. Le succin se trouvait à la partie supérieure du banc noir, qui renfermait aussi une substance semblable à du jais, et à qui, pour cette raison, on donnait mal-à-propos le nom de succin noir, dont elle diffère considérablement ; ce banc contenait aussi différentes espèces de bois bitumineux. Au-dessous de ces deux bancs était une glaise verdâtre qui ne contenait rien de particulier.

Suivant le rapport de plusieurs auteurs, le terrain qui renferme ce succin de Saxe a souvent brulé, et s'est embrasé, soit de lui-même, soit par différents accidents ; on assure que pendant les grandes chaleurs de l'été, on s'aperçoit en ce lieu d'une odeur très-agréable.

Tout ce qui vient d'être rapporté prouve que le succin est une vraie résine, qui tire son origine du règne végétal, et qui vient des arbres résineux, qui par quelque inondation ; ou quelque révolution du globe ont été ensevelis dans le sein de la terre ; origine qui lui est commune avec le charbon de terre, le jais, et tous les bitumes. La différence que l'analyse chymique fait trouver entre le succin et les résines ordinaires, ne parait venir que du séjour qu'il a fait dans le sein de la terre, où les exhalaisons minérales, sulfureuses et vitrioliques peuvent lui avoir donné des qualités que n'a point une résine purement végétale, et qui n'a point été enfouie en terre pendant plusieurs siècles. C'est à ces mêmes vapeurs que le succin parait être redevable de sa dureté ; car on ne peut douter que cette substance résineuse n'ait été molle et fluide dans son origine, comme toutes les résines que nous connaissons ; ce qui prouve cette vérité, c'est que les morceaux de succin que l'on trouve dans le sable, sont remplis de petits trous qui y ont été formés par les grains de gravier, lorsque cette matière était encore molle ; ces petits trous, ou ces inégalités ne se trouvent point sur les morceaux de succin que l'on tire de la mer, parce qu'ils ont été roulés, et pour ainsi dire, polis par le mouvement des eaux. Ce qui démontre encore plus la fluidité primitive du succin, ce sont les insectes, les mouches, les araignées, etc. qui s'y trouvent renfermés, et comme embaumés ; nous voyons tous les jours que la même chose arrive aux insectes qui s'attachent aux arbres d'où il découle de la gomme ou de la résine.

Concluons de tous ces faits que le succin est une véritable résine, qui a découlé des bois résineux et bitumineux qui se trouvent dans la couche qui est au-dessus ; cette résine s'est filtrée au-travers de la couche alumineuse ou vitriolique d'où sa partie la plus pure a passé dans la couche du sable, où l'on trouve actuellement le succin ; qui par la suite des temps, soit par une évaporation lente, soit par le concours des exhalaisons de la terre, a acquis une consistance dure qu'il n'avait point originairement.

On demandera peut-être quel est l'arbre qui a produit cette résine ? Il y a tout lieu de croire que cet arbre est étranger à ce climat où l'on trouve aujourd'hui le succin. Ce sera peut-être dans les Indes ou dans quelque pays lointain qu'il faudra chercher une résine végétale analogue. Cela ne paraitra point absurde, pour peu que l'on fasse attention que les bois et les plantes, dont on trouve les empreintes dans les pierres feuilletées qui accompagnent nos mines de charbon de terre, sont entièrement étrangères à nos climats ; c'est une observation que M. de Jussieu a faite dans les mines de charbon de terre de S. Chaumont en Lyonnais, où il a trouvé le fruit de l'arbre triste, qui croit actuellement dans le Malabar. D'ailleurs plusieurs naturalistes qui ne se bornent point à observer les choses superficiellement, ont remarqué que les insectes qui sont renfermés dans le succin, diffèrent de ceux de nos climats, et ont leurs analogues vivants dans des pays éloignés. Ainsi pour rendre raison des événements qui ont enterré les arbres d'où est provenu le succin, il faut recourir aux révolutions générales du globe qui ont bouleversé sa surface, et changé la position de ses parties. Voyez les articles FOSSILES, TERRE (révolutions de la), etc. Ces insectes sont des mouches, des vermisseaux, des papillons, des chenilles, etc. Quelques auteurs ont été jusqu'à dire qu'il y avait des morceaux de succin où l'on trouvait des grenouilles, des viperes, des lézards, mais il parait constant que c'est l'art qui les a produits ; en effet, quelques personnes ont eu le secret de fondre le succin sans lui ôter sa transparence, qui même devient par-là plus grande.

On a encore des morceaux de succin qui renferment du bois, des feuilles d'arbres, de la mousse, etc. On sent aisément que plusieurs de ces morceaux peuvent être factices, et que ceux qui ont le secret de ramollir le succin, peuvent aussi y introduire tout ce qui leur plait.

On prétend que Stenon et Kerckring ont eu le secret de réunir ensemble plusieurs petits morceaux de succin pour en faire un gros. Glauber faisait pour cet effet dissoudre le succin dans de l'esprit-de-vin, que l'on enlève ensuite par la distillation, mais la masse qui reste est molle. On assure qu'en faisant bouillir le succin dans de l'huîle de raves, il se durcit et perd sa couleur, ce qui peut venir de l'alkali volatil contenu dans cette huile.

Quelques artistes ont aussi le secret d'introduire dans le succin toutes les couleurs qui leur plaisent, et de contrefaire par-là les pierres précieuses.

Dans le royaume de Prusse la pêche du succin appartient au roi seul, qui l'afferme à des particuliers. On trouve encore du succin dans plusieurs autres parties de l'Europe : en 1738 on en a découvert une couche abondante en Ukraine à peu de distance de Kiow ; il était, ainsi que celui de Prusse, dans du sable. On en a trouvé en France, près de Saissons, dans les fouilles qui ont été faites par le canal de Picardie. On en a aussi trouvé en Sicile, et dans quelques endroits de l'Asie mineure.

Le succin varie pour la couleur ; il y en a d'un jaune de citron, d'un jaune d'or, d'orangé, de rouge, de blanc, de bleuâtre. Quelques auteurs font mention d'un succin noir, mais il parait qu'ils ont voulu désigner par - là du jais.

Le succin faisait autrefois une branche de commerce assez considérable ; c'était un objet de luxe ; aujourd'hui le prix en est beaucoup diminué, cependant les morceaux les plus gros, ne laissent pas de se vendre assez cher.

La composition du succin n'a pas moins occupé les chimistes que son origine. Les amateurs de l'histoire naturelle, Pott, Neumann, M. Bourdelin, sont ceux qui paraissent l'avoir examiné avec le plus de succès. Nous allons rapporter leurs travaux tels qu'ils se trouvent décrits dans une dissertation de M. Stockar de Neuforn, imprimée à Leyde en 1760, sous le titre de specimen chemico medicum inaugurale de succino in genere, et speciatim de succino fossili Wisholzensi, dans laquelle cet auteur a ajouté plusieurs expériences neuves, et apprécié de la manière la plus lumineuse celles des savants chimistes que nous venons de nommer.

L'eau ne produit aucun changement dans le succin. Lorsqu'on l'expose long - temps à son action, elle contracte à la vérité une légère odeur, et se charge d'un peu de matière mucilagineuse, et de quelque vestige de sel marin ; mais on doit attribuer plutôt ces produits aux ordures qui adhèrent à sa surface, qu'à la décomposition de sa substance.

Si l'on verse de l'esprit-de-vin rectifié sur du succin réduit en poudre très-subtile, et qu'on les fasse digerer ensemble, on obtient une teinture rouge, qu'on peut préparer plus promptement, si, comme Boèrhaave le prescrit, on empâte le succin reduit en poudre avec un alkali résout, qu'on desseche la masse, qu'on la laisse tomber en déliquium pour la dessecher de nouveau, ce qu'on répète trois ou quatre fois ; ou, comme le prescrit M. Neuenhan, dans les mélanges d'observations, publiés à Léipsic en 1755, qu'on broie le succin avec de la potasse et du sucre, et qu'on le mette à digerer ensuite dans l'esprit-de-vin ; mais quoique l'on fasse, il n'y a jamais qu'une très-petite portion du succin qui se dissout, le résidu est mollasse, et on a beau y remettre de nouvel esprit-de-vin, on n'obtient plus rien.

Si l'on verse de l'eau sur ces teintures de succin, elles deviennent laiteuses, et le succin s'en sépare sous la forme d'une poudre blanche, si atténuée, qu'elle passe par le filtre avec l'esprit-de-vin ; mais elle se précipite bientôt au fond. La teinture de succin a un goût très-agréable, et l'odeur du succin ; on sent en même temps qu'il s'en dégage une poudre qui adhere à la langue, et qui parait être entièrement insipide.

Si l'on distille cette teinture de succin, on a un esprit-de-vin qui conserve le goût et l'odeur du succin ; mais duquel l'eau ne dégage plus rien : il reste au fond du vaisseau un peu d'une matière d'un rouge foncé, molle et tenace. Cet esprit-de vin ainsi chargé de l'esprit recteur du succin pourrait être d'une grande utilité pour la médecine : il est plus que vraisemblable qu'il a toutes les vertus qu'on a reconnues dans la teinture du succin, puisque le succin doit nécessairement s'en dégager dans l'estomac, où il ne trouve plus aucun menstrue capable de le dissoudre ; du moins on pourrait se flatter d'augmenter la vertu de la teinture du succin, si on employait pour la faire de l'esprit-de-vin qu'on aurait retiré de dessus le succin.

Les sels, soit acides, soit alkalis, n'agissent point sur le succin, il faut en excepter le seul acide vitriolique qui le dissout entier et en assez peu de temps : cette dissolution est claire et limpide, mais si aisée à déranger, que les acides, les alkalis, l'esprit-de-vin, l'huîle de térébenthine, l'eau, etc. la décomposent ; il s'en dégage une poudre grise très-fine, qui n'a plus l'odeur agréable du succin, mais plutôt celle de la poix.

Le sucre dissous dans l'eau, ni le plomb fondu, n'opèrent aucun changement dans ce bitume ; il se ramollit un peu dans la cire et dans le soufre fondus ; mais il reprend sa première dureté si-tôt qu'il est refroidi, il change seulement de couleur.

Hoffman ayant renfermé du succin avec le double de son poids d'huîle d'amandes dans la machine de Papin, le trouva réduit au bout d'une heure en une masse gélatineuse, transparente, au-dessus de laquelle nageait un peu d'huile. M. Stockar dit avoir mis du succin de différentes couleurs dans des vaisseaux de verre cylindriques, et avoir versé par-dessus des huiles de raves, de pavot, d'amandes, d'olives, de noix, de laurier par décoction, de romarin, de casse, puis du succin, du baume de copahu et de térébenthine ; il boucha bien ses vaisseaux et les mit en digestion au bain de sable ; au bout de huit jours il trouva que le succin qu'il avait mis dans le baume de copahu et de térébenthine s'était dissout en une liqueur d'un rouge foncé, laquelle étant réfroidie, forma une masse solide, fragile, de la même couleur. La dissolution faite dans l'huîle de raves, était d'un beau jaune ; l'huîle de pavot en donna une d'un rouge jaunâtre ; l'huîle d'olive d'un beau rouge ; celle de noix était d'un rouge plus foncé ; il s'était déposé au fond une matière mucilagineuse blanche ; la dissolution dans l'huîle de laurier était d'un rouge pourpre ; elle avait cela de singulier, que quoique cette huîle ait ordinairement la consistance d'un beurre, la dissolution qu'elle avait faite du succin resta liquide. La dissolution dans l'huîle de lin était de couleur d'or ; celle dans l'huîle d'amandes était d'un beau jaune ; l'huîle de succin ne l'attaqua pas non plus que celles de romarin et de cajeput. M. Stockard conjecture que cela vient de ce que ces huiles s'évaporent. On peut accélerer ces dissolutions, en les faisant dans des vaisseaux fermés.

Nous ajouterons à ces observations de M. Stockard, qu'on peut les faire en un quart-d'heure, en faisant fondre le succin réduit en poudre grossière dans de la térébenthine qu'on tient à cet effet sur le feu, et en y versant de l'huîle de lin cuite toute bouillante. C'est ainsi que M. Rouelle prépare le vernis dont il se sert pour faire son lut gras.

Toutes ces dissolutions se mêlent parfaitement avec l'huîle de térébenthine, et on peut faire par ce moyen de très-beau vernis ; tel est celui qu'on emploie pour les tabatières qui se fabriquent aux invalides. Elles ne se mêlent pas de même avec l'esprit-de-vin ; mais elles se dissolvent entièrement aussi-bien que les vernis qu'on en prépare dans l'huîle de vitriol qui leur donne une couleur rouge foncée, les autres acides ne sauraient les attaquer.

Le succin détonne avec le nitre, et lorsqu'on en a employé une quantité suffisante, c'est-à-dire dans la proportion de trois à quatre, on ne retrouve qu'un alkali pur ; au lieu que lorsqu'on suit la proportion indiquée par M. Bourdelin, de deux à quatre ; on retrouve encore du nitre entier qui n'a pas été décomposé ; calciné avec l'alun, il fait le pyrophore de Homberg. Ce pyrophore est jaune en-dedans comme en-dehors ; pour le bien faire, il faut commencer par dessécher l'alun, ensuite on le mêle avec le succin sans les calciner séparément, comme on fait quand on emploie la farine, et on les calcine ensemble jusqu'à ce qu'il ne s'en exhale plus de vapeur ; le reste du procédé se fait à l'ordinaire.

Si l'on expose le succin dans une cornue à l'action du feu, on obtient à un degré de chaleur assez léger du phlegme qui vient d'abord sans couleur, et qui peu-à-peu en prend une laiteuse, il passe en même temps quelques vestiges d'une huîle très - limpide qui est d'abord mêlée au phlegme ; mais il s'en sépare par le repos : en haussant le feu, la retorte et le récipient se remplissent de vapeurs blanches très-épaisses, on voit couler une huîle pure, et il s'attache au col de la retorte quelques aiguilles salines qui augmentent peu-à-peu au point de boucher presqu'entièrement ce col. Lorsque tout ce sel est passé, le succin se fond, il vient en même temps une huîle qui se colore et s'épaissit de plus en plus, au point que sur la fin elle adhere au col de la retorte comme de la poix fondue. Lorsque tout est passé, il reste dans la cornue un charbon très-spongieux qui fait à peine un douzième du succin employé. Quant à la proportion des autres produits, elle varie selon que le succin est plus ou moins pur ; cependant on peut l'évaluer à-peu-près à un huitième de phlegme, trois quarts d'huile, un vingt-quatrième de sel et un douzième de terre.

Passons maintenant à l'examen de ces différents produits. Le premier phlegme qui passe est une eau pure, celui qui le suit est chargé d'un peu d'huîle qui s'en sépare par le repos, et d'une petite quantité de sel qui se manifeste avec le syrop de violette qu'il rougit, et avec les alkalis avec lesquels il fait effervescence ; on y trouve encore un esprit recteur que l'esprit-de-vin peut lui enlever ; cet esprit recteur n'est pas le même que celui que le succin entier donne à l'esprit-de-vin ; puisqu'il n'a pas la même odeur, et que si on le rectifie, il devient puant. En distillant de l'esprit-de-vin sur ce phlegme de succin, on remarque un phénomène que nous ne devons pas passer sous silence ; l'huîle qui est contenu dans ce phlegme monte avec l'esprit-de-vin, mais elle s'en sépare sur le champ, et tombe au fond du récipient.

Après le phlegme, vient comme nous l'avons dit, le sel concret. Les premiers chimistes qui l'ont connu, tels que Maurice Hoffman et Glaser l'ont mis au rang des alkalis volatils déterminés par sa volatilité ; mais il y a longtemps que Barchusen et Boulduc ont démontré qu'il est acide. Les chimistes sont peu d'accord sur la nature de cet acide ; Neumann, Sendelius, Fréderic Hoffman, etc. l'ont rangé parmi les sels vitrioliques. M. Bourdelin veut qu'il soit de la nature du sel marin ; le lecteur jugera par l'exposé que nous allons faire de ses propriétés, si ces prétentions sont fondées ; mais il faut auparavant que nous indiquions le moyen de l'avoir le plus pur qu'il est possible.

On a proposé différentes méthodes pour purifier ce sel, mais sans entrer dans des détails inutiles, nous dirons que la voie la plus sure de l'avoir le moins chargé d'huîle qu'il est possible ; c'est de le détacher du col de la retorte avec de l'eau bouillante, avant que l'huîle épaisse ait commencé à passer ; car lorsqu'il en est une fois sali, il est très-difficîle de l'en dépouiller ; on fera ensuite évaporer cette eau, et on la mettra crystalliser ; s'il n'est pas assez pur, on le dissoudra de nouveau et on le fera crystalliser une seconde fais. Ce sel ainsi purifié, crystallisé en prismes triangulaires dont les pointes sont tronquées, il est d'un goût manifestement acide et un peu astringent.

Il se dissout très-difficilement dans l'eau froide, puisqu'il en faut vingt-quatre parties pour dissoudre une partie de ce sel, au lieu qu'il ne faut que deux parties d'eau bouillante ; mais à mesure que cette eau se refroidit la plus grande partie du sel se dépose, il en reste néanmoins en dissolution plus que l'eau froide n'en aurait pu dissoudre.

L'esprit-de-vin ne le dissout, que lorsqu'il est aidé de la chaleur.

Exposé à un degré de chaleur un peu supérieur à celui de l'eau bouillante, il se liquefie et s'envole sous la forme d'une vapeur blanche, épaisse, qui incommode les poumons.

Il fait effervescence avec les alkalis, soit fixes, soit volatils, avec les terres absorbantes et calcaires, et les dissout : il rougit le syrop de violette, soit qu'on l'emploie en forme concrete, soit qu'on prenne sa dissolution ou même le phlegme de succin. Il ne fait point effervescence et il n'en exhale aucune vapeur lorsqu'on verse dessus de l'huîle de vitriol. Quelque chose qu'on fasse, il n'est pas possible de l'avoir sous forme fluide comme les autres acides.

Si on sature une dissolution de sel de succin avec un alkali fixe bien pur ; qu'après avoir fixé la liqueur, on l'évapore à un léger degré de chaleur, on obtient des crystaux transparents qui ont la même figure que ceux du sel de succin. Ce nouveau sel a une saveur qui lui est particulière, il se dissout aisément dans l'eau froide, en quoi il diffère essentiellement du tartre vitriolé. Il décrépite lorsqu'on le jette sur les charbons ardents ; il y reste fixe et sans se décomposer : les acides versés sur ce sel neutre n'y produisent aucun changement ; il ne change point l'eau forte en eau régale, il ne précipite pas l'argent dissous dans l'eau-forte ; il précipite à la vérité le vinaigre de saturne en une chaux blanche, mais il n'est pas possible de convertir cette chaux blanche en plomb corné.

Cette même dissolution de sel de succin saturée d'alkali volatil forme un sel ammoniacal, qu'on purifie en le sublimant dans des vaisseaux fermés. Ce sel est parfaitement neutre, il a un goût amer, et imprime un léger sentiment de froid sur la langue ; si on l'expose dans une cuillere d'argent sur des charbons allumés, il se liquefie et s'envole sous la forme d'une vapeur blanche.

Le sel de succin jeté sur du nitre en fusion détonne plus ou moins vivement, selon qu'il est plus ou moins chargé d'huile, il se dissipe avec l'acide du nitre, et il ne reste qu'un alkali fixe pur.

Si on le calcine avec parties égales d'alkali fixe bien pur et bien dépouillé de tout tartre vitriolé, il ne forme point un hepar sulphuris comme il aurait dû faire, s'il eut été de nature vitriolique, et il ne reste qu'un alkali fixe pur.

Le sel de succin distillé avec les acides du vinaigre, du sel, du nitre, du vitriol, se sublime sous sa première forme ; ces acides ne lui enlèvent que son huîle étrangère. Il faut un certain degré de chaleur pour que ces acides puissent le dissoudre, il n'y a que l'acide vitriolique qui le dissout à froid. De quelque manière qu'on l'unisse à l'acide nitreux, il ne lui donne pas la propriété de dissoudre l'or, preuve évidente qu'il n'est pas de la nature de l'acide du sel marin.

Dissous avec parties égales de ce sel et distillé, il passe pur et dépouillé de son huile.

Si l'on mêle exactement ensemble parties égales de ce sel de succin et de fleurs de sel ammoniac et qu'on les distille, on obtient d'abord un peu d'une liqueur acide de couleur jaune, qui a toutes les propriétés de l'esprit de sel. Si l'on pousse le feu, ce qui reste de sel au fond de la cornue se sublime, de façon cependant qu'ils restent séparés et distincts ; le sel de succin occupant la partie supérieure du col de la retorte, et le sel ammoniac l'inférieure ; au sel de succin est unie la petite portion d'alkali volatil qui a perdu son acide du sel marin ; il reste au fond du vaisseau un peu de charbon noir. M. Stockar à qui nous devons cette expérience dit, qu'en ajoutant toujours de nouveau sel de succin aux mêmes fleurs de sel ammoniac, il était parvenu à les décomposer presqu'entièrement.

La craie se dissout très-aisément dans la solution de sel de succin ; et lorsqu'on a attrapé le point de saturation, ce sel perd son goût acide pour en prendre un amer. Si l'on filtre la dissolution et qu'on l'évapore, elle crystallise beaucoup plutôt que le sel de succin pur. Les crystaux qu'on obtient, conservent leur figure tant qu'ils sont sous l'eau : mais dès qu'on les a desséchés, ils tombent en poussière et prennent une couleur grise. Ce sel ne s'humecte point à l'air, et n'est soluble que dans l'eau chaude. Les acides n'en font exhaler aucune vapeur. Les alkalis fixes et volatils et l'acide vitriolique dégagent la craie de ce composé, les autres acides n'y opèrent aucun changement. Le sel de succin ne précipite la craie que lorsqu'elle est unie à l'acide végétal ; il n'a aucune action sur les dissolutions de cette terre dans les acides minéraux.

Le sel de succin, combiné de cette façon avec la craie, perd toute sa volatilité. L'acide du vinaigre le plus concentré distillé sur ce sel, ne peut pas en dégager le sel de succin. Le vinaigre passe pur, et la combinaison de sel de succin et de craie reste au fond de la cornue. La même chose arrive lorsqu'on distille ce sel avec l'acide du sel marin. Il n'en est pas de même, si au lieu de l'acide du sel on emploie une solution de sel armoniac : car alors le sel de succin quitte la craie pour s'unir à l'alkali volatil, et l'acide du sel marin s'unit à la craie.

Si l'on traite de la même manière ce sel cretacée de succin avec l'acide nitreux, on obtient d'abord cet acide pur ; mais lorsqu'il s'est concentré jusqu'à un certain point, il détonne avec la partie huileuse du sel de succin, et brise tout l'appareil.

Si l'on distille l'acide vitriolique sur ce même sel, il le décompose, l'acide vitriolique s'unit à la craie, et le sel de succin passe pur.

Le sel de succin dissous dans l'eau, dissout le cuivre, le fer, l'étain et le zinc ; il attaque plus difficilement le plomb et le bismuth ; il ne touche pas à l'argent, au mercure, à la platine ni au régule d'antimoine. Ces dissolutions présentent quelques phénomènes particuliers : par exemple, l'acide vitriolique dégage le cuivre uni à ce sel, et n'en dégage pas le fer ; l'étain se précipite de lui-même au fond de la dissolution, et il n'en reste rien dans la liqueur. Le plomb ne parait que rongé à la surface, sans que la liqueur qui le surnage en paraisse rien contenir. L'alkali volatil versé sur la dissolution du zinc lui donne une petite couleur rouge. Alors l'alkali fixe ne peut plus la précipiter ; au-lieu qu'il la précipite sous la forme d'une poudre blanche, lorsqu'on le verse le premier.

Nous avons déjà dit que le sel de succin ne dégageait point l'argent ni le mercure dissous dans l'eau-forte ; il ne dégage pas non plus le plomb de l'eau-forte ni de l'esprit de sel ; mais il le dégage de l'acide du vinaigre, la poudre qu'on obtient par ce moyen, ne peut pas se changer en plomb corné.

Ces expériences sont plus que suffisantes pour démontrer que le sel de succin n'est pas un sel vitriolique, comme l'ont prétendu Neumann, Sendelius, etc. puisqu'il ne forme pas de soufre avec la poudre de charbon, ni un acide de la nature de l'acide du sel marin, puisqu'il ne convertit pas l'eau-forte en eau régale, qu'il ne dégage pas l'argent ni le mercure dissous dans cette même eau forte, et qu'il ne fait pas de plomb corné. Est-on plus fondé à le regarder comme une espèce de sel végétal ? M. Pott serait assez de ce sentiment, ce serait aussi le nôtre ; car quant à ce que M. Stockard objecte qu'il ne fait pas de tartre tartarisé avec l'alkali fixe, et qu'il chasse l'acide du vinaigre, de la craie et du plomb auxquels il était uni, on pourrait lui répondre, que ce sel n'étant pas un acide pur, puisqu'il a une forme concrete, peut avoir quelques qualités particulières qu'il doit aux matières hétérogènes qui lui sont unies ; cela est si vrai que la crême de tartre et le vinaigre, quoiqu'ils soient un même acide végétal, forment des sels neutres différents avec l'alkali fixe et les terres absorbantes, et que l'acide du vinaigre et même le suc de citron, décomposent les différentes combinaisons de la crême de tartre avec les alkalis, les terres, et même les substances métalliques. D'ailleurs on trouve dans le règne végétal un sel concret acide qui parait avoir la plus grande analogie avec le sel de succin, je veux parler des fleurs de benjoin.

Les Chimistes paraissent s'être bien moins occupés de développer la nature de l'huîle de succin que celle de son sel : à-peine trouve-t-on quelques expériences sur cette substance ; on a cependant travaillé à l'avoir aussi pure qu'il est possible, ce qu'on a obtenu par des rectifications répétées. Ces rectifications se font, ou sans addition, ou en y ajoutant différents intermèdes : de ces intermèdes il n'y a que l'eau, l'esprit de vin ou l'acide du sel marin qu'on puisse employer avec sûreté : les autres, ou décomposent l'huîle de succin, ou en retiennent une grande partie.

Cette huîle ainsi rectifiée est très-limpide, d'une odeur forte ; elle est insoluble dans l'esprit auquel on l'unit cependant par le moyen de différents intermèdes, tels que le savon, le blanc de baleine, etc. et c'est le procédé que l'on suit ordinairement pour faire l'eau de luce. Elle se dissout aisément dans l'huîle de vitriol, l'esprit de térébenthine, les huiles et les baumes des végétaux. Il n'a pas été possible à M. Stockard de l'unir à l'alkali fixe, quoiqu'il les ait tenu en digestion pendant très-long temps.

Le résidu qu'on trouve dans la cornue est plus ou moins abondant, selon que le succin qu'on a employé est plus ou moins pur. C'est une terre unie au phlogistique : celui-ci y tient si fort, que la calcination la plus long - temps continuée ne saurait l'en dégager, et qu'il détonne encore avec le nitre. On trouve dans cette terre quelques vestiges de fer que l'aimant en sépare, et quelquefois un peu de sel marin, surtout lorsqu'on a employé du succin puisé dans la mer.

Il nous reste à parler de l'emploi que l'on fait en médecine de cette substance et de ses différents produits, comme sa teinture, son huîle et son sel essentiel. On fait entrer le succin préparé, c'est-à-dire réduit en poudre très-subtîle dans les différentes compositions antispasmodiques et nervines ; on l'emploie même seul pour arrêter les gonorrhées et les hémorrhagies. Sa teinture, par sa vertu antispasmodique et nervine, convient dans les maladies hipocondriaques et hystériques, et quelquefois dans les maladies convulsives, surtout dans les personnes d'un tempérament lâche et humide.

Le sel de succin bien purifié et rangé parmi les remèdes céphaliques, détersifs, balsamiques, antiseptiques et antispasmodiques. Il agit par la voie des urines ; et joint à petite dose aux diaphorétiques et aux purgatifs, il en augmente la vertu ; combiné avec l'esprit volatil de corne de cerf, il forme un sel qu'on conserve en liqueur sous le nom de liqueur de corne de cerf succinée, qu'on emploie avec le plus grand succès à la suite des remèdes apéritifs pour redonner aux parties le ton qu'elles ont perdu.

L'huîle de succin est âcre, balsamique, vulnéraire, diaphorétique, emménagogue et antispasmodique ; on l'emploie avec succès dans les vieux ulcères et dans les maladies de convulsions.

Usages médicinaux du succin. L'huîle du succin blanche, et celle qu'on retire de l'huîle noire par la rectification, sont regardées comme spécifiques contre les affections spasmodiques, et principalement contre la passion hystérique. Elles sont très - recommandées encore contre les maladies du système nerveux et du cerveau, telles que la paralysie, l'apoplexie, etc. On l'ordonne communément par gouttes, et la dose la plus haute n'excède guère sept à huit gouttes. Il n'y a point d'inconvénients à augmenter considérablement cette dose, à donner cette huîle à un demi-gros, et même à un gros et davantage, si on l'unit à un jaune-d'œuf ou à du sucre en poudre. Voyez oleo-saccharum. Outre l'usage intérieur dont nous venons de parler, on l'emploie encore extérieurement contre les mêmes maladies, on en frotte les tempes, le dessous du nez, la nuque, l'épine du dos, dans les maladies nerveuses et convulsives, dans l'apoplexie, la paralysie, etc.

Dans les paroxismes des vapeurs hystériques, on en applique sous les narines, on en fait flairer un flacon, et on en fait encore un usage fort singulier et vraisemblablement fort inutile, qui est d'en frotter le pubis et la vulve, et même d'introduire dans le vagin des pessaires qui en soient imbibés.

L'esprit et le sel de succin, sont comptés parmi les apéritifs diurétiques les plus efficaces : on croit que la matière huileuse dont ce sel est empreint, le rend très-propre à déterger et à consolider les ulcères de la vessie et de l'uretre. Cet esprit et ce sel sont encore recommandés contre les maladies des obstructions et en particulier contre la jaunisse : on le vante aussi pour le traitement du scorbut ; la dose commune de l'esprit est d'environ demi-gros jusqu'à un gros, dans une liqueur appropriée. Or en supposant l'esprit de succin comme une liqueur saline à-peu-près saturée, la dose de sel concret correspondante à un gros de liqueur, sera d'environ cinq grains : car une partie de sel de succin demande environ quatorze parties d'eau pour être dissoute ; d'où l'on peut conclure que cette dose vulgaire d'esprit de succin, pourrait être très-considérablement augmentée : car certainement le sel de succin ne saurait être regardé comme un remède actif. Au reste le sel et l'esprit de succin sont des drogues fort peu employées.

L'usage pharmaceutique le plus ordinaire de l'esprit de succin, c'est d'être employé à la préparation de la liqueur de corne de cerf succinée, qui se fait en mêlant jusqu'au point de saturation de l'esprit de succin et de l'esprit volatil de corne de cerf, ce qui constitue une liqueur saline ou lessive d'un sel ammoniacal fort gras, et que plusieurs auteurs recommandent singulièrement comme un excellent remède, dans les maladies convulsives, principalement dans l'asthme, et dans les maladies d'obstructions, dans lesquelles il parait en effet que ce remède doit très-bien faire, et qu'il devrait par conséquent être plus usité parmi nous dans ces cas.

Le succin en substance ou en poudre est aussi employé à titre de remède ; mais il parait peu propre à passer dans les secondes voies et à opérer un effet réel. La teinture qu'on en tire par l'esprit-de-vin, a un peu plus d'efficacité : d'abord parce que l'esprit-de-vin lui-même, qu'on y emploie, a une vertu médicamenteuse reconnue contre les maladies auxquelles on emploie cette teinture, et qui sont les mêmes pour lesquelles on recommande l'huîle de succin ; secondement, par l'état de dissolution, ou au moins de très-grande division, dans lequel le succin contenu dans cette teinture peut parvenir à l'orifice des vaisseaux lactés, quand même cette teinture serait précipitée par les liqueurs digestives : au reste cette teinture de succin est très-peu chargée ; l'esprit-de-vin ne dissout le succin qu'avec peine, qu'en petite quantité, et peut-être que fort incomplete ment. M. Baron dit dans ses notes sur Lemeri, que l'huîle aromatique du succin, est la seule partie de ce bitume dont l'esprit-de-vin puisse se charger. Si cette proposition au-lieu d'être purement gratuite, était tant-sait-peu prouvée, il faudrait dire positivement que l'esprit-de-vin ne dissout le succin qu'incomplete ment, au-lieu de dire que cela est peut-être ainsi.

Quoiqu'il en sait, pour faire une bonne teinture de succin, une teinture bien chargée, vraiment empreinte de la vertu médicamenteuse du succin, il faut avoir recours à l'intermède de l'alkali fixe, qui est capable non-seulement de disposer le succin à être plus facilement attaqué par l'esprit-de-vin, mais même qui peut contracter avec ce bitume, une espèce d'union sous forme de savon, qui le rend très-propre à se distribuer parfaitement dans le système vasculeux, à se mêler à la masse des humeurs : l'alkali fixe opère l'un et l'autre effet dans la teinture de succin d'Hoffman, dont voici la description.

Teinture de succin d'Hoffman ; essentia succini praestantissima, décrite dans les observations physico-chimiques de cet auteur, liv. I. obs. 17. Prenez du sel de tartre et du succin choisi et réduit en poudre très-fine, parties égales ; faites-les digerer dans un vaisseau convenable, avec suffisante quantité d'esprit-de-vin, pour s'élever de quatre doigts au-dessus de la matière ; distillez ensuite en un alambic de verre, vous obtiendrez un esprit bien empreint de l'huîle subtîle et aromatique de succin, qui sera par-là bien plus propre que l'esprit-de-vin ordinaire, à préparer la teinture suivante.

Prenez du succin transparent en poudre, broyez le sur le porphyre, en versant dessus peu-à-peu une suffisante quantité d'huîle de tartre par défaillance, pour le réduire en consistance de bouillie, que vous sécherez doucement : alors mettez ce mélange dans un vaisseau convenable, versez dessus suffisante quantité d'esprit-de-vin, bouchez convenablement le vaisseau, et digerez à une chaleur douce : on obtient par ce moyen une liqueur très - recommandable par son efficacité, son gout, et son odeur. Il est remarquable, dit Hoffman, que lorsqu'on la verse dans de l'eau, elle n'est point précipitée comme les dissolutions ordinaires des substances huileuses et résineuses dans l'esprit-de-vin ; ce qui ne prouve pas seulement que le succin est parfaitement divisé et atténué dans cette teinture, selon l'explication de M. Baron, note sur la chimie de Lemeri, chap. teinture de karabé, (car la division même radicale, celle que suppose la dissolution chimique, n'empêche point les huiles et les résines d'être précipitées du sein de l'esprit-de-vin, par l'eau : car le succin le plus divisé et le plus atténué, n'est point soluble dans l'eau) ; mais ce qui prouve que l'alkali fixe a contracté une union réelle avec le succin, ou quelque principe huileux du succin, et a formé par-là un savon qui est soluble par l'eau, aussi-bien que par l'esprit-de-vin. Cette idée est non-seulement établie par le phénomène même, mais encore par une expérience du même Hoffman, rapportée dans le même ouvrage, liv. II. obs. 23. savoir que le succin se dissout presque tout entier dans une dissolution alkaline.

Hoffman recommande son essence de succin, prise à la dose de quelques gouttes avec du sucre, du syrop d'oeillet, ou du syrop de limon, le matin, pour fortifier l'estomac, la tête, et le système nerveux, avalant par-dessus quelques tasses de caffé ou de chocolat, à la manière allemande. L'auteur dit qu'on peut le prendre encore pendant le repas, dans un vin de liqueur : il ajoute que c'est encore un bon remède pour faire couler les règles, pour arrêter les fleurs, et pour guérir les affections rhumatismales.

Syrop de karabé. On trouve sous ce nom, dans la plupart des dispensaires modernes, un syrop narcotique, dans la composition duquel entre le succin, ou quelques-uns de ces principes à titre de correctifs de l'opium ; ce qui est, pour l'observer en passant, une vue assez vaine, tant absolument, ou en soi, qu'en particulier : c'est-à-dire, en se promettant cet effet du succin, ou de ces principes. Voici ce syrop, d'après la pharmacopée de Paris : prenez opium pur, coupé par morceaux, deux scrupules ; faites-le fondre dans un vaisseau de terre, sur un feu moderé, dans douze onces d'eau commune ; passez la solution avec forte expression ; clarifiez et cuisez en consistance de syrop épais, avec une livre de sucre blanc ; lorsque le syrop sera refroidi, mêlez-y exactement deux scrupules d'esprit de succin, gardez ce syrop dans un vaisseau exactement fermé : la dose de ce syrop, correspondant à un grain d'opium, est d'environ demi once : le succin entier, son huîle et son sel, entrent dans un grand nombre de compositions officinales, tant externes qu'internes ; le succin entier, par exemple, dans la poudre antispasmodique de la pharmacopée de Paris ; dans le baume de Fioraventi ; l'huîle et le sel dans la thériaque céleste ; l'huîle seule dans les pilules hystériques, l'essence antihystérique, le baume hystérique, le baume acoustique, &c.

L'eau de luce n'est autre chose que de l'huîle essentielle de succin, mêlée avec de l'esprit volatil de sel ammoniac. Pour faire ce mélange, on triture avec grand soin dans un mortier, de l'huîle essentielle de succin, avec du blanc de baleine (sperma ceti). On met ce mélange en digestion avec de l'esprit-de-vin, qui par-là se charge de l'huîle de succin : on verse quelques gouttes de cet esprit-de-vin dans de l'esprit volatil de sel ammoniac tiré par la chaux, ce qui lui donne une couleur laiteuse ou blanchâtre. C'est ce mélange qui est connu sous le nom d'eau-de-luce ; qui est un remède souverain contre la morsure des serpens et des viperes, lorsqu'on en prend à plusieurs reprises dix gouttes dans un verre d'eau, ce qui produit une transpiration très-abondante. Il y a lieu de croire que ce remède aurait un effet très-heureux, si on l'employait contre la rage. Article de M. ROUX, docteur en Médecine.