S. f. (Médecine) , morbus, c'est en général l'état de l'animal vivant, qui ne jouit pas de la santé ; c'est la vie physique dans un état d'imperfection.

Mais pour déterminer avec plus de précision la signification de ce terme, qui d'ailleurs est mieux entendu ou mieux senti de tout le monde qu'il n'est aisé d'en donner une définition bien claire et bien exacte, il convient d'établir ce que c'est que la vie, ce que c'est que la santé.

Quiconque parait être en santé, est censé posséder toutes les conditions requises pour jouir actuellement, non-seulement de la vie, mais encore de l'état de vie dans la perfection plus ou moins complete , dont elle est susceptible.

Mais comme la vie, par elle-même, consiste essentiellement dans l'exercice continuel des fonctions particulières, sans lesquelles l'animal serait dans un état de mort décidé ; il suffit donc que l'exercice de ses fonctions subsiste, ou du moins qu'il ne soit suspendu que de manière à pouvoir encore être rétabli pour qu'on puisse dire que la vie existe : toutes les autres fonctions peuvent cesser ou être suspendues, ou être abolies sans qu'elle cesse.

Ainsi la vie est proprement cette disposition de l'économie animale, dans laquelle subsiste le mouvement des organes nécessaires pour la circulation du sang et pour la respiration, ou même seulement le mouvement du cœur, quelque imparfaitement qu'il se fasse.

La mort est la cessation entière et constante de ce mouvement, par conséquent de toutes les fonctions du corps animal ; la santé ou la vie saine qui est l'état absolument opposé, consiste donc dans la disposition de toutes ses parties, telle qu'elle soit propre à l'exécution de toutes les fonctions dont il est susceptible, relativement à toutes ses facultés et à l'âge, au sexe, au tempérament de l'individu : en sorte que toutes ces fonctions soient actuellement en exercice, les unes ou les autres, selon les différents besoins de l'économie animale ; non toutes ensemble, ce qui serait un désordre dans cette économie, parce qu'elle exige à l'égard de la plupart d'entr'elles, la succession d'exercice des unes par rapport aux autres ; mais il suffit qu'il y ait faculté toujours subsistante, par laquelle elles puissent, lorsqu'il est nécessaire, être mises en action sans aucun empêchement considérable. Voyez VIE, SANTE, MORT.

La maladie peut être regardée comme un état moyen entre la vie et la mort : dans le premier de ces deux états, il y a toujours quelqu'une des fonctions qui subsiste, quelque imparfait que puisse en être l'exercice ; au-moins la principale des fonctions auxquelles est attachée la vie, ce qui distingue toujours l'état de maladie de l'état de mort, tant que cet exercice est sensible ou qu'il reste susceptible de le devenir.

Mais comme celui de toutes les différentes fonctions ne se fait pas sans empêchement dans la maladie ; qu'il est plus ou moins considérablement altéré par excès ou par défaut, et qu'il cesse même de pouvoir se faire à l'égard de quelqu'une ou de plusieurs ensemble, c'est ce qui distingue l'état de maladie de celui de santé.

On peut, par conséquent, définir la maladie une disposition vicieuse, un empêchement du corps ou de quelqu'un de ses organes, qui cause une lésion plus ou moins sensible, dans l'exercice d'une ou de plusieurs fonctions de la vie saine, ou même qui en fait cesser absolument quelqu'une, toutes même, excepté le mouvement du cœur.

Comme le corps humain n'est sujet à la maladie que parce qu'il est susceptible de plusieurs changements qui altèrent l'état de santé ; quelques auteurs ont défini la maladie, un changement de l'état naturel en un état contre nature : mais cette définition n'est, à proprement parler, qu'une explication du nom, et ne rend point raison de ce en quoi consiste ce changement, d'autant que l'on ne peut en avoir une idée distincte, que l'on ne soit d'accord sur ce que l'on entend par le terme de nature et contre nature, sur la signification desquels on convient très-peu, parmi les Médecins : ainsi cette définition est tout au-moins obscure, et n'établit aucune idée distincte de la maladie.

Il en est ainsi de plusieurs définitions rapportées par les anciens, telles que celle de Galien ; savoir, que la maladie est une affection, une disposition, une constitution contre nature. On ne tire pas plus de lumières de quelques autres proposées par des modernes ; telles sont celles qui présentent la maladie, comme un effort, une tendance vers la mort, un concours de symptômes ; tandis qu'il est bien reconnu qu'il y a des maladies salutaires, et que l'expérience apprend qu'un seul symptôme peut faire une maladie. Voyez MORT, SYMPTOME, NATURE.

La définition que donne Sydenham n'est pas non plus sans défaut ; elle consiste à établir que la maladie est un effort salutaire de la nature, un mouvement extraordinaire qu'elle opère pour emporter les obstacles qui se forment à l'exercice des fonctions, pour séparer, pour porter hors du corps ce qui nuit à l'économie animale.

Cette idée de la maladie peche d'abord par la mention qu'elle fait de la nature sur laquelle on n'est pas encore bien convenu : ensuite elle suppose toujours un excès de mouvement dans l'état de maladie, tandis qu'il dépend souvent d'un défaut de mouvement, d'une diminution ou cessation d'action dans les parties affectées : ainsi la définition ne renferme pas tout ce qui en doit faire l'objet. D'ailleurs, en admettant que les efforts extraordinaires de la nature constituent la maladie, on ne peut pas toujours les regarder comme salutaires, puisqu'ils sont souvent plus nuisibles par eux-mêmes que la cause morbifique qu'ils attaquent ; que souvent même ils sont cause de la mort ou du changement d'une maladie en une autre, qui est d'une nature plus funeste. Ainsi la définition de Sydenham ne peut convenir qu'à certaines circonstances que l'on observe dans la plupart des maladies, surtout dans celles qui sont aiguës ; telles sont la coction, la crise. Voyez EFFORT, COCTION, CRISE, EXSPECTATION.

Le célèbre Hoffman, après avoir établi de bonnes raisons pour rejeter les définitions de la maladie les plus connues, se détermine à en donner une très-détaillée, qu'il croit, comme cela se pratique, préférable à toute autre. Selon lui, la maladie doit être regardée comme un changement considérable, un trouble sensible dans la proportion et l'ordre des mouvements qui doivent se faire dans les parties solides et fluides du corps humain, lorsqu'ils sont trop accélérés ou retardés dans quelques-unes de ses parties ou dans toutes ; ce qui est suivi d'une lésion importante, dans les sécrétions, dans les excrétions, et dans les autres fonctions qui composent l'économie animale ; en sorte que ce désordre tende ou à opérer une guérison, ou à causer la mort, ou à établir la disposition à une maladie différente et souvent plus pernicieuse à l'économie animale.

Mais cette définition est plutôt une exposition raisonnée de ce en quoi consiste la maladie, de ses causes et de ses effets qu'une idée simple de sa nature, qui doit être présentée en peu de mots. Mais cette exposition parait très-conforme à la physique du corps humain, et n'a rien de contraire à ce qui vient d'être ci-devant établi, que toute lésion de fonction considérable et plus ou moins constante, présente l'idée de la maladie, qui la distingue suffisamment de ce que l'on doit entendre par affection, qui n'est qu'une indisposition légère de peu de durée ou peu importante, que les Grecs appellent , passio. Telle est une petite douleur instantanée, ou que l'on supporte sans en être presque incommodé ; une déjection de la nature de la diarrhée, mais qui ne se répéte pas souvent et qui est sans conséquence, une verrue, une tache sur la peau, une égratignure ou toute autre plaie peu considérable, qui ne cause aucune lésion essentielle de fonction. On peut éprouver souvent de pareilles indispositions sans être jamais malade.

L'homme ne jouit cependant jamais d'une santé parfaite, à cause des différentes choses dont il a besoin de faire usage, ou qui l'affectent inévitablement, comme les aliments, l'air et ses différentes influences, etc. mais il n'est pas aussi disposé qu'on pourrait se l'imaginer à ce qui peut causer des troubles dans l'économie animale, qui tendent à rompre l'équilibre nécessaire entre les solides et les fluides du corps humain, à augmenter ou à diminuer essentiellement l'irritabilité et la sensibilité, qui, dans la proportion convenable, déterminent et règlent l'action, le jeu de tous les organes, puisqu'il est des gens qui passent leur vie sans aucune maladie proprement dite. Voyez EQUILIBRE, IRRITABILITE, SENSIBILITE, SANTE, PHYSIOLOGIE.

Ainsi, connaître la nature de la maladie, c'est savoir qu'il existe un défaut dans l'exercice des fonctions, et quel est l'empêchement présent, ou quelles sont les conditions qui manquent ; d'où s'ensuit que telle ou telle fonction ne peut pas avoir lieu convenablement. Par conséquent, pour avoir une connaissance suffisante de ce qu'il y a de défectueux dans la fonction lésée, il faut connaître parfaitement toutes les fonctions dont l'exercice peut se faire dans quelque partie que ce soit et les conditions requises pour cet exercice. Il faut donc aussi avoir une connaissance parfaite, autant que les sens le comportent, de la structure des parties qui sont les instruments des fonctions quelconques. Car, comme dit Boerhaave (comm. in instit. med. pathol. §. 698.), il faut, par exemple, le concours et l'intégrité de mille conditions physiques pour que la vision se fasse bien, que toutes les fonctions de l'oeil puissent s'exercer convenablement, ayez une connaissance parfaite de toutes ces conditions, par conséquent de la disposition qui les établit, et vous saurez parfaitement en quoi consiste la fonction de la vision et toutes ses circonstances. Mais si de ces mille conditions il en manque une seule, vous comprendrez d'abord que cette fonction ne peut plus se faire entièrement, et qu'il y a un défaut par rapport à cette millième partie lésée, pendant que les autres 999 conditions physiques connues, avec les effets qui s'ensuivent restent telles qu'il faut, pour que les fonctions des parties nécessaires à la vision puissent être continuées.

La connaissance de la maladie dépend donc de la connaissance des actions, dont le vice est une maladie : il ne suffit pas d'en savoir le nom, il faut en connaître la cause prochaine : il est aisé de s'apercevoir qu'une personne est aveugle pour peu qu'on la considère ; mais que s'ensuit-il de-là pour sa guérison si elle est possible ? Il faut, à cet égard, savoir ce qui l'a privée de la vue, si la cause est externe ou interne, examiner si le vice est dans les enveloppes des organes de l'oeil, ou s'il est dans les humeurs et les corps naturellement transparents qui sont renfermés dans ces enveloppes, ou si c'est dans les nerfs de cette partie. Vous pourrez procurer la guérison de cette maladie, si par hasard les conditions qui manquent pour l'exercice de la fonction vous sont connues : mais vous serez absolument aveugle vous-même sur le choix des moyens de guérir la cécité dont il s'agit, si le vice qui constitue la maladie se trouve dans le manque de la condition requise qui est l'unique que vous ignorez entre mille. Si au contraire vous connaissez toutes les causes qui constituent la fonction dans son état de perfection, vous ne pouvez manquer d'avoir l'idée de la maladie qui se présente à traiter.

La Pathologie, qui a pour objet la considération des maladies en général, et de tout ce qui est contraire à l'économie animale dans l'état de santé, est la partie théorique de l'art dans laquelle on trouve l'exposition de tout ce qui a rapport à la nature de la maladie, à ses différences, à ses causes et à ses effets, voyez PATHOLOGIE ; ce qui vient d'être dit pouvant suffire pour connaître ce qu'on entend par maladie proprement dite, il suffit d'ébaucher l'idée que l'on doit avoir de ce qui la produit.

On appelle cause de la maladie, dans les écoles, tout ce qui peut, de quelque manière que ce sait, changer, altérer l'état sain des solides et des fluides du corps humain, conséquemment donner lieu à la lésion des fonctions, et disposer le corps à ce dérangement, soit par des moyens directs, immédiats, prochains, soit par des moyens indirects, éloignés, en établissant un empêchement à l'exercice des fonctions, ou en portant atteinte aux conditions nécessaires pour cet exercice.

On distingue plusieurs sortes de causes morbifiques, dont la recherche fait l'objet de la partie de la Pathologie, qu'on appelle aitiologie. Il suffit de dire ici en général, comme il a déjà été pressenti, que tout ce qui peut porter atteinte, de quelque manière que ce sait, à l'équilibre nécessaire entre les parties solides et fluides dans l'économie animale, et à l'irritabilité, à la sensibilité des organes qui en sont susceptibles, renferme l'idée de toutes les différentes causes des maladies que l'on peut adapter à tous les différents systèmes à cet égard, pour expliquer ce que l'on y a trouvé de plus occulte jusqu'à présent, par exemple les qualités, les intempéries des galénistes, le resserrement et le relâchement des méthodistes, les vices de la circulation des hydrauliques, l'excès ou le défaut d'irritation et d'action des organiques-mécaniciens, le principe actif, la nature des autocratiques, des sthaaliens, etc. Voyez PATHOLOGIE, AITHIOLOGIE, IRRITABILITE, SENSIBILITE, GALENISME, etc.

Toute dépravation, dans l'économie animale, qui survient à quelque lésion de fonctions déjà établie, est ce qu'on appelle symptôme, qui est une addition à la maladie de laquelle il provient comme de sa cause physique. Dans la pleurésie, par exemple, la respiration génée est une addition à l'inflammation de la plêvre, c'est un effet qui en provient, quoique l'inflammation n'affecte pas toute la poitrine : le symptôme est une maladie même, entant qu'il est une nouvelle lésion de fonction : mais c'est toujours une dépendance de la lésion qui a existé la première, d'où il découle comme de son principe.

La considération de tout ce qui concerne en général les symptômes de la maladie, leur nature, leur différence, est l'objet de la troisième partie de la Pathologie, qu'on appelle dans les écoles symptomatologie. Voyez PATHOLOGIE, SYMPTOMATOLOGIE.

Ce sont les différents symptômes qui font toute la différence des maladies qui ne se manifestent que par leur existence sensible, par leur concours plus ou moins considérable. C'est pour déterminer le caractère propre à chaque genre de maladies, d'où on puisse dériver les espèces, et fixer en quelque sorte leur variété infinie, que quelques auteurs sentant que la science des Médecins sera en défaut tant qu'il manquera une histoire générale des maladies, ont entrepris de tirer du recueil immense d'observations sur toutes sortes de maladies, qui jusqu'à présent a resté sans ordre, une méthode qui indique la manière d'en distinguer les différents caractères, tant généraux que particuliers.

On a proposé plusieurs moyens d'établir cette méthode ; on en connait trois principaux, savoir l'ordre alphabétique, l'aithiologique et l'anatomique. Le premier, tel qu'est celui qu'ont adopté Burnet, Manget, consiste à ranger les maladies suivant les lettres initiales de leurs noms grecs, latins ou autres, par conséquent à en former un dictionnaire : mais ces noms étant des signes arbitraires et variables, ne présentent aucune idée qui puisse fixer celle qu'il s'agit d'établir, de la nature, du caractère de chaque maladie.

L'ordre des causes prochaines ou éloignées de chaque maladie, suivi par Juncker, Boerhaave et d'autres, est sujet à de grands inconvénients et suppose la connaissance du système de l'auteur : ainsi un moyen aussi hypothétique ne parait pas propre à fixer la manière de connaître les maladies.

La plus suivie de toutes est l'ordre anatomique, qui range les maladies, suivant les différents sièges qu'elles ont dans le corps humain : tel est l'ordre suivi par Pison, par Sennert, Rivière, etc. dans lequel on trouve l'exposition des maladies, tant externes qu'internes, telles qu'elles peuvent affecter en particulier les différentes parties du corps, comme les inflammations, les douleurs de la tête, du cou, de la poitrine, du bas-ventre, des extrémités, et ensuite celles qui sont communes à toutes les parties ensemble, telles que la fiévre, et la vérole, le scorbut, etc. mais cette méthode ne parait pas mieux fondée que les autres, et ne souffre pas moins d'inconvéniens, eu égard surtout à la difficulté qu'il y a dans bien des maladies, de fixer le siège principal de la cause morbifique, dont les effets s'étendent à plusieurs parties en même-temps, comme la migraine, qui semble affecter autant l'estomac, que la tête ; le flux hépatique dans lequel il est très-douteux si le foie est affecté, et qui, selon bien des auteurs, parait plutôt être une maladie des intestins. Voyez MIGRAINE, FLUX HEPATIQUE.

Il reste donc à donner la préférence à l'ordre symptomatique, qui est celui dans lequel on range les maladies, suivant leurs effets, leurs phénomènes essentiels, caractéristiques, les plus évidents et les plus constants ; en formant des classes de tous les genres de maladies, dont les signes pathognomoniques ont un caractère commun entr'eux, et dont les différences qui les accompagnent constituent les différentes espèces rangées sous chacun des genres, avec lequel elles ont le plus de rapport.

Suivant cette méthode, on doit distinguer en général les maladies en internes ou médicinales, et en externes ou chirurgicales ; les médicinales sont ainsi désignées, parce qu'elles intéressent essentiellement l'oeconomie animale, dont la connaissance appartient spécialement au médecin proprement dit ; c'est-à-dire, à celui qui ayant fait une étude particulière de la Physique du corps humain, a acquis les connaissances nécessaires pour prescrire les moyens propres à procurer la conservation de la santé, et la guérison des maladies. Voyez MEDECIN. Les maladies chirurgicales sont celles, qui pour le traitement dont elles sont susceptibles, exigent principalement les secours de la main ; par conséquent les soins du chirurgien pour faire des opérations, ou des applications de remèdes. Voyez CHIRURGIEN.

Les maladies sont dites internes, lorsque la cause morbifique occupe un siège, qui ne tombe pas sous les sens, par opposition aux maladies externes, dont les symptômes caractéristiques sont immédiatement sensibles à celui qui en recherche la nature : c'est ainsi, par exemple, que l'érésipele au visage se manifeste par la rougeur et la tension douloureuse que l'on y aperçoit ; au lieu que la même affection inflammatoire qui a son siège dans la poitrine, ne se fait connaître que par la douleur vive de la partie, accompagnée de fiévre ardente, de toux séche, etc. qui sont des symptômes, dont la cause immédiate est placée dans l'intérieur de la poitrine.

Les maladies ont plusieurs rapports avec les plantes ; c'est par cette considération, que Sydenham avec plusieurs autres auteurs célèbres, désirait une méthode pour la distribution des maladies, qui fût dirigée à l'imitation de celle que les botanistes emploient pour les plantes : c'est ce qu'on se propose, en établissant l'ordre symptomatique, dans lequel la différence des symptômes qui peuvent être comparés aux différentes parties des plantes, d'où se tirent les différents caractères de leurs familles, de leurs genres et de leurs espèces, établit aussi les différences des classes, des genres et des espèces des maladies.

Mais avant que de faire l'exposition de la méthode symptomatique, il est à propos de faire connaître les distinctions générales des maladies, telles qu'on les présente communément dans les écoles et dans les traités ordinaires de pathologie.

Les différences principales des maladies sont essentielles, ou accidentelles : commençons par celles-ci, qui n'ont rien de relatif à notre méthode en particulier, et dont on peut faire l'application à toute sorte de maladies dans quelqu'ordre que l'on les distribue : les différences essentielles dont il sera traité ensuite, nous rameneront à celui que nous adopterons ici.

Les différences, qui ne dépendent que des circonstances accidentelles des maladies, quoiqu'elles ne puissent point servir à en faire connaître la nature, ne laissent pas d'être utiles à savoir dans la pratique de la Médecine, pour diriger dans le jugement qu'il convient d'en porter et dans la recherche des indications qui se présentent à remplir pour leur traitement.

Comme les circonstances accidentelles des maladies sont fort variées et sont en grand nombre, elles donnent lieu à ce que leurs différences soient variées et multipliées à proportion ; on peut cependant, d'après M. Astruc, dans sa pathologie, cap. IIe de accidentalib. morbor. diffèrent. les réduire à huit sortes ; savoir, par rapport au mouvement, à la durée, à l'intensité, au caractère, à l'événement, au sujet, à la cause et au lieu.

1°. On appelle mouvement de la maladie, la manière dont elle parcourt ses différents temps, qui font le principe ou commencement, lorsque les symptômes s'établissent ; l'accroissement, lorsqu'ils augmentent en nombre et en intensité ; l'état, lorsqu'ils sont fixés ; le déclin, lorsque leur nombre et leur intensité diminuent ; et la fin, lorsqu'ils cessent ; ce qui peut arriver dans tous les temps de la maladie, lorsque c'est par la mort. Voyez TEMS, PRINCIPE, etc.

2°. La durée de la maladie est différente par rapport à l'étendue, ou à la continuité. Ainsi, on distingue des maladies longues, chroniques, dont le mouvement se fait lentement, comme l'hydropisie ; d'autres courtes, sans danger, comme la fiévre éphemère, ou avec danger, comme l'angine, l'apopléxie : celles-ci sont appelées aiguës, dont il n'a pas été fait mention dans l'ordre alphabétique de ce dictionnaire ; elles sont encore de différente espèce : celles qui font les progrès les plus prompts et les plus violents, avec le plus grand danger, morbi peracuti, se terminent le plus souvent par la mort dans l'espace de quatre jours, quelquefois dans un jour, ou même ne durent que quelques heures, ou qu'une heure ; ou tuent sur le champ, comme il arrive quelquefois à l'égard de l'apopléxie, et comme on l'a Ve à l'égard de certaines pestes, qui faisaient cesser tout à coup le mouvement du cœur. Il y a d'autres maladies fort aiguës qui ne passent pas sept jours, morbi peracuti. D'autres encore qui sont moins courtes, qu'on appelle simplement aiguës. Morbi acuti qui durent quatorze jours, et s'étendent même quelquefois jusqu'à vingt ; telles sont les fiévres inflammatoires, les fiévres putrides, malignes. En général, plus le progrès de la maladie est rapide et excessif, plus elle est funeste et plus il y a à craindre qu'elle ne devienne mortelle ; une partie de la durée de la maladie est souvent retranchée par la mort. A l'égard de la continuité des maladies, il y en a qui, lorsqu'elles ont commencé, affectent sans intervalle, pendant toute leur durée : ce sont les continues, proprement dites, comme la fiévre ardente. D'autres, dont les symptômes cessent et reviennent par intervalles ; ce sont les maladies intermittentes que l'on appelle périodiques, lorsque leur retour est réglé comme la fiévre tierce, quarte ; et erratiques, lorsque leur retour ne suit aucun ordre, comme l'asthme, l'épilepsie : le retour des périodiques continues se nomme redoublement, et dans les intermittentes, accès ; le relâche dans les premières est connu sous le nom de rémission ; et dans les autres sous celui d'intermission. L'ordre des redoublements ou des accès est appelé le type de la maladie. Voyez INTERMITTENTE.

3°. L'intensité des maladies est déterminée, suivant que les lésions des fonctions qui les constituent, sont plus ou moins considérables ; ce qui établit les maladies grandes ou petites, violentes ou faibles, comme on le dit de la douleur, d'une attaque de goutte, etc.

4°. Le caractère des maladies se tire de la différente manière dont les fonctions sont lésées : si les lésions ne portent pas grande atteinte au principe de la vie, que les forces ne soient pas fort abattues, que les coctions et les crises s'opèrent librement ; elles forment des maladies bénignes. Si la disposition manque à la coction, aux crises par le trop grand abattement, par l'oppression des forces ; les maladies sont dites malignes. Voyez MALIGNITE. Les maladies malignes sont aussi distinguées en vénéneuses, en pestilentielles et en contagieuses. Voyez VENIN, PESTE, CONTACT, CONTAGIEUX.

5°. Les maladies ne différent pas peu par l'événement ; car les unes se terminent, non-seulement sans avoir causé aucun danger, mais encore de manière à avoir corrigé de mauvaises dispositions, ce qui les fait regarder comme salutaires ; telles sont pour la plupart les fiévres éphémères qui guérissent des rhumes, et même quelques fiévres quartes, qui ont fait cesser des épilepsies habituelles. Les autres sont toujours mortelles, telles que la phtisie, la fiévre hectique confirmée. D'autres sont de nature à être toujours regardées comme dangereuses, et par conséquent douteuses, pour la manière dont elles peuvent se terminer ; telles sont la pleurésie, la fiévre maligne, etc. Voyez SALUTAIRE, MORTEL, DANGEREUX. Les maladies se terminent en général, par le retour de la santé ou par la mort, ou par quelqu'autre maladie, de trois manières, ou par solution lente, ou par crise, ou par métastase ; ce qui établit encore la distinction des maladies guérissables, comme la fiévre tierce, et des incurables, comme la plupart des paralysies. Voyez TERMINAISON, SOLUTION, CRISE, METASTASE, MORT.

6°. Les différences des maladies qui se tirent du sujet ou de l'individu qui en est affecté, consistent, en ce qu'elles l'intéressent tout entier, ou seulement quelques-unes de ses parties, ce qui les fait appeler universelles ou particulières ; qu'elles ont leur siège au-dehors ou au-dedans du corps, ce qui les fait distinguer, comme on l'a déjà dit, en externes et internes ; qu'elles sont idiopathiques ou sympathiques, protopathiques ou déutéropathiques ; lorsque la cause de la maladie réside primitivement dans la partie affectée, ou lorsque cette cause a son siège ailleurs que dans la partie affectée, ou lorsque la maladie ne dépend d'aucune autre qui ait précédé, ou lorsqu'elle est l'effet d'un vice qui avait produit une première maladie. Voyez la plupart de ces différents mots en leur lieu.

7°. Les maladies différent par rapport à leur cause, en ce que les unes sont simples, qui ne dépendent que d'une cause de lésion de fonctions ; les autres composées qui dépendent de plusieurs, les unes sont produites par un vice antérieur à la génération du sujet, et qui en a infecté les principes, morbi congeniti ; les autres sont contractées après la conception, pendant l'incubation utérine et avant la naissance, morbi connati ; les unes et les autres sont établies lors de la naissance, comme la claudication, la gibbosité, qui viennent des parents ou de quelques accidents arrivés dans le sein maternel : les premières sont héréditaires, les autres sont acquises ou adventices, telles que sont aussi toutes celles qui surviennent dans le cours de la vie. On distingue encore respectivement à la cause des maladies, les unes en vraies ou légitimes, qui sont celles qui ont réellement leur siège dans la partie qui parait affectée ; telle est la douleur de côté, qui provenant en effet d'une inflammation de la pleure, est appelée pleurésie ; les autres en fausses ou bâtardes ; telle est la douleur rhumatismale des muscles intercostaux externes, qui forme la fausse pleurésie avec bien des apparences de la vraie.

8°. Les maladies différent enfin par rapport au lieu où elles paraissent, lorsqu'elles affectent un grand nombre de sujets en même temps, se répandent et dominent avec le même caractère dans un pays plutôt que dans un autre, avec un règne limité ; elles sont appelées maladies épidemiques, c'est-à-dire populaires ; telles sont la petite verole, la rougeole, la dyssenterie, les fièvres pestilentielles, etc. Lorsqu'elles affectent sans discontinuer un grand nombre de personnes dans un même pays, d'une manière à-peu-près semblable, elles sont appelées endémiques ; telles sont les écrouelles en Espagne, la peste dans le Levant, etc. Lorsqu'elles ne sont que vaguement répandues en petit nombre, et sans avoir rien de commun entr'elles, au-moins pour la plupart, c'est ce qu'on appelle maladies sporadiques ; telles sont la pleurésie, la fiévre continue, la phtysie, l'hydropisie, la rage, qui peuvent se trouver en même temps dans un même espace de pays. Voyez EPIDEMIQUE, ENDEMIQUE, SPORADIQUE.

On peut ajouter à toutes ces différences accidentelles des maladies, celles qui sont tirées des différentes saisons, où certaines maladies s'établissent, paraissent régner plutôt que d'autres ; telles sont les fiévres intermittentes, dont les unes sont vernales, comme les tierces ; les autres automnales, comme les quartes ; distinction qui renferme toute l'année d'un solstice à l'autre, et qui est importante pour le pronostic et la curation. On ne laisse cependant pas de remarquer dans quelque cas, surtout par rapport aux maladies aiguës, les maladies d'été et celles d'hiver.

Il y en a de propres aux différents âges, comme la dentition à l'égard des enfants, les croissants aux garçons de l'âge de puberté, les pâles-couleurs aux filles du même âge ; les hémorrhoïdes aux personnes de l'âge de consistance ; la dysurie aux vieillards. Il y en a de particulières aux différents sexes, aux différents tempéraments, comme l'hystéricité aux femmes, la manie aux personnes sanguines et bilieuses. Il y en a d'affectées à différentes professions, comme la colique aux plombiers ; d'autres au pays qu'on habite, comme la fiévre quarte dans les contrées marécageuses, etc.

Enfin on distingue encore les maladies, selon les Stahliens (qui sont aussi appelés animistes, naturistes), en actives et en passives. Les premières sont celles dont les symptômes dépendent de la nature, c'est-à-dire de la puissance motrice, de la force vitale, de l'action des organes, comme l'hémophtisie, qui survient à la pléthore, et toutes les évacuations critiques. Voyez NATURE, CRISE. Les dernières sont celles que produisent des causes externes, contre la disposition de la nature, sans concours de la puissance qui régit l'économie animale ; comme l'hémorrhagie à la suite d'une blessure, l'apoplexie, par l'effet de la fracture du crâne ; la paralysie, par la compression que fait une tumeur sur les nerfs : la diarrhée, la sueur colliquative par l'effet de quelque venin dissolvant, ou d'une fonte symptomatique des humeurs.

On voit par tout ce qui vient d'être dit des différences accidentelles des maladies, qu'elles ont plusieurs choses communes avec les plantes, parce qu'elles prennent comme elles leur accroissement, plus ou moins vite ou doucement ; que les unes finissent en peu de jours, tandis que d'autres subsistent plusieurs mois, plusieurs années ; il y a des maladies qui, comme les plantes, semblent avoir cessé d'exister, mais qui sont vivaces, et dont les causes, comme des racines cachées qui poussent de temps en temps des tiges, des branches, des feuilles, produisent aussi différents symptômes ; telles sont les maladies récidivantes. De plus, comme il est des plantes parasites, il est des maladies secondaires entretenues par d'autres, avec lesquelles elles sont compliquées. Comme il est des plantes qui sont propres à certaines saisons, à certains climats, à certains pays, et y sont communes ; d'autres que l'on voit par-tout repandues ça et là, sans affecter aucun terrain particulier ; d'autres qui sont susceptibles d'être portées d'une contrée dans une autre, de les peupler de leur espèce, et d'en disparaitre ensuite ; il en est aussi de même, comme il a été dit ci-devant, de plusieurs sortes de maladies.

Telle est en abrégé l'exposition des différences accidentelles des maladies : nous ne dirons qu'un mot des différences essentielles, qui seront suffisamment établies par la distribution méthodique des maladies mêmes qui nous restent à exposer.

Comme la maladie est une lésion des fonctions des parties, il s'ensuit que l'on a cru pouvoir distinguer les maladies en autant de genres différents, qu'il y en a de parties qui entrent dans la composition du corps humain, dont les vices constituent les maladies. Ainsi comme il est composé en général de parties solides et de parties fluides ; il est assez généralement reçu dans les écoles, et admis dans les traités de Pathologie qui leur sont destinés, de tirer de la considération des vices de ces parties principales ou fondamentales, les différences essentielles des maladies. On en établit donc de deux sortes ; les unes qui regardent les vices des solides, les autres ceux des fluides en général ; sans avoir égard aux sentiments des anciens, qui n'admettaient point de vices dans les humeurs, et n'attribuaient toutes les maladies qu'aux vices des solides, aux différentes intempéries. Voyez INTEMPERIE.

On distingue les maladies des solides, selon la plupart des modernes, en admettant des maladies des parties simples ou similaires, et des maladies des parties composées, organiques ou instrumentales.

Quant aux fluides, on leur attribue différentes maladies, selon la différence de leur quantité ou de leur qualité vicieuse.

Enfin on considère encore les maladies qui affectent en même temps les parties solides et les parties fluides.

Mais comme il est assez difficîle de concevoir les deux premières distinctions, en tant qu'elles ont pour objet les vices des solides, distingués de ceux des fluides, et qu'il ne parait pas qu'il puisse y avoir réellement de pareille différence, parce que le vice d'un de ces genres de parties principales, ne peut pas exister sans être la cause ou l'effet du vice de l'autre ; il s'ensuit qu'il est bien plus raisonnable et bien plus utîle de considérer les maladies telles qu'elles se présentent, sous les sens que l'on peut les observer, que de subtiliser d'après l'imagination et par abstraction, en supposant des genres de maladies, tels que l'économie animale ne les comporte jamais chacun séparément.

Ainsi, d'après ce qui a été remarqué précédemment, par rapport aux inconvénients que présentent les méthodes que l'on a suivies pour l'exposition des maladies, et eu égard aux avantages que l'on est porté conséquemment à rechercher dans une méthode qui soit plus propre que celles qui sont le plus usitées à former le plan de l'histoire des maladies ; il parait que la connaissance des maladies tirée des signes ou symptômes évidents, et non pas de certaines causes hypothétiques, purement pathologiques, doit avoir la préférence à tous égards. Il suffira vraisemblablement de présenter la méthode symptomatique déjà annoncée, pour justifier la préférence que l'on croit qu'elle peut mériter, à ne la considérer même que comme la moins imparfaite de toutes celles qui ont été proposées jusqu'à présent.

Elle consiste donc à former dix classes de toutes les maladies, dont les signes pathognomoniques, les effets essentiels ont quelque chose de commun entr'eux bien sensiblement, et ne diffèrent que par les symptômes accidentels, qui servent à diviser chaque classe en différents genres, et ces genres en différentes espèces.

Dans la méthode dont il s'agit, toutes les maladies étant distinguées, comme il a été dit, en internes et en externes, en aiguës et en chroniques, on les distingue encore en universelles et en particulières. Les maladies ordinairement aiguës forment la première partie de la distribution ; les maladies ordinairement chroniques forment la seconde, et les maladies chirurgicales forment la troisième.

I. Classe. Maladies fébriles simples. Caractère. La fréquence du poulx, avec lésion remarquable et constante de différentes fonctions, selon les différents genres et les différentes espèces de fiévres. Voyez FIEVRE. On pourrait encore rendre ce caractère plus distinctif, tel qu'il peut-être plus généralement observé dans toutes les maladies fébriles, en établissant qu'il consiste dans l'excès ou l'augmentation des forces vitales, absolue ou respective sur les forces musculaires soumises à la volonté. Consultez à ce sujet les savantes notes de M. de Sauvages, dans sa traduction de l'haemastatique de M. Halles ; la dissertation de M. de la Mure, professeur célèbre de la faculté de Montpellier, intitulée nova theoria febris, Montpellier 1738 ; et la question septième parmi les douze thèses qu'il a soutenues pour la dispute de sa chaire, Montpellier 1749.

Les maladies de cette classe sont divisées en trois sections. La première est formée des fiévres intermittentes, dont les principaux genres sont la fiévre quotidienne, la tierce, la quarte, l'erratique (les bornes d'un dictionnaire ne permettent pas de détailler ici les especes). La seconde section est celle des fièvres continues, égales, dont les genres sont la fièvre éphémère, la synoche simple, la fièvre putride, la fièvre lente. La troisième section est celle des fièvres avec redoublement, dont les genres sont la fièvre amphimérine ou quotidienne continue, la tritée ou tierce continue, la tritaeophie ou fièvre ardente, l'hémitritée, les fièvres irrégulières, colliquatives, les irrégulières, protéiformes.

II. Classe. Maladies fébriles composées ou inflammatoires. Caractère. La fièvre avec redoublements irréguliers, accompagnée d'inflammation interne ou externe, marquée dans le premier cas par la douleur de la partie affectée, avec différents symptômes relatifs à la disposition de cette partie ; dans le second cas, par la tumeur, la rougeur, la chaleur, qui sont le plus souvent sensibles dans la partie enflammée, et par d'autres symptômes absolus et relatifs, comme à l'égard de l'inflammation interne. Voyez INFLAMMATION.

Les maladies fébriles ou inflammatoires sont divisées en trois sections ; savoir, 1°. les inflammations des viscères parenchymateux, comme le cerveau, les poumons, le foie. Les genres différents sont le sphacélisme ou l'inflammation du cerveau dans sa substance ; la péripneumonie, l'hépatite ou l'inflammation du foie, celle de la rate, des reins, de la matrice. 2°. Les inflammations des viscères membraneux, comme les meninges, la plèvre, le diaphragme, l'estomac, les intestins, la vessie, etc. Les genres sont l'esquinancie, la pleurésie, la paraphrénésie, la gastrite ou l'inflammation du ventricule, l'entérite ou l'inflammation des intestins, celles de la vessie. 3°. Les inflammations cutanées ou exanthemateuses, dont les genres sont la rougeole, la petite-vérole, la fièvre miliaire, la fièvre pourprée, la scarlatine, l'érésipelateuse, la fièvre pestilentielle.

III. Classe. Maladies convulsives ou spasmodiques. Caractère. La contraction musculaire, irrégulière, constante, ou par intervalle, par secousses ou vibrations : le mouvement, la rigidité d'une partie indépendamment de la volonté à l'égard des organes qui y sont soumis. Voyez CONVULSION, SPASME, NERF, NERVEUSES (maladies.) etc.

Ces maladies sont distinguées en trois sections. 1°. Les maladies toniques, qui consistent dans une contraction, qui se soutient constamment, avec roideur, dans une partie musculeuse, ou dans tous les muscles du corps en même temps. Les genres de cette section sont, le spasme, auquel se rapportent le strabisme, le priapisme, etc. la contracture qui est la rigidité qui se fait insensiblement dans une partie, le tétane qui est la roideur convulsive, auquel se rapportent l'épisthotône, l'emprostotône, etc. le catoche, qui est la roideur spasmodique. 2°. Les maladies convulsives proprement dites, que l'on peut appeler cloniques, avec quelques praticiens, parce qu'elles consistent dans une irrégularité de vibrations musculaires de mouvements involontaires, de tremblement dans les organes, qui en sont susceptibles, indépendamment d'aucune fièvre inflammatoire. Les genres sont la convulsion proprement dite, qui est le mouvement convulsif d'une partie, sans perte de connaissance, le frisson, la convulsion hystérique, ou les vapeurs, l'hieranosos, ou la convulsion générale sans perte de sentiment, l'épilepsie, le tremblement sans agitation considérable des parties affectées, le scelotyrbe ou la danse de S. Wit, le bériberi des indiens, la palpitation. 3°. Les maladies dyspnoïques, c'est-à-dire, avec gêne, spasme, ou mouvement convulsif dans les organes de la respiration. Les genres sont l'éphialte ou cochemar, l'angine spasmodique ou convulsive, la courte haleine, la suffocation, l'asthme, la fausse pleurésie nerveuse, la fausse péripneumonie spasmodique, le hocquet, le bâillement, la pandiculation : les efforts convulsifs tendants à procurer quelqu'évacuation le plus souvent sans effet, tels que l'éternument, la toux, la nausée, le ténesme, la dysurie, la dystocie.

IV. Classe. Maladies paralytiques. Caractère. La privation du mouvement et du sentiment, ou au-moins de l'un des deux.

Cette classe est partagée en trois sections, qui renferment les différents genres de maladies paralytiques. 1°. Les syncopales, qui consistent dans l'abattement, la privation des forces indépendamment de la fièvre, etc. Les genres sont la syncope, proprement dite, la léypothymie ou défaillance, l'asphyxie, l'asthémie. 2°. Les affections soporeuses, qui sont celles où il y a une abolition ou diminution très-considérable du sentiment et du mouvement dans tout le corps, avec une espèce de sommeil profond et constant, sans cessation de l'exercice des mouvements vitaux. Les genres sont l'apoplexie, le carus ou assoupissement contre nature, le cataphora ou subeth, qui est le coma somnolentum, la léthargie, la typhomanie, ou le sommeil simulé, involontaire, la catalepsie. 3°. Les paralysies externes ou des organes du mouvement et des sens. Les genres sont l'hémiplégie, la paraplégie, la paralysie d'un membre, la cataracte, la goutte sereine, la vue trouble, la surdité, la perte de l'odorat, la mutité, le dégout, l'inappétence, l'adipsie ou l'abolition de la sensation de la soif, l'atechnie ou l'impuissance.

V. Classe. Maladies dolorifiques. Caractère. La douleur plus ou moins considérable par son intensité, par son étendue, et par sa durée, sans aucune agitation convulsive, évidente, sans fièvre inflammatoire, et sans évacuation de conséquence ; en sorte que le sentiment douloureux est le symptôme dominant. Voyez DOULEUR.

On distingue ces maladies entr'elles par les douleurs vagues et par les douleurs fixes ou topiques ; ce qui forme deux sections principales. 1°. Les différents genres de douleur, qui affectent différentes parties successivement, ou plusieurs en même temps ; telles sont la goutte et toutes les affections arthritiques, le rhumatisme, le catarre, la démangeaison douloureuse des parties externes, appelée prurit, l'anxiété à laquelle se rapportent la jectigation, la lassitude douloureuse. 2°. Les genres différents de douleurs fixes, topiques, telles que la céphalalgie ou le mal de tête sans tension, la céphalée ou le mal de tête avec tension, la migraine, le clou, qui est très-souvent un symptôme d'hystéricité, l'ophtalgie ou la douleur aux yeux, l'odontalgie ou le mal aux dents, la douleur à l'oreille, le soda, vulgairement cremaison, la gastrique ou douleur d'estomac, la douleur au foie (voyez HEPATITE, ICTERE), à la rate, la colique proprement dite, qui est la douleur aux intestins (voyez COLIQUE), la passion iliaque ou miserere, l'hypochondrialgie, qui est la douleur à la région du foie, de la rate, l'hystéralgie, mal de mère, ou douleur de matrice, la néphrétique, à laquelle se rapportent le calcul comme cause, la courbature, la sciatique, la douleur des parties génitales.

VI. Classe. Maladies qui affectent l'esprit, qu'on peut appeler avec les anciens maladies paraphroniques. Caractère. L'altération ou l'aliénation de l'esprit, la dépravation considérable de la faculté de penser, en tant que l'exercice de cette faculté, sans cesser de s'en faire, souvent même rendu plus actif, n'est pas conforme à la droite raison, et peut en général être regardé comme un état de délire, sans fièvre, qui consiste dans une production d'idées, qui ont du rapport à celles des rêves, quoiqu'il n'y ait point de sommeil dans le cas dont il s'agit ; en sorte que les idées ne sont point conformes aux objets qui doivent affecter, mais sont relatives aux dispositions viciées du cerveau. Voyez ALIENATION, ESPRIT, DELIRE, MELANCHOLIE, MANIE, FOLIE.

L'aliénation de l'esprit est susceptible de beaucoup de variété, soit pour son intensité, soit pour sa durée, soit pour ses objets ; c'est ce qui fournit la division de cette classe en trois sections. 1°. Les maladies mélancholiques qui dépendent d'un exercice excessif et dépravé de la pensée, du jugement et de la raison. Les genres sont la démence, la folie, la mélancholie, proprement dite, la démonomanie, à laquelle se rapportent le délire des sorciers, celui des fanatiques, celui des wampires, des loups garoux, etc. la passion hypochondriaque, l'hystérique, le somnambulisme, la terreur panique. 2°. Les maladies de l'imagination affoiblie, dont l'exercice est comme engourdi. Les genres sont la perte de la mémoire, la stupidité, le vertige. 3°. Les maladies de l'esprit, qui sont une dépravation de la volonté, un déreglement des désirs par excès ou par défaut, effet du vice des organes de l'imagination ou de ceux des sens. Les genres sont la nostralgie ou maladie du pays, l'érotomanie, le satyriasis, la fureur utérine, la rage, les envies, c'est-à-dire les appétits déréglés, à l'égard des aliments, de la boisson, et autres choses extraordinaires, la faim canine, la soif excessive, le tarantisme, qui consiste dans un désir insurmontable de sauter, de danser hors de propos, l'antipathie, l'hydrophobie.

VII. Classe. Maladies évacuatoires. Caractère. Pour symptôme principal, une évacuation extraordinaire, primitive, constante, et considérable par sa quantité ou par les efforts violents qu'elle occasionne. Voyez EVACUATION. Cette évacuation, le plus souvent, est de courte durée, et forme une maladie aiguë.

Cette classe est composée de trois sections, qui comprennent, 1°. les maladies évacuatoires, dont les écoulements sont sanglans ou rougeâtres. Genres. L'hémorrhagie, le stomacace ou saignement des gencives, l'hémoptysie, le vomissement de sang, la dyssenterie sanglante, le flux hépatique, le pissement de sang, le flux hémorrhoïdal, la perte de sang, la sueur sanglante. 2°. Les maladies évacuatoires à écoulement séreux on blanchâtre, dont la matière est ou la lymphe, ou l'urine, ou la sueur, ou la salive, le chyle, la semence, le lait utérin, etc. Genres. L'épiphora, ou l'écoulement des larmes contre nature, le flux des oreilles, le flux des narines, que Juncker désigne sous le nom de phlegmatorrhagie, le coryza, le ptyalisme ou la salivation, la vomique, l'anacatharse, ou expectoration extraordinaire, le diabête, l'incontinence d'urine, les fleurs blanches, les lochies laiteuses ou séreuses, immodérées, la gonorrhée. 3°. Les maladies dans lesquelles la matière des évacuations est de diverse couleur et consistance. Genres. Le vomissement, la diarrhée, la lienterie, la coeliaque, le cholera-morbus, les ventosités.

VIII. Classe. Maladies cachectiques. Caractère. La cachexie, c'est-à-dire la dépravation générale ou fort étendue de l'habitude du corps, qui consiste dans le changement contre nature de ses qualités extérieures ; savoir, dans la figure, le volume, la couleur, et tout ce qui est susceptible d'affecter les sens, par l'effet d'un vice dépendant ordinairement de celui de la masse des humeurs. Voyez CACHEXIE.

Cette classe est divisée en quatre sections, qui renferment 1°. les cachexies, avec diminution excessive du volume du corps. Genres. La consomption, l'éthisie, la phtisie, l'atrophie, le marasme. 2°. Les cachexies, avec augmentation outre mesure du volume du corps, ou de quelqu'une de ses parties. Genres. La corpulence ou l'embonpoint excessif, la bouffissure, la leucophlegmatie, l'hydropisie générale ou particulière ; comme l'hydrocéphale, l'hydropisie de poitrine, du péricarde, l'ascite, l'hydropisie enkistée, l'hydromphale, l'hydrocele, l'hydropisie de matrice, l'emphysème, le météorisme, la tympanite, la grossesse vicieuse, comme la tuboce, la molaire, le rachitis ou la chartre, les obstructions skirrheuses, chancreuses, scrophuleuses, l'éléphantiase. 3°. Les cachexies, avec éruptions cutanées, lépreuses, contagieuses et irrégulières. Genres. La verole, le scorbut, la gale, la lepre, la ladrerie, les dracuncules, l'alopécie, le plica, le phtiriasis ou la maladie pédiculaire, la teigne, la rache, la dartre. 4°. Les maladies cachectiques, avec changement dans la couleur de la peau. Genres. La pâleur, la cachexie proprement dite, la chlorose ou les pâles couleurs, la jaunisse, l'ictère noir, la gangrene et les sphaceles. On peut rapporter à cette classe la cataracte, le glaucome, et toutes les maladies des yeux non inflammatoires, sans écoulement, qui proviennent d'obstruction.

IX. Classe. Affections superficielles, la première des deux classes des maladies chirurgicales. Caractères. Ce sont toutes les mauvaises dispositions topiques, simples de la surface du corps, qui blessent l'intégrité, la beauté, ou la bonne conformation des parties externes par le vice de la couleur, du volume, ou de la figure ou de la situation, sans causer directement aucune autre lésion importante de fonctions ; ce qui distingue ces maladies des fièvres inflammatoires et exanthémateuses, et des affections cachectiques. Voyez CHIRURGIE.

Cette classe est divisée en deux sections, qui comprennent 1°. les affections externes sans prominence, ou toujours sans fièvre primitive et ordinairement dans la plupart sans élévation considérable, comme les taches et les efflorescences. Genres. Le leucome, la lepre des Juifs, le hâle, les rousseurs, les bourgeons, le feu volage, les marques qu'on appelle envies, l'échimose, la meurtrissure, l'ébullition de sang, les élevures, les boutons, les pustules, les phlyctenes. 2°. Les affections des parties externes, avec prominence considérable. Genres. Les enflures circonscrites, humorales, dolentes, telles que les tumeurs phlegmoneuses, érésypélateuses, chancreuses, osseuses, les bubons, les parotides, les furoncles, le panaris, le charbon, le cancer, les aphtes sans fièvre. 2°. Les enflures circonscrites, indolentes. Genres. Les excraissances dans les parties molles, telles que le sarcome, le polype, les verrues, les condylomes, les tumeurs enkistées, comme l'anévrisme, la varice, l'hydatide, le staphylome, l'abscès ou apostème, les loupes, l'athérome, le stéatome, le méliceris, le bronchocele ou gouetre, les tumeurs dans les parties dures, comme l'exostose, le spina ventosa, la gibbosité, les tumeurs, les difformités rachitiques.

X. Classe. Maladies dialitiques, c'est la seconde classe des maladies chirurgicales. Caractère. La séparation contre nature accidentelle des parties du corps entr'elles, avec solution de continuité ou de contiguité. Voyez SOLUTION, etc.

Cette classe est divisée en deux sections, qui comprennent 1°. les maladies de séparation avec déperdition de substance. Genres. La plaie, avec enlevement de quelque partie du corps, l'ulcère, la carie. 2°. Les maladies de séparation, sans déperdition de substance. Genres. La plaie simple, la fracture, les luxations, tant des parties molles, que des parties dures, c'est-à-dire le déplacement de ces différentes parties, comme des os (ce qui forme la luxation proprement dite), des tendons, des muscles, et de tous autres organes ; ainsi, dans ce genre de lésion, toutes les différentes sortes de hernies se trouvent comprises, telles que l'exophtalmie, l'omphalocele, l'hystérocele, l'entérocele, le bubonocele et la hernie proprement dite.

Tel est le plan d'une méthode générale, d'après laquelle on peut entreprendre, avec ordre, l'histoire des maladies, qui est susceptible de presqu'autant de précision, que la botanique. En effet, après avoir déterminé, comme on le fait pour les plantes, ce que les maladies ont de commun entr'elles, comme l'est la végétation à l'égard de celles-là, on recherche ce qui les distingue en général à raison ou de leur nature, pour en former des classes différentes, qui rassemblent les maladies qui ont le plus de rapport entr'elles, c'est-à-dire que chaque classe est formée des maladies en plus ou moins grand nombre, dont les symptômes principaux ont beaucoup de ressemblance. Mais comme il en est entr'eux de susceptibles d'être encore distingués plus en détail, et d'une manière plus caractéristique de ressemblance ; des maladies susceptibles de cette différence, il en a résulté la formation des genres ; et ensuite, par la description des symptômes particuliers à chaque différente maladie du même genre, s'est établie la différence des espèces, qui dépend de la variété des circonstances sensibles qui accompagnent le caractère de chaque genre de maladies.

La péripneumonie seche, par exemple, qui dépend d'une inflammation érésipélateuse, est bien différente par ses effets, et conséquemment par rapport au pronostic et à sa curation, de la péripneumonie phlegmoneuse, humide ou catarreuse. De même, l'asthme qui est produit par une goutte remontée, c'est-à-dire qui survient lorsque l'humeur de la goutte change de siege et se porte par métastase dans la substance des poumons ; cet asthme donc a des symptômes spécifiques bien différents de ceux des autres sortes d'asthmes : on doit aussi se comporter bien différemment dans le jugement et le traitement de cette maladie : ainsi ce sont là des maladies qui, sous le même nom générique, ne laissent pas d'être distinguées d'une manière bien marquée les unes des autres, ce qui forme la différence des espèces sous un même genre ; comme sous le nom générique de chardon se trouve compris un grand nombre de plantes bien différentes entr'elles, qui forment autant d'espèces de chardons, parce qu'elles ont toutes quelque chose de particulier, comme elles ont aussi quelque chose d'essentiellement commun entr'elles, c'est-à-dire un caractère dominant, un grand nombre de rapports, ce qui fait qu'on les range toutes sous un même genre.

Cette manière de faire l'exposition des maladies, de les distribuer par classes, genres et espèces, comme on le pratique pour les plantes, si différente de celle des Arabes, qui a dominé dans les écoles et dans les livres de Pathologie, a été présentée, désirée, proposée, approuvée par la plupart des plus grands maîtres de l'art parmi les modernes, tels que Planter, Sydenham, Marggrave, Baglivi, Nenter, Boerhaave, comme la plus propre à former le plan d'une histoire des maladies. Cependant cette méthode sans doute, parce qu'elle demande trop de travail, n'a encore été employée et même seulement ébauchée que par M. de Sauvages, célèbre professeur de Montpellier, grand botaniste, dans son livre des nouvelles classes des maladies, édition d'Avignon 1731, qu'il a retracée dans sa Pathologie, Pathologia methodica, etc. Amstelod. 1752, et dont il fait espérer une nouvelle édition aussi complete qu'elle en est susceptible, qui ne pourra être qu'un excellent ouvrage qui manque jusqu'à présent à la Médecine, et dont Boerhaave agréa si fort le projet, lorsque l'auteur dans le temps le soumit à son jugement, qu'il lui écrivit en conséquence, pour le lui témoigner et l'exciter à l'exécution d'une entreprise aussi grande et aussi utile. C'est ce qu'on voit dans la lettre du célèbre professeur de Leyde, mise à la tête du livre dont on vient de parler, qui est devenu fort rare.

Il contient le dénombrement des classes des maladies, de leurs genres, avec leurs caractères particuliers et leurs espèces indiquées par des qualifications distinctives, ce qu'on appelle des phrases à l'imitation de celles qui sont employées par les botanistes ; en sorte que ces espèces sont ainsi sommairement désignées telles qu'elles ont été observées en détail par les auteurs cités à la suite de ces qualifications.

C'est d'après cet essai de M. de Sauvages que vient d'être exposée ici en abrégé la méthode symptomatique de distribution des maladies par classes et par genres, à quoi il aurait été trop long d'ajouter les espèces, comme a fait cet auteur, que l'on peut consulter, selon lui, dans la préface du livre dont il vient d'être fait mention : le nombre des espèces des maladies est actuellement porté à environ trois mille bien caractérisées par des signes, qui paraissent constamment toutes les fois que la même cause est subsistante dans les mêmes circonstances, qui produit toujours les mêmes effets essentiels ; en sorte qu'en général la marche de la nature est essentiellement la même chose dans le cours de chaque espèce des maladies, malgré la différence d'âge, de sexe, de tempérament du sujet ; malgré la différence du climat, de la saison, de la position par rapport au lieu d'habitation.

Toutes ces différentes circonstances peuvent bien contribuer à procurer quelques différences dans les symptômes accidentels de la maladie spécifique ; mais elles ne changent presque jamais les symptômes caractéristiques, tels, par exemple, que, dans le genre de fièvres exanthémateuses, qu'on appelle petite-vérole, l'éruption inflammatoire, la suppuration, qui, dans cette maladie lorsqu'elle parcourt ses temps, arrivent constamment à des jours marqués, selon la différence de sa nature particulière, qui peut aussi produire des accidents bien différents qui sont réguliers, pour distinguer la petite-vérole discrette de la confluente ou irrégulière, qui établissent une différence entre la petite-vérole bénigne et la maligne, la simple et la compliquée, ce qui forme les différentes modifications de ce genre de maladie.

Mais quoique le caractère connu de chaque genre et de chaque espèce de maladie ne soit point susceptible de changer originairement et essentiellement, cependant une fois établi, il arrive quelquefois qu'il change par substitution ou par addition, ce qui est, selon les Grecs, par métaptose et par épigenese.

La métaptose ou substitution est le changement qui se fait, de manière que tous les symptômes de la maladie sont remplacés par d'autres tous différents. On distingue deux sortes de métaptose, le diadoche et la métaptose : la première, lorsque la cause morbifique change entiérement de siege, est transportée d'une partie à une autre, sans effort critique, qui opère ce changement, et comme par voie de sécrétion de mouvements naturels : c'est ainsi que le diabete survient à l'ascite, ou que le flux hémorrhoïdal fait cesser l'asthme pléthorique : la seconde espèce de métaptose, lorsque, par un effort de la nature, il se fait un transport de la matière morbifique d'une partie à une autre ; comme lorsque les parotides surviennent dans la fièvre maligne, que l'asthme survient à la goutte. Voyez NATURE, EFFORT, METAPTOSE.

L'épigenese ou addition est le changement qui se fait dans une maladie, entant qu'il parait de nouveaux symptômes, sans aucune cessation de ceux qui subsistaient auparavant ; par conséquent c'est un état qui est toujours plus fâcheux pour le malade : c'est ainsi que ce ténesme, qui survient à la diarrhée dans la grossesse, est souvent cause de l'avortement ; que le spasme, qui est une suite de la superpurgation, est souvent mortel. Ces symptômes ajoutés à la maladie, sont appelés épiphénomènes ; ils font tout le sujet du septième livre des aphorismes d'Hippocrate. Voyez SYMPTOME, ÉPIPHENOMENE.

Ce serait ici le lieu de faire mention en général de tout ce qui a rapport aux symptômes, aux signes diagnostics et pronostics, et au traitement des maladies ; mais, pour se conformer aux bornes prescrites dans un dictionnaire, et pour éviter les répétitions, voyez PATHOLOGIE, SYMPTOME, SEMEIOTIQUE, SIGNE, THERAPEUTIQUE, CURE, TRAITEMENT ; et pour trouver, en ce genre, plus de lumières réunies, consultez les ouvrages des auteurs célèbres, tels surtout que les Traités de la Médecine raisonnée d'Hoffman, contenant les vrais fondements de la méthode pour connaître et traiter les maladies, la Pathologie et la Thérapeutique de M. Astruc ; les aphorismes de Boerhaave, de cognoscendis et curandis morbis ; le Commentaire de cet ouvrage, par M. Vanswieten, etc. la Pathologie et la Thérapeutique de Boerhaave, avec son propre Commentaire.

MALADIE DES COMICES, comitialis morbus, (Médecine) c'est un mot dont on se servait anciennement pour signifier l'épilepsie, ou le mal caduc : elle avait ce nom à cause que si quelqu'un en était attaqué dans les comices des Romains, l'assemblée se rompait ou se séparait immédiatement, cet accident étant regardé comme un très-mauvais présage ; ou plutôt à cause que ceux qui y étaient sujets en avaient principalement des attaques dans les comices ou dans les grandes assemblées. Voyez ÉPILEPSIE.

MALADIE HERCULEENNE, herculeus morbus, (Médecine) est le nom que l'on donne en Médecine à l'épilepsie, à cause de la frayeur qu'elle cause, et de la difficulté avec laquelle on la guérit. Voyez ÉPILEPSIE.

MALADIE HONGROISE, (Médecine) c'est le nom d'une maladie qui est du genre des fièvres malignes, et en quelque façon endémique et contagieuse. On l'appelle autrement fièvre hongroise : son signe distinctif et caractéristique est qu'outre tous les symptômes généraux de fièvres continues et remittentes, le malade souffre une douleur intolérable à l'orifice inférieur de l'estomac, qui est enflé et douloureux au moindre attouchement.

Cette maladie parait d'ordinaire en automne, après une saison pluvieuse, dans les lieux humides, marécageux, où les habitants ont manqué de bonne eau et de bonne nourriture. La fièvre de cette espèce est en conséquence contagieuse et fréquente dans les camps et les armées. Voyez le traité du Dr. Pringle sur cette matière intitulé : Observations on the diseases of the army, qui a été traduit en français.

Les causes pathognomoniques de la maladie hongroise hors de la contagion, autant qu'on en peut juger, semblent être une matière bilieuse, âcre, putride, qui s'est en partie rassemblée à l'orifice de l'estomac, et en partie mêlée avec les autres humeurs dans la circulation.

Cette matière bilieuse, âcre, putride, adhérente au ventricule, cause la cardialgie, le mal de tête par la communication des nerfs, une chaleur et une ardeur mordicante, l'anoréxie, l'anxiété, les nausées, une soif continuelle et violente, et autres maux de l'estomac et du bas-ventre, accompagnés d'une fièvre continue ou remittente qui redouble sur le soir.

Cette maladie se guérit par des vomissements naturels, ou par un cours-de-ventre bilieux ; la guérison n'est qu'incomplete par les urines ou par des sueurs. Si la matière morbifique reste dans le corps, elle prolonge la maladie au-delà du cours des maladies aiguës, produit la sécheresse ou la saleté de la langue, des anxiétés, la difficulté de respirer, l'esquinancie, la surdité, l'assoupissement, le délire, la phrénésie, et quelquefois une hémorrhagie symptomatique. Rarement cette maladie se termine par un abscès ou des parotides, mais elle amène des pétéchies, ou dégénere en sphacele sur les extrémités.

La méthode curative, lorsque la cause procede d'une mauvaise nourriture, est d'abord un vomitif diluent. Si les maux de tête et du bas-ventre s'y trouvent joints, les purgatifs doux, antiphlogistiques, sont préférables aux vomitifs ; quand la maladie provient de contagion sans aucun signe de dépravation d'humeurs, il faut employer dans la cure les acides et les antiputrides, en tenant le ventre libre. La saignée et les échauffans doivent être évités comme contraires aux principes de l'art.

Cette maladie est quelquefois si cruelle dans des temps de contagion, que Schuckius, qui en a fait un traité, la nomme lues pannoniae, et en allemand, ungarische pest. (D.J.)

MALADIE JAUNE, (Médecine) voyez JAUNISSE.

MALADIE IMAGINAIRE, (Médecine) cette maladie concerne une personne qui, attaquée de mélancholie, ou trop éprise du soin d'elle-même, et s'écoutant sans cesse, gouverne sa santé par poids et par mesure. Au lieu de suivre le désir naturel de manger, de boire, de dormir, ou de se promener à l'exemple des gens sages, elle se règle sur des ordonnances de son cerveau, pour se priver des besoins et des plaisirs que demande la nature, par la crainte chimérique d'altérer sa santé, qu'il se croit des plus délicates.

Cette triste folie répand dans l'âme des inquiétudes perpétuelles, détruit insensiblement la force des organes du corps, et ne tend qu'à affoiblir la machine, et en hâter la destruction. C'est bien pis, si cet homme effrayé se jette dans les drogues de la pharmacie, et s'il est assez heureux au bout de quelque temps, pour qu'on puisse lui adresser le propos que Béralde tient à Argan dans Moliere : " Une preuve que vous n'avez pas besoin des remèdes d'apothicaire, c'est que vous avez encore un bon tempérament, et que vous n'êtes pas crevé de toutes les médecines que vous avez prises ". (D.J.)

MALADIE NOIRE, (Médecine) . Cette maladie tire son nom et son principal caractère de la couleur des matières que les personnes qui en sont attaquées rendent par les selles, ou par les vomissements. Hippocrate, le premier et le plus exact des observateurs, nous a donné une description fort détaillée de cette maladie (lib. II. de morb. sect. v.), qu'on a quelquefois appelée pour cette raison maladie noire d'Hippocrate. Voici ses termes simplement traduits du grec : le malade, dit-il, vomit de la bîle noire qui quelquefois ressemble aux excréments, quelquefois à du sang extravasé, d'autres fois à du vin pressuré. Dans quelques malades, on la prendrait pour le suc noir du polype, voyez POLYPE, boisson, hist. nat. dans d'autres, elle a l'âcreté du vinaigre : il y a aussi des malades qui ne rendent qu'une espèce de pituite tenue, une salive aqueuse, une bîle verdâtre. Lorsque les matières rejetées sont noires, sanguinolentes, elles exhalent une odeur détestable qu'on pourrait comparer à celle qu'on sent dans les boucheries ; elles fermentent avec la terre sur laquelle elles tombent, elles enflamment la bouche et le gosier, et agacent les dents. Cette évacuation dissipe pour quelques instants le mal-aise du malade qui sent alors renaître son appétit, il a même besoin de manger, et s'il contient son appétit, s'il reste à jeun, ses entrailles murmurent, il sent des borborigmes, et la salive inonde sa bouche ; si au contraire voulant éviter ces accidents, il prend quelque nourriture, il tombe dans d'autres inconvéniens, son estomac ne peut supporter les aliments, il éprouve après avoir mangé un poids, une oppression dans tous les viscères, les côtés lui font mal, et il lui semble qu'on lui enfonce des aiguilles dans le dos et dans la poitrine, il survient un léger mouvement de fièvre avec douleur de tête, les yeux sont privés de la lumière, les jambes s'engourdissent, la couleur naturelle de la peau s'efface et prend une teinte noirâtre. A ces symptômes exposés par Hippocrate, on peut ajouter les déjections par les selles, noirâtres, cadavéreuses, un amaigrissement subit, faiblesse extrême, cardialgie, syncopes fréquentes, douleur et gonflement dans les hypochondres, coliques, etc.

La maladie noire qui est assez rare, attaque principalement les hystériques, hypochondriaques, ceux qui ont des embarras dans les viscères du bas-ventre, surtout dans les vaisseaux qui aboutissent à la veine porte, dans les voies hémorrhoïdales ; les personnes dans qui les excrétions menstruelles et hémorrhoïdales sont supprimées y sont les plus sujettes. On ne connait point de cause évidente qui produise particulièrement cette maladie, on sait seulement que les peines d'esprit, les soucis, les chagrins y disposent, et il y a lieu de présumer qu'elle se prépare de loin, et qu'elle n'est qu'un dernier période de l'hypocondriacité et de la mélancholie : voyez ces mots. Les matières qu'on rend par les selles et le vomissement ne sont point un sang pourri, comme quelques médecins modernes peu exacts ont pensé, confondant ensemble deux maladies très-différentes ; la couleur variée qu'on y aperçoit, leur gout, l'impression qu'elles font sur le gosier, sur les dents, la fermentation qui s'excite lorsqu'elles tombent à terre, et tout en un mot nous porte à croire que c'est véritablement la bîle noire, des anciens, qui n'est peut-être autre chose que de la bîle ordinaire qui a croupi longtemps, et qui est fort saoulée d'acides ; les causes qui disposent à cette maladie favorisent encore cette assertion. On sait en outre que les mélancholiques, hypochondriaques, abondent communément en acides, et que c'est une des causes les plus ordinaires des coliques et des spasmes auxquels ils sont si sujets. Les observations anatomiques nous font voir beaucoup de désordre et de délabrement dans le bas-ventre et surtout dans l'épigastre, partie qui joue un grand rôle dans l'économie animale, voyez ce mot, et qui est le siège d'une infinité de maladies. Riolan dit avoir observé dans le cadavre d'un illustre sénateur qui était mort d'un vomissement de sang noirâtre (c'est ainsi qu'il l'appele), les vaisseaux courts qui vont de la rate à l'estomac dilatés au point d'égaler le diamètre du petit doigt, et ouverts dans l'estomac (Anthropolog. lib. II. cap. xvij.). Columbus assure avoir trouvé la même chose dans le cadavre du cardinal Cibo, mort de la maladie noire (rerum anatomic. lib. XV. pag. 492.). Wedelius rapporte aussi une observation parfaitement semblable. Felix Plater raconte que dans la même maladie il a Ve la rate principalement affectée, son tissu était entiérement détruit, son volume diminué, ce qui restait paraissait n'être qu'un sang coagulé (observ. lib. II.). Théophîle Bonet a observé la rate noirâtre à demi rongée par un ulcère carcinomateux, dans un sénateur qui était attaqué d'un vomissement périodique de matière noirâtre (Medic. septentr. lib. III. sect. Ve cap. 4.) Tous ces faits réunis et comparés aux raisons exposées ci-dessus, nous prouvent clairement combien les opinions des anciens sur l'existence de l'atrabile, sur la part que la rate a à son excrétion, approchent de la vérité, et combien peu elles méritent le ridicule dont les théoriciens modernes ont voulu les couvrir : le siècle de l'observation renaissant, toutes ces idées, vraiment pratiques que les anciens nous ont transmises, sont sur le point de reprendre leur crédit.

La maladie noire d'Hippocrate dont il est ici question, a été défigurée, mal interprétée, ou confondue avec une autre maladie dans un petit mémoire qu'on trouve inséré dans le journal de Médecine (mois de Février 1757, tom. VI. pag. 83.). L'auteur rapporte quelques observations de malades qu'il prétend attaqués de la maladie noire d'Hippocrate ; il dit que les matières rendues par les selles étaient un sang corrompu, gangrené, qu'on ne pouvait méconnaître à la couleur et à l'odeur cadavéreuse, et que les acides lui ont presque toujours réussi dans la guérison de cette maladie qu'il croit produite par le fameux et imaginaire alkali spontané de Boerhaave : il tâche d'ailleurs de distinguer avec soin cette maladie de celle qu'on observe chez les hypochondriaques, et qui est marquée par l'excrétion des excréments noirâtres, semblables à la poix par leur consistance et leur couleur, et qui est cependant la vraie dans le sens d'Hippocrate, de Caelius Aurelianus, de Fréderic Hoffman, etc. Ce qui prouve encore ce que j'ai avancé plus haut que ce que ces malades vomissaient n'était que de la bîle altérée, dégénérée, c'est qu'elle a différentes couleurs plus ou moins foncées, tantôt exactement noire, d'autrefois brune, quelquefois verte, etc. et lorsque la maladie prend une bonne tournure, la couleur des excréments s'éclaircit par nuances jusqu'à ce qu'ils deviennent jaunâtres, comme cet auteur dit l'avoir lui-même observé, les selles prirent une nuance plus claire ; et comme le prouve une autre observation rapportée dans le même journal (Juin 1758, tome VIII. pag. 517.), où il est dit qu'après quelques remèdes ce que le malade rendait n'était plus noir, mais d'un jaune verdâtre. Il peut bien arriver que dans quelques sujets scorbutiques, dans des gangrenes internes, dans une hémorrhagie des intestins, on rende par les selles un sang noirâtre, surtout si dans le dernier cas il a croupi longtemps avant d'être évacué ; mais ce sera une maladie particulière tout à fait différente de celle dont il est ici question. L'auteur de ce journal M. de Vandermonde, médecin de Paris, a aussi fort improprement caractérisé du titre de maladie noire, une fièvre maligne accompagnée d'exanthèmes noirs et de déjections de la même couleur. (Mai 1757, tome VI. pag. 336.)

Le pronostic de cette maladie est presque toujours très-fâcheux. Hippocrate a décidé que les déjections noires, l'excrétion de l'atrabile, ayant lieu sans fièvre ou avec fièvre, au commencement ou à la fin d'une maladie, étaient très-dangereuses (lib. IV. aphor. 21. et 22.) ; et que si on l'observait dans des personnes exténuées, épuisées par des débauches, des blessures, des maladies antérieures, on pouvait pronostiquer la mort pour le lendemain (aphor. 23.). Lorsque la mort ne termine pas promptement cette maladie, elle donne naissance à l'hydropisie ascite, qui est alors déterminée par les embarras du bas-ventre, qui augmentent et prennent un caractère skirrheux ; Marcellus Donatus, Dodonée et quelques autres rapportent des exemples de cette terminaison. On a Ve quelquefois aussi, quoique très-rarement, ces déjections noires devenir critiques, mettre fin à des dérangements dans l'action du foie, des viscères abdominaux, dissiper les maladies qui en dépendaient : Hippocrate a Ve guérir par-là une fiévre aiguë, et disparaitre une tumeur considérable à la rate. (Epidem. lib. III. sect. vij.) Heurnius a aussi observé ces déjections salutaires dans une fièvre aiguë. (Comment. in aphor. 21, lib. IV.) Foèsius, sur la fin d'un ictère très-long, etc. Il arrive aussi quelquefois que la mélancholie se guérit par cette voie. Voyez MELANCHOLIE.

Il est rare qu'on puisse administrer efficacement des remèdes dans cette maladie ; ceux cependant qui paraissent devoir être les moins infructueux, soit pour soulager, ou même pour guérir tout à fait, s'il est encore temps, sont les anti-spasmodiques, les calmants, les terreux, les fondants aloétiques, les savonneux, les martiaux, etc. Ces différents remèdes, prudemment administrés et habilement variés suivant les cas, remplissent toutes les indications qu'on peut se proposer. Ainsi le camphre, le nitre, le castor, pourront être employés avec succès lorsque les spasmes sont fréquents, les coliques vives, les douleurs aiguës ; et lorsque les matières, rejetées par le vomissement ou les selles, manifestent leur acidité par le sentiment d'adstriction qu'elles impriment à la bouche, par l'agacement des dents, par le gout, etc. c'est le cas de faire usage des absorbans terreux. Les autres remèdes fondants, savonneux, l'aloès, le tartre vitriolé, le savon, la rhubarbe, les préparations de Mars et surtout les eaux minérales et ferrugineuses, sont plus appropriés au fond de la maladie ; leur action consiste à corriger la bile, à en rendre le cours libre et facile, et à emporter les embarras du bas-ventre. Il faut seconder leurs effets par des purgatifs convenables, mélanagogues, qu'il faut, suivant le conseil d'Hippocrate, réitérer souvent. On doit bannir du traitement toutes les compositions huileuses, fades, sucrées, grasses, et surtout les acides qui ne feraient qu'aigrir la maladie, ou du moins seraient inutiles, comme l'ont éprouvé ceux qui ont voulu les employer (voyez l'observ. citée journal de Médec. Juin 1758.), animés par leurs merveilleux succès dans les prétendues maladies noires dont on donne l'histoire. (Ibid. Février 1757, pag. 83.) M. MENURET.

MALADIE DE VIERGE ou DE FILLE, (Médecine) virgineus morbus. Ce sont les pâles-couleurs, ou ce que l'on appelle autrement chlorosis. Voyez CHLOROSIS et PALES-COULEURS.