S. f. (Maladie) , haemoptysis. Ce terme est employé pour désigner l'espèce d'expectoration lésée quant à la matière dans laquelle on rend du sang, ou des crachats sanglans. Voyez EXPECTORATION.

Il n'y a point de viscère qui soit sujet à de plus fréquentes et à de plus considérables maladies, que les poumons : la raison s'en présente aisément ; si l'on fait attention à la faiblesse de son organisation, à l'effort qu'il est exposé à soutenir continuellement de la part du sang qu'il reçoit dans son grand système artériel ; si l'on considère combien il doit être affecté par l'action dans laquelle il est, sans interruption, pour l'entretien de la respiration ; combien il peut éprouver de différentes impressions, par l'effet des différentes qualités de l'air qui ne cesse d'entrer et de sortir alternativement dans les conduits destinés à le contenir.

Mais il n'y a point de lésion de ce viscère qui soit plus importante que l'hémoptysie, tant par-elle même et la conséquence de ces symptômes actuels, que par rapport aux suites que peut avoir cette maladie ; puisqu'elle produit le plus souvent la phtisie pulmonaire. Après le crachement, c'est-à-dire l'expectoration de sang, on doit toujours, selon l'observation d'Hippocrate, craindre qu'il ne suive un crachement de pus.

Ainsi l'hémoptysie consiste dans une éjection par la bouche, de sang vermeil et écumeux, sorti des poumons, accompagnée ou, pour mieux dire, précédée de la toux et d'un peu de gêne dans la respiration, avec un sentiment d'ardeur dans quelque partie de la poitrine, et de douleur pungitive ou semblable à celle que procure une solution actuelle de continuité, par l'effet de quelque déchirement dans une partie sensible.

L'hémoptysie propremenr dite est sans fièvre inflammatoire.

Les causes qui disposent à l'hémoptysie, sont la faiblesse naturelle du tissu des vaisseaux pulmonaires, qui est souvent aussi un vice héréditaire dans les sujets en qui on observe qu'elle est respectivement plus considérable que dans d'autres ; la quantité du sang qui engorge les vaisseaux pulmonaires ; la qualité des humeurs qui péchent par l'épaississement, ou par l'acrimonie dissolvante, les obstructions formées dans les vaisseaux lymphatiques du poumon, qui produisent des tubercules, des abscès, des ulcères.

De ces différentes causes s'ensuivent des dilatations forcées, anévrysmales, variqueuses dans les vaisseaux sanguins ; des erreurs de lieu dans les autres vaisseaux ; des engorgements dans les différentes parties relâchées de ce viscère ; des resserrements, des compressions dans les conduits des humeurs et de l'air même, qui gênent, qui empêchent le libre cours de ces fluides ; ce qui donne lieu, par rapport au sang, à ce que l'impulsion que ce fluide continue à recevoir, force les obstacles et produit la rupture des vaisseaux dont l'embarras ne peut être surmonté d'une manière moins violente ; tandis que les voies de l'air remplies par les vaisseaux dilatés outre mesure, ou par les fluides épanchés, éprouvent un embarras qui fait nécessairement celui de la respiration.

Les causes qui accélèrent les effets des différentes dispositions à l'hémoptysie, sont 1°. la pléthore générale ; qu'elle soit produite réellement par une suite des suppressions des différentes evacuations habituelles, ou par l'excès d'aliments, ou qu'elle soit l'effet de l'agitation extraordinaire du sang, par l'abus des boissons spiritueuses, des aliments irritants. 2°. La rétropulsion de différentes éruptions cutanées ; telle que la galle, les dépots érésypélateux, dont la matière se porte par métastase dans la substance des poumons. 3°. Tout ce qui peut donner lieu à une trop grande action, à de violentes secousses dans les parties solides de ce viscère, comme les ris immodérés, l'excès dans l'exercice de la voix, par la declamation, le chant, les cris, le jeu des instruments à vent par le moyen du souffle, les coups portés à la poitrine, les fortes commotions ou contusions dans cette partie, la toux fréquente et violente, excitée par cause externe ou interne ; en sorte que la toux peut produire l'hémoptysie, comme elle en est ordinairement un symptôme. Voyez TOUX.

Il résulte donc de ces différentes causes déterminantes, qu'il se fait des dilatations forcées, des ruptures, des déchirements de vaisseaux sanguins dans les parties des poumons qui en sont susceptibles ; que le sang épanché dans les canaux aèriens produit une irritation dans la membrane délicate, et douée d'une grande irritabilité, dont ils sont tapissés, soit par le seul contact d'une matière étrangère à ces cavités, soit par l'acrimonie dont cette humeur est déjà viciée, ou par celle qu'elle contracte pour peu qu'elle soit arrêtée dans ces conduits ; que cette irritation excitée dans les membranes bronchiques, et par communication dans tous les organes de la respiration, occasionne des mouvements de contraction répétés d'une manière convulsive, qui constituent la toux, et opèrent l'expectoration violente qui suit, du sang ou des mucosités sanglantes chargées de bulles d'air, qui y sont mêlées, par l'agitation, le fouettement, pour ainsi dire, qu'elles ont éprouvé avant que d'être chassées des cavités bronchiques ; ce qui rend les crachats écumeux Voyez ÉCUME.

Il faut cependant observer que le crachement de sang peut aussi arriver, sans qu'il se fasse aucun déchirement, aucune sorte de solution de continuité dans les vaisseaux pulmonaires ; que l'hémoptysie peut avoir lieu, par la seule dilatation des orifices des vaisseaux lymphatiques, ou des vaisseaux sécrétoires et excrétoires des poumons ; en tant que la dilatation des vaisseaux sanguins, d'où partent ces autres vaisseaux, force ceux-ci peu-à-peu à recevoir des globules sanguins qui y sont portés, comme il a été dit, par erreur de lieu. (Voyez ERREUR DE LIEU) ; et en parcourant le trajet, jusqu'à ce qu'ils parviennent à leurs extrémités, qui aboutissent dans les voies aèriennes : telle est la matière la plus ordinaire dont se fait le crachement de sang, à la suite des suppressions des menstrues, des hémorrhoïdes ; d'où s'ensuit que l'hémoptysie ne produit pas toujours la phtisie, qui consiste dans une suppuration de quelques parties des poumons, qui n'a jamais lieu sans solution de continuité dans les solides affectés.

Le concours des symptômes qui ont été rapportés ci-devant, comme constituant l'hémoptysie, en forment le signe caractéristique, surtout si on y joint quelques-unes des causes prédisponentes qui ont été mentionnées : au surplus, on y observe constamment, d'une manière plus ou moins marquée, que dans les cas où l'hémoptysie est une évacuation subsidiaire de quelque hémorrhagie habituelle ou critique, elle s'annonce ordinairement par un sentiment de pesanteur, et même de douleur gravative, dans la poitrine ; par une sorte de constriction spasmodique dans le bas-ventre ; par des flatuosités dans les premières voies, par une horripilation comme fébrile, avec froid aux extrémités, et resserrement dans les vaisseaux sanguins qui se trouvent à la surface du corps ; ce qui produit une pâleur dans toute son habitude.

Il s'ensuit de tous ces symptômes, qu'il se passe quelque chose d'actif dans ces circonstances, que l'on ne peut attribuer qu'à une sorte de mouvement tonique, par lequel toutes les parties externes et internes se tendent pour ainsi dire, contre les poumons, pour déterminer le cours des humeurs, la plus grande impulsion du sang respectivement vers ce viscère, et y donner lieu à l'excrétion hémoptoïque ; sans-doute parce que l'équilibre systaltique est rompu à l'égard de ses vaisseaux, dans quelqu'une de ses parties. Voyez EQUILIBRE (écon. anim.) HEMORRHAGIE.

On peut inférer aisément de tout ce qui a été dit du crachement de sang, que ce ne peut être qu'une lésion de fonctions toujours très-importante, et accompagnée de danger plus ou moins grand, selon la nature de sa cause. S'il est produit par la rupture de quelques vaisseaux considérables, il peut se répandre une si grande quantité de sang dans les voies de l'air, que ce fluide-ci ne pouvant plus y pénétrer, et le jeu de la respiration cessant en consequence, le malade meurt suffoqué. Voyez SUFFOCATION. Si ce sont seulement de petits vaisseaux pulmonaires qui sont déchirés, et qui donnent du sang, il y a tout lieu de craindre que les petites plaies qui en résultent, ne viennent à suppuration, et qu'il ne s'ensuive une véritable phtisie, qui mène tôt ou tard à une mort prématurée. L'hémoptysie, qui est causée par une simple dilatation de vaisseaux de différents genres, qui établit l'erreur de lieu, sans solution de continuité, est la moins dangereuse : elle est le plus souvent sans suite après que la cause procathartique a été emportée.

Quoiqu'il semble n'y avoir dans cette maladie qu'une seule indication à remplir, qui est d'employer les moyens propres à faire fermer les vaisseaux qui fournissent la matière de l'évacuation contre nature ; il y a cependant bien des manières différentes de s'y prendre pour produire cet effet, et bien des attentions à faire dans le choix des moyens, eu égard à la nature de la cause du mal : si elle dépend de la pléthore, et surtout dans le cas où quelque évacuation ordinaire se trouve supprimée, on doit avoir recours à tout ce qui peut diminuer le volume du sang, de la manière différente dont l'effet est plus ou moins prompt, selon le besoin, comme au remède le plus approprié ; ainsi fait-on usage dans ce cas de la saignée, surtout des sangsues, des ventouses, avec scarification, et on doit insister sur ces différents moyens tant que l'indication subsiste ; après quoi on doit travailler à prévenir le retour de la pléthore, par le régime, par les autres moyens convenables. Voyez PLETHORE. On doit s'appliquer à détruire les causes de la suppression, et à rétablir dans son état naturel l'évacuation nécessaire.

Si l'hémoptysie est produite par la raréfaction de ce fluide, qui forme ce qu'on appelle dans les écoles, une pléthore fausse ; il faut également combattre ce crachement contre nature, par les moyens propres à diminuer le volume du sang ; mais employer en même temps tous ceux qui sont convenables pour faire cesser l'effervescence des humeurs, c'est-à dire leur trop grande agitation. Voyez RAFFRAICHISSANT (Remede).

Mais si la maladie est causée par rupture, ou par érosion de vaisseaux, et qu'elle soit entretenue par l'acrimonie des humeurs, envain emploiera-t-on tous les moyens possibles pour fermer ces vaisseaux, si l'on ne corrige le vice dominant ; ce que l'on ne peut mieux obtenir que par le laitage, les bouillons de tortues, et toutes les matières adoucissantes, gélatineuses, huileuses, qui peuvent produire un effet approchant. Le long usage de ces différents secours manque rarement de répondre à l'attente ; cependant on doit toujours joindre à ces moyens propres à détruire les causes prédisponentes, les remèdes convenables pour resserrer, cicatriser les vaisseaux ouverts ; tels sont les absorbans, et surtout les astringens appropriés, pourvu qu'il n'y ait pas de contre-indication à cet égard : on doit aussi recourir quelquefois aux narcotiques, aux antispasmodiques, et les mêler aux autres medicaments indiqués, lorsqu'on a lieu de penser qu'il existe une tension dans le genre nerveux, qui détermine les humeurs à se porter vers la partie affectée, comme étant respectivement la plus faible dans le système des solides. Voyez HEMORRHAGIE, ABSORBANT, ASTRINGENT, NARCOTIQUE, ANTISPASMODIQUE.