MALADIES. (Médecine) L'histoire. Les maladies inflammatoires sont caractérisées principalement par une fièvre aiguë, proprement appelée fièvre inflammatoire, et par les signes plus ou moins marqués de l'inflammation, rapportés à une partie qui décide pour l'ordinaire l'espèce et le nom de la maladie inflammatoire. Il n'est pas nécessaire, comme quelques-uns ont pensé, que l'inflammation attaque une partie interne considérable ; elle a souvent son siège à l'extérieur ; mais une condition qui me parait absolument requise, c'est que la cause soit interne, ou qu'elle ait agi surtout intérieurement.

Variété. On peut par rapport au siège de l'inflammation, établir deux classes de maladies inflammatoires : dans les unes l'inflammation est extérieure, exanthématique ; dans les autres elle occupe quelque partie interne. A la première classe, on peut rapporter la petite vérole, la rougeole, la fièvre miliaire, érésipélateuse, la porcelaine, les aphtes, la peste même, marquée pour l'ordinaire par des bubons, parotides, charbons, etc. La seconde comprend l'inflammation du cerveau, appelée fort improprement par Ettmuller et Bartholin sphacélisme, la phrénésie, l'angine, pleurésie, péripneumonie, paraphrénésie, l'inflammation de l'estomac, du foie, de la matrice, etc. Voyez ces mots.

Ces maladies sont ordinairement précédées d'un état neutre qui dure quelques jours, pendant lesquels la maladie n'est pas encore décidée ; on n'est pas encore malade ; on n'est qu'indisposé ; on se sent un mal-aise universel, des lassitudes, pesanteurs de tête, dégout, langueur d'estomac, indigestion, etc. La maladie commence le plus souvent par un froid, un tremblement plus ou moins vif, auquel succede la fièvre ; les temps auxquels les signes d'inflammation commencent à se manifester sont fort différents. Pour l'ordinaire le point de côté qui marquera la pleurésie, parait dès le premier jour de la fièvre, dans l'instant du frisson ; l'inflammation varioleuse parait le troisième ou quatrième jour, etc. La douleur varie aussi suivant la partie enflammée : elle est vive, aiguë, lorsque quelque partie membraneuse, tendue, est affectée : elle est au contraire modérée, sourde, souvent n'est qu'une pesanteur incommode, lorsque l'inflammation occupe le parenchyme même des viscères. Le caractère du pouls est proportionné à la douleur : dans celles qui sont vives, il est dur, serré, tendu ; dans les cas opposés, il est plus mol et plus souple ; ses caractères changent aussi suivant la situation de la partie et le temps de la maladie. Dans les inflammations de la tête il est plus fort, plus dilaté, plus plein, en un mot supérieur ; dans celles qui attaquent les viscères inférieurs, il est plus petit, plus concentré, moins égal. Au commencement de la maladie, dans le temps d'irritation ou de crudité, il est dur, serré, fréquent : sur la fin quand l'issue est ou doit être favorable, il se ralentit, se développe, s'amollit, devient plus souple et rebondissant, et enfin prend les modifications propres aux évacuations critiques qui sont sur le point de se faire, et qui doivent terminer la maladie. Voyez POULS. Le sang qu'on tire des personnes attaquées de ces maladies se fige d'abord qu'on le laisse reposer, et il est recouvert d'une croute jaune ou verdâtre plus ou moins épaisse. Les fonctions propres aux parties enflammées sont dérangées ; la phrénésie, paraphrénésie, sont suivies de délire ; dans la pleurésie et péripneumonie, la respiration est gênée ; l'hépatitis produit l'ictère, etc. Enfin, on observe des différences dans le nombre, la nature, et l'intensité des symptômes, suivant la partie enflammée, le degré d'inflammation, l'activité des causes, le tempérament du malade, etc.

Les terminaisons des maladies inflammatoires peuvent être les mêmes que celles de l'inflammation ; mais avec cette différence qu'il n'y a jamais de résolution simple. Lorsque ces maladies se terminent par cette voie, on observe que cette terminaison est précédée ou accompagnée de quelque évacuation ou dépôt critique. Ces évacuations varient dans les différentes espèces de maladies inflammatoires, et suivant la partie affectée. Lorsque la partie qui est enflammée a des vaisseaux excrétoires, la crise s'opère plus souvent et plus heureusement par cette voie. Dans les maladies inflammatoires de la poitrine, la crise la plus ordinaire et la plus sure se fait par l'expectoration ; elle se fait aussi quelquefois avec succès par les sueurs et par les urines, mais jamais par le dévoiement. Lorsque les parties contenues dans le crâne sont affectées, l'hémorrhagie du nez ou l'excrétion des matières cuites, puriformes, par le nez, les oreilles, sont les plus convenables ; le cours-de-ventre est aussi fort bon. Lorsque l'inflammation attaque les viscères du bas-ventre, la maladie se juge bien par les urines et les selles : la matrice a son couloir particulier plus approprié pour les excrétions critiques des maladies dont elle est le siège. Le flux hémorrhoïdal termine aussi quelquefois les inflammations du foie. Quoique ces crises s'opèrent communément de la façon que je viens d'exposer, il arrive dans des constitutions épidémiques, que la nature semble se choisir un couloir pour y déterminer toutes les excrétions critiques dans quelque partie que porte principalement la maladie. Le couloir des poumons plus général qu'on ne pense, est très-souvent affecté pour cela. J'ai Ve pendant toute l'automne de 1748, à Montpellier, toutes les maladies inflammatoires de la poitrine, du ventre, de la tête, les fièvres malignes, se terminer singulièrement par l'expectoration. Toute autre excrétion procurée par le défaut de la nature, ou l'inopportunité des remèdes, était toujours inutîle ou pernicieuse. Les maladies inflammatoires exanthématiques ne se terminent jamais mieux que par la suppuration : il y en a, comme la rougeole, qui se dessechent simplement et ne laissent que des petites pellicules furfuracées. Aussi observe-t-on que cette terminaison superficielle juge très-imparfaitement la maladie ; on lui voit très-souvent succéder des petites fièvres lentes très-difficiles à dissiper.

Les causes. Les maladies inflammatoires diffèrent encore bien ici de l'inflammation ; l'action momentanée des causes ne suffit pas pour les produire ; il faut non-seulement que la cause qui dispose à l'inflammation agisse pendant longtemps, mais il est souvent nécessaire qu'elle soit excitée, mise en jeu par quelqu'autre cause qui survienne. Ces maladies sont travaillées et préparées de loin, et parmi les causes qui forment et entretiennent cette disposition, les vices de l'air méritent une considération particulière ; on ne peut attribuer qu'à cette cause toutes les maladies inflammatoires contagieuses, épidémiques. Mais quelle est la partie, la qualité de l'air, le ministre qui produit ces maladies ? c'est ce qu'on ignore : des observations chimico-météorologiques qui nous manquent, faites dans différentes saisons, dans différents temps ou circonstances, pourraient éclaircir cette question qui est très-importante. La mauvaise nourriture, les travaux immodérés, les veilles, les boissons aromatiques spiritueuses, les chagrins, peuvent favoriser cette cause, aider à cette disposition, rendre plus susceptibles des fâcheuses impressions de l'air. La suppression ou diminution des excrétions qui purifient le sang, surtout de la transpiration, est une cause assez fréquente des maladies inflammatoires : il ne faut cependant pas croire que cet arrêt de la transpiration produise aussi généralement les pleurésies, qu'on semble le penser trop communément : il est certain que les vicissitudes d'un air chaud et froid, arrêtent, troublent la sueur, la transpiration ; qu'elles peuvent par-là former la disposition inflammatoire ; mais elles n'exciteront une pleurésie que dans ceux qui y auront une disposition formée. Dans les autres elles produiront des toux, des rhumes, des catarrhes, suite fréquente et naturelle de la transpiration pulmonaire arrêtée par ces sortes d'imprudences. D'environ quinze cent personnes qui sortent des spectacles de Paris fort échauffées, suant même, pour passer dans un air glacé, il n'y en a quelquefois pas une seule qui éprouve au sortir une pleurésie ; plusieurs en sont seulement enrhumés. Les causes qui peuvent exciter une disposition inflammatoire déjà formée agissent promptement ; une passion d'ame vive, des excès dans le boire et le manger, l'exposition du corps chaud à un air froid, des boissons trop fraiches, etc. peuvent produire cet effet.

Sujets. Les causes qui disposent aux maladies inflammatoires et qui les produisent, agissant également dans tous les sujets, surtout dans les constitutions épidémiques, il semble à raisonner théoriquement, que tout le monde devrait indifféremment subir ces maladies ; et que les personnes les plus faibles devraient y succomber d'abord, ensuite celles qui sont plus fortes, enfin les personnes les plus robustes. L'on verrait ainsi la force des tempéraments graduée, pour ainsi dire, par ces épidémies. L'observation, la seule qui doive nous conduire ici, nous découvre le contraire, comme Hippocrate l'a déjà remarqué. Jettons un coup d'oeil sur les personnes qui sont attaquées des maladies inflammatoires ; nous ne pourrons presque apercevoir que des gens à extérieur toreux, des paysans endurcis par les miseres et les fatigues, beaucoup d'hommes, très-peu de femmes, d'enfants, de vieillards, mais principalement des adultes, qui paraissent jouir de la santé la plus forte et la plus durable, et dans qui les forces sont au plus haut point de vigueur. Ainsi verrons-nous dans ces épidémies des hommes qui par leur tempérament et leur régime devaient se promettre une santé longue et florissante, mourir victimes d'une maladie inflammatoire ; tandis qu'un jeune efféminé, amolli par les délices, abattu par les débauches ou une chlorotique délicate et languissante ne risqueront pas du tout de l'éprouver. Il semble que leur sang appauvri ne soit pas susceptible des mauvaises impressions, qu'il ne soit pas propre à la fermentation inflammatoire. Ces maladies supposent dans les sujets qui en sont attaqués une certaine force, un certain ton dans le sang et les vaisseaux. D'ailleurs les maux de tête, les dégouts, les indispositions ou incommodités qui les précèdent, sont des maladies réelles pour des corps délicats ; au lieu que ces révolutions même réitérées, ne font que des impressions sourdes et peu sensibles sur des corps vigoureux.

Il est à propos de remarquer en outre que certaines personnes sont plus disposées à certaines maladies inflammatoires, qu'à d'autres. Ainsi dans une constitution épidémique, on verra régner des phrénésies, des angines, des pleurésies, des rhumatismes, etc. Les enfants sont, par exemple, particulièrement sujets à la petite vérole et à la rougeole ; maladies qui semblent leur être propres. Les jeunes gens, surtout ceux qui ont été pendant leur enfance sujets à des hémorrhagies du nez, sont, suivant la remarque d'Hippocrate, singulièrement disposés aux angines. Les phrénésies sont plus fréquentes dans les tempéraments colériques, très-sensibles dans les personnes qui s'occupent beaucoup à la méditation et à l'étude. Il parait qu'il y a dans la partie affectée une disposition antécédente, une faiblesse naturelle qui y détermine le principal effort de la maladie : , dit Hippocrate, ; si avant que la maladie soit declarée, on a senti quelque gêne dans quelque partie, la maladie y sera plus forte. Aph. 33. liv. IV.

La théorie. La cause des maladies inflammatoires, disent presque tous les médecins, est une inflammation de quelque partie interne considérable, d'où les Mécaniciens font venir à leur façon la fièvre et les autres accidents ; les Animistes disent qu'il n'est pas possible qu'une inflammation attaque un viscère nécessaire à la vie, sans attirer l'attention bienfaisante de l'âme qui détermine en conséquence les efforts tout-puissants de sa machine pour combattre, vaincre, et mettre en déroute un ennemi si dangereux.

Pour faire sentir l'inconséquence et le faux de cette assertion, je n'ai qu'à présenter à des yeux qui veuillent voir, le tableau des maladies inflammatoires : il sera facîle d'y observer 1°. que la fièvre commence à se manifester au-moins aussi-tôt que l'inflammation et pour l'ordinaire quelques jours auparavant ; 2°. que cette inflammation est souvent peu considérable, comme on peut s'en convaincre par les symptômes, et après la mort du malade, par l'ouverture du cadavre ; tandis que la fièvre est très-aiguè, quelquefois même après des pleurésies violentes, on n'aperçoit aucune trace d'inflammation ; 3°. que toute inflammation même des viscères n'est pas maladie inflammatoire. On ferait un aveu manifeste d'inexpérience, si on confondait une inflammation du poumon, de la plèvre, survenue à la suite d'un coup d'épée dans ces parties avec une pleurésie ou péripneumonie ; 4°. qu'on fasse attention aux causes qui produisent l'inflammation et à celles qui excitent les maladies inflammatoires, et qu'on examine leur manière d'agir ; 5°. qu'on jette un coup d'oeil sur les maladies inflammatoires externes, etc. elles seules soumises au témoignage de nos sens, peuvent nous guider surement, et nous éclaircir cette matière ; 6°. enfin, que l'on considère l'invasion, la marche, et les terminaisons de ces maladies. C'est une erreur manifeste de croire que les pleurésies surviennent après s'être exposé tout chaud à un air froid, parce que le froid resserre les vaisseaux, retient la transpiration, et donne lieu par-là à un engorgement inflammatoire. Si cela arrivait, les inflammations seraient dans la peau, et non pas dans la plèvre, par exemple, et seraient une engelure, et non pas une maladie inflammatoire, alors de toutes ces considérations réunies, nous concluons que l'inflammation des viscères ou les exanthemes inflammatoires, sont plutôt l'effet que la cause de la fièvre putride, qui fait la base et l'essence de toute maladie inflammatoire.

Au reste, quand je dis une fièvre putride, je ne parle pas de ces fièvres putrides imaginaires, prétendues produites par un levain vicieux placé dans les premières voies dont il s'échappe continuellement quelques parties qui vont épaissir le sang, donner lieu aux redoublements, etc. Ces fièvres sont bannies de la vraie médecine hippocratique, et n'existent que dans les cayers ou livres de quelques praticiens routiniers. J'entends par fièvre putride, une fièvre préparée et travaillée de loin par des causes qui agissant peu-à-peu sur le sang et les humeurs, les changent et les altèrent. Ainsi les fièvres qui méritent le nom de putrides, sont toujours jointes avec une dégénération des humeurs qui est réparée et corrigée par les efforts fébriles et par les évacuations critiques, toujours nécessaires dans ces maladies.

La manière dont ce changement operé dans le sang excite la fièvre, est encore inconnue ; la matière est trop obscure, et la théorisomanie trop générale, pour qu'on n'ait pas beaucoup raisonné, théorisé, disputé ; mais tout ce que nous avons jusques ici là-dessus, prouve la difficulté de l'entreprise et le courage des entrepreneurs bien plus que leur capacité. Je n'entreprendrai point d'exposer ni de réfuter tout ce que cette question a fait éclore de faux, de ridicule, etc. un pareil détail serait trop long ; peut-être ennuyeux, et surement inutile. Je remarquerai seulement que l'idée de Willis sur la fièvre est la plus naturelle, la plus simple, et la plus pratique. Cet auteur pense, et presque tous les médecins en conviennent aujourd'hui, que le sang est dans un mouvement continuel de fermentation, semblable, dit-il, à celui qui agite les parties du vin. Si ce mouvement augmente et devient contre nature, le sang bouillonnera, se raréfiera, excitera la fièvre. Or cette fermentation peut augmenter de deux façons ; 1°. par la surabondance de quelques principes actifs, des soufres et des esprits ; par exemple, comme il arrive dans le vin, lorsque le tartre est trop abondant, il s'excite une fermentation, ou plutôt celle qui est toujours présente, s'anime, devient plus violente. 2°. Lorsque quelque corps étranger, non miscible avec les humeurs, troublera la fermentation ordinaire, l'analogie le conduit encore ici ; si on jette dans un tonneau plein de vin quelque corps hétérogène, du suif, par exemple, la fermentation est réveillée, et par son moyen les parties étrangères, ou surabondantes qui l'avaient excitée, sont brisées, atténuées, decomposées, renvoyées à la circonférence, ou précipitées sous forme de lie au fond du tonneau. Ne voit-on pas, si l'on veut accuser juste, arriver la même chose dans le sang ? Y a-t-il rien de plus conforme à ce qui se passe dans les fièvres putrides simples, ardentes, ou inflammatoires ? C'est avec bien de la raison que Sydenham qui n'envisageait les maladies que pratiquement, considérait la fièvre sous ce point de vue, et l'appelait ébullition, effervescence, mouvement fermentatif, etc. et il partait de cette idée dans la pratique sure et heureuse qu'il suivait. C'est pourtant là cette théorie qui est si fort décreditée aujourd'hui ; il est vrai qu'elle est confondue avec des erreurs, ou des choses moins évidentes ; il est peut-être sur aussi que le zèle pour la fermentation a emporté Willis trop loin ; mais n'est-on pas tombé dans un excès au-moins aussi condamnable, quand on a voulu la rejeter absolument ? L'esprit humain dans ses connaissances et ses opinions, ressemble à un pendule qui s'écarte de côté et d'autre, jusqu'à ce qu'il revienne après bien des oscillations, se reposer à un juste milieu ; nous poussons d'abord à l'excès les opinions nouvelles ; nous les appliquons indifféremment à tous les cas ; prises trop généralement elles deviennent fausses, absurdes ; on le sent, on les abandonne, et au lieu de les restreindre, donnant dans l'écueil opposé, on les quitte entièrement. Enfin, après bien des disputes et des discussions, on entrevait la vérité ; on revient sur ses pas ; on fait revivre les anciennes opinions : souvent bien surpris de répéter en d'autres mots simplement ce qui avait déjà été dit, on parvient par-là à ce milieu raisonnable, jusqu'à ce qu'une nouvelle révolution, dont les exemples ne sont pas rares en Médecine, fasse recommencer les vibrations. C'est ainsi qu'Hippocrate et Galien ont été regardés pendant longtemps comme les législateurs censés, infaillibles de la Médecine ; ensuite ils ont été persiflés et ridiculisés ; leurs sentiments, leurs observations, ont été regardés comme des faussetés, des chimères, ou tout au-moins des inutilités. Dans nos jours en notant leurs erreurs, on a rendu justice à leur mérite, et l'on a Ve presque toutes leurs opinions reparaitre sous de nouvelles couleurs. La circulation du sang offre un exemple frappant et démonstratif de cette vérité : depuis qu'Harvey eut fait ou illustré par des expériences cette découverte, qui a plus ébloui qu'éclairé, on a été intimement persuadé que le sang suivait les routes qu'Harvey lui avait tracées. On commence cependant aujourd'hui à revenir un peu à la façon de penser sur cette matière des anciens ; le peu d'utilité que cette prétendue découverte a apporté, a dû d'abord inspirer de la méfiance sur la réalité ; les soupçons ont été principalement confirmés par les mouvements du cerveau, que le célèbre M. de la Mure a le premier observés et savamment exposés dans un excellent mémoire lu à la société royale des Sciences de Montpellier, et inseré dans les Mémoires de l'académie royale des Sciences de Paris, année 1739. On ne tardera pas je pense, à revenir de même à l'égard des Chimistes ; le temps de leurs persécutions est passé ; on corrigera les uns, on modérera l'ardeur de ceux qu'un génie trop bouillant ou un enthousiasme fougueux avait emportés trop loin ; et l'on appliquera de nouveau et avec succès, les principes chimiques mieux constatés et plus connus au corps humain qui en est plus susceptible, que de toutes les démonstrations geométriques, auxquelles on a voulu infructueusement et mal-à-propos le plier et le soumettre.

Il y a tout lieu de croire que la disposition inflammatoire qui est dans le sang, poussée à un certain point, ou mise en jeu par quelque cause procatarctique survenue, reveille sa fermentation, ou pour parler avec les modernes, son mouvement intestin de putréfaction ; il n'en faut pas davantage pour augmenter sa circulation, sait, comme il est assez naturel de le penser, que la contractilité des organes vitaux, et en conséquence leur action, soit animée par-là, soit que l'augmentation de ce mouvement intestin suffise pour faire la fièvre, sans que l'action des vaisseaux y concoure, de même lorsque le vin est agité par une forte fermentation, et qu'il est dans un mouvement rapide, les parois du tonneau n'y contribuent en rien.

Le sang ainsi enflammé, et mu avec rapidité, se portera avec plus d'effort sur les parties qui seront disposées, et s'y dégagera peut-être d'une partie du levain inflammatoire ; il semble en effet que ces inflammations des viscères ou d'autres parties, soient des espèces de dépôts salutaires quoiqu' inflammatoires ; ce qui prouve que les viscères sont dans ces maladies pour l'ordinaire réellement enflammés, c'est qu'on y observe 1°. tous les signes de l'inflammation, les mêmes terminaisons par la suppuration, l'induration et la gangrene. La partie où se fera l'inflammation, décidera la qualité et le nombre des symptômes, etc. Ainsi l'inflammation de la substance du cerveau sera accompagnée de faiblesse extrême, de délire continuel, mais sourd, tranquille, d'abolition dans le sentiment et le mouvement, à l'exception d'une agitation involontaire des mains, qu'on nomme carposalgie, tous symptômes dépendants de la sécrétion troublée et interceptée du fluide nerveux ; celle qui aura son siege dans les membranes extrêmement sensibles qui enveloppent le cerveau, entraînera à raison de sa sensibilité des symptômes plus aigus, un délire plus violent : lorsque la maladie inflammatoire portera sur la poitrine, la respiration sera gênée, etc.

Cette croute blanche, jaune, ou verdâtre qui se forme sur le sang qu'on a tiré des personnes attaquées de ces maladies, parait n'être qu'un tissu des parties lymphatiques, du suc muqueux, nourricier, dont la sécrétion est empêchée : on observe aussi cette qualité de sang chez les personnes enceintes et autres où il y a pléthore de suc nourricier ; on pourrait avancer, dit fort ingénieusement M. Bordeu, que le suc muqueux qui nage dans le sang, a quelque rapport au blanc d'œuf qui clarifie une liqueur troublée dans laquelle on le fait bouillir. Ce suc porté dans tous les vaisseaux par le moyen de la fièvre, entraîne avec lui toutes les parties d'urine, de bîle et d'autres liqueurs excrémenticielles ; il clarifie pour ainsi dire le sang ; c'est ce qui se passe dans les maladies putrides inflammatoires.

Partie thérapeutique. Le diagnostic. Le diagnostic des maladies inflammatoires est très-simple et tout naturel. 1°. Il est facile, en se rappelant ce que nous avons dit plus haut sur la cause, l'invasion, la marche et les terminaisons de ces maladies, de s'assurer de leur présence. 2°. L'on peut en distinguer les différentes espèces par les signes qui leur sont propres, et qu'on peut voir rapportés au long dans les articles qui concernent les maladies inflammatoires en particulier. Voyez PLEURESIE, PHRENESIE, etc. 3°. La connaissance des causes qui ont disposé, produit, excité ces maladies, est assez peu nécessaire pour la curation ; on peut cependant, si l'on en est curieux, l'obtenir par les rapports du malade et des assistants ; il est peut-être plus important pour la pratique de savoir si la maladie inflammatoire est épidémique, dépendante d'une cause générale ; un praticien qui voit beaucoup de malades, peut s'en instruire lui-même.

Prognostic. Les symptômes essentiels aux maladies inflammatoires, ou les accidents qui surviennent ordinairement dans leur cours, en rendent le pronostic toujours fâcheux ; on peut assurer avec raison que ces maladies sont dangereuses. L'inflammation ou le dépôt inflammatoire qui se fait dans quelques parties n'en augmente qu'accidentellement le danger ; quelquefois, le plus souvent même, il le diminue. Ce dépôt débarrasse, comme nous l'avons déjà remarqué, le sang d'une partie du le vain inflammatoire. Il y a tout lieu de croire que la maladie inflammatoire serait plus dangereuse s'il n'y avait point de partie particulièrement affectée. Nous voyons que la fièvre ardente ou causus, espèce de maladie inflammatoire qui n'est décidée à aucune partie, est très-dangereuse ; Hippocrate la range parmi les maladies mortelles ; lorsque les inflammations extérieures sont formées, la fougue du sang se ralentit, la violence des symptômes s'apaise, et l'on jette le malade dans le danger le plus pressant, si l'on empêche la formation de ces dépôts inflammatoires, comme il est arrivé à ceux qui ont voulu, sacrifiant leurs malades à une aveugle routine, accoutumer la petite vérole à la saignée, et comme l'éprouvent encore aujourd'hui ceux qui sans autre indication veulent guérir les maladies inflammatoires par la saignée ; on ne saurait cependant disconvenir que ces inflammations attaquant des parties considérables dont les fonctions sont nécessaires à la vie, n'augmentent quelquefois le danger des maladies inflammatoires ; c'est ce qui fait qu'on doit regarder les maladies inflammatoires qui se portent à l'extérieur, comme les moins dangereuses : quant à celles qui affectent quelque partie interne, leur danger varie suivant la situation, la nécessité, la connexion, la disposition, la sensibilité du viscère enflammé, et surtout suivant la nature, le nombre et la vivacité des symptômes que cette inflammation détermine. Pour porter un pronostic plus juste, il me parait quoi qu'on en dise, que l'on peut tirer quelque lumière de l'examen de la constitution épidémique. Si l'on observe une certaine uniformité dans les symptômes de plusieurs maladies inflammatoires qui règnent en même temps, ou un génie épidémique, on peut régler sur les suites plus ou moins fâcheuses qu'ont eu les précédentes, les jugements de celles sur lesquelles on est obligé de prononcer.

Les maladies inflammatoires sont des maladies très-aiguès, dont le sort est toujours décidé avant le quatorzième jour, souvent le sept, quelquefois le quatre elles se terminent à la santé par une résolution critique, quelquefois par la suppuration ; la gangrene entraîne toujours avec elle non-seulement la mort de la partie, mais celle de tout le corps ; il y a une espèce de maladie inflammatoire, l'angine, dont le siège est dans les parties glanduleuses du gosier, qu'on a Ve quelquefois se terminer par l'induration ; alors la douleur, la chaleur de la partie enflammée diminuent, la fièvre se ralentit sans que la difficulté d'avaler soit moindre, et sans que ce sentiment incommode que le malade éprouve d'un corps comprimant, cesse sensiblement. Alors à l'inflammation succede un skirrhe.

On doit s'attendre à voir périr le malade si l'on n'observe aucun relâche dans les symptômes ni le quatrième ni le cinquième jour, si le pouls conserve toujours un caractère d'irritation ; si l'on voit alors survenir différents phénomènes qui par leur gravité ou leur anomalie annoncent la mort prochaine. Ces signes varient suivant les maladies. Voyez leur détail au mot SIGNE, FIEVRE, PLEURESIE, PERIPNEUMONIE, PHRENESIE, etc. Si à des symptômes extrêmement vifs, à une fièvre violente, à une douleur aiguë succede tout de suite une fièvre presque insensible, des défaillances fréquentes, une apathie générale, que le pouls devienne petit, mol et intermittent, la couleur du visage plombée, etc. la gangrene commence à se former, le malade ne tardera pas à mourir. La résolution dans les maladies inflammatoires internes, est de toutes les terminaisons la plus favorable ; on a lieu de l'attendre lorsque les symptômes sont assez modérés, et tous appropriés à la maladie, lorsque le quatrième ou le septième jour on voit paraitre des signes de coction, que les urines se chargent d'un sédiment ou d'un nuage blanchâtre, que le pouls commence à se développer, que la peau devient souple et humide, en un mot que tous les symptômes diminuent : à ces signes succedent les signes critiques qui annoncent la dépuration du sang, et l'évacuation des mauvais sucs, par les couloirs appropriés. Si ces maladies ne consistaient que dans l'inflammation d'une partie, il ne faudrait pour leur terminaison qu'une simple résolution de cette inflammation ; mais ce qui prouve encore mieux ce que nous avons avancé, que le sang était altéré, c'est qu'il faut nécessairement une dépuration et des évacuations critiques. Ces évacuations, et l'organe par lequel elles doivent se faire, sont prédits et désignés d'avance par différents signes ; les plus surs et les plus nécessaires sont ceux qu'on tire des modifications du pouls. Voyez POULS.

La suppuration dans les maladies inflammatoires extérieures, est toujours un grand bien ; mais elle n'est pas toujours un grand mal dans celles qui attaquent les parties internes ; il n'est pas nécessaire d'avoir blanchi dans la pratique pour avoir Ve beaucoup de maladies inflammatoires se terminer par la suppuration sans aucune suite fâcheuse ; il m'est arrivé souvent de rencontrer des péripneumonies qui suppuraient sans que le malade courut un danger pressant ; on ne doit pas s'effrayer autant qu'on le fait de ces suppurations internes, pourvu que les viscères dans lesquels elles se forment, aient des tuyaux excrétoires : on peut se flatter jusqu'à un certain point, qu'ils donneront passage aux matières de la suppuration : si cette partie n'est point un organe excrétoire, la suppuration est plus dangereuse ; mais dans ces cas même, qui ignore les ressources de la nature ? N'arrive-t-il pas souvent des heureuses métastases, des transports salutaires, des abscès d'une partie interne à l'extérieur ? N'a-t-on pas Ve des vomiques se vider par des urines, par des abscès aux jambes, etc.

J'ai observé un dépôt au cerveau se vider et se renouveller jusqu'à trois fois par le nez et les oreilles ; combien n'y a-t-il pas d'observations à-peu-près semblables ? On en pourrait conclure qu'il faut souvent favoriser les suppurations loin de les détourner ; c'est pourquoi il est très-important de connaître les cas où la suppuration doit terminer l'inflammation.

Lorsque les symptômes sont violents, qu'ils diminuent peu durant le temps de la coction dont on n'observe que quelques légers signes, et qu'ils reparaissent avec plus d'activité, que la fièvre est forte, que le pouls quoiqu'un peu développé est toujours dur, surtout vibratil, et qu'il y a une roideur considérable dans l'artère, que les douleurs que le malade éprouve dans la partie affectée deviennent plus aiguës, qu'il y sent un battement plus vif et plus répété, la suppuration est à craindre, et l'on peut assurer alors que cette issue se prépare. L'abscès est formé lorsque tous les symptômes disparaissent, qu'il ne reste plus qu'une pesanteur ; il survient alors pour l'ordinaire des frissons. Si le pouls vient dans ces circonstances à indiquer un mouvement critique du côté de quelques couloirs, on peut présumer que le pus s'évacuera par les organes dont le pouls annonce l'action.

On peut pour complete r entièrement ce pronostic, y rapporter toutes les prédictions, tous les signes qu'on trouve dans les ouvrages du divin Hippocrate, concernant les maladies aiguës. Nous souhaiterions bien pouvoir entrer dans un détail circonstancié si utîle ; mais l'ordre proposé pour traiter ces matières ne le comportent pas, nous renvoyons le lecteur aux écrits immortels de ce prince de la Médecine, d'autant plus volontiers, que nous sommes assurés qu'outre un pronostic excellent et certain qu'on en tirera, on y prendra du goût pour cette véritable médecine d'observation, et une haine avantageuse pour ces pratiques théoriques et routinières.

La curation. Les maladies inflammatoires sont des maladies qui se guérissent par leurs propres efforts : la fermentation excitée dans le sang, pour parler avec Willis, suffit pour briser, atténuer, décomposer, assimiler, évacuer les matières qui l'ont excitée, ou comme dit van Helmont, la colere et les efforts de l'archée peuvent seuls arracher l'épine incommode qui les a déterminés. Ainsi l'on doit laisser à la nature le soin de guérir ces sortes de maladies ; l'art n'offre aucun secours vraiment curatif ; il en fournit qui peuvent modérer, diminuer la fièvre et la violence des symptômes, ou même l'augmenter s'il est nécessaire ; et favoriser telle ou telle excrétion critique ; mais il n'y a point de remèdes qui rétablissent et purifient le sang, qui emportent les engorgements inflammatoires des viscères. Mais telle est l'inconséquence et le danger des théories les plus reçues, qu'elles conduisent leurs adhérents à des pratiques très-erronées et très-pernicieuses ; les uns prenant un symptôme pour la cause, pensent que dans ces maladies l'inflammation des viscères est le point capital, et y dirigent toutes leurs indications ; ils mettent tout en œuvre pour prévenir, empêcher, ou faire cesser cette inflammation, et en conséquence entassent erreur sur erreur : ils ont recours à la saignée qu'ils répètent douze, quinze, vingt, trente fais, jusqu'à ce que le malade est réduit à la dernière faiblesse. D'autres croient que ces inflammations sont toujours produites et entretenues par la salure, par un levain, par un foyer situé dans les premières voies ; ils mettent tout leur soin à détruire, épuiser ce foyer, et pour en venir plus tôt à bout, ils réitèrent tous les deux jours au moins les purgatifs. Que de funestes effets suivent l'application de remèdes aussi peu convenables ! Que de malades j'ai Ve sacrifiés à de semblables pratiques ! J'en rappelle le souvenir avec douleur.

Qu'on considère les effets de ces remèdes pour se convaincre encore plus de leur importunité, et en premier lieu pour ce qui regarde la saignée ; il est constant 1°. qu'elle n'attaque pas la cause de la maladie, qu'elle relâche et affoiblit considérablement les malades quand elle est souvent réitérée. 2°. Qu'elle trouble et dérange les évacuations critiques. 3°. D'un autre côté les avantages qu'on prétend en retirer ne sont rien moins que solidement constatés. La saignée fréquente, publient hautement ses amis, empêche, prévient, diminue l'inflammation. Quand le fait serait aussi vrai qu'il est faux, elle n'en serait pas plus avantageuse ; elle empêcherait par-là le sang de se dégorger et de se purifier en partie. Que penserait-on d'un homme qui proposerait de prévenir la formation des exanthemes inflammatoires dans la petite vérole, ou des bubons dans la peste ? on le traiterait de charlatan, et cette proposition ferait hausser les épaules, et exciterait la risée : la plupart des rieurs serait dans le même cas. Nous devons raisonner des maladies inflammatoires internes, comme de celles qui ont leur siège à l'extérieur. C'est la même maladie et le même mécanisme ; mais heureusement il est rare que les saignées empêchent l'inflammation ; elles produisent plutôt l'effet opposé, en relâchant, affoiblissant les vaisseaux ; elles augmentent la disposition de la partie affectée, qui n'est probablement qu'une faiblesse, et elles rendent par-là l'engorgement irrésoluble.

Autre prétendu avantage de la saignée, que ses partisans font sonner bien haut, c'est de prévenir la suppuration. Il conste par un si grand nombre d'observations, que vingt et trente saignées n'ont pu dans bien des cas détourner la suppuration, quand l'inflammation a pris une fois cette tournure. Je serais plus porté à croire que cette terminaison est amenée et accélérée par les fréquentes saignées, surtout si on les fait dans le temps qu'une évacuation critique Ve terminer la maladie inflammatoire par la résolution ; j'en ai pour garant plus de cinquante observations dont j'ai été le témoin oculaire : je n'en rapporte qu'une. Un jeune homme était au neuvième jour d'une fluxion de poitrine ; il avait été saigné quatre ou cinq fois ; le pouls était souple, mou, rebondissant, critique, sans caractère d'irritation ; l'expectoration était assez facîle ; on saigne le malade ; les crachats sont à l'instant beaucoup diminués ; la fièvre, les inquiétudes augmentent ; on veut calmer ces symptômes ; on resaigne, le malade s'affoiblit, la fièvre persiste, le pouls se concentre, l'artère devient roide, les crachats sont entièrement supprimés ; il survient des frissons, crachement de pus, sueurs nocturnes ; le malade meurt le vingt-unième jour. Mais je vais plus loin ; quand il serait possible de prévenir la suppuration, il serait souvent dangereux de le tenter : s'est-on jamais avisé de vouloir empêcher la suppuration des pustules varioleuses ? A-t-on pu y réussir, ou si on l'a fait, la mort du malade n'a-t-elle pas suivi de près une entreprise si téméraire ? La même chose doit arriver à l'intérieur, il vaut mieux laisser subir au malade l'évenement incertain d'une suppuration interne, que de l'exposer à une mort assurée ; la nature a mille ressources pour évacuer le pus, quand même (ce qui est le cas le plus fâcheux) le viscère n'aurait point de tuyau excrétoire. Si la suppuration est extérieure, il ne faut rien oublier pour la favoriser ; elle est toujours salutaire, et n'a aucun inconvénient remarquable ; elle épargne beaucoup de remèdes, et procure un prompt et sur rétablissement. On peut juger par-là que la saignée (je parle surtout de celle qui est souvent réitérée) est nuisible et dangereuse, loin de produire les effets heureux qu'on a coutume d'en attendre. Au reste, quand je blâme ces saignées, je n'en blâme que l'abus, qui a fait plus de mal qu'on ne tirera jamais d'utilité des saignées modérées. Je n'ignore pas qu'une seconde ou troisième saignée peuvent très-bien convenir dans le temps de crudité ou d'irritation des maladies inflammatoires, pour diminuer, calmer la violence de certains symptômes, pour ralentir l'impétuosité trop grande des humeurs ; on peut la placer très-avantageusement au commencement de ces maladies, surtout dans des sujets plétoriques, lorsque le pouls est oppressé, petit, enfoncé ; mais ayant du corps et une certaine force, la saignée alors éleve, développe le pouls, augmente la fièvre, et fait manifester l'inflammation dans quelques parties ; il semble qu'elle favorise le dépôt inflammatoire ; ainsi lorsque la quantité ou le mouvement excessif du sang retarde l'éruption de quelque fièvre exanthématique, nous la facilitons par la saignée, et ce sont les cas où elle est le plus favorable. Il importerait fort peu qu'on tirât le sang du pied ou du bras, si dans la saignée du pied on ne le faisait tremper dans l'eau chaude ; et c'est souvent à cette espèce de bain que méritent d'être rapportés bien des effets qu'on attribue sans fondement à l'évacuation du sang faite déterminément par le pied. Cette saignée, pratiquée de cette façon, est préférable dans les maladies de la tête : deux ou trois saignées au plus placées à propos pendant l'irritation, dans les maladies inflammatoires suffisent. J'ai Ve beaucoup de malades attaqués de ces maladies, il m'est rarement arrivé de prescrire plus de deux ou trois saignées ; je n'ai jamais eu lieu de m'en repentir. Les saignées ainsi modérées, sont toujours suivies d'un heureux succès ; elles ne peuvent être qu'indifférentes si elles ne sont pas utiles ; la qualité du sang coéneux est une faible raison pour engager à multiplier les saignées ; tout le sang est semblable ; si on le tirait tout, il offrirait jusqu'à la dernière goutte le même phénomène.

2°. Nous pouvons appliquer aux purgatifs cathartiques dont il est ici question, ce que nous avons dit de la saignée. Quelques signes de putridité assez ordinairement présents dans ces maladies, et qui en sont plutôt l'effet que la cause ; la couleur blanchâtre de la langue ont été saisis aussi-tôt pour des signes indiquant l'administration des purgatifs. En conséquence on a purgé ; les digestions toujours lésées ont offert les mêmes signes, on a cru qu'il y avait un amas de mauvais sucs dans les premières voies, on a voulu l'évacuer, on a repurgé ; le même succès accompagnant l'opération de ces remèdes, on les a réitérés ainsi de suite, tous les deux jours jusqu'à ce que la santé, ou plutôt une convalescence longue et pénible, ou la mort terminât la maladie.

1°. Le principe sur lequel est fondé cette administration fréquente des purgatifs, est au moins hypothétique, pour ne pas dire démontré faux. 2°. L'action des purgatifs affoiblit. 3°. Elle attire aux intestins toutes les humeurs, et les dérive des autres couloirs ; elle détourne principalement la matière de la transpiration. 4°. Ils empêchent par-là les autres évacuations critiques. 5°. Leur usage réitéré énerve le ton des solides, et du sang même, et en épuise (pour parler avec les anciens) l'humide radical. Cependant, à parler vrai, ces remèdes, à moins qu'ils ne soient extrêmement réitérés, ne sont pas aussi dangereux que la saignée ; la raison en est, qu'on les donne fort légers ; l'on prétend purger, et l'on ne purge point ; le remède, heureusement pour le malade, ne produit pas l'effet que le médecin en attend, aussi souvent ces remèdes donnés dans le temps de la crudité, ne changent rien à la maladie ; ils sont simplement indifférents. Il n'en est pas de même dans le temps que la crise se fait ; si l'évacuation critique se fait par les selles, les purgatifs la secondent, mais pour un heureux succès, effet du hasard, combien de fois n'arrive-t-il pas que la crise préparée par une autre couloir, est dérangée par l'action d'un purgatif hors de propos ? J'ai Ve cependant, souvent par un bizarre effet du purgatif, l'expectoration favorisée, le médecin n'ayant d'autre indication qu'une aveugle routine, vouloir purger. Il ne donnait que de la manne ; elle ne produisait aucun effet par les selles, poussait alors par les crachats : c'était exactement le cas de dire que le remède en savait plus que le médecin. Un nombre infini de malades doivent, ainsi que je l'ai observé, leur salut au quiproquo fortuné du remède. Un autre purgatif aurait purgé, arrêté les crachats et augmenté la maladie. Il est bien heureux que ces praticiens routiniers ne se servent que des remèdes de peu d'activité, et qu'ils aient entièrement abandonné les purgatifs des anciens. Les purgatifs en général sont moins contraires dans les maladies inflammatoires de la tête, que dans celles qui portent à la poitrine ; dans celles-ci Baglivi, trop outré, les regarde comme une peste. Il est cependant certains cas où ils pourraient être employés dès le commencement avec fruit, ou du moins sans inconvénient. Il est à-propos de balayer les premières voies lorsqu'elles sont infectées de mauvais sucs, et qu'elles sont comme engourdies sous leur poids ; on essaye d'ailleurs par ce moyen à préparer aux aliments et aux remèdes un chemin pur et facîle qui, sans cette précaution, passeraient dans le sang, changés, altérés et corrompus. Ces cas doivent être bien examinés ; le point principal est de bien saisir l'indication ; les signes ordinaires de putridité sont souvent trompeurs et passagers : un purgatif qui ne serait indiqué que par eux, serait souvent trop hasardé. Je suis persuadé qu'on pourrait tirer beaucoup de lumières de la connaissance des différentes modifications du pouls ; on y peut observer certains caractères qui font connaître lorsque l'estomac est surchargé, les intestins sont infectés de mauvais sucs, lorsque les humeurs se portent vers les premières voies. Voyez POULS. Alors on a tout à espérer d'un purgatif placé dans ces circonstances ; il doit être léger ou médiocre ; pour peu qu'il fût fort il exciterait des superpurgations ; le développement du pouls succédant à l'opération du remède, en marque la réussite. Il n'en est pas des purgatifs émétiques comme des cathartiques, les effets en sont bien différents ; les émétiques, loin de détourner, d'arrêter la transpiration, la favorisent, l'augmentent ; loin d'empêcher les dépôts inflammatoires, ils semblent y concourir ; ils facilitent l'éruption varioleuse, languissante ; ils aident à la décision des crises : on les donne souvent moins pour procurer l'évacuation des matières qui sont dans l'estomac, que pour exciter une secousse générale, qui est presque toujours très-avantageuse, et qui semble viser et parvenir au même but que la fièvre elle-même ; aussi arrive-t-il souvent que la fièvre est calmée, suspendue, quelquefois totalement emportée par l'action d'un émétique. Je suis étonné, dit Sydenham, du soulagement que les émétiques procurent dans les maladies ; car souvent les matières évacuées sont en petite quantité, et ne paraissent avoir aucun mauvais caractère ; les symptômes en sont souvent beaucoup diminués, et la maladie parcourt paisiblement et sans danger ses différentes périodes ; c'est ce qui fait qu'ils conviennent beaucoup au commencement des maladies. Sydenh. Oper. med. constit. epid. an. 1661. cap. iv. et Ve

Quelquefois aussi l'estomac est réellement affecté, il est surchargé, affaissé, et il entraîne l'affaissement de toute la machine ; il concentre, resserre le pouls, il tend l'artère et la rend vibratile. L'émétique administré alors produit un effet étonnant. La présence du pouls stomacal, a remarqué fort judicieusement M. Bordeu, favorise l'effet de l'émétique, et peut servir d'indication certaine pour le placer. Je crois qu'il est toujours à-propos de commencer le traitement d'une maladie inflammatoire par l'émétique ; on pourra, suivant l'indication et la vivacité des symptômes, le faire précéder d'une ou de deux saignées, pour en prévenir les mauvais effets et en faciliter même l'opération ; lorsqu'on le donne avec ces précautions, et au commencement de la maladie surtout, il n'y a rien à craindre, mais tout à espérer de son administration. Le cas où il semblerait le plus contre-indiqué, sont les maladies inflammatoires de la poitrine ; ce sont pourtant celles où il réussit le mieux ; il n'y a que des médecins inexpérimentés qui puissent s'effrayer d'un point de côté ou d'un crachement de sang ; on voit au contraire ces accidents diminuer après l'opération de l'émétique ; on peut après, si l'indication est bien marquée, et si le cas l'exige, donner un ou deux cathartiques pris dans la classe des médiocres ou des minoratifs ; mais rarement on est obligé de recourir à ces remèdes ; je serais d'avis que dans leur exhibition on eut un peu plus d'égard au jour de la maladie. Hippocrate, exact observateur, a remarqué que les purgatifs étaient plus utiles les jours pairs, et que leur usage était souvent dangereux les jours impairs : cette remarque mérite quelque attention. Si après qu'on a fait précéder ces remèdes, la fièvre inflammatoire est modérée, qu'on n'observe rien de dangereux, d'anomale dans le cours des symptômes, le médecin doit rester aisif spectateur, jusqu'à ce que la coction faite il se prépare quelque effort critique à seconder, ou, pour s'accommoder aux préjugés reçus, et satisfaire l'envie singulière qu'ont quelques malades d'être médicamentés, on peut les amuser par des riens, par des remèdes indifférents dont la médecine abonde, par des petits laits, des ptisanes, des loochs, des lavements ; encore doit-on être plus circonspect pour ces derniers remèdes dans les fièvres exanthématiques, dans celles qui portent à la poitrine ; ils sont souvent mauvais : j'en ai Ve de très-pernicieux effets dans la petite vérole. Si la fièvre était trop forte, ce qui est assez rare, on pourrait avoir recours aux saignées, aux lavages, aux délayans, etc. Si elle est trop faible, qu'on aperçoive une langueur, un affaissement dans la machine, il faut recourir de bonne heure aux remèdes qui animent, stimulent les vaisseaux, aux cordiaux, plus ou moins actifs, aux élixirs spiritueux, aromatiques, aux huiles essentielles, à l'éther. Ces remèdes employés à-propos peuvent sauver quelquefois la vie aux malades, dans le cas où le dépôt inflammatoire ne peut être formé, et qu'il Ve se faire un repompement dangereux de cette matière dans le sang ; lorsqu'il est à craindre qu'un malade ne succombe dans le froid d'un redoublement, on peut lui faire passer ce détroit, et le mettre en état de supporter des efforts critiques, et de résister aux évacuations qui doivent terminer la maladie ; mais pour donner ces remèdes, il ne faut pas attendre que le malade soit à l'agonie, hors d'état d'en profiter. Il est si ordinaire aux Médecins de différer l'usage des cordiaux jusqu'à ces derniers moments, dans la crainte mal entendue d'augmenter la fièvre et d'échauffer, qu'il semble qu'on porte un arrêt de mort à un malade quand on veut lui prescrire une potion cordiale. De tous les cordiaux, ceux qui agissent le plus vite et le plus surement, et qui sont les plus propres à tirer le sang et les vaisseaux de l'engourdissement, sont sans contredit les vésicatoires ; leur application relève le pouls, augmente sa force et sa tension, fait cesser les assoupissements, calme souvent les délires opiniâtres. On a Ve des pleurétiques tirés comme par enchantement des portes de la mort par l'application des vésicatoires sur le côté affecté ; les efforts critiques sont aidés, et même déterminés par leur moyen ; il n'y a pas de remède plus assuré pour favoriser une crise languissante ; mais comme ils produisent de grands biens quand ils sont appliqués à-propos, ils font beaucoup de mal quand ils sont employés à contre-temps ; c'est pourquoi ils exigent dans leur usage beaucoup de circonspection.

Lorsque la crise est prête à se faire, la nature nous en instruit par divers signes ; elle nous fait même connaître le couloir qu'elle destine à l'excrétion critique ; on peut lui aider dans cet ouvrage, et déterminer les humeurs aux tuyaux excrétoires qu'elle doit choisir, dit Hippocrate, . Voyez CRISE. " Il faut pousser aux couloirs que la nature affecte, les humeurs qui doivent être évacuées par les endroits les plus convenables. " Aphor. 21. lib. I. Il est très-important de bien examiner les différents signes critiques ; on n'en doit négliger aucun pour connaître surement par quel endroit se fera l'évacuation critique ; si la maladie doit se juger par l'exportation, on ne peut seconder cette excrétion véritablement que par le kermès minéral ; tous les autres béchiques sous forme de looch, de ptisanes, ne font que peu ou point d'effet ; si la crise se prépare par les sueurs, on doit donner les sudorifiques plus ou moins forts, suivant la longueur des efforts critiques : les légers purgatifs facilitent la crise qui doit se faire par le dévoiement, ainsi des autres.

Si la maladie se termine par la suppuration, il faut entièrement laisser tout l'ouvrage à la nature, sans l'affoiblir par les laitages affadissants, etc. on pourra tout au plus lui aider lorsque les caractères du pouls indiqueront qu'elle ménage l'évacuation du pus par quelque couloir. Le mécanisme des métastases nous est totalement inconnu, et nous ne sommes pas plus instruits de ce qu'il faudrait faire pour les déterminer. Je crois cependant, dans les suppurations de la poitrine, qu'il serait à-propos de tenter l'application des cautères du feu aux jambes : dans ces maladies la nature affecte souvent cette voie. On pourrait aussi dans certains cas de suppuration interne, procurer, par des opérations chirurgicales, une issue au pus renfermé dans quelque cavité, par l'empyème dans les pleurésies, par le trépan dans les phrenésies, etc. Si la suppuration est extérieure, le traitement est tout simple, il n'exige aucune considération particulière. Article de M. MENURET.