verb. act. (Anatomie) c'est la méthode de remplir les vaisseaux des animaux avec une liqueur colorée, qui se durcissant, tient les vaisseaux distendus et fermes, et laisse la liberté d'en observer plus exactement la distribution, la situation et les diamètres, de découvrir le nombre de leurs ramifications et de leurs anastomoses, qu'il ne serait pas possible d'apercevoir sans ce moyen.

La nature des instruments, celle des liqueurs dont on se sert pour les injections, la manière dont on veut faire l'injection, enfin la manœuvre même de l'injection, sont autant d'articles dont on Ve donner l'explication.

C'est une découverte qui a beaucoup contribué à éclaircir l'économie animale. Malpighi et Glisson se sont servi de liqueurs colorées, mais Swammerdam parait être le premier qui ait employé une préparation de cire. Il ajoute qu'il apprit cette méthode en 1666 à Van-Horne et à Hade ; ce ne fut qu'en 1668 que Graaf fit graver la figure des instruments dont il fallait se servir, et qu'il décrivit tout ce merveilleux artifice. Mais Ruysch a poussé cet art si loin, que les plus savants hommes sont aussi pleins d'admiration que les plus ignorants, à la vue des prodiges qu'a opéré son industrie. Il faisait une espèce de mystère de son secret ; mais à présent les anatomistes sont suffisamment instruits de la manière de remplir les vaisseaux.

L'instrument dont on se sert ordinairement pour pousser la liqueur dans les vaisseaux, est une forte seringue de cuivre, dont le piston doit couler avec aisance, et à laquelle peuvent s'adapter différents tuyaux qu'on y fixe par le moyen d'une vis ; les extrémités de ces tuyaux ont différents diamètres, et sont sans vis, afin qu'ils puissent entrer dans d'autres tuyaux, et s'emboiter avec eux si exactement que pour peu qu'on les force l'un contre l'autre, rien ne puisse passer entr'eux. Mais parce que leur cohésion n'est pas assez forte pour résister à la force avec laquelle on pousse l'injection, et qu'il est à craindre que ce second tuyau ne soit repoussé, et que la matière de l'injection ne s'échappe et ne fasse ainsi manquer l'opération, l'extrémité du second tuyau qui reçoit celui qui est fixe sur la seringue, doit avoir une partie carrée terminée devant et derrière par un cercle élevé ou saillant, afin d'empêcher la clé qui embrasse étroitement l'entre-deux de ces cercles ou la partie carrée, de glisser ; ou bien elle doit être garnie de deux branches de cuivre, afin de pouvoir la contenir avec deux doigts. L'autre extrémité de cette espèce de tuyau est de différente grosseur, et il y a vers cette extrémité une hoche ou entaillure qui sert à arrêter un fil ; par le moyen de cette hoche, le fil qui lie ce vaisseau par lequel on doit faire l'injection, ne saurait glisser : outre cette forme commune à tous les tuyaux de la seconde espèce, on doit en avoir quelques-uns qui soient plus larges et qui soient configurés d'une autre manière pour des cas particuliers. Par exemple, si l'on veut injecter les gros vaisseaux, le tuyau attaché à un grand vaisseau doit avoir une valvule ou un robinet, et qu'on puisse tourner selon le besoin pour empêcher que l'injection ne sorte du vaisseau par le tuyau ; autrement il faut que celui qui fait l'injection attende pour retirer la seringue, que la matière injectée soit refroidie ; ou s'il retire trop tôt la seringue, l'injection s'échappe, et les gros vaisseaux se desemplissent. Lorsque la seringue n'est pas assez grande pour contenir toute la matière nécessaire pour remplir les vaisseaux, il faut la remplir une seconde fois ; si l'on était obligé pour cela de retirer la seringue du tuyau attaché au vaisseau, il se perdrait de l'injection, et ce qui serait exposé à l'air se refroidirait et se durcirait. Pour éviter ces inconvénients il faut avoir quelques tuyaux qui aient une branche courbe soudée latéralement, et une valvule disposée de manière que la liqueur ne puisse pas passer du tuyau droit dans le tuyau courbe, mais qui au contraire la laisse passer du tuyau courbe dans le tuyau droit. Celui qui fait l'injection ayant alors soin de tenir l'extrémité du tuyau courbe dans la liqueur qui sert à l'injection, peut aussi-tôt qu'il a desempli la première seringue, la remplir de nouveau en tirant seulement le piston, et reïtérant cette manœuvre avec diligence, il sera en état de pousser dans les vaisseaux tout autant de liqueur qu'il en faudra pour les injecter parfaitement. Tous ces différents tuyaux sont ordinairement faits de cuivre jaune ; ils peuvent néanmoins l'être de tout autre métal, comme d'étain, etc.

Les liqueurs dont on se sert lorsqu'on a dessein de remplir les vaisseaux capillaires, sont telles qu'elles peuvent se mêler ou avec l'eau ou avec les liqueurs grasses ; les unes et les autres ont des avantages et des inconvéniens. Toutes les différences espèces de glues, comme la colle de poisson, la colle forte, etc. dissoutes et délayées dans l'eau, se mêlent aisément avec les liqueurs contenues dans les vaisseaux des animaux, ce qui est un grand avantage ; car elles pénètrent jusques dans les plus petits vaisseaux d'un sujet bien choisi et bien préparé, et souvent elles suffisent pour répondre à l'intention de l'anatomiste, lorsqu'il n'a d'autre dessein que de préparer quelque fine membrane, dont les vaisseaux sont si déliés, qu'il n'est pas possible de les apercevoir à la vue, si les sections transversales de ces vaisseaux sont circulaires, ou si leurs parois sont affaissées. Mais lorsqu'il faut aussi injecter les gros vaisseaux, ces sortes d'injections ont un inconvénient fâcheux, et la préparation en est moins utîle et moins belle. En effet, si l'on n'injecte qu'une liqueur glutineuse, il n'est pas possible de conserver un sujet aussi longtemps qu'il en faut à la colle pour sécher et se durcir ; et comme en disséquant la partie injectée, il n'est guère possible qu'on ne coupe plusieurs vaisseaux, l'injection s'épanchera. Pour éviter cet inconvénient, on pourrait à la vérité tremper la partie dans l'esprit de vin qui coagulerait la colle ; mais alors elle devient si fragile, qu'elle se casse pour peu qu'on la manie, et si l'on veut conserver la préparation, les gros vaisseaux se fléchissent presqu'entièrement lorsque les parties aqueuses de l'injection sont évaporées. On pourrait aussi prévenir l'épanchement de l'injection en liant exactement chaque vaisseau avant que de le couper ; mais cela n'empêche pas que les vaisseaux ne se contractent lorsque la colle se desseche. Si pour obvier à ces inconvéniens, on commence à injecter d'une dissolution de colle ce qu'il en faut pour remplir les vaisseaux capillaires, et que pour remplir ensuite les grands vaisseaux, on se serve de l'injection grasse ordinaire, la cire ne Ve pas fort loin sans se congeler, et les deux sortes d'injections ne manquent jamais de se mêler irrégulièrement ; de sorte que les vaisseaux paraissent interrompus et cassés par la séparation mutuelle de ces deux liqueurs, ce qui devient encore plus sensible dans la suite à mesure que les parties aqueuses se dissipent. L'esprit de vin coloré se mêle avec les eaux et les huiles, et peut encore pénétrer jusques dans les plus petits vaisseaux ; mais d'un autre côté il coagule toutes les liqueurs animales qu'il rencontre, et qui quelquefois bouchent les vaisseaux de manière que l'injection ne saurait passer jusqu'aux capillaires ; d'ailleurs, l'esprit-de-vin ne peut tenir qu'avec peine, suspendues quelques-unes des poudres qui communiquent les couleurs les plus durables ; et comme il s'évapore à la fin entièrement, les vaisseaux deviennent fort petits, et cette petite quantité de poudre colorée qui reste dans les vaisseaux n'ayant rien qui en tienne les parties liées et réunies entr'elles, elle parait ordinairement interrompue en tant d'endroits, que les petites ramifications de vaisseaux ont plutôt l'apparence d'un coup de pinceau jeté au hasard, que de tuyaux réguliers et continus. Le suif fondu et mêlé avec un peu d'huîle de térébenthine, peut quelquefois remplir les petits vaisseaux, et tient les plus gros suffisamment distendus ; mais il s'arrête dès qu'il rencontre quelque fluide dans les parties, et ne peut jamais pénétrer aussi avant que les autres liqueurs ; il a d'ailleurs si peu de ténacité qu'il se casse pour peu qu'on le manie, ce qui rend les préparations fort desagréables. Ce qui réussit le mieux pour les injections fines, c'est l'huîle de térébenthine colorée qu'on pousse d'abord à la quantité requise pour remplir les plus petits capillaires, et immédiatement après on remplit les gros vaisseaux avec l'injection commune. L'huîle de térébenthine est assez subtîle pour pénétrer plus avant qu'aucune autre liqueur colorée : ses parties résineuses qui restent après l'évaporation des parties spiritueuses lient assez celles de la matière qui a servi à la colorer pour les empêcher de se desunir, et elle s'incorpore intimement avec l'injection ordinaire ; de manière que si l'injection est bien faite, il est impossible à la vue la plus perçante de s'apercevoir qu'on a employé deux sortes d'injections. Toutes les liqueurs dont on se sert pour injecter les vaisseaux des animaux n'ayant qu'une faible et presque toute une même couleur, ne paraitraient pas du tout dans les plus petits vaisseaux, parce qu'elles y deviennent entièrement transparentes. Il faut pour les rendre sensibles, y mêler quelque matière capable de les colorer ; et lorsqu'on injecte différents vaisseaux d'une partie, même des plus gros, on a de la peine à distinguer les uns, à moins qu'on ne donne différentes couleurs aux injections, ce qui rend aussi les préparations plus belles. Pour cet effet les Anatomistes se servent de plusieurs matières pour colorer leurs liqueurs selon leurs intentions ; telles par exemple, que la gomme gutte, le safran, l'ivoire brulé, etc. qu'on peut avoir aisément. L'essentiel est d'examiner les matières qui sont propres à être mêlées avec les liqueurs destinées à injecter les vaisseaux capillaires ; car il est rare qu'on ait besoin d'injecter d'autres vaisseaux, excepté certaines ramifications principales des artères, et quelques veines. Les couleurs communément employées par ces deux dernières sortes de vaisseaux, sont le rouge, le verd, et quelquefois le bleu. Les Anatomistes sans-doute, se sont proposés d'imiter les couleurs naturelles des artères et des veines de l'animal vivant, en remplissant les unes avec une matière rouge, et les autres avec une matière bleue ou verte. Il résulte cependant d'autres avantages de ces couleurs, telle que la vive réflexion des rayons de lumière, et le peu de disposition qu'elles ont à les laisser passer ou à devenir transparentes, sans quoi les vaisseaux les plus fins seraient encore imperceptibles après avoir été injectés. Les matières animales et végétales dont on se sert pour colorer les injections, telles que la cochenille, la lacque, l'orcanette, le bois de Brésil, l'indigo, etc. ont en général l'inconvénient de se grumeler et de boucher ainsi quelques vaisseaux. Leurs couleurs aussi se passent trop tôt lorsqu'on fait dessécher les parties pour les conserver, et elles les communiquent encore aisément aux liqueurs dans lesquelles on conserve les préparations, outre qu'elles ont l'inconvénient d'attirer les insectes ; ainsi quoiqu'on réussisse assez souvent en se servant de ces couleurs, il faut cependant préférer les substances minérales, telles que la pierre calaminaire, le minium ou le vermillon, pour les injections rouges ; et de ces matières le vermillon est encore préférable aux autres, parce qu'il donne une couleur plus vive, et qu'on le trouve ordinairement mieux broyé. La couleur verte qu'on emploie généralement est le verd-de-gris, et celui qu'on nomme crystallisé vaut mieux encore, parce que sa couleur est plus éclatante, qu'il ne se grumelle jamais, et qu'il se dissout dans les liqueurs grasses.

Pour les injections fines, on prend une livre d'huîle de térébenthine bien claire, et l'on y mêle peu-à-peu une once de vermillon ou de verd-de-gris crystallisé en poudre subtile, ou plutôt exactement broyé sur le porphyre ; il faut les agiter avec une spatule de bois jusqu'à ce que le mélange soit exact, et passer ensuite la liqueur par un linge fin. La séparation des parties les plus grossières se fait encore mieux, en ne versant d'abord sur la poudre que quelques onces d'esprit de térébenthine, et agitant fortement avec une spatule : laissez un peu reposer, et versez par inclination dans un autre vase bien net l'esprit de térébenthine et le vermillon ou le verd-de-gris qui y est suspendu, et répétez cela jusqu'à ce que l'esprit de térébenthine n'enlève plus de la poudre, et qu'il n'en reste que les parties les plus grossières. L'injection ordinaire se prépare ainsi : prenez une livre de suif, cinq onces de cire blanche ou jaune, trois onces d'huîle d'olive, faites fondre ces matières au feu de lampe ; lorsqu'elles seront fondues, ajoutez-y deux onces de térébenthine de Venise ; et quand elle sera mélée, vous y ajouterez environ deux onces de vermillon ou de verd-de-gris préparé, que vous mélerez peu-à-peu ; passez alors votre mélange par un linge propre et chauffé, pour séparer toutes les parties grossières ; et si l'on veut pousser cette matière plus avant dans les vaisseaux, on peut avant que de s'en servir, y ajouter un peu d'huile, ou esprit de térébenthine.

Voici quelques règles générales pour le choix d'un sujet convenable, 1°. Plus le sujet que l'on injecte est jeune, plus aussi, toutes choses d'ailleurs égales, l'injection se portera loin, et ainsi du contraire. 2°. Plus les fluides de l'animal auront été dissous et épuisés pendant sa vie, plus aussi le succès de l'opération sera grand. 3°. Moins la partie que l'on a dessein d'injecter est solide, plus les vaisseaux se rempliront. 4°. Plus les parties sont membraneuses et transparentes, plus l'injection sera sensible. C'est pourquoi, lorsque l'on injecte quelque partie solide d'un vieux sujet, qui est mort ayant les vaisseaux pleins d'un sang épais, à peine est-il possible de pousser l'injection dans quelques vaisseaux. Les principales choses que l'on doit avoir en vue, lorsqu'on a dessein d'injecter un sujet, sont de dissoudre les fluides épaissis, de vider les vaisseaux et de relâcher les solides, et d'empêcher que la liqueur injectée ne se coagule trop tôt. Pour remplir toutes ces fins, quelques auteurs proposent d'injecter par les artères de l'eau tiede ou chaude jusqu'à ce qu'elle revienne claire par les veines, et les vaisseaux par ce moyen sont si bien vuidés de tout le sang qu'ils contenaient, que les parties en paraissent blanches. Ils conseillent ensuite de pousser l'eau, en introduisant de l'air avec force, et enfin de faire sortir l'air en pressant avec les mains les parties où il a été introduit. Après une semblable préparation, on peut parvenir, il est vrai, à faire des injections subtiles ; mais il y a ordinairement un inconvénient inévitable, qui est dans toutes les parties où il se trouve un tissu cellulaire tant-sait-peu considérable ; la tunique cellulaire ne manque jamais d'être engorgée d'eau qui gâte les parties qu'on a dessein de conserver dans des liqueurs ou de faire dessécher. Il est encore rare qu'il ne se mêle avec l'injection grasse, soit dans les grands, soit dans les petits vaisseaux, quelques parties aqueuses qui font paraitre l'injection interrompue ; c'est pourquoi il vaut mieux se passer de cette injection avec l'eau, si on le peut, et faire macérer le sujet, ou la partie que l'on a dessein d'injecter pendant longtemps dans de l'eau chauffée au degré qu'on y puisse facilement porter la main : par le moyen de cette eau chaude, les vaisseaux seront suffisamment ramollis et relâchés, le sang deviendra fluide, et l'injection ne sera pas exposée à se refroidir si-tôt ; mais il faut avoir soin que l'eau ne soit pas trop chaude, car les vaisseaux se raccourciraient et le sang se durcirait. On peut, pendant la macération, exprimer de temps à autre, autant qu'il est possible, les liqueurs de l'animal, et les déterminer vers le vaisseau qu'on a ouvert pour pousser l'injection ; le temps qu'il faut continuer la macération est toujours proportionné à l'âge du sujet, à la grosseur, à la grandeur des parties qu'on veut injecter, et à la quantité de sang que l'on remarque dans les vaisseaux, ce qui ne peut guère s'apprendre que par l'expérience. Mais il faut au moins faire son possible pour que le sujet ou la partie macérée soit bien chaude, et continuer à presser en tous sens avec les mains jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de sang, dans quelque situation qu'on mette le sujet. Lorsque la seringue à injecter l'injection et le sujet sont en état, il faut choisir un des tuyaux de la seconde espèce, dont le diamètre soit proportionné à celui du vaisseau par lequel doit se faire l'injection ; car si le tuyau est trop gros, il est évident qu'on ne pourra pas l'introduire, et s'il est beaucoup plus petit que le vaisseau, il ne sera pas possible de les attacher si bien que les tuniques des vaisseaux, en se repliant, ne laissent entr'elles et le tuyau quelque petit passage par lequel une partie de l'injection rejaillira sur celui qui injecte dans le temps de l'opération, et les vaisseaux les plus proches se videront en partie par la perte d'une portion de la liqueur injectée : lorsqu'on a choisi un tuyau convenable, il faut l'introduire dans l'orifice du vaisseau coupé, ou dans une incision qu'on y fait latéralement ; et alors ayant passé un fil ciré au-dessous et le plus près du vaisseau qu'il est possible, par le moyen d'une aiguille ou d'une sonde flexible et armée d'un oeil, il faut faire avec le fil le nœud du chirurgien, et le serrer autant que le fil le permet, ayant soin que le nœud porte sur la hoche ou entaillure du tuyau, autrement le nœud glisserait, et le tuyau sortirait du vaisseau dans le temps de l'opération, ce qui la rendrait inutile. S'il se trouve de grands vaisseaux coupés qui communiquent avec ceux qu'on a dessein d'injecter ; ou s'il y en a d'autres qui partent du même tronc, et qu'on ne veuille pas y faire passer l'injection, il faut les lier tous avec soin pour ménager la liqueur, et pour que l'opération réponde mieux à l'intention que l'on a pour lors. Tout cela étant fait, il faut faire chauffer au feu de la lampe les deux sortes d'injections, ayant toujours soin de les remuer continuellement, de crainte que la poudre qui leur donne la couleur ne se précipite au fond et ne se brule. L'esprit de térébenthine n'a pas besoin d'être chauffé plus qu'il ne convient pour qu'on y tienne le doigt ; l'injection ordinaire doit presque bouillir. On aura avant tout cela enveloppé la seringue avec plusieurs bandes de linge qu'on mettra principalement aux endroits où l'opérateur doit la tenir, et qu'on affermira avec un fil ; il faut bien échauffer la seringue, en pompant à plusieurs reprises de l'eau bien chaude ; il faut aussi chauffer le tuyau attaché au vaisseau, en appliquant dessus une éponge trempée dans de l'eau bouillante. Tout étant prêt, et la seringue bien vuidée d'eau, l'opérateur la remplit de l'injection la plus fine ; et introduisant le tuyau monté sur la seringue dans celui qui est lié avec le vaisseau, il les presse l'un contre l'autre, tient avec une main ce dernier tuyau, prend la seringue de l'autre, et portant le piston contre la poitrine, il le pousse en s'avançant dessus ; ou bien il donne à un assistant le soin de tenir fermement le tuyau attaché au vaisseau ; et prenant la seringue d'une main, il pousse le piston de l'autre, et introduit ainsi l'injection, ce qui doit se faire lentement et sans beaucoup de force, d'une manière cependant proportionnée à la longueur, à la masse de la partie que l'on injecte et à la force des vaisseaux. La quantité qu'il faut de cette injection fine s'apprend par l'usage ; la seule règle que l'on puisse suivre en cela est de continuer à pousser l'injection fine jusqu'à ce qu'on sente quelque résistance, qui demanderait une force considérable pour être surmontée. Mais il n'en est pas de même lorsqu'on veut injecter toutes les branches d'un vaisseau ; comme, par exemple, si l'on veut injecter les vaisseaux de la poitrine seulement ; car l'aorte est trop grande, eu égard aux branches qui en partent, et il faut moins d'injection fine. Aussi-tôt qu'on a senti cette résistance, il faut tirer l'épiploon de la seringue, afin de desemplir les gros vaisseaux ; on ôte alors la seringue, on la vide de ce qu'elle contient d'injection fine, et on la remplit de l'injection ordinaire qu'il faut pousser promptement et avec force, ayant toujours égard à la grandeur et à la solidité des vaisseaux et à la grosseur de la partie, etc. on continue à pousser le piston jusqu'à ce qu'on sente une entière résistance, ou que la liqueur reflue, on doit s'arrêter alors, et ne plus pousser de l'injection ; autrement on ouvrirait quelques vaisseaux, et toute la préparation ou au moins une grande partie serait perdue par l'extravasation. Il faut boucher le tuyau avant que de retirer la seringue pour la nettoyer, et donner à la matière injectée en dernier lieu le temps de se refroidir, et de se coaguler avant que de disséquer aucune partie. C'est par ce moyen, et en observant les précautions qui viennent d'être indiquées, qu'on parvient à injecter les vaisseaux les plus déliés du corps, comme ceux de la substance corticale du cerveau, de la tunique choroïde et vasculeuse de l'oeil, du périoste, des os de l'oreille, enfin des vaisseaux des dents, de la peau des os et des viscères. J'ai cru faire plaisir à mes lecteurs en donnant ce détail sur un art aussi curieux que l'est celui des injections, et je l'ai fait avec d'autant plus de confiance que j'ai trouvé un guide sur en M. Alexandre Monro, professeur d'Anatomie en l'université d'Edimbourg et de la société royale de Londres. En effet, je n'ai eu besoin que de transmettre et rédiger en forme d'article la dissertation que cet habîle professeur a insérée dans les essais et observations de Médecine de la société d'Edimbourg, et qui se trouve dans la traduction française de cet ouvrage, tom. I. art. IXe pag. 113. et suiv.