S. f. terme de Chirurgie, maladie de l'oeil, qui consiste dans la dilatation demesurée du globe, causée par l'augmentation contre nature du volume des humeurs. C'est à Nuck qu'on est redevable du mot hydropthalmie, qui exprime proprement la maladie dont nous parlons, et que les anciens appelaient exopthalmie, dénomination équivoque, par laquelle on confondait la dilatation du globe, avec la chute de l'oeil qui lui fait faire pareillement saillie hors de l'orbite. L'augmentation de l'humeur aqueuse est démontrée dans l'hydropthalmie, par la prééminence de la cornée transparente, et par l'éloignement ou la profondeur de l'iris. L'extrême dilatation de la pupille, est un signe que le corps vitré contribue à l'extension démésurée des tuniques.

Les malades ressentent presque continuellement au fond de l'oeil et à la tête, de violentes douleurs accompagnées d'insomnie et de fièvre. Cette maladie est ordinairement chronique, et persiste dans son état sans aucun changement, lorsque l'oeil est parvenu au dernier degré d'extension que ses membranes lui permettent. Maitre-Jan propose dans cette maladie beaucoup de remèdes tant généraux que particuliers, internes et topiques, bien variés, suivant les différentes indications qui peuvent se présenter ; car il croit cette maladie sujette à la résolution et à la suppuration. Dans ce dernier cas il conseille une petite ouverture, comme l'incision d'une saignée à la partie déclive, du côté du petit angle, à côté de l'iris, sur le blanc de l'oeil, et qui pénètre par de-là l'uvée. Bidloo propose aussi l'ouverture de l'oeil, lorsque sa protubérance est douloureuse ; et il rapporte le cas d'un homme qui est mort de cette maladie, pour n'avoir pas voulu se résoudre à cette légère opération qu'il lui avait conseillée avec le célèbre Cyprien son collègue, très-habîle chirurgien d'Amsterdam. Il ajoute à cette histoire celle d'un enfant de dix ans, à qui l'oeil était devenu excessivement gros à la suite de plusieurs fluxions fort douloureuses. On avait employé en vain les remèdes les mieux indiqués pour détourner cette humeur ; on appliqua enfin un cataplasme maturatif, qui attira une tuméfaction prodigieuse de l'oeil avec suppuration. Le malade souffrit les douleurs les plus aigues ; on obtint le calme en vuidant l'oeil par une incision que Bidloo fit au bord de la cornée transparente. Le globe se rétrecit et se consolida parfaitement en peu de temps, sans autre incommodité que la perte de la vue.

Bidloo fait un précepte de sa méthode d'opérer dans ce cas. Il ne juge pas que l'incision doive s'étendre par de-là le bord inférieur de la cornée transparente, parce qu'il est possible que l'humeur vitrée ne soit pas liquefiée, et qu'elle reste en place avec le crystallin. Alors le globe de l'oeil conservera, dit-il, un certain volume, la cornée transparente ne sera pas défigurée par une cicatrice desagréable, et l'oeil conservera autant qu'il sera possible l'apparence d'un état naturel : si au contraire les humeurs sont entièrement dissoutes, cette incision sera suffisante pour en permettre l'évacuation.

Quand les tuniques n'ont pas été portées à un point excessif de dilatation, on peut tenter la méthode de Nuck, qu'Heister assure avoir pratiquée avec succès. Elle consiste à faire une ponction au bord de la cornée transparente avec un petit trocart, pour évacuer l'humeur qui cause l'hydropthalmie et à contenir l'oeil avec une plaque de plomb par dessus l'appareil, et les remèdes convenables : on réitère ces ponctions aussi souvent que la nécessité le requiert, jusqu'à ce que l'oeil soit réduit d'une manière permanente dans son état naturel. L'usage intérieur des remèdes sudorifiques et purgatifs favorise, dit-on, ces procédés curatifs. Mais dans le cas où la dilatation du globe est extrême, Heister conseille une grande incision transversale, ou même cruciale, pour vider entièrement l'oeil. Il est le copiste de Saint-Yves, lorsqu'il recommande de retrancher dans certains cas, les membranes qu'on croirait trop étendues, et qui pourraient empêcher l'oeil de se réduire à un petit globe, propre à porter commodément un oeil artificiel. Dans une tuméfaction considérable de l'oeil, je me suis contenté de faire une simple incision transversale d'un angle à l'autre. Elle fut suivie d'inflammation et de vomissements lymphatiques, qui me donnèrent de la défiance sur l'utilité d'une incision aussi étendue : sans retrancher rien des tuniques, elles se sont réduites à un très petit volume. J'ai Ve depuis, par un fait, dont je vais donner le précis, l'inutilité de la grande incision que j'avais faite, quoiqu'avec plus de ménagement que Saint-Yves et Heister ne la prescrivent. Une fille avait l'oeil gauche fort dilaté depuis plus de 25 ans, à la suite de la petite vérole qu'elle avait eue à l'âge de six ans. Les douleurs de migraine très violentes, accompagnées de fluxions de tête, qui se portaient souvent sur les yeux, ne purent la déterminer à laisser vider l'oeil ; le hasard la servit utilement. Elle se donna un coup violent à l'oeil, en tombant sur le bâton de l'angle d'une chaise de paille ; la contusion et l'échymose furent considérables. Quelques heures après l'oeil s'est ouvert ; il en est sorti du sang fluide et coagulé, avec les humeurs qu'il contenait ; la guérison a été parfaite en 12 ou 15 jours sans aucun accident. On remarque sur la surface antérieure du bouton globuleux, mobîle par l'action des muscles, une protubérance solide et plissée, formée par la cornée transparente. La cicatrice enfoncée qu'on aperçoit, montre que l'oeil s'est crevé du côté du petit angle, au milieu de la partie latérale externe du globe, précisément où Guillemeau indique qu'il faut faire l'incision, lorsqu'il est nécessaire de vider l'oeil. L'inspection de celui dont je parle, prouve que cette incision aurait l'inconvénient de laisser une inégalité protubérante ; parce que les membranes en se resserrant sur le centre du globe, la cornée transparente, qui est une portion de petite sphère ajoutée à une plus grande, doit nécessairement former une saillie sur la surface du globe retréci ; ce qu'on évitera en incisant dans toute l'étendue de la cornée transparente exclusivement. Cette incision suffira pour procurer la réduction du globe fort dilaté à un petit volume, sans retrancher une portion des membranes. On ne peut trop simplifier les opérations de Chirurgie, et cette perfection ne peut être que le fruit de l'étude des faits mûrement réfléchis, et observés judicieusement sous leur véritable point de vue. Les chirurgiens purement opérateurs pratiquent habilement, mais ils perfectionnent peu. (Y)