S. m. (Chirurgie) choc plus ou moins violent d'un corps qui nous frappe, ou contre lequel nous allons heurter.

Il en résulte toujours que les coups un peu considérables affoiblissent et quelquefois détruisent le ressort des vaisseaux ou les divisent. Lorsque le ressort des vaisseaux est diminué ou perdu, le mouvement progressif des fluides qui y sont contenus s'y fait lentement, ou ne s'y fait point ; parce que les solides n'ont plus la force de les pousser. Lorsque les vaisseaux sont divisés, les fluides s'épanchent dans leurs interstices, ou dans quelque cavité.

Les coups legers qui affoiblissent peu le ressort des vaisseaux ou qui les divisent faiblement, n'ont point de suites fâcheuses, la nature pourvait toute seule à leur guérison : mais les autres coups peuvent produire toutes sortes de maux, des tumeurs, des solutions de continuité dans les parties molles, dans les parties dures, leur déplacement, un dérangement dans le cerveau, si la tête a souffert ; en un mot tous les effets qui peuvent naître des apostèmes, des blessures, des contusions, des fractures, des luxations. Alors on doit considérer seulement la nature du mal, son état, et son degré, pour y appliquer le remède. Tirons d'abord les hommes du danger, et puis nous en discuterons les causes, Article de M(D.J.)

COUP-DE-SOLEIL, s. m. (Médecine) impression subite et momentanée des rayons du Soleil, réunis par des causes naturelles sur quelques corps, dont ils peuvent détruire la texture, séparer ou disperser les principes.

Tout le monde sait qu'on détourne à l'aide d'un miroir ardent les rayons du Soleil de leur parallélisme, et qu'on les réunit dans un foyer où ils vitrifient les corps qu'on y présente. Or toutes les causes naturelles qui rassemblent le mouvement de la lumière vers un même endroit, sont capables de faire naître beaucoup de chaleur dans le lieu où elles dirigent la lumière. Ainsi les nuées qui la réunissent quelquefois à-peu-près comme les verres et les miroirs, peuvent produire des traits de chaleur très-vifs, et c'est ce que nous appelons coups-de-Soleil. Les plantes sur lesquelles tombent ces traits de chaleur, en sont séchées, brulées, grillées. Les hommes n'en souffrent guère impunément l'atteinte sur quelque partie du corps, particulièrement sur la tête ; et l'expérience nous apprend que les caravanes, les moissonneurs, les faucheurs, les laboureurs, en sont souvent la victime : ils éprouvent encore les effets de ces traits de chaleur, lorsque le Soleil après avoir été quelque temps obscurci par des nuages, vient, en se découvrant tout-à-coup, à darder sur eux ses rayons sans aucun obstacle qui les brise.

Cette chaleur vive et subite produit sur le corps humain la raréfaction des humeurs, la distension des vaisseaux, leur atonie, la compression du cerveau, l'extravasation des fluides, l'apoplexie, la mort. Le Soleil donnant à plomb sur le crane, échauffe cette partie, met en contraction les fibres tendineuses de la dure-mère, et cause de violentes douleurs de tête, et des étourdissements qui sont d'ordinaire les avant-coureurs de la mort.

La méthode préservative demande d'éviter ces sortes d'accidents, de s'en garantir par art, et de rompre la force des rayons du Soleil par un corps intermédiaire ; mais ce corps propre à produire cet effet, ne doit pas toucher la tête, afin de ne lui pas communiquer par le contact la chaleur qu'il recevrait des rayons du Soleil : on en peut concevoir la raison par ce qui arrive à ceux qui, ayant eu le crane ouvert, se servent pour la sûreté de leur cerveau d'une calotte d'argent ; bientôt ils se trouvent obligés, à cause de la grande chaleur que contracte cette calotte, de lui en substituer d'autres faites de carton, ou de quelque matière moins dense et moins solide qu'un métal. La méthode curative consiste à desemplir et détendre les vaisseaux par la saignée, les lavements, les bains tiedes, le repos des muscles et de l'esprit, l'air frais et renouvellé, les fomentations, les vapeurs d'eau, les humectants, les boissons acides, et les sucs gélatineux. Article de M(D.J.)

COUP FOUDROYANT, expérience de Leyde ou de la commotion (Physique), est le nom d'une expérience de l'électricité, dans laquelle la personne ou les personnes qui la font se sentent comme frappées vivement et tout à la fois dans plusieurs parties du corps. La manière ordinaire de la faire est fort simple, et consiste en ceci. Ayant empli d'eau à moitié ou un peu plus une bouteille ou un vase de verre médiocrement épais, bien net et bien sec au-dessus de l'eau tant en-dedans qu'en dehors ; prenez-le d'une main, en l'empoignant de façon que vous le touchiez dans la partie qui répond à celle où se trouve l'eau intérieurement, et faites qu'un fil de métal partant du conducteur, voyez CONDUCTEUR, y trempe sans toucher les bords du vase. Si après que l'on aura électrisé le globe pendant quelque temps, vous tirez avec la jointure du milieu d'un des doigts de l'autre main une étincelle du conducteur, vous ferez l'expérience du coup foudroyant, ou plutôt vous recevrez le coup foudroyant, c'est-à-dire que dans l'instant que vous tirerez l'étincelle, si l'électricité est d'une certaine force, vous vous sentirez frappé violemment et en même temps dans les poignets, dans les coudes, les épaules, et même dans la poitrine. La manière dont cette expérience se fait sentir et affecte telles ou telles parties, varie beaucoup selon la force de l'électricité, la constitution, et le tempérament des personnes qui la font. Dans les unes, et c'est ordinairement celles qui sont d'une constitution faible, elle affecte un plus grand nombre de parties, et produit un sentiment de douleur plus vif ; dans les autres elle occasionne une si grande surprise, qu'elles sont tentées de croire que quelqu'un des assistants les a frappées, ne pouvant s'imaginer que ce qu'elles viennent d'éprouver n'est dû qu'à l'expérience qu'elles ont faites. Mais en général elles conviennent toutes de la rapidité et de la violence du coup qu'elles ont ressenti ; coup qui est toujours suivi, ou plutôt accompagné, d'une secousse ou convulsion si vive dans les parties qui en ont été affectées, qu'elle a souvent été cause que les personnes ont jeté le vase par terre ; c'est cette convulsion qui a fait donner à cette expérience, comme nous l'avons déjà dit, le nom d'expérience de la commotion ou du choc.

Nous pourrions pousser plus loin ce détail, sur ce que l'on ressent en la faisant ; mais comme c'est une affaire de sensation, nous ne pourrions espérer par tout ce que nous ajouterions d'en donner une idée précise au lecteur ; ce n'est qu'en la faisant lui-même qu'il pourra l'acquérir.

Cependant comme la nouveauté des sensations les rend plus frappantes, et nous rend par-là plus éloquents et plus vrais dans les descriptions que nous en faisons, notre imagination n'ayant pu être séduite par les discours des autres ; je crois devoir ajouter ici ce que dit M. Musschenbroeck de cette expérience, dans une lettre qu'il écrivit à M. de Reaumur après l'avoir faite pour la première fais, et par laquelle nous en eumes la première nouvelle. Ayant donné une idée de son appareil, qui ressemblait à-peu-près à celui que je viens de décrire, il continue ainsi : " tenant de ma main droite le vase de verre, tandis que j'essayais de l'autre à tirer des étincelles, tout d'un coup ma main droite fut frappée avec tant de violence, que j'eus le corps ébranlé comme d'un coup de foudre ; le vaisseau, ajoute-t-il, quoique fait d'un verre mince, ne se casse point ordinairement, et la main n'est pas déplacée par cette commotion ; mais les bras et tout le corps sont affectés d'une manière terrible que je ne puis exprimer ; en un mot, je crus que c'était fait de moi ".

On voit par tout ce que nous venons de rapporter, que le nom de coup foudroyant qu'on a donné à cette expérience, n'est que l'expression de ce que la plupart des personnes qui la font croient ressentir, la manière subite et violente dont elles sont frappées leur faisant imaginer qu'elles ont été comme foudroyées.

On n'aura pas de peine à croire que la nouvelle d'une expérience aussi extraordinaire s'étant répandue dans le monde savant, tous les physiciens aient été curieux de la repéter : mais qu'il en ait été de même du peuple et des plus indifférents ; que cette expérience ait excité leur curiosité au point où elle l'excita, c'est ce qu'on aurait de la peine à s'imaginer, si la chose n'était encore trop récente pour qu'on en put douter. En effet, il n'y eut peut-être jamais d'empressement pareil à celui qu'on témoigna pour la voir ou pour la faire, tant on avait de peine à croire le merveilleux qu'on en racontait. Nos physiciens étaient accablés de gens, qui demandaient à s'assurer par eux-mêmes de ce qui en était ; elle faisait le sujet de la conversation ordinaire à la ville et à la cour. Enfin les choses allèrent au point que l'électricité, qui jusques-là avait été renfermée dans les cabinets des physiciens, se donna en spectacle pour de l'argent ; des gens avec des machines à électricité s'étant établis dans les foires, et ayant couru les villes et les provinces pour satisfaire à l'envie que l'on témoignait, comme nous l'avons dit, de toutes parts de faire cette célèbre expérience.

C'est ainsi que la Physique venge, si cela se peut dire, de temps en temps les Physiciens du peu de cas que le peuple (& il y en a de plus d'une espece) fait de leurs occupations : elle leur offre des faits si singuliers et si extraordinaires, que les moins curieux ne peuvent s'empêcher de sortir de leur indifférence, pour venir les admirer.

Quelque singulier et extraordinaire que l'empressement dont nous venons de parler puisse paraitre, on voit cependant qu'il a une espèce de fondement dans la nature de la chose elle-même. En effet, tous les différents phénomènes que nous offre la Physique ne piquent pas également la curiosité ; il y en a beaucoup où il n'y a point à admirer pour qui ne sait pas penser ; mais dans celui-ci le merveilleux s'y voit, s'y ressent pour ainsi dire. Quoi de plus surprenant, en effet, qu'une bouteille qui ne produit aucune sensation, qui parait n'avoir apporté aucun changement à votre état, et dont l'effet est tel cependant, que lorsque vous l'empoignez, l'étincelle que vous tiriez auparavant du conducteur sans aucune conséquence en n'éprouvant qu'une légère douleur, vous fait ressentir alors une violente commotion dans les bras et dans la poitrine si brusquement et avec tant de rapidité, qu'il est impossible de l'exprimer.

C'est à Leyde que cette fameuse expérience se fit pour la première fais, au commencement de Janvier de l'année 1746. Comme l'on fut quelque temps avant de savoir précisément qui en était l'auteur, M. l'abbé Nollet lui donna le nom d'expérience de Leyde ; et le merveilleux de ses effets paraissant venir uniquement de la bouteille dont on se sert pour la faire, on l'appela aussi en conséquence la bouteille de Leyde.

Depuis on a appris que nous devions cette découverte à M. Cuneus, d'une des premières familles de cette ville, qui aime et cultive la Physique. Il la fit par hasard un jour qu'il s'occupait à repéter quelques expériences d'électricité. (Ceci est tiré d'une note qui se trouve à la page 3 du mémoire de M. l'abbé Nollet sur l'expérience de Leyde, inseré dans les mémoires de l'académie des Sciences de l'année 1746.)

Je me suis un peu étendu sur l'historique de cette expérience, sur l'éclat et la réputation qu'elle a donné à l'électricité ; mais j'ai cru que dans un ouvrage consacré à transmettre à la postérité les découvertes des différents siècles, et les circonstances qui les ont accompagnées, on ne serait pas fâché de trouver une histoire abrégée de celle-ci.

On conçoit que cette nouvelle expérience, ou plutôt ce nouveau phénomène de l'électricité, reveilla l'ardeur des Physiciens, et qu'ils s'empressèrent à l'envi de reconnaître toutes les différentes circonstances qui l'accompagnent, afin d'en découvrir les causes ; c'est aussi ce qui arriva. De-là il est facîle d'imaginer qu'il a dû résulter un nombre infini d'expériences qu'il serait inutîle et même impossible de rassembler ici.

Afin de satisfaire cependant à ce que le lecteur a droit d'attendre de nous à ce sujet, nous exposerons ce qui regarde ce phénomène d'une manière assez étendue, pour qu'il lui soit facîle ensuite de se former une idée de la plupart des expériences qui n'en sont que des suites.

Pour exécuter ceci d'une manière plus abrégée, nous commencerons par donner le plus succinctement que nous pourrons, une idée de plusieurs propriétés des corps électrisables par communication, et de ceux qui ne le sont pas, dont il sera traité plus amplement à l'article ELECTRICITE, auxquels il nous parait que l'on doit attribuer ce qui arrive dans l'expérience du coup foudroyant ; ensuite nous montrerons par l'analyse des faits qu'elle nous présente ; qu'ainsi que nous venons de l'avancer, elle n'est qu'une suite de ces propriétés. Au reste, si nous avons suivi cette voie, c'est que nous avons cru pouvoir par son moyen, donner un ordre plus systématique à cet article, et exposer plus méthodiquement ce qui en dépend ; car nous ne prétendons nullement donner comme une véritable explication des causes de cette expérience, ce que nous disons à ce sujet (quoiqu'en le faisant nous ayons tâché de ne suivre d'autre guide que l'analogie des faits), mais plutôt comme une hypothèse, des conjectures, ou tout ce que l'on voudra sur ces causes. Pour faire voir que nous regardons cette explication exactement sur ce pied, nous ajouterons celles qu'ont donné de la même expérience les plus habiles Physiciens, afin que le lecteur puisse choisir, et ne se déclarer que pour celle qui lui paraitra le mieux quadrer avec les faits.

Au reste, nous n'oublierons rien dans cet article pour rendre justice à tous les Physiciens qui ont travaillé sur cette matière ; et si par hasard nous y manquions, nous les prions de croire que c'est faute d'avoir été bien instruits, et non pour leur ôter rien d'une gloire aussi légitime que celle qui leur revient de leurs travaux.

Une des plus grandes différences qu'il y ait entre les corps électrisables par communication, et ceux qui ne le sont pas, et dont il soit plus important d'être instruit, c'est que les premiers, comme les métaux, les corps animés, l'eau, etc. paraissent être les véritables réservoirs de la matière électrique, comme M. Watson l'a avancé le premier, et comme nous l'avons prouvé dans un mémoire lu à l'académie des Sciences l'année dernière ; et que les seconds, comme le verre, la porcelaine, la cire d'Espagne, etc. paraissent au contraire n'en point contenir du tout, ou du moins être de telle nature que par les moyens connus jusqu'ici nous ne pouvons pas l'en tirer. Ainsi, par exemple, avec quelque force que vous frottiez le verre, vous ne l'électriserez jamais sensiblement, si le corps qui le frotte ne contient de la matière électrique ; car s'il n'en contient pas, s'il en est dépouillé, quelqu'effort que vous fassiez, et quelque temps que vous employiez à le frotter, il ne deviendra jamais électrique.

Il est à propos d'observer à ce sujet, que les métaux, les corps animés, etc. paraissent ne pouvoir contenir qu'une certaine quantité de feu ou fluide électrique dans leurs pores, et qu'aussi-tôt qu'on leur en ajoute au-delà, le surplus tend à s'échapper de toute part. Il suit de ces propriétés un phénomène assez singulier, que je crois avoir observé le premier ; c'est que toutes les fois qu'une personne, ou un corps quelconque électrisable par communication, tire une étincelle d'un corps électrique, le premier, à moins qu'il ne soit isolé, se décharge du feu électrique qu'il a reçu, ou insensiblement (ce qui arrive lorsque le corps est dans un contact immédiat avec quelque grande masse de corps électrisables par communication, comme le plancher) ; ou d'une manière sensible et avec une étincelle plus ou moins forte, lorsque ce corps étant comme isolé se trouve près de quelque corps non-électrique par lui-même. Si une personne, par exemple, tire une étincelle du conducteur, elle se déchargera du feu électrique qu'elle aura reçu d'une manière insensible à-travers ses souliers : mais si elle presse légèrement avec ses doigts le bras ou le poignet d'une autre personne, de façon cependant qu'elle ne le touche que dans très- peu de points ; dans l'instant qu'elle tirera l'étincelle, elles ressentiront l'une et l'autre, si l'électricité est un peu forte, une légère douleur comme d'une piqûre dans l'endroit où elles se touchaient ; douleur produite par une petite partie de l'électricité de la personne qui tire l'étincelle qui passe par cet endroit, tandis que le reste se dissipe par ses souliers. Cet effet ira même plus loin ; et si l'électricité est d'une certaine force, il se communiquera à quatre, cinq, ou six personnes se tenant de la même manière.

Les corps électrisables par communication ont encore cette propriété, qui selon toute apparence tient à la première dont nous avons parlé ; c'est qu'en les touchant, quoique ce ne soit que dans un point, pourvu que le contact soit bien intime, on leur communique ou leur enlève l'électricité dans un instant.

Pour se former une idée de cette propriété, qu'on suppose un conducteur ou tout autre corps bien électrique : si une personne posant sur le plancher le touche, elle lui enlevera toute son électricité, à moins que le plancher ou ses souliers ne soient fort secs : si au contraire cette personne montée sur un gâteau de résine, touche ce même conducteur supposé électrisé de nouveau, elle acquerrera au même instant une électricité égale à la sienne.

A cet égard, le verre, la porcelaine, et les autres substances électriques par elles-mêmes, diffèrent extrêmement de celles qui ne le sont pas ; car vous pouvez les toucher, et même dans plusieurs points tout-à-la-fais, sans leur enlever pour cela toute leur électricité : de même, ce qui ne parait que l'inverse de cette qualité, vous ne pouvez les électriser par communication, qu'autant que le corps qui les électrise les touche tout-à-la-fais dans un grand nombre de points ; encore ne peut-on les électriser sensiblement de cette façon que d'une surface à l'autre, c'est-à-dire, par exemple, qu'en électrisant par communication une des surfaces d'un carreau de verre, on électrisera la surface opposée. Il semble que ces substances soient comme composées de parties ayant chacune en particulier leur petite atmosphère d'électricité. On voit par-là que pour desélectriser les corps électriques par eux-mêmes, comme pour les électriser par communication, il faut les toucher tout-à-la fois dans un grand nombre de points.

Pour donner une idée de leur composition, et de celle des corps électrisables par communication, ou plutôt de la manière dont leurs différentes propriétés, dont nous venons de parler, peuvent avoir lieu, on pourrait supposer les premiers comme composés d'un grand nombre de petits globules non électriques par eux-mêmes, mais assez distants les uns des autres pour que l'on puisse enlever l'électricité de l'un d'entr'eux, sans pour cela enlever celle du globule voisin ; et les seconds comme composés des mêmes petits globules, se touchant tous de façon que l'on ne pourrait enlever l'électricité de l'un, que l'on n'enlevât en même temps celle de tous les autres. Ainsi, par exemple, en supposant une douzaine de balles de fer toutes isolées, électrisées, et placées à une certaine distance les unes des autres, on conçoit qu'on pourra à différentes reprises tirer des étincelles d'une de ces balles, sans enlever pour cela toute l'électricité des autres ; on aura une idée de ce qui se passe dans le verre. Mais si on les suppose rapprochées de façon qu'elles se touchent immédiatement, on ne pourra tirer une étincelle de l'une d'entr'elles, qu'on n'enlève en même temps toute ou la plus grande partie de l'électricité des autres ; ce qui est le cas des métaux et des autres corps électrisables par communication. Mais passons à une autre propriété des corps électriques par eux-mêmes, ou plus particulièrement du verre et de la porcelaine, dans laquelle nous parait consister tout le mystère du coup foudroyant.

Cette singulière propriété du verre est que, lorsqu'il est électrisé par communication, ou même par frottement, comme nous l'avons découvert, pendant que la surface opposée à celle que l'on électrise de l'une ou l'autre de ces manières, est en contact avec du métal ou toute autre substance électrisable par communication, il acquiert la faculté de donner du fluide électrique par la surface qui est électrisée, et en donne effectivement si rien ne l'en empêche, et d'en pomper ou d'en tirer par son opposée en contact avec le corps métallique ; et ce qu'il fait effectivement s'il en peut donner par la première surface. Eclaircissons ceci par un exemple. Supposons un carreau de verre bien net et bien sec, suspendu horizontalement sur des cordons de soie, et recouvert d'une feuille de plomb d'une figure semblable, mais plus petite dans toutes ses dimensions d'un pouce ou un peu plus, de façon qu'il la déborde en tout sens ; supposons encore ce carreau électrisé par communication au moyen de l'électricité que reçoit la feuille du conducteur ; imaginons de plus qu'une personne touche sa surface inférieure du plat de la main, sans cependant en toucher les bords : si après l'avoir électrisé de cette manière pendant un certain temps, on ôte à la feuille de plomb sa communication avec le conducteur ; on verra que cette feuille qui auparavant recevait l'électricité, en fournira, et que la surface inférieure du verre qui en fournissait, comme nous le dirons dans un moment, en recevra. Pour bien s'assurer de l'existence de ce fait, présentez à la feuille de plomb une pointe de fer, vous verrez à son extrémité une espèce de petit point de lumière ; faites-en de même à la surface inférieure du carreau, au lieu de ce point vous verrez à la pointe une aigrette, ou si vous ne la voyez pas, vous serez toujours en état de l'exciter en tirant des étincelles de la feuille de plomb. Or, comme on le verra à l'art. ÉLECTRICITE, et comme nous l'avons montré dans le mémoire déjà cité, le point de lumière indique toujours l'entrée du fluide électrique dans le corps, et l'aigrette sa sortie ; ce qui montre que dans le premier cas il y a un fluide électrique qui sort de la feuille de plomb et entre dans la pointe de fer, et que dans le second il y en a un qui sort de cette pointe pour entrer dans la surface inférieure du verre.

Dans les circonstances que nous avons dites être nécessaires à observer pour que le verre acquit la propriété dont il est ici question, nous avons spécifié particulièrement qu'il fallait tenir le plat de la main contre la surface opposée à celle qui recevait l'électricité. Or quoique tout verre électrisé par une de ses surfaces, soit par frottement, soit par communication, donne toujours un peu d'électricité par l'autre, comme on peut s'en convaincre en présentant à cette dernière surface la pointe de fer (car on y verra le petit point de lumière, qui est, comme nous venons de le dire, la preuve qu'il sort un fluide électrique du corps auquel vous la présentez) il parait cependant par un grand nombre d'expériences, que par le moyen dont nous avons parlé, on oblige une plus grande quantité de fluide électrique à sortir de cette surface non électrisée. Ainsi, par exemple, si vous électrisez par communication un tube de verre plein de limaille de fer ou de sable, il paraitra peu d'électricité au-dehors, pendant qu'elle passera toute au-dedans. De même si vous videz ce tube d'air, ce qui, comme on le verra à l'article ELECTRICITE, revient à la même chose que de l'emplir de limaille, vous verrez encore dans l'obscurité l'électricité passer au-dedans, et y faire plusieurs jets d'un feu pâle et rare, etc. enfin on observera toujours qu'il sort beaucoup plus de fluide électrique de la surface opposée à celle qu'on électrise, lorsque la première est en contact avec quelque corps électrisable par communication, que dans tout autre cas.

On a Ve par ce qui a été dit plus haut, comment, lorsque le carreau de verre a été fortement électrisé, sa surface qui a reçu l'électricité en fournit, et comment son opposée en pompe des corps environnans qui en peuvent donner. Mais nous avons dit que dès que le verre est électrisé par une de ses surfaces, pendant que l'autre est en contact avec un corps électrisable par communication, il acquiert une tendance à produire cet effet, s'il n'en est pas empêché ; c'est ce qui demande à être expliqué un peu plus au long. Quant au fait, voici ce qui arrive, et que l'on observera constamment dès qu'on commencera à électriser le carreau de verre. Par exemple, tout étant de même que nous l'avons supposé plus haut, on verra, si l'on retire pour un moment la main de dessous la surface inférieure, on verra, dis-je, en y présentant la pointe de fer, le point de lumière à cette pointe ; preuve, comme nous l'avons dit, que le fluide sort de cette surface. Mais à mesure que le carreau de verre deviendra plus électrique, ce point ira toujours en s'affoiblissant, comme on pourra s'en apercevoir en retirant la main de temps en temps, et présentant la pointe. Enfin lorsque ce verre aura acquis le plus grand degré d'électricité que la vertu électrique du globe pourra lui communiquer, si l'on présente de nouveau cette pointe à la surface inférieure, le point de lumière paraitra comme insensible, ou s'évanouira tellement, que pour peu que l'électricité du conducteur vienne à diminuer en en tirant des étincelles, ou par quelqu'autre cause, ce point se changera aussi-tôt en aigrette, qui est la marque d'un fluide électrique sortant de cette pointe, et tendant à entrer dans le corps auquel vous la présentez. Cependant la tendance de ce carreau à fournir de l'électricité, n'a pas moins lieu pendant tout le temps de son électrisation : mais comme c'est avec peu de force, elle ne se manifeste que dans les cas où elle peut véritablement entrer en action, comme lorsqu'on diminue tout-d'un-coup par une forte étincelle l'électricité du conducteur. Car si dans le même moment ayant retiré la main de sa surface inférieure, on présente à cette surface la pointe de fer, on en verra sortir une aigrette, au lieu du point de lumière que nous avons dit précédemment qu'on y observait. Voici à-peu-près comment nous concevons que ces différents effets ont lieu. Lorsque vous commencez à électriser le carreau de verre, la force qu'il acquiert pour fournir du fluide électrique par sa surface électrisée, est inférieure de beaucoup à celle avec laquelle le globe tend à en fournir par le conducteur : celle-ci l'emportant donc, l'électricité qu'il fournit doit passer au-travers du verre, et en sortir, comme on a Ve que cela arrivait, à-peu-près comme deux courants d'air opposés qui se rencontreraient dans un tuyau ; celui qui aurait le plus de vitesse repousserait l'autre, et l'obligerait à lui livrer passage. Mais comme à mesure que le carreau de verre est électrisé, il acquiert plus de force pour pousser du fluide par la surface électrisée, etc. la force avec laquelle l'électricité vient du globe, l'emporte de moins en moins sur celle avec laquelle il tend à en donner ; de façon que le fluide électrique qui passe à-travers le carreau Ve toujours en diminuant, jusqu'à ce qu'enfin la force que le carreau a pour en fournir, étant égale à celle que le globe a pour lui en communiquer, il n'en peut plus passer. Ces deux forces une fois parvenues à l'égalité, dès que celle avec laquelle le conducteur agit s'affoiblit, soit que l'on diminue l'électricité en en tirant des étincelles, ou que le globe en fournisse moins, la force avec laquelle le carreau tend à fournir du fluide électrique l'emporte ; et il en donne par la surface électrisée, pendant qu'il en pompe par l'autre, ainsi que nous l'avons dit. Au reste il parait que toutes les substances électriques par elles-mêmes, n'ont pas la propriété du verre dont nous venons de parler : on ne connait encore que la porcelaine et le talc qu'on lui puisse substituer dans l'expérience du coup foudroyant. M. Dutour de Riom, correspondant de l'académie des Sciences, est le premier que je sache qui ait parlé de cette propriété du talc.

Ayant mis sous les yeux du lecteur ces différentes propriétés des substances électriques et non électriques par elles-mêmes, nous passerons à l'analyse des moyens que l'on emploie pour faire l'expérience du coup foudroyant, et de ce qui se passe dans cette expérience.

Dans la description que nous avons donnée de la manière dont elle se fait, nous avons dit que l'on emplissait la bouteille à moitié, ou un peu plus, et que l'on faisait tremper dans l'eau de cette bouteille, un fil de métal partant du conducteur. Nous avons dit en même temps qu'il fallait la tenir d'une main, en l'empoignant de façon que l'on touche les parties de sa surface qui répondent à celle que l'on touche intérieurement, et ensuite tirer une étincelle du conducteur. Nous allons, d'après les différentes propriétés du verre, et des corps électrisables par communication, que nous avons rapportées, essayer de faire voir comment de cette disposition et de ces propriétés il en doit résulter un choc dans la personne qui fait l'expérience. Par les propriétés du verre, que nous venons de rapporter, on voit, 1°. que l'eau étant électrisée par le moyen du fil de métal venant du conducteur, elle doit électriser le verre dans tous les points où elle le touche, puisque, comme nous l'avons dit, le verre s'électrise ainsi par communication. On sent facilement aussi pourquoi on ne doit pas emplir la bouteille d'eau au-dessus d'une certaine hauteur, et pourquoi elle doit être fort seche dans toute la partie extérieure et intérieure au-dessus de la surface de l'eau ; car si cette liqueur montait trop haut dans la bouteille, ou que ses deux surfaces fussent humides, l'électricité pourrait glisser le long de ces surfaces, se transmettre à la main, etc. et de-là se perdre dans le plancher ; ainsi le verre ne pourrait plus s'électriser, puisqu'il ne resterait plus d'électricité : on voit donc la nécessité d'un intervalle, rebord ou marge de verre, qui sépare les deux substances électrisables par communication, qui le touchent. On voit, 2°. que la main, qui est un électrisable par communication, touchant la bouteille par sa surface extérieure, doit obliger une partie de l'électricité que reçoit l'intérieure, à passer au-travers du verre, comme nous avons dit que cela arrivait dans ce cas. 3°. Que par-là, au bout d'un certain temps d'électrisation, cette bouteille acquiert la propriété de pouvoir fournir de l'électricité par sa surface intérieure, et d'en pomper extérieurement par les pores répondants à ceux qui ont été électrisés en-dedans. Ceci étant bien entendu, si l'on se rappelle que tous les corps électrisables par communication, contiennent beaucoup de fluide électrique, on concevra comment on doit éprouver un choc, lorsqu'en tenant la bouteille d'une main, on tire de l'autre une étincelle du conducteur ; car dès que vous tirez cette étincelle, vous acquérez du fluide électrique qui tend à se décharger de toutes parts, et qui se déchargerait effectivement au plancher à-travers vos souliers, si dans le même instant le cul de la bouteille ne l'attirait : or comme dans le même temps que d'une main vous tirez l'étincelle du conducteur, la bouteille tire ou pompe l'électricité de l'autre main qui la touche, comme nous l'avons dit, vous devez en conséquence sentir instantanément deux secousses dans les parties du corps opposées, c'est-à-dire dans le poignet, etc. de la main qui tient la bouteille, et dans celui de celle qui tire l'étincelle. En effet, dans le bras qui tire l'étincelle, vous devez sentir une secousse produite par le fluide électrique qui y entre ; et dans celui qui tient la bouteille, une autre secousse produit au contraire par le fluide qui en sort : et c'est aussi ce que l'on ressent, non seulement dans les poignets, mais encore dans les coudes, etc. comme nous l'avons dit au commencement de cet article. Cette double sensation distingue d'une manière bien précise l'effet de cette expérience, de celui d'une simple étincelle que l'on tire du conducteur. Dans ce dernier cas on ne ressent qu'une seule secousse, et cela dans la partie qui tire l'étincelle. Il est vrai que lorsque l'électricité est très-forte, on en ressent une aussi quelquefois en même temps dans la cheville du pied ; ce qui a fait dire à quelques physiciens, que le choc de l'expérience de Leyde ne différait de celui que produit une simple étincelle, que par la force ; mais ils ne faisaient pas attention à cette double sensation simultanée, que l'on éprouve toujours dans cette expérience, quelque faible même que soit l'électricité, et qui par-là en fait, pour ainsi dire, le caractère.

L'expérience suivante forme une nouvelle preuve en faveur de l'explication que nous venons de donner des causes du coup foudroyant.

Que, tout restant de même, on suppose la bouteille placée sur un guéridon de bois, et deux personnes ayant chacune une main posée dessus, toujours dans la partie qui répond à celle où l'eau se trouve intérieurement ; si l'une d'elles tire une étincelle du conducteur, elles seront frappées toutes les deux en même temps ; mais l'une, celle qui tout à la fois touche la bouteille et tire l'étincelle, recevra le coup foudroyant ; et l'autre, dont la main repose dessus, ne sera frappée, quoiqu'assez vivement, que dans le bras et le poignet de la main qui touche à la bouteille. La raison en est sensible. Lorsqu'une des personnes tire l'étincelle du conducteur, le verre de la bouteille pompe le fluide électrique de tous les corps qui touchent les points de sa surface extérieure, répondant à ceux que touche l'eau intérieurement : il doit donc non-seulement en pomper de la personne qui tire l'étincelle, et par-là lui faire recevoir le coup foudroyant, mais encore de celle qui ne fait que reposer sa main dessus, quoique cette personne ne participe aucunement au reste de l'expérience.

Avant d'aller plus loin, il est à propos de répondre à une difficulté que l'on pourrait nous faire. Selon vous, nous dira-t-on, les secousses que l'on ressent dans le coup foudroyant, sont produites par l'entrée du fluide électrique d'un côté, et par sa sortie de l'autre. Or ce fluide entrant par la main qui tire l'étincelle, et sortant par celle qui tient la bouteille, il semblerait que ces secousses devraient se faire sentir aux deux mains, et cependant vous dites que c'est aux poignets, aux coudes, etc. Comment cela se fait-il ? Le voici. Ce n'est pas tant l'entrée ni la sortie du fluide électrique dans un corps, qui produit un effet ou une sensation, que la manière dont ce fluide entre ou sort. La raison en est que la transmission de l'électricité d'un corps à un autre qui le touche immédiatement, se fait sans choc, sans étincelle, enfin sans aucun effet apparent ; au lieu que si elle se fait d'un corps à un autre qui ne le touche pas, il y a toujours étincelle et choc. Ainsi, que l'on électrise une chaîne de fer non tendue, et dont les chainons soient à quelque distance les uns des autres, le passage de l'électricité de l'un à l'autre deviendra sensible par une étincelle qui partira successivement de chacun d'eux ; mais si la chaîne est bien tendue, en sorte que tous les chainons se touchent bien intimement, la transmission se fera d'un bout à l'autre dans un instant, et sans que l'on s'en aperçoive. Appliquons ceci à ce qui se passe dans un homme qui fait l'expérience du coup foudroyant. Dans cet homme se trouvent des articulations aux poignets, aux coudes, aux épaules, etc. Dans ces parties la continuité n'est pas bien entière ; elles ressemblent donc en quelque façon aux chainons qui ne se touchent pas immédiatement : il s'ensuit donc qu'il doit y avoir une espèce de choc, lorsque l'électricité passe de l'une à l'autre, comme nous avons dit qu'on l'observe. Cependant le doigt ne laisse pas de ressentir une douleur, mais plutôt d'une forte piquure brulante ; et si la main qui touche la bouteille ne ressent rien ordinairement, c'est que le fluide électrique se déchargeant par tous ses pores, l'impression qu'elle fait est trop faible pour être aperçue. Vous vous assurerez que c'en est-là l'unique cause, si au lieu d'appuyer la main toute entière sur une bouteille bien électrisée, vous ne la touchez que du bout des doigts ; car vous y ressentirez une douleur très-vive en faisant l'expérience, le fluide électrique faisant alors une impression fort sensible, parce qu'il ne sort que par le petit nombre de pores qui sont au bout des doigts.

Non-seulement l'expérience que nous avons rapportée plus haut, parait confirmer notre explication des effets de la bouteille de Leyde, mais encore la plupart de celles que l'on peut faire avec cette bouteille ; ainsi lorsqu'elle fait partie d'un système de corps électrisés, quoique d'abord l'électricité paraisse plus faible que lorsqu'il n'y en a pas, cependant elle augmente successivement jusqu'à devenir très-forte : ce qui arrive lorsque cette bouteille a acquis la plus grande vertu possible, relativement à l'intensité de la force électrique qui vient du globe. On dit alors qu'elle est chargée, et l'électricité devient en quelque façon constante, et n'augmente ni ne diminue point à chaque instant, comme cela arrive lorsque cette bouteille ne fait point partie du système des corps électrisés ; en sorte qu'elle forme comme une espèce de réservoir à l'électricité : or cet effet est une suite naturelle de ce que nous avons dit plus haut de la propriété qu'a le verre, de fournir du fluide électrique par la surface qui en a reçu, et d'en pomper par celle qui en a donné : car par cette propriété on voit que lorsque le verre de la bouteille de Leyde a été fortement électrisé, si le globe vient à fournir moins d'électricité, ce verre en redonne à l'eau, etc. en en pompant de la personne ou du support non-électrique sur lequel il est appuyé : la force qu'ont le globe et la bouteille pour fournir chacun de l'électricité, étant, comme nous l'avons dit plus haut, pour ainsi dire en équilibre lorsque celle-ci est bien chargée. On voit encore, par la même raison, que la vertu qu'a cette bouteille de conserver longtemps son électricité, est une suite de la même propriété. En effet, tant qu'elle conserve la faculté de pomper du fluide électrique des corps qui la touchent, elle conserve celle d'en fournir, et par conséquent de paraitre électrique. Le temps que cette bouteille conserve son électricité, Ve quelquefois jusqu'à trente-six, quarante heures, et plus.

Dans la description que nous avons donnée du procédé que l'on observe dans cette expérience, nous avons suivi celui qui a été le premier employé, comme le plus simple. Aujourd'hui on met ordinairement un bouchon dans la bouteille, au-travers duquel passe un fil-de-fer qui Ve tremper dans l'eau, et dont l'extrémité qui deborde le bouchon, est courbée comme un anneau : on l'appelle le crochet. Par ce moyen on se sert plus commodément de cette bouteille ; et l'ayant chargée, on peut la transporter où l'on veut.

Après avoir donné notre explication des causes de l'expérience du coup foudroyant, il est à propos de dire, comme nous l'avons promis, deux mots de celles qu'en ont donné les plus habiles physiciens, comme MM. l'abbé Nollet, Jallabert, Watson et Franklin.

Selon le premier, tout dans cette expérience consiste à électriser un corps fortement, lequel cependant on puisse toucher et manier sans lui rien faire perdre de sa vertu ; et la commotion que l'on ressent, vient de ce que la matière électrique du corps non-électrisé qui fait l'expérience, est vivement et en même temps choquée d'un côté par celle qui sort du conducteur ; et de l'autre, par celle qui s'élance de la bouteille. Selon M. Jallabert, au moment de l'expérience, deux courants d'un fluide très-élastique mus avec violence, entrent et se précipitent dans le corps par deux routes opposées, se rencontrent, se heurtent, et leur mutuelle répulsion cause une condensation forcée de ce fluide en diverses parties du corps. Selon M. Watson, lorsque la personne qui fait l'expérience de Leyde ou du coup foudroyant, tire l'étincelle du conducteur, elle perd au moment de l'explosion qui se fait alors, autant de feu de son corps, qu'il y en avait d'accumulé dans l'eau et dans le canon de fusil ; et elle sent dans ses deux bras l'effet du courant de son feu qui passe à-travers l'un, au canon de fusil ; et à-travers l'autre, à la phiole ou à la bouteille. Enfin, selon M. Franklin, la commotion n'a lieu qu'en conséquence de la prodigieuse condensation du fluide électrique dans la surface touchée par le corps électrisable par communication du verre électrisé, comme l'eau, le métal, etc. et raréfié au même degré dans la surface opposée ; et ce fluide, pour se rétablir en équilibre, ne pouvant passer à-travers le verre, qui selon cet auteur, y est imperméable ; ce fluide, dis-je, dans l'instant que l'on tire l'étincelle, se précipite avec une rapidité inexprimable à-travers le corps électrisable par communication, qui fait la jonction du conducteur à la bouteille, pour entrer dans la surface du verre de cette bouteille, dans laquelle il avait été tant raréfié.

On voit par cet exposé de la doctrine de M. Franklin sur la cause du coup foudroyant, que la nôtre y a assez de rapport. Nous prétendons en effet, comme lui, qu'il se fait un mouvement du fluide électrique, du crochet de la bouteille vers son ventre ; et il faut en convenir. Il est le premier qui, à cet égard, ait bien observé ce qui se passe dans cette expérience, et nous sommes d'accord avec lui, quant aux effets en général, mais d'une opinion très-différente de la sienne. On vient de voir que, selon lui, le verre est imperméable à la matière électrique ; que lorsqu'on charge la bouteille, il sort autant de fluide électrique de sa surface intérieure, qu'il en entre par l'extérieure. Or il ne prouve nullement l'imperméabilité du verre à la matière électrique, d'une manière décisive, non plus que la seconde proposition : tous les faits qu'il allegue à ce sujet étant équivoques, et pouvant tout aussi-bien provenir d'autres causes. Enfin on ne voit pas comment, dans son système, il pourrait expliquer ce qui arrive dans l'expérience que j'ai rapportée, où deux personnes ayant tout à la fois les mains sur la bouteille, celle qui ne tire pas l'étincelle du conducteur, ne laisse pas de sentir une secousse, et même assez vive, dans la partie qui communique avec la bouteille, car dans la supposition de M. Franklin, n'y ayant aucun fluide qui la traversât, elle ne devrait ressentir aucun choc ; mais c'est ce qui est directement contraire à l'expérience. Quoi qu'il en sait, il faut rendre à cet habîle physicien la justice de dire, qu'il est le premier qui, par un grand nombre d'expériences ingénieuses, nous ait mis sur la voie de bien analyser ce qui se passe dans l'expérience du coup foudroyant ; et en cela on peut dire qu'il n'a pas rendu un petit service à l'électricité. En effet, parmi tous ses différents phénomènes, il n'en est point dont il soit plus essentiel d'avoir une connaissance exacte, que de celui-ci, au moins quant à la route qu'y tient le fluide électrique. J'exhorte tous les Physiciens à la chercher, et à tâcher de la reconnaître ; car comme on a cru qu'une expérience de cette nature devait surement agir sur le corps humain, et qu'en conséquence on a cru en devoir faire l'application à différentes maladies, il est de la plus grande conséquence de savoir quelle route prend le fluide électrique ; s'il Ve de la bouteille à-travers la personne au conducteur, ou de celui-ci à travers la personne à la bouteille. Pour peu effectivement qu'on y fasse attention, on voit que si l'on n'a pas une connaissance exacte de cette route, on peut, en appliquant cette expérience au corps humain, donner lieu à des effets directement contraires à ceux que l'on se proposait de produire.

Après avoir donné une idée de ce qui se passe dans l'expérience du coup foudroyant, et fait voir qu'elle n'est qu'une suite des différentes propriétés du verre, et des corps non électriques par eux-mêmes qu'on y emploie. Il ne sera pas difficîle de satisfaire à plusieurs questions que l'on peut faire par rapport à cette expérience, et au procédé que l'on observe pour la faire. Ces questions nous paraissent pouvoir se réduire aux suivantes : 1°. si on peut substituer indifféremment toutes sortes de matières à l'eau que l'on met dans la bouteille : 2°. si la grandeur ou la forme du vase n'y change rien : 3°. si l'on peut en augmenter la force, et comment : enfin si plusieurs personnes peuvent faire cette expérience tout à la fois comme une seule ; ou, ce qui revient au même, si le circuit, le cercle ou la chaîne des corps non électriques par eux-mêmes, qui font la communication du ventre de la bouteille avec le conducteur dont on tire l'étincelle, peut avoir telle étendue qu'on veut ; et si alors dans cette grande étendue l'effet est instantané.

On a Ve qu'il n'était question dans cette expérience, que d'électriser le verre par communication. Toutes les substances capables de s'électriser de cette façon, et disposées sous une forme à toucher le verre en un grand nombre de points tout à la fais, y seront donc propres ; ainsi tous les métaux réduits en limaille ou en feuilles, le plomb en grains, le mercure, un corps animé, etc. y conviendront fort bien, et enfin toutes les matières bien électrisables par communication. Il y a cependant une remarque assez intéressante à ce sujet, par rapport aux métaux : c'est que lorsqu'ils sont calcinés on ne peut plus les y employer ; quoique réduits en limaille, ils y servent très-bien : ainsi la céruse, le minium, et en général toutes les chaux de métaux, n'y conviennent pas, comme l'a observé M. Watson. Cela est d'autant plus singulier, que pour revivifier un métal de sa chaux, il ne faut, comme on sait, qu'ajouter à celle-ci un peu de phlogistique. Or comme il y a toute apparence que c'est le phlogistique qui fait les corps originairement électriques, puisque nous voyons que la plupart de ceux qui en contiennent beaucoup, sont dans ce cas, il semblerait que cette addition devrait rendre le métal moins électrisable par communication, que sa chaux : ce qui cependant, comme on vient de le voir, est contraire à l'expérience. Nous avons dit en parlant des propriétés du verre, que lorsqu'on ôtait le contact de l'air d'une de ses surfaces, c'était comme si on la touchait par des corps électriques par communication. Donc, si au lieu d'eau dans la bouteille, on y substituait le vide, si cela se peut dire ; ou plutôt si, épuisant la bouteille d'air, on la scellait hermétiquement, et qu'on électrisât bien son cou pendant qu'on la tiendrait par son ventre, on ferait avec cette bouteille ainsi préparée, l'expérience de Leyde, de même que si l'on y avait mis de l'eau. Nous devons cette curieuse expérience à M. l'abbé Nollet. Enfin on la ferait encore, si au lieu de vider la bouteille d'air, on l'emplissait ou d'eau ou de limaille, etc. et qu'on la scellât hermétiquement, ainsi que je l'ai éprouvé. J'ai dit que les matières substituées à l'eau dans cette expérience, devaient être des plus électrisables, et cela est ainsi ; car le bois et d'autres substances, qui d'ailleurs ne laissent pas de s'électriser beaucoup par communication, n'y sont pas propres.

Ayant montré que la bouteille ne produisait le coup foudroyant que par la propriété qu'a le verre, lorsqu'il a été fortement électrisé, de donner de l'électricité par le côté qui en a reçu, et d'en pomper par celui qui en a donné, on voit par rapport à la seconde question, que la forme du vase ou celle sous laquelle vous employez le verre, n'y fait rien ; puisque cela ne peut apporter aucun changement à la propriété dont nous venons de parler : ainsi qu'il soit formé en bouteille, en cylindre, qu'il soit rond ou plat, etc. pourvu que les corps électrisables par communication qui touchent ses deux surfaces, laissent de chaque côté, comme nous l'avons dit, deux espèces de rebords ou marges tout-autour pour empêcher l'électricité de passer d'une surface à l'autre le long de ces corps, on fera toujours l'expérience de Leyde. En effet, on voit que le verre disposé en forme de carreau n'est, à le bien prendre, que la bouteille ou le vase développé et étendu. Cependant, quoique cette idée paraisse aujourd'hui fort simple, nous sommes en général si fort attachés à l'imitation, qu'il s'écoula près de deux ans depuis la première découverte de cette expérience jusqu'au temps où l'on pensa à la faire de cette manière. Le docteur Bevis et M. Jallabert furent les premiers qui s'en avisèrent ; mais il serait difficîle de décider lequel de ces deux savants a la date sur l'autre : car dans un mémoire que lut M. Watson à la société royale de Londres, le 21 Janv. (vieux style) 1748 ; il dit avoir tenté l'expérience de Leyde de cette manière, sur ce que le docteur Bevis lui en avait dit quelque temps auparavant ; et M. Jallabert nous en parle dans son livre imprimé en Mars 1748, en nous disant qu'il ne sache pas que personne l'ait tentée avant lui de cette façon. Il est plus que vraisemblable que ces deux habiles physiciens se sont rencontrés ; ce qui est arrivé déjà plusieurs fais, et qui arrivera apparemment encore souvent, si la même émulation à cultiver la Physique continue. Quoi qu'il en sait, il faut remarquer que le procédé du docteur Bevis diffère en une circonstance essentielle de celui de M. Jallabert : celui-ci n'a fait son expérience qu'avec des glaces de miroir, dont l'étain allait jusqu'au bord ; celui-là au contraire laisse de chaque côté du verre deux rebords ou marges, semblables à ceux dont j'ai déjà parlé, et qui rendent par-là son procédé plus sur que celui de M. Jallabert.

Pour répondre à la troisième question, nous dirons que si l'on suppose le globe ou les globes que l'on emploie capables de fournir une assez grande quantité d'électricité, plus le vase ou plutôt le morceau de verre dont vous vous servirez pour faire l'expérience sera grand, plus l'expérience sera forte, ou plus les effets en seront considérables. En voici la raison. On ne peut enlever au verre son électricité, comme nous l'avons fait voir, qu'en le touchant tout-à-la-fais dans un grand nombre de parties, parce qu'alors vous enlevez, et dans un instant, l'électricité de chacune de ses parties : il s'ensuit donc que plus il y aura de parties du verre qui seront électrisées en même temps, plus vous enleverez d'électricité tout-à-la-fais, et par conséquent plus vous aurez d'effet. Il résulte deux choses de cette considération, non-seulement qu'il faut que le verre soit grand, mais encore que le métal, etc. qui le couvre le touche dans le plus grand nombre de points possibles, en supposant toujours qu'on réserve les marges dont nous avons parlé. C'est M. Watson qui a découvert le premier que quand on augmentait ainsi la quantité des points de la surface du verre touchée par le corps électrisable par communication, on augmentait la force de l'expérience. Par ce que nous venons de dire, on conçoit que si l'on enlève dans un instant l'électricité d'une surface de 12 pouces en carré, on aura un effet beaucoup plus grand que si l'on enlevait celle d'une surface de 6 pouces, quoiqu'il fût fort difficîle de déterminer dans quel rapport. Cependant, selon l'expérience ordinaire, il parait que l'effet ne suit pas ici la loi des surfaces ; car s'il la suivait, il devrait être quadruple, et c'est ce qui ne parait pas être : mais, comme nous venons de le dire, il est fort difficîle de s'assurer de ce qui en est. En effet, il faudrait pour cela être certain que la force du globe augmente comme la résistance du verre à s'électriser par communication, ce verre paraissant, comme nous l'avons dit, opposer dans cette opération une véritable résistance à l'action de l'électricité qui vient du globe. M. Watson a, je crois, poussé ces expériences plus loin que personne ; ayant fait faire des vases cylindriques de verre de 16 pouces de haut et de 18 pouces de circonférence, et de 22 pouces de haut sur 41 de circonférence, qu'il faisait argenter avec des feuilles depuis le haut jusques en-bas, à la réserve d'une marge au-haut d'un pouce. Selon ce physicien, lorsqu'on les déchargeait d'un seul coup, les effets en étaient très-considérables ; mais il ne nous dit rien là-dessus qui nous montre dans quel rapport cette grande surface augmentait la force. On augmentera encore la force du coup foudroyant, si l'on combine ensemble plusieurs bouteilles ou plusieurs carreaux, que l'on déchargera tout-à-la-fais pourvu cependant que ces bouteilles ou ces carreaux ne soient pas tellement arrangés que l'un reçoive le fluide électrique qui soit de la surface non électrisée de l'autre ? car alors on aurait tout au plus l'effet ordinaire d'une seule bouteille. Enfin voici une circonstance qui est en quelque sorte étrangère, mais cependant qui peut beaucoup augmenter ou diminuer la force du coup foudroyant ; c'est que le corps électrisable par communication avec lequel vous tirez l'étincelle du conducteur pour décharger le bouteille, ne soit pas pointu, qu'au contraire il soit rond, et d'une certaine grosseur. On verra à l'article ÉLECTRICITE, que les étincelles augmentent de force jusqu'à un certain degré, à mesure que les corps dont on les tire, et qui les tire, ont plus de volume et plus de rondeur. Or il en est de même dans cette expérience ; car on peut décharger la bouteille la plus électrisée ou la plus chargée sans crainte, lorsqu'en la tenant d'une main au lieu de tirer de l'autre avec la jointure du doigt ou un corps obtus, l'étincelle du conducteur, on en approche une pointe de métal, cette pointe tirant successivement l'électricité de la bouteille, et par-là la déchargeant insensiblement.

Après avoir fait voir que d'après les propriétés connues des corps électriques et non électriques par eux-mêmes, on pouvait satisfaire aux trois premières questions que nous nous étions proposées, nous tâcherons de montrer de même par rapport à la quatrième, et la plus intéressante sur l'étendue du circuit ou cercle, faisant la communication de la surface extérieure de la bouteille avec le conducteur, que si cette étendue Ve beaucoup au-delà de ce que l'on pourrait croire d'abord, ce n'est encore qu'une suite de ces mêmes propriétés.

Nous avons dit qu'en même temps que l'on tire l'étincelle du conducteur, ou ce qui revient au même, du crochet de la bouteille, elle pompe le fluide électrique des corps qui la touchent, ces deux effets étant instantanés, ils doivent donc se faire sentir dans le même temps aux deux extrémités de la chaîne quelle que soit son étendue ; c'est-à-dire qu'en la supposant formée par plusieurs personnes se tenant toutes par la main, et dont la première tienne la bouteille, et la dernière tire l'étincelle, elles ressentiront l'une et l'autre une secousse en même temps, l'une dans la partie qui tient la bouteille, et l'autre dans celle qui tire l'étincelle, soit que le nombre des personnes entre-deux soit grand ou petit. Or comme on a Ve que lorsqu'une personne tire une étincelle en pressant légèrement la main d'une autre, elles ressentent l'une et l'autre une douleur dans l'endroit où elles se touchent, produite par l'électricité qui passe de la première à la seconde, etc. lors donc que la dernière personne de la chaîne tire l'étincelle, dans l'instant même le fluide électrique qu'elle a acquis, passe dans la personne dont elle tient la main : il en est de même de celle-ci à la troisième, jusqu'à celle qui tient la bouteille ; de même celle-ci tire du fluide électrique de celle qui la touche, celle-ci de la troisième etc. jusqu'à celle qui tire l'étincelle. Ce double effet doit donc se faire sentir dans un instant d'un bout à l'autre de la chaîne ; les personnes qui la composent doivent donc être toutes frappées, et en même temps quel que soit leur nombre. Ainsi l'on voit que par la nature des choses cet effet semble devoir se transmettre à des distances infinies, et instantanément tant que la continuité n'est pas interrompue.

M. l'abbé Nollet est le premier qui ait pensé à faire faire cette expérience à plusieurs personnes tout-à-la-fais ; dans sa nouveauté, il la fit, le Roi étant présent, dans la grande galerie de Versailles, avec 240 personnes auxquelles se joignirent tous les seigneurs qui vinrent avec sa Majesté. Comme cette expérience est du genre des choses, ainsi que nous l'avons dit au commencement de cet article, dont on ne peut avoir d'idée qu'autant qu'on les éprouve soi-même, peu de temps après le Roi curieux de savoir ce qui en était par lui-même, vint dans le cabinet des médailles où étaient les instruments de cet académicien, et là fit l'expérience plusieurs fois avec des personnes de sa cour. Quelque temps après M. le Monnier le médecin la fit dans le clos des Chartreux, en faisant partie d'un cercle formé par deux fils-de-fer chacun de 95 taises de long ; et il remarqua qu'elle était instantanée. M. Watson et quelques membres de la société royale de Londres, ont fait aussi des expériences très-curieuses à ce sujet, qui seraient trop longues à rapporter, mais par lesquelles il parait que l'étendue du cercle électrique ayant quatre milles, l'experience a encore parfaitement réussi, et s'est fait sentir instantanément dans tous les points de cette vaste étendue. Ce qu'il y a de plus singulier dans cette expérience, c'est que quoiqu'à dessein ils eussent interrompu la chaîne pendant l'espace de deux milles, en sorte que la commotion ne pouvait se transmettre de l'observateur qui était à l'extrémité d'un fil-de-fer à un autre observateur qui en était éloigné de deux milles, que par le terrain, cela n'empêcha pas, comme nous venons de le dire, l'expérience de réussir. Enfin les expériences du même genre que fit en 1749 M. Jallabert, sont trop singulières pour que je ne les rapporte pas ici. M. l'abbé Nollet en fait mention dans ses lettres, page 202. " J'avais établi (c'est M. Jallabert qui parle) une machine électrique dans une galerie située sur le Rhône, deux cent cinquante pieds environ au-dessous de notre machine hydraulique : un matras destiné aux expériences de la commotion, fut suspendu à une barre de fer électrisée immédiatement par un globe de verre, et du culot de ce matras pendait un fil-de-fer, qui plongeait dans le Rhône de la profondeur de quelques lignes : des fils de fer attachés à la barre, et soutenus par des cordons de soie, venaient aboutir auprès de quelques fontaines publiques. Le globe étant frotté, on tirait de ces fils-de-fer, en approchant la main, des étincelles qui causaient la sensation d'une légère piqûre ; mais si quelqu'un communiquant d'une main à l'eau de quelqu'une des fontaines, présentait l'autre au fil-de-fer qui y aboutissait, il éprouvait une forte commotion, etc. " Il est à remarquer que les eaux qu'élève cette machine hydraulique, sont portées dans un réservoir à plus de mille quatre cent pieds de cette machine, élevé de 131 pieds sur le niveau du Rhône, et que de ce réservoir elles se distribuent dans les différents quartiers de la ville.

Nous avons considéré dans tout cet article l'expérience du coup foudroyant d'après la plupart de ceux qui en ont écrit, sous un seul point de vue, c'est-à-dire comme une expérience singulière de l'électricité, par laquelle on peut imprimer des secousses violentes à nos corps, secousses avec lesquelles on a déjà tué quelques petits oiseaux, et jusqu'à des poulets, si nous en croyons M. Franklin. Mais si nous l'avons fait, ce n'a été que pour nous conformer à l'usage reçu ; car cette manière de l'envisager est trop particulière, la commotion violente qu'elle nous fait éprouver n'étant qu'un cas particulier des effets qu'elle produit. En effet, on voit que dans cette expérience le fluide ou feu électrique étant emporté rapidement du crochet de la bouteille vers son ventre, ce feu peut par-là produire beaucoup d'autres effets. C'est aussi ce que nous a fait voir M. Franklin : cet habîle physicien nous a montré qu'on pouvait par son moyen percer des cartes, du papier, etc. enflammer de la poudre, et faire une espèce du fusion froide des métaux. Voici comment on s'y prend à-peu-près pour faire ces expériences : ayez un grand carreau de verre doré des deux côtés, avec des marges d'un pouce ou plus, comme nous l'avons dit, jusqu'où la dorure ne s'étende pas : l'ayant posé horizontalement, on le fait communiquer par-dessous avec le conducteur, en sorte que ce soit sa surface inférieure qui reçoive l'électricité : ensuite on le charge bien, en mettant de temps en temps les mains sur la surface supérieure, pour faire communiquer cette surface avec le plancher : comme nous avons dit que cela était nécessaire lorsque le carreau est bien chargé, si l'on veut percer des cartes, par exemple, on les pose dessus, et prenant une espèce de C de fer dont les deux bouts sont retournés en-dehors et forment des espèces d'anneaux, on le met d'un bout sur ces cartes, et de l'autre on l'approche ; on tire une étincelle du conducteur, dans l'instant le fluide par l'extrême vitesse avec laquelle il est emporté, les perce. Si l'on veut faire la fusion froide des métaux, ayant deux lames de verre d'une certaine épaisseur, de trois pouces de long ou environ, et d'un de large ; placez entre ces lames au milieu d'un bout à l'autre, une feuille de métal quelconque, comme d'or, de cuivre, etc. fort étroite, n'ayant guère qu'une ligne de largeur : ceci fait, serrez-les fortement l'une contre l'autre avec du cordonnet de soie ; plus elles seront serrées, mieux l'expérience réussira : posez-les ensuite au milieu du carreau de verre, et faites communiquer l'un des bouts de la feuille d'or (qui pour cet effet doit déborder par ses deux extrémités) avec la dorure du carreau, et l'autre avec quelque plaque ou morceau de métal ; que vous mettrez sur un morceau de verre posé dessus l'ayant bien chargé, comme on vient de le dire : prenez ensuite le C de fer dont nous avons parlé ; et après l'avoir appliqué sur le morceau de métal, tirez une étincelle du conducteur : si vous desserrez le cordon, et que vous regardiez vos lames, vous y verrez dans différents endroits des taches rougeâtres, produites par l'or qui y a été comme comprimé dans l'explosion, ou dans l'instant que le carreau s'est déchargé. Ces taches sont parfaitement égales sur chacune de ses lames, en sorte que l'une est toujours la contre-épreuve de l'autre, et si adhérentes que l'eau régale ni aucun mordant ne peut les enlever ; quelquefois le choc est si grand : lorsque l'électricité est très-forte, qu'elles se brisent en mille parties.

Après avoir parlé de l'expérience du coup foudroyant en général, en avoir fait voir les causes et montré les différents moyens de le varier, il ne me reste plus qu'à parler de son application à la Médecine.

Je souhaiterais bien pouvoir donner ici une longue liste des bons effets qu'elle a produits ; mais malheureusement je suis contraint d'avouer qu'ils sont en très-petit nombre, au moins ceux qu'on peut légitimement attribuer à cette expérience. Je sai qu'on a fait beaucoup de tentatives ; je sai qu'on a vanté le succès de plusieurs, mais ces succès ne sont pas confirmés. Je n'ai pas été moi-même plus heureux ; tout ce que j'ai remarqué de plus constant, c'est que la commotion donnée avec une certaine violence occasionne des sueurs très-fortes aux personnes qui la reçoivent, soit par la crainte qu'elle leur cause, soit aussi par l'impression qu'elle fait sur tout leur corps. Cependant on ne doit pas se décourager, souvent le peu de succès de nos tentatives ne vient que de la manière dont nous les faisons : peut-être à la vérité que le temps et les expériences nous apprendront, que l'application de celle-ci au corps humain est inutîle ; peut-être aussi qu'ils nous en feront découvrir d'heureuses applications auxquelles nous touchons, et dont cependant nous ne nous doutons pas. Voyez ÉLECTRICITE. (T)

COUP DE CROCHET, en Batiment, est une petite cavité que les Maçons font avec le crochet, pour dégager les moulures du plâtre, et que l'on appelle grain d'orge dans les profils des corniches de pierre, ou moulures de menuiserie. Voyez GRAIN D'ORGE. (P)

COUP-D'OEIL (le), dans l'art militaire, est selon M. le chevalier de Folard, l'art de connaître la nature et les différentes situations du pays, où l'on fait et où l'on veut porter la guerre ; les avantages et les désavantages des camps et des postes que l'on veut occuper, comme ceux qui peuvent être favorables ou désavantageux à l'ennemi.

Par la position de nos camps et par les conséquences que nous en tirons, nous jugeons surement des desseins présents, et de ceux que nous pouvons avoir par la suite. C'est uniquement par cette connaissance de tout le pays où l'on porte la guerre, qu'un grand capitaine peut prévoir les événements de toute une campagne, et s'en rendre pour ainsi dire le maître. Sans le coup-d'oeil militaire, il est impossible qu'un général puisse éviter de tomber dans une infinité de fautes d'une certaine conséquence.

Philopoemen, un des plus illustres capitaines de la Grèce, avait un coup-d'oeil admirable. Plutarque nous apprend la méthode dont il se servit pour voir de tout autres yeux que de ceux des autres, la conduite des armées.

" Il écoutait volontiers, dit cet auteur dans la vie de ce grand capitaine, les discours, et lisait les traités des Philosophes, non tous, mais seulement ceux qui pouvaient l'aider à faire des progrès dans la vertu. Il aimait surtout à lire les traités d'Evangelus, qu'on appelle les tactiques, c'est-à-dire l'art de ranger les troupes en bataille ; et les histoires de la vie d'Alexandre : car il pensait qu'il fallait toujours rapporter les paroles aux actions, et ne lire que pour apprendre à agir, à moins qu'on ne veuille lire seulement pour passer le temps, et pour se former à un babil infructueux et inutile. Quand il avait lu les préceptes et les règles de Tactique, il ne faisait nul cas d'en voir les démonstrations par des plans sur des planches ; mais il en faisait l'application sur les lieux mêmes, et en plaine campagne : car dans les marches il observait exactement la position des lieux hauts et des lieux bas, toutes les coupures et les irrégularités du terrain, et toutes les différentes formes de figures que les bataillons et escadrons sont obligés de subir à cause des ruisseaux, des ravins, et des défilés, qui les forcent de se resserrer ou de s'étendre ; et après avoir médité sur cela en lui-même, il en communiquait avec ceux qui l'accompagnaient, etc. "

C'est un abrégé des préceptes qui peuvent former un général au coup-d'oeil. On peut voir dans le commentaire sur Polype de M. le chevalier Folard, tom. I. pag. 262. le coup-d'oeil réduit en principes et en méthode. C'est un chapitre des plus instructifs de ce commentaire, et un de ceux dont il parait qu'un officier destiné à commander les armées peut tirer le plus d'utilité. (Q)

COUP PERDU, (Art militaire) est un coup de canon tiré de manière que la bouche du canon est élevé au-dessus de la ligne horizontale, et qu'il n'est pas pointé directement à un but. (Q)

COUP DE PARTANCE, (Marine) c'est un coup de canon que le commandant fait tirer sans être chargé à balle, pour avertir les passagers ou autres gens de l'équipage qui sont encore à terre, de se rendre à bord et que le navire Ve partir. (Z)

Coup de canon à l'eau, (Marine) se dit des coups de canon qu'un vaisseau reçoit dans la partie qui en est enfoncée dans l'eau, c'est-à-dire au-dessous de sa ligne de flotaison.

Dans un combat, les calfats sont tous prêts avec des plaques de plomb, qu'on applique sur le trou pour boucher le plus promptement qu'il est possible les coups de canon à l'eau.

Coup de canon en bois, (Marine) ce sont ceux que reçoit le vaisseau dans sa partie qui est hors de l'eau. (Z)

COUP DE VENT, (Marine) se dit lorsque le vent se renforce assez pour obliger de serrer les voiles, et qu'il forme un gros temps ou un orage qui tourmente le vaisseau. (Z)

COUP DE MER, (Marine) c'est lorsque la mer est grosse, et que la vague vient frapper avec violence contre le corps du vaisseau. On a Ve des coups de mer assez forts pour enlever le gouvernail, briser les galeries, et mettre le navire en danger. (Z)

COUP DE GOUVERNAIL, (Marine) donner un coup de gouvernail ; c'est pousser le gouvernail avec beaucoup de vitesse à bas-bord ou à stribord. (Z)

* COUP, PETITS COUPS, (bas au métier) parties de cette machine, à l'aide desquelles s'exécute une des principales manœuvres dans le travail. Cette manœuvre s'appelle former aux petits coups. Voyez l'article BAS AU METIER.

* COUP, (Brasserie) c'est le nom que l'on donne à une des façons que reçoit le grain pour en tirer la bière. Il y a le premier coup et le second. Voyez l'article BRASSERIE.

COUP, prendre coup, (Fauconnerie) se dit de l'oiseau quand il heurte trop fortement contre la proie.

COUP FOURRE, (Escrime) on appelle ainsi les estocades dont deux escrimeurs se frappent en même temps.

COUP DE NIVEAU, (Hydraulique) se dit d'un alignement entier pris entre deux stations d'un nivellement. Voyez NIVELLER. (K)

COUP DE HANCHE, (Manège) mauvaise conformation du cou d'un cheval ; c'est un creux à la jonction du cou et du garrot. Voyez GARROT.

COUP DE CORNE. Voyez CORNE.

COUP DE LANCE est un enfoncement comme une espèce de gouttière, qui Ve le long d'une partie du cou sur le côté. Quelques chevaux d'Espagne et quelques barbes naissent avec cette marque qui passe pour bonne. Voyez BARBE. (V)

COUP SEC, (Jeu de Billard) Jouer coup sec, c'est frapper la bille avec la masse du billard, et la faire partir sans la suivre ni la conduire. Les billes faites du coup sec sont les seules qui se comptent.

COUP D'AJUSTEMENT, est, au Mail, le dernier des coups que l'on doit jouer avec le mail, pour s'ajuster et envoyer la boule à portée d'être jetée à la passe avec la leve.