S. m. terme de Chirurgie, quelques-uns écrivent gaitre ou gouetre ; c'est une tumeur indolente, mobîle et sans changement de couleur à la peau, qui vient au-devant de la gorge. Les Savoyards et tous les habitants des montagnes sont fort sujets à cette maladie ; on attribue cette endémie aux eaux et neiges fondues et de sources froides qu'ils sont obligés de boire.

Le mot goètre est formé par corruption du latin guttur, gorge ; plusieurs autres ont confondu mal-à-propos le goètre avec une autre maladie de la gorge, nommée bronchocele. Voyez BRONCHOCELE.

Le goètre est formé par une congestion de sucs lymphatiques ; et l'on tient que le signe de cette tumeur est dans la glande thyroïdienne. Il y a bien plus d'apparence que l'engorgement de l'humeur se fait dans le tissu cellulaire, puisqu'on voit aux habitants des Alpes et des Pyrénées ces tumeurs très-considérables, molles et pendantes sur la poitrine. Il y a, dit-on, des villages entiers où personne n'en est exempt, et où les hommes et les femmes disputent entr'eux de beauté, suivant la disposition plus ou moins régulière du goètre qu'ils portent.

Il y en a de différentes espèces ; quelquefois la tumeur est enkistée, et contient une matière plus ou moins épaisse, qui ressemble par sa consistance à du miel ou à du suif ; dans d'autres personnes la tumeur est sarcomateuse, et présente une masse charnue qui a la consistance d'une glande tuméfiée, sans être devenue skirrheuse.

Ces différents caractères font connaître que les moyens curatifs ne doivent point être les mêmes dans tous les cas. Lorsque la tumeur est enkistée, et qu'on y sent de la fluctuation, si elle n'est encore qu'obscure, il ne faut pas se presser de faire l'ouverture ; les émolliens et les maturatifs pourront avec le temps favoriser une plus parfaite dissolution de l'humeur : on pourra alors obtenir par une simple ouverture à la partie déclive, un dégorgement complet de la matière contenue, et la guérison se fera aisément. La tumeur étant affaissée, les parois du kiste peuvent se réunir très-solidement, s'il ne reste point de vue organique, ou que celui qui reste soit si peu de chose que le temps puisse le dissiper. Voyez EN KISTE.

La nature a quelquefois opéré ces sortes de guérisons sans le secours de l'art, au moyen d'une petite ouverture faite par la peau usée et émincée. C'est la mollesse et la fluctuation de la tumeur qui feront raisonnablement présumer qu'on peut se contenter d'ouvrir ces tumeurs. La suppuration se soutient quelquefois plusieurs années pour mettre les choses en cet état : elle se fait sourdement et très-lentement ; mais elle est quelquefois si complete , qu'un seul coup de trois-quarts suffit pour les vider, et donner occasion à la nature d'opérer la réunion.

M. d'Eucery maître en Chirurgie à Cavaillon, a communiqué à l'académie royale de Chirurgie plusieurs observations de cures radicales de goètre d'un volume considérable, obtenues en ouvrant ces tumeurs des deux côtés, et faisant ensuite suppurer l'intérieur par le moyen d'un séton ou bandelette de linge effilé, chargée des remèdes convenables.

Si le goètre est sans fluctuation, il faut tâcher de donner de la fluidité à l'humeur, par les remèdes délayans et fondants pris intérieurement ; et pour l'usage des discussifs et résolutifs extérieurs que nous avons indiqués dans la cure des tumeurs scrophuleuses. Voyez ECROUELLES. Dionis recommande l'emplâtre diabotanum, et dit que si la tumeur ne se résout pas, il faut en faire l'extirpation : c'est le précepte de Celse, suivi par Aquapendente. Mais si l'on fait attention à la nature de la tumeur qui est indolente, on trouve peu de malades qui veulent souffrir cette opération, lorsque la tumeur sera d'un petit volume ; et lorsqu'elle en aura acquis un plus considérable, il faudra que le chirurgien examine bien attentivement si l'extirpation est possible : j'en ai peu Ve que l'on eut pu extirper sans un péril manifeste de la vie. L'importance et la quantité immense des vaisseaux qui arrosent ou qui avoisinent les parties où sont situées ces tumeurs, défendent au chirurgien de les emporter ; mais elles ne sont pas toujours incurables, et hors de la portée des secours de l'art, quoiqu'elles ne soient ni dans le cas d'être simplement ouvertes ni extirpées entièrement. S'il n'y a aucune disposition skirrheuse qui puisse craindre que la tumeur dégénere en carcinome, on peut l'attaquer dans un endroit d'élection avec la pierre à cautère ; et lorsque la première escare sera tombée, continuez à l'entamer peu-à-peu avec prudence par des applications réitérées d'un caustique convenable jusque dans son centre, pour y causer une déperdition de substance, au moyen de laquelle les remèdes fondants extérieurs qui avaient été inefficaces lorsque la tumeur était entière, produisent un dégorgement considérable qui conduit à la fonte de la tumeur et à la guérison. Le choix du caustique n'est point une chose indifférente ; il ne faut pas qu'il soit irritant, et qu'il crispe les solides. On fait des merveilles avec le beurre d'antimoine : c'est un caustique putréfiant ; mais il doit être administré avec bien de la circonspection. On en porte quelques gouttes avec un tuyau de plume, ou une petite boule de charpie ou de coton : on panse ensuite avec les remèdes qui sont propres à procurer la séparation des escares. Voyez dans le premier volume des pièces qui ont concouru pour le prix de l'académie royale de Chirurgie, le mémoire de feu M. Medalon sur la différence des tumeurs qu'il faut extirper ou ouvrir, et sur le choix du cautère ou de l'instrument tranchant dans ces différents cas. (Y)