S. f. terme de Chirurgie, ulcère dont l'entrée est étroite et le fond ordinairement large, accompagné le plus souvent de duretés et de callosités.

Son nom vient de ce qu'il a une cavité longue et étroite comme une flute, appelée en latin fistula.

Presque tous les auteurs admettent la callosité pour le caractère spécifique de l'ulcère fistuleux ; mais l'expérience montre qu'il y a des fistules sans callosité, et qu'il y en a beaucoup dont la callosité n'est qu'un accident consécutif, auquel on ne doit avoir aucun égard dans le traitement. Il y a en effet des fistules qu'on guérit parfaitement par la destruction des causes particulières qui leur avaient donné naissance, et dont la callosité subsiste après la consolidation parfaite.

Les fistules attaquent toutes les parties du corps ; elles viennent en général de trois causes qu'il est important de bien discerner, si l'on veut réussir facilement à les guérir : ce sont, 1°. la transudation d'un fluide quelconque par la perforation d'un conduit excréteur, ou d'un réservoir destiné à contenir quelque liqueur : 2°. la présence d'un corps étranger : 3°. les chairs dures et calleuses d'une plaie ou d'un ulcère.

Les signes de l'écoulement d'un fluide à-travers les parties dont la continuité divisée le laisse échapper, sont sensibles par la seule inspection, à celui qui a des connaissances anatomiques. L'indication curative de ces sortes de fistules, consiste à déterminer le cours du fluide par les voies naturelles et ordinaires, en levant les obstacles qui s'y opposent ; ou à former par l'art une route nouvelle à ce fluide. On remplit ces indications générales par des procédés différents, et relatifs à la structure différente des organes affectés, et aux diverses complications qui peuvent avoir lieu. C'est ce que je vais exposer dans la description du traitement qui convient à plusieurs espèces de fistules comprises sous ce premier genre.

La fistule lacrymale est un ulcère situé au grand angle de l'oeil, qui attaque le syphon lacrymal ; et qui l'ayant percé, permet aux larmes de se répandre sur les joues. Voyez Pl. XXIV. de Chirurgie, fig 1.

La cause de cette maladie vient de l'obstruction du canal nasal ; les larmes qui ne peuvent plus se dégorger dans le nez, séjournent dans le sac lacrymal, et s'y amassent en trop grande quantité. Si elles sont douces, et qu'elles conservent leur limpidité, elles crevent le sac par la seule force que leur quantité leur donne ; si elles sont viciées, elles rongent le sac, ou plutôt il s'enflamme et s'ulcère par l'impression du fluide, sans qu'il soit nécessaire qu'il y en ait un grand amas.

Pour prévenir la fistule lorsqu'il n'y a encore qu'une simple dilatation du lacrymal par la retention des larmes (voyez Pl. XXIV. fig. 2.), il faut tâcher de déboucher le conduit nasal. Les malades font disparaitre cette tumeur pour quelques jours en la comprimant avec le bout du doigt, et cette compression fait sortir par les points lacrymaux, et pousse souvent aussi dans le nez, les larmes purulentes qui étaient retenues dans le sac dilaté. Cette dernière circonstance mérite une attention particulière ; elle montre que l'obstruction du conduit nasal n'est point permanente, et qu'elle ne vient que de l'épaisseur des matières qui embarrassent le canal : ainsi cette obstruction, loin d'être la maladie principale, ne serait que l'accident de l'ulcération du sac lacrymal. Cet état n'exige que la détersion de la partie ulcérée : M. Anel, chirurgien français, mérite des louanges pour avoir saisi le premier cette indication ; il débouchait les conduits, qui des points lacrymaux vont se terminer au sac lacrymal, avec une petite sonde d'or ou d'argent très-déliée, et boutonnée par son extrémité antérieure (voyez Pl. XXIII. fig. 11.). Une seringue, dont les syphons étaient assez déliés pour être introduits dans les points lacrymaux, servait ensuite à faire dans le sac les injections appropriées (voyez ibid. Pl. XXIII. fig. 10.) Lorsque M. Anel croyait devoir déboucher le grand conduit des larmes, il faisait passer ses stylets jusque dans la fosse nasale. Après avoir bien détergé les voies lacrymales, on fait porter avec succès un bandage qui comprime le sac. Voyez Pl. XXIV. fig. 3.

La grande délicatesse et la flexibilité des filets dont nous venons de parler, ne permettent pas qu'on débouche par leur moyen le canal nasal obstrué ou fermé par des tubercules calleux, ou par des cicatrices, comme cela arrive fréquemment à la suite de la petite vérole. On ne voit alors d'autres ressources que dans l'ouverture de la tumeur du grand angle, pour passer dans le conduit une sonde assez solide, capable de détruire tous les obstacles. C'est la méthode de M. Petit ; elle est fondée sur la structure des parties, et sur le mécanisme de la nature, qu'elle tend à rétablir dans ses fonctions. Les chirurgiens avant M. Petit, n'avaient point pensé à rétablir le cours naturel des larmes ; ils pratiquaient une nouvelle voute en brisant l'os unguis, presque toujours sans nécessité et sans raison, sur la fausse idée que la maladie avait pour cause, ou au moins qu'elle était toujours accompagnée de la carie de l'os unguis ; ce qui n'est presque jamais. Antoine Maitre-Jan, ce chirurgien célébre, dont nous avons un si bon traité sur les maladies des yeux, rapporte deux cas de fistules, accompagnées de carie à l'os unguis. Les malades ne se soumirent point aux opérations qu'on leur avait proposées ; la nature rejeta par la voie de l'exfoliation les portions d'os cariées, et ils obtinrent une parfaite guérison sans la moindre incommodité. On a remarqué au contraire, que ceux à qui l'on avait percé l'os unguis, étaient obligés de porter des tentes et des canules assez longtemps dans ce trou, pour en rendre la circonférence calleuse. Ces corps étrangers entretiennent quelquefois, surtout dans les sujets mal constitués, des fluxions et des inflammations dangereuses : et malgré toutes ces précautions, pour conserver un passage libre aux larmes dans le nez, on voit que presque toutes les personnes qui ont été guéries de la fistule lacrymale par cette méthode, restent avec un écoulement involontaire des larmes sur les joues ; à moins que le conduit nasal ne se soit débouché naturellement. Il ne sera donc plus question dans la pratique chirurgicale, de cet entonnoir (Pl. XXV. fig. 2.) ni du cautère (ibidem fig. 3.) que les anciens employaient pour percer l'os unguis. Les modernes qui suivent encore la pratique de la perforation par routine, ne se servent point d'un fer rougi : ils lui ont substitué le poinçon d'un trocar, ou un instrument particulier (Pl. XXV. fig. 4.) ; mais tous ces moyens ne vont point au but, puisqu'ils ne tendent pas à rétablir l'usage du conduit nasal obstrué.

Pour déboucher ce canal, il faut faire une incision demi-circulaire à la peau et au sac lacrymal : il faut prendre garde de couper la jonction des deux paupières, ce qui occasionnerait un éraillement. Pour faire cette incision, le malade assis sur une chaise, aura la tête appuyée sur la poitrine d'un aide, dont les doigts seront entrelacés sur le front, afin de la contenir avec fermeté ; un autre aide tend les deux paupières en les tirant du coté du petit angle ; on aperçoit par-là le tendon du muscle orbiculaire ; c'est au-dessous de ce tendon qu'on commence l'incision (Pl. XXV. fig. 6.) ; elle doit avoir six à huit lignes de longueur, et suivre la direction du bord de l'orbite : cette ouverture pénètre dans le sac. Le bistouri, dont M. Petit se servait, avait une légère cannelure sur le plat de la lame près du dos ; et comme le dos doit toujours être tourné du côté du nez, il avait deux bistouris cannelés, un pour chaque côté. La pointe du bistouri étant portée dans la partie supérieure du canal nasal, la sonde cannelée, taillée en pointe comme le bout aigu d'un curedent de plume, était poussée sur la cannelure du bistouri dans le canal nasal jusque sur la voute du palais. En faisant faire quelques mouvements à la sonde, on détruit tous les obstacles, et sa cannelure favorise l'introduction d'une bougie proportionnée. On change tous les jours cette bougie, qu'on charge du médicament qu'on juge convenable. Il y a des praticiens qui emploient un stylet de plomb pour cicatriser la surface interne du canal ; enfin lorsqu'il n'en sort plus de matières purulentes, on cesse l'usage des bougies ou du stylet de plomb : les larmes reprennent leur cours naturel de l'oeil dans le nez, et la plaie extérieure se réunit en peu de jours. Quelques chirurgiens mettent une canule d'or fort déliée dans le canal, ce qui n'empêche point la cicatrice de la plaie extérieure. La précaution recommandée par quelques auteurs, de faire journellement des injections par les points lacrymaux pendant l'usage de la bougie, est tout à fait inutile. On les a proposées dans la crainte que les conduits, dont les points lacrymaux sont les orifices, ne viennent à s'oblitérer ; ce qui occasionnerait, dit-on, un larmoiement malgré la liberté du conduit nasal. Cette crainte est détruite par l'observation de ces maladies. L'obstruction simple du conduit n'empêche jamais les larmes de pénétrer dans le sac lacrymal, puisqu'après l'avoir vuidé par la compression du doigt, il se remplit de nouveau. Les larmes ne coulent jamais involontairement sur les joues que par regorgement, lorsque la plénitude du sac ne lui permet pas de recevoir le fluide : les larmes passent naturellement dans le sac pendant la cure, et les injections recommandées, sont souvent fatiguantes pour le malade sans aucune utilité. La recherche de M. Petit est décrite dans les mémoires de l'académie royale des Sciences, année 1734. L'appareil de cette opération consiste dans l'application de deux compresses soutenues par le bandage dit monocule, voyez ce mot.

On a mis en usage depuis quelques années une méthode de traiter les maladies des voies lacrymales, en sondant le conduit des larmes par le nez, et en y plaçant à demeure un syphon, par lequel on fait les injections convenables. M. de la Forest, maître en Chirurgie à Paris, a donné sur cette opération, qu'il pratique avec succès, un mémoire inséré dans le second volume de l'académie royale de Chirurgie. M. Bianchi avait sondé le conduit nasal dès l'année 1716. Il a donné à ce sujet une lettre qu'on lit dans le théâtre anatomique de Manget. M. Bianchi a de plus reconnu la possibilité de faire des injections par le nez dans ce conduit ; et M. Morgagni, qui reprend cet auteur de l'opinion qu'il avait sur la structure et sur les maladies des voies lacrymales, traite cette question dans la soixante-sixième remarque de sa sixième critique, et qu'il intitule ainsi... De injectionibus per finem ductus lacrymalis.

M. Bianchi soutient qu'on sonde très-facilement le conduit nasal, parce que l'orifice inférieur de ce conduit a la forme d'un entonnoir. M. Morgagni prétend au contraire, que l'orifice du conduit nasal n'a pas plus de diamètre que les points lacrymaux ; de là il conclut, que loin qu'on puisse rencontrer aisément l'orifice du conduit nasal avec une sonde introduite dans la narine, on le trouve avec assez de peine dans une administration anatomique, lorsqu'après les coupes nécessaires, le lieu de son insertion est à découvert. J'ai trouvé le plus souvent les choses comme M. Morgagni assure les avoir vues ; et j'ai observé quelquefois l'orifice inférieur du conduit nasal évasé en forme d'entonnoir, comme M. Bianchi dit l'avoir trouvé. J'ai expérimenté sur un grand nombre de cadavres l'usage de la sonde : il y en a sur lesquels je la portais avec la plus grande facilité dans le conduit nasal, et d'autres fois je n'y pouvais réussir. Or, comme rien n'indique les variations, qui font qu'on peut ou qu'on ne peut pas réussir à l'introduction de cette sonde, il s'ensuit que les tentatives sur le vivant peuvent être inutiles, qu'elles exposent les malades à des tatonnements incommodes et douloureux ; et faute de précautions et de ménagements, on pourrait fracturer les lames spongieuses inférieures, ce qui serait suivi d'accidents. La méthode de M. Petit me parait plus simple et moins douloureuse dans les fistules ; mais dans la simple obstruction du canal nasal, si l'on peut introduire la sonde dans ce conduit sans faire de violence, la méthode de M. la Forest guérit sans incision, et c'est un avantage ; voyez les différents mémoires sur la fistule lacrymale dans le second volume de l'académie royale de Chirurgie.

La fistule salivaire est un écoulement de salive à l'occasion d'une plaie ou d'un ulcère aux glandes qui servent à la secrétion de cette humeur, ou aux canaux excréteurs par lesquels elle passe. On lit dans les Mémoires de l'académie royale des Sciences, année 1719, qu'un soldat à qui un coup de sabre sur la joue avait divisé le conduit salivaire de Stenon, resta avec une petite fistule, par laquelle chaque fois qu'il mangeait, il sortait une abondance prodigieuse de salive, jusqu'à mouiller plusieurs serviettes pendant les repas, qui n'étaient pas fort longs. On observe le même symptôme dans la fistule de la glande parotide. Cette remarque est de grande conséquence dans la pratique ; car les moyens qui suffisent pour guérir cette seconde espèce de fistule salivaire, seraient absolument sans effet pour la guérison de celle qui attaque le canal de Stenon. Ambraise Paré, célèbre chirurgien, rapporte l'histoire d'un soldat blesse d'un coup d'épée au-travers de la mâchoire supérieure, ce sont les termes de l'auteur. Quelques précautions qu'on eut prises pour la réunion de cette plaie, il resta un petit trou dans lequel on aurait à peine pu mettre la tête d'une épingle, et dont il sortait une grande quantité d'eau fort claire, lorsque le malade parlait ou mangeait : Paré est parvenu à guérir radicalement cette fistule, après l'avoir cautérisée jusque dans son fond avec de l'eau forte, et y avoir appliqué quelquefois de la poudre de vitriol brulé. La situation de la fistule, et le succès de ce traitement, qui aurait été insuffisant, et même préjudiciable dans la perforation du canal salivaire, montre que l'écoulement de la salive venait dans ce cas de la glande parotide. Fabrice d'Aquapendente fait mention de l'écoulement de la salive à la suite des plaies des joues. Je ne sai, dit-il, d'où ni comment sort cette humeur ; mais pour tarir cette humidité si copieuse, il a appliqué des compresses trempées dans les eaux thermales d'Appone, et des cérats puissamment dessicatifs. Ces moyens n'auraient été d'aucune utilité pour l'ulcère fistuleux du canal de Stenon. L'expérience et la raison nous permettent de croire que Munniches n'a jugé que par les apparences trompeuses de l'écoulement de la salive sur la joue, lorsqu'il assure avoir guéri radicalement et en peu de jours, la fistule de ce conduit, après en avoir détruit la callosité avec un caustique. Comment en effet l'application d'un tel remède, qui agrandissait l'ulcère du canal excréteur, pourrait-elle empêcher le passage de l'humeur, dont l'écoulement continuel est une cause permanente et nécessaire de fistule ? Il est certain que dans les cas dont je viens de donner le précis ; c'était la glande parotide qui fournissait la matière séreuse qui entretenait la fistule. M. Ledran ayant ouvert un abcès dans le corps de la glande parotide, ne put parvenir à terminer la cure ; il restait un petit trou qui laissait sortir une grande quantité de salive, surtout lorsque le malade mangeait. M. Ledran appliqua sur l'orifice de cette fistule un petit tampon de charpie trempé dans de l'eau-de-vie ; il le soutint par quatre compresses graduées, voyez COMPRESSES, et les maintint par un bandage assez ferme. En levant cet appareil au bout de cinq jours, pendant lesquels le malade ne vécut que de bouillon, le trou fistuleux se trouva cicatrisé. La compression exacte avait effacé le point glanduleux dont l'ulcération fournissait cette grande quantité de salive. Il suit de ces faits, que l'écoulement de la salive n'est point un symptôme particulièrement propre à la perforation du canal salivaire ; et que pour tarir cet écoulement lorsqu'il vient de la glande parotide, l'application des remèdes dessicatifs ou des cathérétiques, et même la simple compression, sont les moyens capables de conduire à la consolidation parfaite de l'ulcère.

La guérison du canal salivaire ne s'obtient pas si facilement ; il faut avoir recours à des moyens plus efficaces. Dans une plaie qui avait ouvert le canal salivaire supérieur, et qui était restée fistuleuse, M. le Roy, chirurgien de Paris, jugeant qu'il emploierait inutilement les dessicatifs les plus puissants et les consomptifs les plus efficaces, imagina qu'il fallait ouvrir une nouvelle route, par laquelle la salive serait portée dans la bouche comme dans l'état naturel. Il se servit d'un cautère actuel pour percer la joue du fond de l'ulcère dans la bouche, dans le dessein de causer une déperdition de substance, afin que la salive put passer librement, sans qu'on eut à craindre l'obstruction de ce conduit artificiel avant la consolidation parfaite de l'ulcère extérieur. Et en effet, l'ouverture fistuleuse externe fut guérie en fort peu de temps et sans la moindre difficulté. Dans cette cure, la première que nous connaissions en ce genre, la Chirurgie a, pour ainsi dire, créé un nouveau conduit, et l'on a changé la fistule externe en une interne au grand soulagement du malade.

C'est en suivant les mêmes principes, quoique par un procédé un peu différent, que M. Monro, professeur de Chirurgie à Edimbourg, a guéri un ulcère de même nature. Le malade à chaque repas mouillait entièrement une serviette en huit doubles par la salive qui sortait d'un petit trou qu'il avait au milieu de la joue, à la suite de l'application d'un caustique. A l'inspection de cette maladie, M. Monro jugea qu'il fallait faire couler la salive dans la bouche par une ouverture artificielle : il pratiqua cette opération en dirigeant la pointe d'une grosse alêne de cordonnier dans l'ouverture du conduit, obliquement vers le dedans de la bouche et en-devant. Il passa un cordon de soie dans cette ouverture, et en lia les deux bouts vers l'angle de la bouche, sans serrer cette anse. Le passage dans lequel le cordon était engagé devint calleux ; ce qu'on reconnut, dit M. Monro, par la liberté qu'on avait de mouvoir le seton dans cette ouverture, sans causer de la douleur au malade. Au bout de trois semaines on retira le cordon, et l'ulcère extérieur guérit en très-peu de temps. Voilà quelles ont été jusqu'à présent les ressources connues de la chirurgie moderne contre la fistule du canal excréteur de Stenon. L'obligation où j'ai été de répondre à des consultations sur cette maladie, m'a fait faire des réflexions qui m'ont ramené à une méthode plus simple, plus douce, et beaucoup plus naturelle. L'opération proposée, malgré les succès qu'elle a eu, me parait fort éloignée de la perfection qu'on doit chercher. L'orifice supérieur de l'ouverture artificielle qu'on pratique, se trouve plus éloignée de la source de la salive, que la fistule qu'on se propose de guérir ; l'humeur doit donc avoir plus de facilité à sortir par le trou fistuleux extérieur que par l'ouverture intérieure ; et il n'y aurait rien de surprenant, si après cette opération le malade restait avec un trou fistuleux à la joue, qui permettrait à la salive de se partager également, et de couler en partie sur la joue et en partie dans la bouche. M. Coutavoz, membre de l'académie royale de Chirurgie, m'a communiqué un fait qui prouve la vérité de cette réflexion, et dont j'ai fait usage dans une dissertation sur cette matière dans le III. vol. des mémoires de l'académie. J'ai traité en l'année 1753, un bourgeois de Paris, qui avait un ulcère fistuleux au canal de Stenon : il en sortait une quantité considérable de salive, surtout lorsqu'il parlait ou qu'il prenait ses repas : son tempérament s'altérait par la perte excessive de cette humeur. Je sondai le canal depuis la fistule jusqu'à la bouche, et je le trouvai parfaitement libre. La salive était portée dans ce conduit jusqu'auprès de son orifice dans sa bouche, où elle était arrêtée par le coude que le conduit salivaire fait à son extrémité ; car en pressant légèrement la joue depuis la commissure des lèvres vers la fistule, j'en faisais sortir une certaine quantité de salive. La résistance de l'embouchure du canal dans la bouche, déterminait la sortie constante de la salive par l'ouverture de la fistule, qui ne présentait aucun obstacle. Je me déterminai à rétablir l'usage naturel du conduit en le dilatant avec une meche composée de six brins de soie. Un fil en anse passé, au moyen d'une aiguille d'argent flexible, de l'orifice de la fistule dans la bouche, me servit à tirer cette meche. Cette opération ne causa pas la moindre douleur. Dès le jour même que le seton fut placé, il servit de filtre à la salive, il n'en coula plus sur la joue que quelques gouttes pendant que le malade mangeait. Les jours suivants je passai légèrement la pierre infernale sur les chairs de l'ulcère, parce qu'elles étaient fort molles. Cessant d'être abreuvées, elles devinrent bien-tôt fermes et vermeilles. Le dixième je supprimai deux brins de la meche à l'occasion d'un peu de tension le long du canal. Le lendemain j'ôtai les autres. La salive continua de passer par la route naturelle, et la consolidation fut parfaite au bout de quelques jours. Le seton avait augmenté le diamètre du canal et redressé son extrémité, et l'on sait que la seule dilatation des orifices des conduits excréteurs, suffit pour procurer un écoulement abondant de l'humeur au passage de laquelle ils servent. La lecture de cette observation à l'académie royale de Chirurgie, a rappelé à M. Morand, qu'il avait traité il y a quinze ans, un homme, lequel à la suite d'un abcès à la joue, portait depuis un an une fistule au canal salivaire. M. Morand essaya de sonder le canal depuis la fistule jusque dans la bouche, et l'ayant trouvé libre, il y passa quelques brins de fil déroulés en forme de seton : cette pratique a eu le plus parfait succès. Ce fait confirme la doctrine que j'avais établie.

Les fistules urinaires viennent de l'écoulement de l'urine.

La perforation contre nature des parties qui servent à son séjour ou à son passage ; les pierres retenues dans les reins, occasionnent quelquefois des abcès à la région lombaire, dont l'ouverture laisse passer l'urine. L'extraction de la pierre est absolument nécessaire pour pouvoir guérir ces conduits fistuleux. Voyez NEPHROTOMIE. M. Verdier ancien professeur et démonstrateur royal d'Anatomie aux écoles de Chirurgie, rapporte dans un mémoire sur les hernies de la vessie, qu'un chirurgien de campagne avait ouvert la vessie dans l'aine, croyant ouvrir un abcès. La sortie continuelle de l'urine par la plaie, ne laissa aucun doute sur le vrai caractère de la maladie primitive. Pour guérir une fistule de cette nature, il suffit de déterminer le cours des urines par la voie naturelle, au moyen d'une algalie. L'expérience a montré qu'il était utîle dans ce cas, de faire coucher le malade du côté opposé à la plaie de l'aine. Voyez le mémoire de M. Verdier, dans le second volume de l'académie royale de Chirurgie. L'usage de la sonde est absolument nécessaire dans les plaies du corps de la vessie, pour empêcher l'épanchement de l'urine dans la capacité du bas-ventre ; ce qui serait une cause de mort. Barthelemi Cabrol, chirurgien de Montpellier et anatomiste royal de la faculté de Médecine, a Ve en 1550 à Beaucaire, une fille de dix-huit à vingt ans, qui rendait ses urines par l'ombilic allongé de quatre travers de doigt, et semblable à la crête d'un coq-d'inde. L'examen des parties inférieures fit reconnaître que cette maladie avait été occasionnée dès la première conformation, par l'imperforation du méat urinaire. L'orifice de l'urethre était bouchée par une membrane fort mince : Cabrol l'ayant ouverte, l'urine sortait par la voie naturelle ; il fit la ligature de l'excroissance du nombril, et en douze jours la malade fut parfaitement guérie. Nous avons rapporté à la fin de l'article BOUTONNIERE, la cure d'une fistule urinaire, commune à la vessie et à l'urethre.

La fistule au périnée est un ulcère au canal de l'urethre et à la peau qui le recouvre, qui donne issue à l'urine.

Les plaies faites pour l'extraction de la pierre, restent quelquefois fistuleuses par la mauvaise disposition du malade, qui tombe dans une maigreur extrême : l'embonpoint renaissant, ces fistules se consolident facilement ; quelquefois elles viennent de la mauvaise méthode de panser, lorsqu'on se sert indiscrettement des bourdonnets, tentes, canules, et d'autres dilatants. Voyez BOURDONNET. Si la fistule vient de cette cause, elle n'est entretenue que par des chairs calleuses : on la guérira en consommant ces duretés contre nature, par l'usage des trochisques de minium ou de quelque autre escarotique.

La cause la plus fréquente des fistules au périnée, sont les dépôts gangreneux produits par la rétention des urines, à l'occasion des carnosités de l'urethre. Voyez CARNOSITE et RETENTION D'URINE.

Les fistules urinaires ne se font pas seulement au perinée, par la cause que nous venons de citer : la crevasse qui se fait à l'urethre entre l'obstacle et la vessie, laisse passer l'urine qui inonde le tissu cellulaire ; elle produit des abcès gangréneux en différents endroits, au perinée, au scrotum, dans les aines, vers les cuisses, et quelquefois vers le haut jusqu'au-dessus de l'ombilic. On est obligé de faire l'ouverture de toutes ces tumeurs qui restent fistuleuses. On voit beaucoup de malades qui ont échappé au danger d'un pareil accident, et dont l'urine bouillonne par toutes ces issues toutes les fois qu'ils pissent. Le point essentiel pour la guérison de toutes ces fistules, est de procurer un cours libre à l'urine par une seule issue soit en rétablissant le conduit naturel dans ses fonctions, ce qu'on peut obtenir de l'usage méthodique des bougies appropriées au cas, voyez BOUGIE et CARNOSITE ; soit en faisant une incision au périnée, pour porter une canule dans la vessie, afin que l'urine sorte directement, et cesse de passer par tous les sinus fistuleux. Voyez BOUTONNIERE.

Le premier parti est le plus doux ; il est par conséquent préférable, si la disposition des fistules permet qu'on réussisse par cette voie : au moins ne prendra-t-on pas pour modèle de la conduite qu'on doit tenir en pareil cas, ces observations qui représentent un chirurgien occupé de l'ouverture de chaque sinus, qui exposent comme une belle opération, d'avoir disséqué beaucoup de parties, et d'avoir sacrifié le ligament suspenseur à la recherche de l'ouverture du canal de l'urethre, par laquelle l'urine s'était fait jour. Dès que, suivant le principe général qui doit servir de guide dans le traitement de toute fistule formée par la perforation d'un conduit excréteur, on aura procuré dans ce cas-ci une voie unique pour la sortie de l'urine, toutes les fistules qui n'étaient entretenues que par le passage contre nature de cette liqueur, se guériront presque d'elles-mêmes. Les callosités, s'il y en a, ne sont qu'accidentelles et n'empêchent pas la consolidation des sinus. On a même des exemples, que des malades déterminés à porter toute leur vie une canule au périnée, l'ayant ôtée parce qu'elle les incommodait en s'asseyant, ont éprouvé que l'urine qui coula d'abord en partie par la fistule, et en partie par la verge, n'a plus passé enfin que par la voie naturelle ; parce que la fistule s'est resserrée peu-à-peu d'elle-même, et que le conduit artificiel s'est enfin oblitéré sans aucun secours.

On a des exemples de fistules de l'abdomen à la région du foie, par l'ouverture de la vésicule du fiel adhérente au péritoine. Ces fistules ne sont curables que par le rétablissement du cours de la bile, par le canal qui la dépose dans l'intestin duodenum. Si les pierres formées dans la vésicule du fiel empêchent la bîle de couler, on peut en faire l'extraction. Voyez sur cette opération, le mémoire de M. Petit, sur les tumeurs de la vésicule du fiel, dans le premier volume de l'académie royale de Chirurgie.

Le second genre de fistules que j'ai établi par rapport à leurs causes, comprend celles qui sont formées ou entretenues par la présence d'un corps étranger : telles sont les balles de mousquet et les morceaux d'habits qu'elles poussent devant elles ; enfin tous les corps venus de dehors, ou bien une esquille, une portion d'os carié, de membrane, ou d'aponévrose, qui doivent se détacher. Voyez CORPS ETRANGER, CARIE, EXFOLIATION. Toutes ces choses en séjournant contre l'ordre naturel dans le fond d'une plaie ou d'un ulcère, entretiennent des chairs molles et fongueuses ; elles fournissent une humidité sanieuse qui empêche la consolidation extérieure et qui forme la fistule. Si l'ulcère fistuleux vient à se cicatriser extérieurement, ce n'est que pour un temps, la matière forme des dépôts par son accumulation, et l'ouverture de ces sortes d'abcès conduit souvent le chirurgien au foyer de la tumeur, où il découvre la cause de la durée de la maladie. On ne guérira jamais les fistules produites par la présence d'un corps étranger quelconque, qu'en faisant l'extraction de ce corps ; il ne peut pas y avoir d'autre indication. Pour la remplir il faut faire les incisions convenables, ou des contre-ouvertures, dont on ne peut déterminer généralement la direction et l'étendue par aucun précepte. On sent que ces incisions sont soumises à autant de différences, qu'il y a d'espèces de fistules sous ce genre, et qu'elles exigent beaucoup d'habileté de la part du chirurgien ; un jugement sain qui lui fasse discerner la voie la plus convenable, et une grande présence des connaissances anatomiques, pour pénétrer dans le fond de ces fistules à-travers des parties délicates qu'il faut ménager. C'est dans ces cas que l'habitude ne peut conduire la main ; les hommes qui n'ont pour tout mérite que de savoir marcher dans les routes qui leur ont été frayées, sont ici d'une faible ressource ; la routine qu'ils honorent du nom d'expérience, ne peut que les rendre hardis, et conséquemment fort dangereux dans les conjonctures délicates, où le jugement et le savoir doivent guider la main.

Sous le troisième genre de fistules, sont comprises celles qui sont produites par des chairs fongueuses, dures, et calleuses, que le séjour du pus a rendu telles, comme dans les fistules à l'anus ; ou que la négligence, le mauvais traitement, l'usage des bourdonnets entassés les uns sur les autres, ont fait naître dans l'ulcère : en général ces sortes de fistules se guérissent par l'extirpation des callosités, ou avec l'instrument tranchant, ou par l'application des remèdes caustiques.

La fistule à l'anus est un ulcère dont l'entrée est étroite, situé près de la marge du fondement, avec issue d'un pus fétide, et presque toujours accompagné de callosités. Cette fistule est toujours la suite d'un abcès plus ou moins considérable dans le tissu graisseux qui avoisine l'intestin rectum.

Les causes de l'abcès qui produit la fistule, sont internes ou externes. L'inflammation qu'occasionne l'obstruction des hémorrhoïdes, est la cause interne la plus ordinaire ; ainsi tout ce qui peut produire des hémorrhoïdes, doit être mis au nombre des causes éloignées de la fistule à l'anus. Voyez HEMORRHOÏDES. Les causes externes sont les coups, les chutes, les contusions de cette partie. Les personnes qui montent souvent à cheval y sont fort sujettes. L'excès des plaisirs vénériens, et enfin tout ce qui peut retarder et gêner le cours de la circulation du sang dans cette partie, y occasionne des inflammations, lesquelles se terminent facilement par suppuration, parce qu'il n'y a pas dans le tissu cellulaire de cette partie assez de ressorts pour resister à l'engorgement des humeurs : au contraire, les mouvements du diaphragme et des muscles du bas-ventre, si nécessaires pour les principales fonctions naturelles, sont opposés au retour des fluides ; et c'est la cause principale de la dilatation si fréquente des veines hémorrhoïdales. Les fistules à l'anus viennent quelquefois des os ou corps étrangers qu'on a avalés, et qui se sont arrêtés au fondement.

La différence des fistules à l'anus se tire de leur ancienneté, de leur étendue, de leur complication, et de leurs issues : de leur ancienneté, en ce que les unes sont vieilles, et les autres récentes : de leur étendue, en ce que leur trajet est plus ou moins profond : de leur complication, en ce qu'elles peuvent ne former qu'un seul sinus, ou bien qu'elles sont accompagnées de clapiers, de plusieurs sinus, de beaucoup de callosités, d'abcès, et même de carie des os, de pourriture de l'intestin, etc. Les fistules diffèrent par leurs issues ; et à raison de cette différence, elles sont complete s ou incomplete s. La fistule complete a une ouverture dans l'intestin, et une autre extérieurement. Les fistules incomplete s ou borgnes, sont internes ou externes : celles-ci n'ont qu'une issue à la marge de l'anus, et ne pénètrent point dans l'intestin rectum : celles-là n'ont point d'ouverture extérieure, et la matière purulente coule par l'orifice fistuleux, ouvert dans l'extrémité du rectum.

Les signes diagnostiques de ces fistules sont faciles à apercevoir. A l'examen de la partie, on connait par où le pus s'écoule, et l'on voit s'il y a un orifice extérieur. On ne peut juger de la profondeur des fistules qu'en les sondant, si elles sont externes ; encore le contour des sinus fistuleux peut-il empêcher le stylet de pénétrer dans toute la longueur du trajet. La hauteur des fistules internes dans le rectum, se connait en introduisant dans l'anus une tente de charpie couverte de quelque onguent, et assez longue : on verra dans quelle étendue elle sera tachée de la matière qui découle du trou fistuleux.

Le pronostic se tire de la cause de la maladie, de ses différences, et de la bonne ou mauvaise disposition du sujet.

La cure exige d'abord un traitement préparatoire, relatif à cette disposition. La maladie locale présente des indications différentes, suivant les diverses circonstances. Un simple sinus qui n'est pas fort ancien, qui n'attaque pas le rectum, n'a besoin que d'être ouvert. Dès qu'on aura changé la disposition de l'ulcère, que son entrée aura été rendue large, et qu'on aura détergé le fond par les remèdes convenables, il se fera une cicatrice solide. Si la fistule est complete , il faudra fendre tout ce qui est compris entre les deux orifices, et faire une scarification dans le fond, pour faire une plaie récente d'un sinus ancien : mais s'il y a des duretés et des clapiers, la cure ne peut être radicale qu'en emportant tout ce qu'il y a de calleux, soit par l'instrument tranchant, soit par les caustiques. On réussit par l'une et l'autre méthode. On donne en général la préférence à l'instrument tranchant, parce qu'on fait en une ou deux minutes ce qu'on n'obtiendrait que par l'application réitérée des caustiques, qui tourmentent cruellement le malade pendant plusieurs heures à chaque fais. Un praticien éclairé peut trouver des raisons de préférence pour le choix de l'une ou de l'autre méthode.

Après que le malade aura été préparé par les remèdes généraux, et par des remèdes particuliers si son état en exige, il faut avoir la précaution de le purger la veille de l'opération, de lui ôter tout aliment solide, et de lui faire prendre un lavement deux heures avant l'opération, afin de nettoyer l'intestin des matières fécales que le malade pourrait lâcher au nez du chirurgien dans le temps de l'opération, ce qui serait capable de l'empêcher de la finir avec la tranquillité nécessaire : ou bien ces matières pourraient donner au malade des envies d'aller à la selle quelque temps après l'opération, ce qui obligerait de lever l'appareil, et de laver ensuite la plaie ; inconvénient qu'il est bon de prévenir.

Pour faire l'opération, on fait mettre le malade sur le bord de son lit, qu'on a eu le soin de faire garnir d'un drap plié en plusieurs doubles, dans la situation où l'on le mettrait pour recevoir un lavement, de façon que la fesse du côté malade soit appuyée sur le lit. Un aide chirurgien à genoux sur le lit, pose un genou contre le malade dans l'angle que celui-ci forme par son corps et ses cuisses, pour qu'il ne puisse s'éloigner de l'opérateur : cet aide soulève la fesse saine. On doit avoir d'autres aides pour contenir les jambes et les épaules du malade. Tout étant ainsi disposé, et l'appareil convenable pour le pansement préalablement préparé, le chirurgien met un genou à terre, et procede à l'opération.

Si la fistule est complete , il introduit dans le fondement le doigt index gauche, graissé d'huîle ou de beurre ; il tient avec la main droite un stylet d'argent flexible, ou l'aiguille ou sonde plate destinée à cet usage, voyez AIGUILLE ; il pousse doucement cet instrument, jusqu'à ce que sa pointe rencontre le doigt qui est dans l'intestin, ou qu'on y met seulement après avoir introduit le stylet dans le trajet de la fistule ; l'extrémité de ce doigt replie le stylet, et sert à l'amener au-dehors : on forme ainsi une anse qui embrasse la fistule, et la portion du boyau qui lui répond. Voyez Planche XXVII. fig. 1.

Dans la fistule incomplete externe, on recommande de porter l'extrémité du stylet au-dessus des callosités, et en forçant un peu de percer l'intestin pour former l'anse : c'est dans cette occasion qu'il faut se servir par préférence de l'aiguille pointue, le stylet boutonné serait moins convenable.

Si la fistule est borgne et interne, il faut faire avec la lancette une ouverture extérieure sur un petit point mollet, qui montre le sac du sinus : quand cet endroit n'est pas sensible, on met dans l'anus, pendant douze ou quinze heures, ou plus longtemps, si cela était nécessaire, une tente, laquelle en bouchant l'ouverture de la fistule, empêche le pus de s'écouler ; il s'en amasse assez pour former à l'extérieur une tumeur qui indique le lieu où il faut faire l'incision.

Lorsque l'anse est passée dans la fistule, on prend avec les doigts de la main gauche les deux extrémités du stylet ; en les tirant à soi on tend les parties, et avec un bistouri droit qu'on tient de l'autre main, on emporte les parties que le stylet a pénétrées ; en sorte qu'après l'extirpation les callosités se trouvent embrochées. Trais ou quatre coups de bistouri donnés à-propos, suffisent ordinairement pour cette opération. Si l'orifice extérieur de la fistule était si éloigné du fondement, qu'en faisant l'opération comme on vient de le décrire, il fallut faire une trop grande déperdition de substance, on pourrait passer une sonde cannelée dans le conduit fistuleux ; on l'ouvrirait ensuite avec un bistouri. C'est la méthode que nous avons dit convenir pour les cas les plus simples, et dans lesquels on s'est servi avec succès du syringotome. Voyez SYRINGOTOME. Mais dans les fistules fort étendues et compliquées, il ne suffirait pas d'avoir fendu le sinus antérieurement, c'est-à-dire du côté extérieur, il faudrait inciser la partie postérieure dans toute l'étendue, ayant le soin de tâter avec l'extrémité du doigt index de la main gauche, les parties avant de les scarifier, pour ne pas couper des vaisseaux ou autres parties qu'il serait à-propos de ménager. Les callosités qu'on n'a fait que fendre par cette incision, doivent être emportées des deux côtés avec le bistouri ou les ciseaux ? on scarifie celles que la prudence ne permet pas d'extirper, ou on les attaque dans le cours du traitement, avec des remèdes caustiques.

Le pansement de la plaie consiste à mettre de la charpie brute et mollette dans toute l'étendue de la plaie : on introduit ensuite une tente grosse et longue comme le petit doigt, dans le rectum : le tout sera recouvert de trois ou quatre compresses longuettes, étroites, et graduées, soutenues de bandages en T, dont la branche transversale large de quatre travers de doigt, fait un circulaire autour du corps au-dessus des hanches, et sert de ceinture ; et la branche perpendiculaire est fendue depuis son extrémité jusqu'à huit travers de doigt de la ceinture. Le plein porte sur les compresses, et les deux chefs passent un de chaque côté des parties naturelles, pour n'en pas gêner l'action, et vont s'attacher antérieurement à la ceinture.

Si dans l'opération on avait ouvert un vaisseau qui fournit assez de sang pour donner quelque crainte sur la quantité que le malade pourrait en perdre, il faudrait prendre des précautions dans l'application de l'appareil ; car on a Ve le sang se porter dans l'intestin, pendant qu'on ne soupçonnait point l'hémorrhagie, parce que l'appareil n'en était point pénétré. On peut se mettre en garde contre cet accident, par l'application de l'agaric, et par une compression faite avec méthode. Il faut d'abord reconnaître la situation précise du vaisseau qui fournit le sang, en appuyant le doigt alternativement dans différents points de l'incision, jusqu'à ce qu'on ait comprimé la source de l'hémorrhagie. Il est prudent de tenir le doigt assez longtemps sur l'orifice du vaisseau, pour donner le temps au caillot de se former : au lieu d'agaric on peut mettre avec succès sur cet endroit une petite compresse, trempée dans l'essence de Rabel ; on la soutient pendant quelques minutes ; on la couvre ensuite de charpie brute, et l'on applique le reste de l'appareil comme je viens de le dire.

On ne lève l'appareil qu'au bout de quarante-huit heures, si rien n'oblige à le lever plutôt ; encore ne doit-on pas détacher la charpie du fond, surtout s'il y a eu hémorrhagie : c'est à la suppuration à décoller cette charpie. Dans la suite, les pansements doivent être fort simples : on se sert d'abord des remèdes digestifs ; puis des détersifs, et on termine la cure avec des dessicatifs, suivant les règles générales de l'art pour la cure des ulcères. Voyez ULCERES. On diminue la tente de jour en jour, selon le progrès de la plaie vers la consolidation ; et sur les derniers temps, on panse avec une meche de charpie ou un plumaceau, qu'on introduit à plat dans le rectum. Une attention qui est essentielle lorsqu'on porte la tente dans l'intestin, est de l'introduire le long de la partie saine du fondement, du côté opposé à l'incision : par ce moyen on ne fatigue pas l'angle de l'incision du boyau, on évite de la douleur qu'on ferait souffrir inutilement au malade ; et sans cette précaution il y aurait du risque de faire, en poussant la tente, une fausse route dans les graisses à côté de l'intestin. Quelques personnes ont proposé de rejeter l'usage de la tente dans le rectum ; mais l'expérience a montré qu'il s'en était suivi un retrécissement de l'anus, fort incommode aux malades qui sont obligés de faire ensuite beaucoup d'efforts pour rendre les matières par une ouverture trop étroite.

Je placerai ici quelques réflexions sur le traitement des abcès considérables qui se forment à la marge de l'anus, soit que la fistule les ait produits, ou qu'ils la précèdent. On doit les ouvrir comme de simples abcès. Quelques praticiens sont dans l'usage d'emporter une portion du rectum, après avoir évacué le pus ; à quoi l'on n'est autorisé que dans le cas de pourriture à l'intestin. D'autres qui pensent plus sensément sur les avantages de la conservation des parties, se contentent de fendre l'intestin, et ils croient que cela est nécessaire pour procurer sa réunion avec les parties voisines. Cependant l'expérience montre qu'on pourrait guérir radicalement quelques malades par la seule ouverture de l'abcès, quoiqu'il y eut fistule à l'intestin. Que risque-t-on à chercher la guérison par cette voie ? C'est une tentative dont les malades doivent nous savoir gré, puisqu'elle a pour objet de leur épargner de la douleur, et d'abréger considérablement la cure. Mais si à la suite de ce traitement il restait un sinus fistuleux, ce qui arrive dans le plus grand nombre de cas, il faudrait en faire l'ouverture : et ce serait une seconde opération ; mais on ne risque pas alors de faire une plus grande déperdition de substance qu'il n'est nécessaire : ce qu'il n'est pas possible d'éviter lorsqu'on incise l'intestin immédiatement après l'ouverture de l'abcès. En effet l'intestin étant plus ou moins à découvert selon l'étendue et la profondeur du foyer de l'abcès ; étendue qui est relative à la quantité de la matière contenue dans la tumeur, l'orifice de la fistule peut être fort près de la marge de l'anus, quoique la dénudation de l'intestin s'étende fort haut. Dans ce cas en fendant l'intestin depuis le fond de l'abcès, on y fait utilement une grande incision ; et une grande incision faite sans utilité, peut être regardée comme nuisible. De plus on pourrait dans les grandes dilacérations, emporter une assez grande portion de l'intestin, et laisser précisément celle où serait le point fistuleux ; ce qui par la suite donnerait lieu à ce qu'on appelle mal-à-propos la réproduction de la maladie, puisqu'elle n'aurait pas été détruite. Combien n'y a-t-il pas de personnes qui disent qu'elles ont été manquées de l'opération de la fistule ? L'expression est bonne, puisqu'elles ont souffert une opération douloureuse sans aucun fruit. Si au contraire on se contentait de faire simplement l'ouverture de l'abcès, l'incision de la fistule deviendrait, après le récolement des dilacérations faites par la formation du pus, une opération de petite conséquence en elle-même, et en la comparant à la grandeur de celle dans laquelle l'intestin serait incisé dans toute l'étendue du foyer de l'abcès. Il y a encore quelques autres raisons de préférence pour cette méthode, telles que d'éviter des hémorrhagies qui ont souvent lieu dans les incisions profondes ; et dans ce cas ; la nécessité d'un tamponnement retient des matières purulentes dans quelques vides ou clapiers qui peuvent échapper à la diligence de l'opérateur ; la résorption s'en fait ; de-là des fièvres colliquatives, des cours de ventre, et autres accidents qui mettent la vie du malade en danger. M. Foubert se propose d'exposer cette doctrine dans le troisième volume des mémoires de l'académie royale de Chirurgie. J'en ai donné le précis, parce que je suis persuadé par ma propre expérience, de l'utilité des préceptes dont je viens de faire mention. (Y)

FISTULE. (Manège et Maréchalerie) En adoptant la définition que les auteurs qui ont écrit sur la médecine du corps humain, nous donnent du terme de fistule, nous la regarderons ici nous-mêmes comme un ulcère profond dont les bords sont durs et calleux, et dont l'entrée est étroite, tandis que le fond en est évasé.

Souvent une seule ouverture extérieure conduit à plusieurs cavités intérieures, que l'on nomme sinus ou clapiers ; quelquefois il n'est qu'une seule cavité ; il arrive encore que la carie ou quelqu'autre maladie s'unissent à celle-ci ; dans le premier cas la fistule est composée, et dans le second elle est simple : dans le troisième elle est compliquée. La vue nous en fait discerner l'orifice ; le tact nous assure de sa dureté, la sonde nous en indique la direction, la profondeur et la complication ; enfin le pus dont la compression sur les parties voisines occasionne la sortie, nous en découvre l'étendue.

De quelqu'espèce que soient les fistules, elles procedent en général d'un dépôt qu'un maréchal inattentif ou ignorant n'aura pas ouvert assez promptement. La matière purulente inclinant toujours du côté où elle rencontre le moins de résistance, se creuse des routes intérieurement, pénètre dans l'interstice des muscles, et détruit une partie de la graisse avant de vaincre l'obstacle que lui présente la peau, et de se frayer une issue au-dehors ; aussi ces accidents qui peuvent avoir lieu dans toute la sphère du corps de l'animal, se manifestent-ils plus fréquemment dans les parties membraneuses, glanduleuses, abreuvées de lymphe, dans celles où la graisse abonde, comme dans les environs de l'anus, et dans les abcès dont le siège est sur la portion supérieure de l'encolure, sur le garrot, sur les reins, parce qu'alors le pus tendant naturellement vers les parties déclives, et ne pouvant remonter contre sa propre pente, forme nécessairement des sinuosités.

Les suites des fistules sont plus ou moins funestes, selon les lieux qu'elles parcourent ; leur profondeur, la multiplicité des clapiers, leur direction, leur complication de carie, d'hypersarcose, d'inflammation, et selon leur ancienneté.

L'objet principal que l'on doit se proposer dans leur traitement, est de procurer la régénération des chairs louables et bonnes dans toutes leurs cavités ; il s'agit à cet effet de faciliter la sortie de la matière suppurée, d'emporter et de détruire toutes les callosités, et même la carie, si la fistule est compliquée.

Les fistules simples et récentes dont les bords sont légèrement endurcis, et dont le sinus est peu profond, demandent simplement une contre-ouverture pratiquée dans leur fond, pour exciter une suppuration dans toute leur étendue ; on y passe une meche garnie de médicaments faiblement consomptifs ; ce moyen suffit ordinairement pour fournir au pus une issue libre et convenable, pour dissiper les callosités, pour donner lieu à la régénération désirée, et pour conduire enfin la plaie à une heureuse cicatrice. Mais si ces mêmes callosités sont considérables, la contre-ouverture ne produira point ces salutaires effets ; on sera nécessairement contraint d'ouvrir en entier la fistule, de couper même une grande partie des chairs dures qui en couvre les bords et les parais, et d'entretenir toujours la suppuration jusqu'au moment où le tout sera en état d'être cicatrisé.

Cette dilatation importe encore davantage dans le cas où les fistules sont compliquées de carie ; soit que la carie occasionnée par le séjour et la corrosion des matières purulentes, puisse être envisagée comme une suite de la fistule, soit que son opposition à la réproduction des chairs louables dans le fond de l'ulcère, nous détermine à l'en regarder comme une des principales causes, on ne pourra se dispenser de recourir au cautère actuel, à l'effet de provoquer une exfoliation, et de la détruire ; tous les autres secours, tels que ceux que promettent la rugine et les médicaments desquamatoires n'étant en aucune manière comparables à celui que nous retirons dans la pratique de l'application du feu. Voyez FEU.

Quant aux fistules composées dont la dureté et les sinuosités ne représentent rien d'extraordinaire, on pourra tenter d'en procurer la réunion, en obviant à ce que la matière n'y séjourne, et en rapprochant les parais, si cependant une compression méthodique sur le fond est praticable. Lorsque les sinus sont vastes et les bords extrêmement calleux, il ne reste au maréchal d'autres voies, que celle de la dilatation qu'il doit faire avec l'instrument tranchant.

Il est des cas où il n'est pas possible, et où il serait très-dangereux d'ouvrir et de dilater les fistules dans toute leur étendue ; tels sont ceux où elles sont extrêmement profondes, et où il est à craindre d'offenser avec le bistouri, des nerfs et des vaisseaux sanguins d'un certain ordre. Il faut se contenter alors d'en dilater l'entrée ou avec l'instrument, ou avec de l'éponge préparée. On injectera dans le fond des liqueurs détersives, on y portera même, si on le peut sans péril, des médicaments consomptifs, toujours dans l'intention de remplir les vues générales que l'on doit avoir, et l'on sera surtout exactement et scrupuleusement attentif à ne jamais tamponner l'ouverture des fistules dont on entreprendra la cure par des tentes ou des bourdonnets trop durs, d'autant plus que de tels pansements n'ont que trop souvent rendu calleux et fistuleux des ulcères profonds.

Ces divers traitements extérieurs ne doivent point au surplus dispenser le maréchal de tenir l'animal à un régime humectant et modéré, de l'évacuer prudemment, afin de diminuer la quantité des humeurs qui affluent sur la partie malade, de s'attacher à réparer les vices et les désordres intérieurs, etc. (e)

FISTULE A L'ANUS. (Manège et Maréchalerie) La fistule lachrymale échappée aux yeux de tous nos observateurs, ne pourrait être dans l'animal qu'une maladie funeste, puisque d'un côté on ne se livrait à aucune recherche relativement aux moyens d'y remédier, et que de l'autre tous les efforts de la nature seule en étaient incapables.

La fistule à l'anus, avouée et connue par plusieurs auteurs, ne me parait pas avoir été moins négligée. Effrayés en apparence par la difficulté d'opérer le cheval, et retenus véritablement par les obstacles qui naissent d'une ignorance non assez profonde pour se déguiser entièrement la nécessité du savoir, les uns ne nous indiquent que des médicaments absolument impuissants ; et les autres, en bannissant toute méthode curative, telle que celle qui dans l'homme est suivie des plus grands succès, ne nous proposent que la voie cruelle, et souvent pernicieuse des ligatures et des cautères. Si cependant la maladie et la structure des parties qu'elle attaque ne diffèrent point essentiellement dans le cheval, il est certain qu'on peut se flatter de le rétablir, lorsqu'aidé d'ailleurs des connaissances sur lesquelles la science d'opérer doit être étayée, on se conformera à la pratique chirurgicale ; il faut donc convenir que tous les inconvénients qu'on pourrait entrevoir, eu égard au régime et aux pansements, ne seront que des prétextes frivoles, et non des motifs suffisans de ne pas tenter : et c'est dans cette idée que je me crois obligé de tracer quelques préceptes relativement au manuel de l'opération à laquelle le maréchal doit avoir recours.

L'ulcère sinueux et calleux dont il s'agit ici, est toujours la suite d'un dépôt que la trop grande quantité de sang, son acrimonie, son épaississement, des coups ou des irritations quelconques, peuvent occasionner. Selon les progrès de la matière qui se creuse des routes dans le tissu graisseux, aux environs de l'extrémité de l'intestin rectum, la fistule reçoit des dénominations diverses. Une cavité percée d'une seule ouverture, forme une fistule simple et incomplete ; si cette ouverture est en-dehors, la fistule est dite borgne et externe, et borgne et interne lorsqu'elle est dans l'intérieur. Deux issues, l'une en-dehors et l'autre en-dedans de l'intestin, la rendent complete ; et plusieurs clapiers engagent à la déclarer composée.

Quelles que soient ces différences, l'opérateur les saisit aisément par les moyens que j'ai indiqués en traitant de la fistule en général. Une ouverture avec dureté dans le voisinage du fondement, et qui fournit de la matière purulente, manifeste en effet une fistule externe dont la sonde découvre la direction, la profondeur et les sinuosités ; et comme l'introduction du stylet dans l'ouverture doit être suivie et accompagnée de l'introduction des doigts du maréchal dans le large orifice de l'anus du cheval, il lui est facîle de juger si, ce même stylet pénétrant dans l'intestin, la fistule est complete . Celles qui sont borgnes et internes ne s'annoncent point aussi clairement, surtout dès que l'on n'a aucune connaissance du dépôt qui peut y avoir donné lieu. L'écoulement du pus avant ou après les déjections, en est l'unique symptôme, soit qu'il arrive conséquemment à la compression du foyer de l'humeur causée par la présence des excréments, soit que cette compression soit produite par la contraction des parties qui reviennent sur elles-mêmes et se resserrent lorsque l'animal a fienté ; il est question dans une occurrence semblable, de passer les doigts dans le rectum, à l'effet de reconnaître le lieu de l'ouverture de la fistule, lieu que désignent surement une dureté et une élévation senties et aperçues. On doit ensuite glisser adroitement un stylet recourbé dans l'issue découverte, pour s'assurer de l'état du mal ; toutes ces recherches qui seront précédées de la précaution d'assujettir tellement l'animal dans le travail, qu'il ne puisse s'y refuser, ne conduisent à rien d'avantageux, si la fistule est si profonde qu'il ne soit pas possible d'y porter l'instrument, sans craindre d'intéresser des parties, telles que la vessie, qui dans l'animal avoisine étroitement le rectum, ou d'ouvrir des vaisseaux considérables, tels que les artères hémorrhoïdales ; alors elle doit être regardée comme incurable ; mais dans tous les autres cas on ne doit point abandonner le cheval à son sort. Il s'agit de le préparer d'abord à l'opération que l'on médite, par la saignée, un breuvage purgatif, quelques lavements émolliens, un régime humectant, et une diete assez sévère.

Ces médicaments généraux administrés, et le corps de l'animal étant suffisamment disposé, on le videra exactement une heure ou deux avant d'opérer, et on lui donnera un lavement. On le placera ensuite dans le travail, avec le même soin que l'on a eu lorsqu'il n'a été question que de le sonder. Sa queue sera fermement relevée et attachée à une des traverses de la charpente dans laquelle il sera renfermé.

L'objet que doit se proposer le maréchal, est d'ouvrir la fistule et d'emporter toutes les callosités.

Il est nécessairement astraint de rendre complete s celles qui ne le sont pas. Ainsi l'ouverture est-elle externe, il y introduira un stylet d'une grosseur proportionnée, et dont l'extrémité pénétrante ne sera point aiguë. Il le glissera aussi près qu'il pourra de l'intestin, dans lequel ses doigts seront introduits, et lorsqu'il en sentira la pointe, il le poussera avec assez de force pour percer cet intestin, ce qui se pratique facilement. Il l'obligera ensuite d'entrer plus avant, et il le pliera pour ramener et pour faire sortir par l'anus celui des bouts qui se sera fait jour dans le rectum, de façon que la fistule se trouvera comme embrochée par cet instrument, et contenue entre ses deux extrémités. Si l'ouverture est interne, il examinera s'il n'est point extérieurement aucun endroit où la matière purulente s'annonce par une légère fluctuation, mais il aura attention dans le même instant de boucher l'orifice situé dans l'intestin, de manière que la compression faite au-dehors ne puisse déterminer cette matière à fluer par cet orifice intérieur ; dès que l'ondulation se sera fait sentir, il pratiquera une ouverture à la peau, par le moyen de laquelle il communiquera du-dehors en-dedans de la fistule, sinon et à défaut d'une fluctuation reconnue, il portera son stylet recourbé, à l'effet de l'insinuer dans l'ouverture interne, et de faire une incision à l'endroit du tégument, sous lequel l'extrémité recourbée rampante lui désignera le trajet du sinus. Cette incision faite, il maintiendra le stylet, ainsi que dans le premier cas prévu. Quant à la fistule complete , l'introduction de cet instrument n'est point aussi pénible, et le procédé est plus simple, mais l'opération est la même, de quelqu'espèce qu'elle puisse être.

Le maréchal saisi des deux extrémités du stylet qu'il tiendra jointes et unies, emportera avec le bistouri toute la portion contenue dans l'anse ; il coupera même au-delà, afin de comprendre dans la partie enlevée, toutes les callosités du canal fistuleux. Il considérera ensuite, en portant le doigt dans la plaie, s'il en est quelques-unes encore, il les détruira ; il observera de plus, si quelques sinus suintant de la matière ne lui ont point échappé ; il les ouvrira avec les ciseaux ou le bistouri, s'ils ne sont pas profonds : et dans le cas où ils approcheraient de l'intestin, il coupera l'intestin même ; en un mot, il s'attachera à former une plaie exactement sanglante dans toute son étendue, et entièrement dénuée de clapiers et de duretés. Il ne doit pas oublier aussi de visiter soigneusement le rectum. Souvent la matière en rongeant les graisses circonvoisines, en opère la dénudation. Alors on l'incisera, et les lèvres dans le lieu incisé se consolideront avec les parties prochaines, sans quoi le vide qui subsisterait dans le fond, serait un obstacle à la réunion.

Cette opération faite, on remplira la plaie de charpie, et on conduira le cheval à l'écurie. Là, on l'entravera du derrière, et on le captivera de telle sorte dans la place qui lui est destinée, que le maréchal puisse faire son pansement tranquillement et sans danger. Il consiste à garnir cette même plaie très-exactement, pour que les matières n'y fassent aucun amas. Une quantité proportionnée de charpie brute qu'il substituera à celle qu'il a placée, l'animal étant dans le travail, suffira à cet effet, mais il évitera de tamponner, c'est-à-dire de comprimer trop fortement. Le dehors de la plaie sera couvert d'un plumaceau, et le tout sera maintenu par un emplâtre agglutinatif, sur lequel on mettra quelques compresses ou de la filasse. Tout cet appareil sera maintenu par un cuir coupé en carré, aux quatre pointes duquel seront bredies de solides attaches. Deux d'entr'elles aboutiront supérieurement en passant sur la croupe à un surfaix où elles seront fixées et arrêtées : les deux autres qui passeront entre les cuisses, et qui dans leur trajet ne gêneront ni les testicules ni le fourreau, répondront inférieurement à ce même surfaix dans lequel elles seront engagées. On pourra encore y fixer le bas de la queue de l'animal, qui, tirée en dessous, servira d'un second appui et d'un second soutien. Un des plus considérables inconvénients qu'entraîne cette opération, est l'obligation de panser l'animal chaque fois qu'il a fienté, mais cette obligation n'est point d'une nature à préférer la perte du cheval à la satisfaction de se refuser aux peines qu'elle peut causer. D'ailleurs le régime auquel sa situation le condamne, doit être assez sévère pour que les excréments ne soient pas abondants ; car dès les premiers jours, le son, l'eau blanche, la farine de froment dans son seau, doivent être ses seuls aliments. Quant aux autres pansements, l'état de la plaie guidera le maréchal. Il emploiera les médicaments digestifs, qu'il mêlera sur la fin de la cure, avec de legers consomptifs, à l'effet de réprimer des chairs fongueuses, toujours embarrassantes dans le traitement du cheval, et plus promptes à se produire dans des parties où la graisse domine ; il s'efforcera enfin et dans le temps, de procurer par cette voie la cicatrice. (e)

FISTULE LACRYMALE, (Manège et Maréchalerie) La fistule lacrymale est proprement un ulcère calleux et sinueux, dont le siège est à l'angle interne de l'oeil.

Si l'on consulte d'une part la disposition des parties sur lesquelles cette maladie s'exerce, et de l'autre les causes qui y donnent communément lieu ; malgré la déférence dû. aux auteurs qui ont travaillé à l'histoire des maux auxquels le cheval est sujet, on se persuadera difficilement que cet animal en a toujours été exempt, et qu'il ne saurait en être atteint. Ruini qui a consacré quinze chapitres de son ouvrage à l'exposition des infirmités de l'organe dont il s'agit, et qui parmi celles qu'il décrit compte, outre la fluxion lunatique, l'épiphora, c'est-à-dire un écoulement continuel de larmes, accompagné d'inflammation, de rougeur et de picotement, n'en fait mention que très-imparfaitement : tous les écrivains connus, qui l'ont précédé et qui l'ont suivi, se taisent entièrement sur ce point ; leur silence naitrait-il donc de l'impossibilité réelle de l'existence de cet ulcère dans le cheval, ou la difficulté de le reconnaître à des signes certains et très-sensibles, leur en a-t-elle dérobé la présence ? C'est ce qu'il est important d'approfondir.

Cette eau limpide, filtrée par la glande lacrymale, et à qui la cornée doit sa transparence, ainsi qu'à l'humeur aqueuse, n'était pas moins nécessaire à l'entretien de la netteté, de la flexibilité, de la mollesse, et de la mobilité des yeux du cheval que de l'homme. Ceux de l'un et de l'autre en sont également pourvus ; elle est versée lentement et sans-cesse entre le globe et la surface interne de la paupière supérieure. Le superflu de cette lymphe lacrymale, qui n'est pas toujours dans une juste proportion, poussé dans un espèce de canal, qui résulte de la forme et du concours des bords des paupières, est déterminé vers le grand angle. Là elle frappe contre la caroncule lacrymale, et ne pouvant surmonter l'obstacle que lui oppose cette digue, elle est renvoyée à quelques lignes du même angle, vers les orifices des points lacrymaux qu'elle enfile, et qui sont chargés de la reprendre : un canal répond à chacun de ces points ; et ces canaux, dénommés ainsi que ces mêmes points qui en sont les ouvertures, se rendent dans un réservoir appelé le sac lacrymal ; ce sac ou cette poche membraneuse m'a constamment paru plus petite que celle de l'homme. A peine a-t-elle reçu la sérosité qui lui est envoyée, qu'elle la verse et s'en décharge dans le canal nasal qui, percé dans l'os angulaire et pénétrant dans les fosses nasales, y vide la liqueur inutîle et surabondante dont il est question.

Supposons ensuite de ce détail anatomique, la grande acreté de cette liqueur, conséquemment à l'acrimonie de la masse du sang en général, ou conséquemment à quelqu'autre cause, il n'est pas douteux que la membrane qui forme le sac sera irritée ; elle se resserrera ; elle comprimera les vaisseaux répandus dans son tissu, et sera considérablement enflammée. Les larmes obligées dès-lors d'y séjourner, et se pervertissant toujours davantage, l'inflammation accraitra au point que les vaisseaux sanguins, et même les vaisseaux lymphatiques, souffriront une rupture, et le mélange disproportionné des liqueurs hors de leurs canaux, donnera incontestablement lieu à l'anchilops, c'est-à-dire à un abcès. La compression sur le canal nasal, causée par le poids de la matière purulente qui remplit le sac, la corrosion que cette matière y suscite, et les chairs baveuses qui en sont une suite inévitable, tout concourra à l'obstruction entière de ce canal. Il ne restera donc d'autre issue aux larmes et au pus, que celle que leur offriront les points lacrymaux, surtout lorsqu'une légère pression sur le grand angle les déterminera vers ces orifices. Ces points, ainsi que la caroncule, seront bientôt enflammés et ulcérés eux-mêmes. A ces exulcérations succéderont aussi des chairs fongueuses qui, bouchant les ouvertures par lesquelles on pouvait encore exprimer les liqueurs purulentes et les conduire au-dehors, les condamneront à être renfermées dans le sac, tandis que les larmes, nouvellement filtrées par la glande, se répandront à l'extérieur, de-là le larmoyement. Dans cet état, la matière close de toutes parts s'imprimera d'une manière funeste sur ce même sac, qu'elle rongera insensiblement ; mais le tissu de la peau qui le couvre étant pour elle un obstacle plus facîle à vaincre, elle le détruira peu-à-peu, et se fera jour près de la commissure des paupières à l'endroit du grand angle, où l'on apercevra un égylops, ou un petit ulcère très-commun dans les chèvres, par lequel le sac se dégorgera en partie. Enfin ses progrès continuant, et ce sac ayant entièrement cédé à ses atteintes, l'os angulaire, qui remplace ici l'os unguis, très-mince en ce lieu, et dénué de périoste comme dans l'homme, se cariera infailliblement, ainsi que les os voisins qui pourront s'en ressentir dans la suite, et alors le pus coulant avec les larmes dans les fosses nasales, l'épiphora cessera.

Telle est en peu de mots la marche de cette maladie, et telle est aussi son dernier degré. J'ose dire qu'il suffit d'apercevoir dans l'animal un assemblage de parties destinées à l'absorption de la lymphe lacrymale, qui ne diffèrent point de celles qui, dans le corps humain, sont préposées aux mêmes fonctions, pour les croire susceptibles des mêmes dérangements ; et si l'on ajoutait à cet argument, tiré de l'uniformité du mécanisme qui nous a frappé, ceux que suggère la source la plus ordinaire des altérations fréquentes de cet organe dans le cheval, tous les doutes s'évanouiraient. J'avoue que tous les signes de cette fistule ne se montrent point avec autant d'évidence au maréchal qu'au chirurgien ; l'inflammation de la peau se dérobe à sa vue ; la tumeur, pour être aperçue, veut être considérée de près ; le larmoyement, d'abord peu considérable, ou ne fixe point son attention, ou il en accuse une infinité d'autres causes ; il ne peut s'assurer par aucun moyen de la sécheresse d'une des cavités des nasaux, etc. mais la rougeur de la conjonctive, l'écoulement abondant des larmes, l'espèce de chassie qui agglutine les paupières en ce même lieu, l'ulcération des points lacrymaux et de la caroncule, le reflux de la liqueur purulente par ces points, l'égylops, et tous les autres symptômes que j'ai décrits, sont d'une nature à ne devoir pas lui échapper ; ainsi il est très-difficîle de ne pas attribuer le silence, dont je me suis proposé d'abord de rechercher la raison, ou à une profonde ignorance, ou à un oubli toujours condamnable.

Quoiqu'il en sait, certain et assuré de la possibilité de cet accident, que j'ai observé moi-même dans un cheval, accident qui peut non-seulement être occasionné, ainsi que je l'ai dit, par le vice de la masse, mais encore par des coups, par l'inflammation, et l'épaississement de la membrane muqueuse, si souvent attaquée dans l'animal par un polype situé très-avant dans une des fosses nasales, par les retours réitérés des fluxions, et principalement de celle que nous distinguons des autres par le terme de fluxion lunatique ; je me crois obligé d'indiquer les moyens d'y remédier.

Ils varient selon les degrés de la fistule et ses complications, et c'est aussi sur ces différents degrés que le maréchal doit asseoir son prognostique.

Il s'agit d'abord de fixer le cheval dans le travail, de manière qu'il ne puisse mouvoir sa tête en aucune manière. Voyez TRAVAIL. Lorsqu'il sera parfaitement assujetti, on comprimera avec le doigt l'endroit de l'angle interne, qui répond au sac lacrymal, pour reconnaître la qualité de la matière qui remplit ce sac. Si celle qui sortira par les points lacrymaux, est épaisse et d'une couleur verdâtre, la carie est certaine ; si elle est très-abondante et louable, on peut croire que les os sont sains, et n'ont point encore été affectés ; mais on doit se hâter de prévenir un semblable progrès. Le stylet a l'effet de désobstruer le canal nasal, et les injections d'eau d'orge et de miel rosat, sont dans l'animal les seules ressources que nous devons employer dans le dernier des cas dont je viens de parler. Elles m'ont réussi relativement au cheval que j'ai traité d'une pareille fistule. Je sondai le point lacrymal supérieur après avoir renversé la paupière supérieure pour le découvrir, dans l'intention de débarrasser le canal nasal des obstacles qui pouvaient s'opposer au cours de la matière et des larmes ; j'introduisis ma sonde le plus profondément qu'il me fut possible, après quoi j'injectai par le point lacrymal inférieur, la liqueur dont j'ai prescrit la composition, et à laquelle le stylet venait de frayer une route, observant de faire une légère compression sur la tumeur, afin que cette liqueur poussée dans ce sac ne donnât point lieu à une plus grande dilatation. Je m'aperçus dès le quatrième jour, qu'elle s'était fait un passage dans les nasaux ; je réitérai cinq ou six fois mes injections, et les chemins naturels furent ouverts de manière que tous les accidents cessèrent.

Si ce procédé n'avait point été suivi d'un succès aussi heureux, je me serais déterminé à faire l'opération que demande et qu'exige la fistule compliquée ; car l'impuissance où nous sommes de tenter la voie de la compression, ainsi qu'on le pratique dans l'homme, et l'avantage d'accélérer surement la guérison d'un animal que nous pouvons traiter avec moins de ménagement, sont des motifs qui doivent nous empêcher de balancer dans des conjonctures semblables.

Pour cet effet, j'aurais mis le cheval dans la même position ; j'aurais fait mon incision avec un bistouri courbe, un aide me secondant, et s'occupant du soin d'affermir la peau de l'angle interne, et de contenir les paupières. Cette incision aurait pénétré jusqu'aux os, et j'aurais eu l'attention de diriger mon instrument de façon à ne point intéresser la commissure de ces mêmes paupières, et à ne point offenser des vaisseaux. J'aurais ensuite dilaté la plaie, dans laquelle j'aurais glissé quelques bourdonnets, afin de la rendre plus vaste, et je les aurais assujettis par le moyen d'un des côtés des lunettes. Voyez LUNETTES. Le lendemain, les os étant à découvert, j'aurais porté la pointe d'un stylet sur l'os angulaire. Le maréchal n'oubliera pas qu'il est au grand angle une légère éminence osseuse et pointue, dont on peut s'assurer avec le doigt : cette éminence peut lui servir de guide. L'introduction de son stylet doit se faire directement au-dessous, et il lui fera décrire une ligne un peu plus oblique, de haut en bas, que celle que le chirurgien suit à l'égard de l'homme, la partie inférieure de l'orbite ayant une assiette plus large dans le cheval ; à la faveur du stylet fixé où je l'ai dit, il glissera une sorte d'entonnoir emmanché, dont l'extrémité taillée en biseau, appuyera fermement sur l'os ; il retirera son stylet, et son entonnoir lui facilitera le moyen de cautériser et de percer ce même os avec un bouton de feu, sans donner atteinte aux parties voisines. L'ouverture étant faite, il ôtera et le cautère et l'entonnoir. On doit être certain que le bouton de feu a produit son effet, lorsque l'air sort par la plaie, les nasaux étant serrés et comprimés. S'il y a carie, on remettra l'entonnoir que l'on aura fait refroidir dans l'eau, et on glissera de nouveau un autre bouton de feu plus large, car il faut la détruire et la consumer entièrement.

Mais quel est le pansement méthodique qui doit suivre cette opération ? L'objet qu'on doit se proposer se réduit à procurer l'exfoliation de l'os brulé, et à maintenir le canal artificiel qui doit désormais fournir un passage aux larmes. Le maréchal introduira donc d'abord une sorte de bougie de plomb dans le trou pratiqué à l'os, et il l'y fixera ; il garnira ensuite la plaie de bourdonnets enduits de baume d'Arceus ou de quelqu'autre digestif, auxquels il substituera dans la suite des bourdonnets trempés dans l'huîle de gayac, s'il y a eu une carie. Il appliquera enfin un collyre rafraichissant, et maintiendra tout son appareil avec l'une des espèces de chapeaux qui constituent les lunettes : il saignera l'animal trois heures après l'avoir opéré ; il le tiendra à une diete sévère, à un régime exact, au son, à l'eau blanche ; il attaquera le mal jusque dans sa source, par des remèdes intérieurs administrés ; et sur la fin de sa cure, lorsqu'il s'apercevra que l'exfoliation est faite, qu'il n'y a plus de larmoyement, et que les chairs qu'il aura toujours eu soin de reprimer sont louables, il hâtera la cicatrice au moyen des remèdes balsamiques et dessicatifs. C'est ainsi que, guidé par l'analogie et par la connaissance de l'économie animale, il trouvera dans les lumières qui éclairent la Chirurgie, une grande partie de celles qui peuvent contribuer aux progrès de son art. (e)

FISTULES ou CANAUX, (Jardinage) se rassemblent en forme de reseaux, et forment des faisceaux perpendiculaires, tant pour porter le suc nourricier dans les parties les plus élevées des arbres, que pour respirer par les plus gros d'entr'eux. Ce sont les trachées des plantes, ainsi que les poumons dans les insectes. (K)

* FISTULE ou PETITE FLUTE, (Lutherie) c'était dans la musique ancienne un instrument à vent, semblable à la flute ou au flageolet. Voyez FLUTE.

Les principaux instruments à vent des anciens, étaient la tibia et la fistule. A l'égard de la manière dont ces instruments étaient faits, ou en quoi ils différaient l'un de l'autre, ou comment on en jouait, cela nous est absolument inconnu. Nous savons seulement que la fistule était faite de roseau, et que par la suite on employa d'autres matières pour la fabriquer. Quelquefois la fistule avait des trous, quelquefois elle n'en avait pas ; souvent elle n'était composée que d'un seul tuyau, et quelquefois elle en avait plusieurs, comme la flute de Pan. Voyez FLUTE.